« Bonjour »

C'est ce que je répétait chaque jour à ma mère en sortant de ma chambre. Ces jours-là, j'étais fatiguée de me lever aux aurores pour aller à l'école et voir ma maîtresse insupportable, elle qui ne savait différencier un élève d'un objet auquel on apprend des choses. Ce mot-là, je le disais à plein d'autres personnes comme ma mère, ma sœur, mes amies, et même ma prof, car c'était soi-disant la chose la plus horrifique au monde de ne pas lui dire bonjour. Bref, il m'aidait à commencer ma journée, me faisant sortir de mon sommeil éveillé pour pouvoir le prononcer ( ma langue étant toute flasque en début de journée ).

 Après ça, je prenais de quoi manger dans la cuisine et buvais mon chocolat chaud silencieusement. Chez moi, personne ne parlait beaucoup. Enfin sauf ma sœur - un moulin à parole pour ne pas dire- et la seule animation du matin était quand Kio se réveillait, les cheveux en pétard, sa voix ressemblant à celle d'une chèvre qui accouche, sa peau aussi mulâtre ( métis ) que la mienne, toute éraflée par la bave et les cernes qui se dessinaient sur son visage. Pour tant de fois où c'était arrivé, ça me faisait toujours bien rire intérieurement. Puis ma mère m'amenait à l'école... je me rappelle que, pour ne pas trop déprimer elle me disait " rappelle toi toujours d'une chose : où que tu aille il y aura toujours quelque chose d'embêtant ou qui te gênera : alors garde le sourire et dis toi juste qu'il y a toujours du bon dans ce que tu fais"... je ne me rends compte que maintenant à quelle point cette phrase est importante...

 Après cela je rejoignais ma classe de CM1 dans laquelle chaque élève était aussi bête et énervant les uns que les autres. Voilà, en gros, je n'avais pas la meilleure vie au monde, mais ça me suffisait amplement. J'avais l'amour de ma mère, celui de ma sœur, un toit, de quoi se nourrir et c'était parfait. 

Mais ce jour-là, ça avait changé. Ce jour-là, j'ai provoqué ce qu'on appelle un drame... Depuis ce jour-là, on m'appelle le "monstre".