Chapitre 10 : La Lettre

~ Delyth ~

La Nymphe n'avait rien dit quand elle avait vu son amie revenir d'un couloir, même en sentait la multitude d'émotions qui lui brouillaient l'esprit. Cependant, au cours de l'après-midi, Aron s'était étrangement montré très prévenant. Il porta le sac d'Elyana, restait auprès d'elles à la pause.

Son comportement avait complètement changé et Elyana se demandait s'il ne s'était pas passé quelque chose. D'autant plus que Delyth et lui s'échangeaient des regards amusés à tout bout de champs.

— Vous sortez ensemble ? osa enfin demander la Dryade alors qu'elles sortaient de l'établissement.

— Non ! assura Delyth en riant.

Son regard se porta automatiquement sur Aron, entouré de deux autres lycéens à côté de la fontaine massive. Elle se doutait qu'il entendait tout, surtout qu'il lui fit un clin d'oeil amusé.

— Toutefois, continua Delyth, on a passé une sorte d'accord. Disons qu'on s'entraide. Pas mal pour une première journée, non ?

Plutôt distraite, Elyana hocha la tête pour seule réponse. Elles rentraient chez elles par le même chemin qui les avait amené au lycée. Delyth se sentait déjà bien mieux. Elle avait plusieurs choses en tête : ses devoirs, les élèves et les examens. Autant de sujets qui la déviait du sujet des Lycanthropes.

Certains lycéens restaient sur place, vivant dans un internat qui se trouvait derrière le lycée, plus loin dans la forêt. Ses accommodements étaient prévus pour les Monstres, surtout quand ils pouvaient se montrer instables. Il s'agissait aussi d'un lieu pour les Monstres orphelins, qui pouvaient difficilement se rendre en famille d'accueil.  Plusieurs lycéens venaient de très loin, il existait peu de structures aussi bien gardées qui pouvaient accueillir autant de personnes.

L'établissement lui-même comptabilisait pas moins d'un millier d'élèves. À voir le bâtiment de face, il paraissait étonnant que tant de personnes puissent y étudier. Mais à l'intérieur, on s'apercevait de son immense superficie, étant non seulement long, il était également large en plus d'être pourvu de trois étages. Delyth se retourna une fois encore avant que le bâtiment ne disparaisse de sa vue. Il fallait cinq bonnes minutes pour traverser le chemin qui menait à la route. Le trajet lui rappelait la route de terre qui précédait le Village des Lycanthropes. Un petit pincement au cœur lui fit se souvenir qu'elle ne pourrait plus y retourner. Cela faisait toujours aussi mal.

Elle enchaîna les actions avec mécanisme, suivant Elyana distraitement, jusqu'à apercevoir qu'elles étaient déjà de retour à leur domicile. A peine arrivée, Delyth partit se réfugier dans sa chambre sous le prétexte qu'elle avait des devoirs à rattraper. Son coffre à trésor l'attendait, débordant de souvenirs précieux et douloureux. Elle le repoussa du pied et s'allongea sur le tapis moelleux. Mais soudainement, elle en eut assez de se lamenter. Le mieux étant de rester assez occupée pour penser constamment à autre chose. Avec le temps, la douleur serait moins présente. Dehors, la nuit était déjà tombée, en automne les jours raccourcissaient constamment. Elle se pencha sur sa table de nuit et actionna sa lampe de chevet, qui illumina la petite pièce d'un éclat jaunâtre. Et c'est à cet instant que son regard se posa sur une petite enveloppe blanche.

Elle la retourna et vit son nom écrit en italique, suivi de sa nouvelle adresse postale. Elle lui était bien adressée mais jamais elle n'avait vu pareille écriture qui s'apparentait presque à de la calligraphie. Curieuse, elle l'ouvrit sans attendre. A la première lecture, il lui semblait qu'une de ses amies se plaignait car elle avait disparue de la circulation un bon moment. Mais plusieurs détails la perturbaient. Tout d'abord, elle ne s'était jamais entendu avec aucune fille avant de devenir amie avec Elyana et les louves-garous. Ensuite, certains détails évoqués ressemblaient à ce qu'elle avait vécu mais pas avec une certaine « Charline » mais... avec Faël. Lui seul pouvait savoir son caractère à l'école primaire, par exemple. Elle relu alors la lettre d'une manière différente, en envisageant que son ami lui avait envoyé de manière anonyme.

« Chère Delyth,

Cela fait maintenant plusieurs semaines que tu sèches les cours, c'est inadmissible !  Ou alors, tu as changé de lycée, c'est pour ça que tu as manqué la rentrée ? Pour la peine, j'ai voulu aussi arrêté les études mais mon père était totalement contre. Je voulais montrer à quel point j'étais sérieuse alors j'ai tenté de fuguer. Autant te dire que c'était vouée à l'échec ! 

Tu te souviens, quand on avait sept ans ? On avait voulu s'enfuir pour visiter la France, alors on avait préparé un sac à dos avec des biscuits et une bouteille de lait avant de prendre un bus en direction de la gare de Londres. Ce jour-là, on avait même pas réussit à attendre la ville, ton père nous à tout de suite retrouvées. Mais c'était si drôle de faire des bêtises ensemble. 

Eh bien... je peux te l'assurer, fuguer seule est beaucoup plus compliqué. A vrai dire, je n'ai même pas réussi à aller au bout de mon idée. Mon père a tout de suite compris. Depuis, je suis punie dans ma chambre. Comme si ça ne suffisait pas, il m'emmène aussi en cours le matin et le soir. Il a perdu toute la confiance qu'il avait en moi. Je me sens mal d'avoir agit comme une enfant mais maintenant c'est trop tard pour retourner en arrière. 

Mais toi, comment vas-tu ?
Je commence à m'inquiéter pour toi, personne n'a de tes nouvelles. J'espère que tu pourras au moins répondre à ma lettre. 

Toi aussi, tu es punie pour avoir fait n'importe quoi pendant les vacances ?
Je suis certaine que ce n'est pas si terrible !

Tu me manques, petite biscotte ! Oups, je sais que tu détestes ce surnom. :X
Charline

P.S: Ce serait tellement génial si l'on pouvait se revoir. »

Delyth observa l'enveloppe, l'expéditeur, Charline Stewart, avait écrit son adresse postale. Sur le cachet de la poste, ils indiquaient le mois de septembre. Le cœur battant à cent à l'heure, elle courut jusqu'au rez-de-chaussée et attrapa les mains de son père.

— Papa, la lettre, fit-elle en lui désignant, on l'a reçu dans la boite aux lettres ?

— Quelle lettre ? Ah, oui, celle-là. Je l'ai reçu depuis quelques semaines. Je suis désolé, je ne te l'ai pas donné avant car tu n'étais pas vraiment en état de la recevoir et je ne voulais pas la lire sans ton consentement. C'est important ?

— Heu... c'est une amie de mon ancien lycée ! mentit-elle, sentant son coeur redoubler de vitesse.

Cadeyrn, assit sur le canapé, lui lança un regard étrange voire suspicieux. Il ne faisait pas bon de mentir en présence d'un Incube. Même Elyana semblait voir que quelque chose clochait. Par chance, ce bon vieux Draconis ne vit rien et sourit à sa fille.

— Tu pourras poster ma réponse demain, en allant travailler ? supplia-t-elle.

— Pas de problème, tu n'auras qu'à la mettre sur le meuble de l'entrée.

— Super, merci !

Le visage souriant, elle remonta les marches deux par deux, ayant juste le temps d'entendre les deux hommes débattre.

— Tu crois qu'elle a un petit-ami ? plaisanta Cadeyrn avec un sourire dans la voix.

— Certainement pas ! se lamenta Aeddan. C'est ma fille, elle est condamnée à vivre avec son vieux père pour toujours !

— Tu rêves, papa dragon !

— Tu en penses quoi, Elyana ?

Delyth ne le saura jamais car elle avait déjà disparu dans sa chambre, la porte étouffant les paroles de la jeune Dryade. Ne restait plus qu'à rédiger une réponse. À travers la lettre de Faël, elle supposait qu'il avait voulu partir de la Meute mais sans y parvenir. Depuis, il serait sous surveillance mais elle ne savait pas s'il pouvait vraiment sortir de là-bas. Elle le supposait sans en être certaine. Alors elle poserait des questions qui pourrait l'aiguiller.

" Charline !

Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de tes nouvelles. Mon portable était cassé, c'est peut-être pour ça que tu n'as pas réussi à me contacter !

Ne me cherche plus au lycée, j'ai été transférée dans un autre établissement. Il est plutôt cool, j'y ai même trouvé une meilleure amie, qui vit en colocation avec moi aussi, si c'est pas parfait !

Alors ne t'inquiète pas pour moi et travaille bien au lycée, même si je suis triste de ne pas être avec toi pour notre dernière année. Qui sait, peut-être ira-t-on dans la même université ?

Aussi, n'essaye pas de fuguer, c'est totalement stupide et inutile. Tu comptes partir où ? On a plus sept ans !

Toi et les copines, vous me manquez. Je pense souvent à vous ces derniers temps.
Mes vacances m'ont parues vraiment courtes, je ne réalisais pas bien que le temps filait autant. Je m'en veux un peu de l'avoir gâché. Mais je ne peux pas revenir en arrière, n'est-ce pas ?

Tu m'as demandé si ça allait : non, pas vraiment, je ne peux pas dire que je vais bien. Mais ça va mieux qu'avant. Depuis que je suis en terminale, je mémorise mieux mes leçons. Je comprends mieux les cours et j'arrive à appliquer correctement les formules en maths. J'ai même eu des tuteurs particuliers pendant les vacances. Maintenant, un ami m'aide à me concentrer sur mes études, je l'aide aussi un peu en retour.

Je ne suis jamais seule mais je me sens quand même toujours seule.

Je suis désolée d'avoir quitter la classe aussi soudainement, j'ai été beaucoup malade mais je n'aime pas en parler.

Ce qui importe,  c'est que je vais mieux. Je le répète encore, mais tant pis. Cette lettre n'aura pas de brouillon.

Il n'y a presque plus de place. Mais je voudrais de tes nouvelles, c'est possible ? Tu as un numéro de portable ? Je te donne le mien : 0********* .

Quoi que, j'apprécie les lettres. Elles ont un côté authentique et éternel.

A plus tard j'espère !
Ta biscotte (même si je déteste ce surnom). "

En réalité, lorsqu'ils étaient en primaire, Delyth adorait ce surnom. Elle se mettait même à pleurer quand Faël oubliait de l'appeler ainsi. Mais un jour, elle n'avait plus voulu l'entendre. Peut-être avait-elle changé d'avis, ou mûrie ? Toujours est-il qu'après cet instant elle n'avait plus jamais entendu ce surnom de la bouche de son meilleur ami. Mais le voir même à travers une lettre qui n'était même pas écrite de ses mains... cela lui faisait terriblement du bien.

Elle pliait la feuille en trois et la glissait dans une enveloppe blanche en recopiant le nom et l'adresse de la fameuse Charline Stewart. Elle n'écrivit pas son adresse, car il la connaissait déjà.

Le lendemain matin, elle rappela à son père une bonne dizaine de fois qu'il ne devait pas oublier la lettre. Cela amusait Cadeyrn qui demandait avec entrain si Delyth avait un amoureux secret. Elle répondit avec conviction qu'il n'en n'était rien mais sentait ses jours s'échauffer. Avait-il senti son afflux d'énergie ? Savait-il qu'elle s'était récemment nourrie ?

Elle savait qu'elle ne devait éprouver aucune honte à parvenir à obtenir de l'énergie mais simplement être fière. Pourtant, le moyen qu'elle avait usé pour en obtenir n'était pas des plus innocents. Elle appréciait pourtant Aron, quand il ne se comportait pas en abruti. Mais elle était embarrassée d'avance de le rencontrer en cours dans une heure à peine.

Ce constat la fit sourire. Si elle parvenait à faire assez abstraction de ses problèmes pour s'inquiéter d'un garçon, alors elle était satisfaite de la tournure que prenait les choses. Elle espérait simplement qu'il en était de même pour ses amis Lycanthropes. Elle voulait qu'ils soient heureux également au même titre qu'elle.

Oui, elle souhaitait leur bonheur de tout son coeur.

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