CHAPITRE 1

I"You, see me through,

I was alone in the dark and the fear was my truth"

— All that you are de Goo Goo Dolls

DAVID

 — C'est prouvé, Iron Man est plus fort que Batman, faut te le rentrer dans le crâne !

— Tu te fous de moi ! Iron Man sans son armure, il n'est rien, que dalle !

Deux heures que mes deux meilleurs amis sont sur ce débat stupide et ennuyeux. Je ne sais plus le nombre de fois où j'ai levé les yeux en l'air et soupiré. Pourquoi me suis-je lancé dans ce club de gaming et de super héros ? Ah oui... réunir tous les geeks du lycée. Je me suis vite rendu compte qu'on était trois, moi y compris. De toute façon, dans quelques mois, il n'existera plus. C'est la décision du principal et j'étais d'accord avec lui. En plus, il n'apparaîtra pas dans les pages du year book et personne ne s'en souviendra. Au fond, quel est le pire : être aussi populaire que Booster Gold, ou que tout finisse par tomber en morceaux ?

— Bon, les mecs, il est dix-huit heures, la séance est finie. On se retrouve la semaine prochaine au même endroit.

Une impression de liberté m'envahit lorsque j'ouvre la porte pour les laisser partir : terminer les débats longs et épuisants. Mes amis me saluent tandis que je reste pour ranger et fermer la salle.

À peine la clé insérée dans la serrure que je me retrouve plaqué contre un casier :

— Salut David, me lance James accompagné de ses sbires.

Parmi tous ceux du lycée, il fallait que je me fasse harceler par le bras droit de The Tyrant, alias Drew Leer. Depuis une dizaine d'années, la ville est plongée dans l'horreur et la division. Deux gangs en ont pris le contrôle, Drew au Sud, Ghost au Nord. Leur pouvoir s'arrête à la ligne de métro Blue Line qui sépare Chicago en deux et protège les quartiers qui l'entourent. J'aime appeler cette zone le No Man land. Si une guerre des gangs éclate, c'est pour cette zone qu'ils se battront. Chacun a ses méthodes pour faire respecter la loi, le premier par la terreur et les meurtres, le second par les menaces et les compromis. Sans l'avoir voulu, je me retrouve à être la cible de l'un des leurs.

Au premier abord, James ne leur ressemble pas, il a tout du premier de la classe, des bonnes notes, les cheveux parfaitement coiffés, les vêtements soignés, une carrure svelte et de taille moyenne. Seuls ses yeux le trahissent, froids et durs, le résultat du mal qu'il a déjà fait.

Tous les jours, avec ses amis, ils me jettent du soda à la figure, me critiquent, me bousculent et j'en passe. Avec le temps, j'ai appris à répondre avec sarcasme, à les ignorer et à être plus intelligent qu'eux, évitant à chaque fois de les provoquer. J'ai fini par me forger une carapace, laissant les injures s'écraser sur moi comme les balles sur Superman. Contrairement à certains, je ne suis pas seul, mes amis, ma famille et les comics sont là. Quoiqu'il arrive, je me répète : tu es plus fort que tout ça.

— James, qu'est-ce que tu me veux encore ? T'as pas des devoirs à faire ? je demande, désespéré.

— Je veux juste m'amuser.

Sans que je ne m'y attende, un coup de poing dans l'abdomen vient me couper le souffle et me plie de douleur. Il n'était jamais allé aussi loin. L'un de ses amis se joint à lui, tandis que les deux autres surveillent le couloir. Sans pitié, ils me frappent violemment. Je gémis de souffrance. Mes ongles s'enfoncent dans mes paumes pour ne pas crier. Je tombe à terre, sans défense et effrayé, la cible parfaite pour une bande de délinquants. Les coups de pieds s'enchaînent : mon abdomen, mon visage, mes jambes, tout y passe. Je tente désespérément de me protéger comme je peux, j'ai peur d'y rester.

James me relève avec violence, par le col de mon tee-shirt Marvel, me plaquant de nouveau contre les casiers. Je cache ma peur derrière un regard de défiance. Je ne lui donnerai pas la satisfaction de me voir pleurer ou d'être terrifié. De son côté, il observe mon visage marqué, le sang qui coule le long de ma joue, sur ma lèvre et il sourit avec fierté. Il me dégoûte. Comment peut-on être fier de s'en prendre à quelqu'un sans défense ? J'ai l'espoir que ce soit fini, qu'il me laisse tranquille. Mais un coup de genou dans le ventre et c'est reparti. Ça ne finira jamais !

Je suffoque. Désorienté, je tombe par terre, n'ayant pas la force de me battre. Mon visage est en sang et mes côtes me font souffrir, elles vont finir par casser. Grimaçant de douleur, immobile, recroquevillé une nouvelle fois sur le sol, attendant que cela se termine au plus vite.

— Laissez-le.

Cette voix grave et ferme n'est nulle autre que celle de Ryan McKainny, l'adolescent le plus craint de tout le bahut.

— Ryan, tu veux te joindre à nous ?

Dans un silence, ce dernier s'avance vers eux. Tel Ant-Man, je me rétrécis, terrifié qu'il s'en prenne à moi. Ma respiration est saccadée et mes larmes ne doivent pas couler.

— Sans-façon, répond-il froidement.

— Dommage pour toi.

À travers mes bras, je vois le pied de James se rapprocher.

— Si j'étais toi, j'éviterais, s'impose Ryan.

— Où sinon quoi ?

— Sinon je réduis chaque os qui constitue ton putain de corps. Est-ce que j'ai été clair ? menace-t-il d'une voix tranchante.

Timidement, j'enlève mes bras. James et Ryan se fixent avec haine, les poings serrés.

— Viens, on ne peut pas s'en prendre à lui, dit l'un de ses sbires.

Le bras droit de Drew l'écoute et ils disparaissent tous les quatre. Avec difficulté, je parviens à m'asseoir. J'ai mal partout et incapable d'ouvrir mon œil gauche. Je dois reprendre mes esprits et partir loin du lycée et loin de McKainny. Pourtant, il s'avance vers moi :

— Est-ce que ça va ?

Je sursaute quand il pose sa main sur mon épaule. Ce n'est pas à cause de la douleur, mais de la peur.

— Pas... Pas trop, je réponds hésitant, les yeux rougis.

Je cherche à reculer et bute contre les casiers. Il soupire tristement ; je crois que je l'ai blessé. J'ose enfin le regarder. Son visage est carré à la mâchoire puissante et incassable. Ses cheveux châtain foncé tombent en bataille sur son front. Ses sourcils épais renforcent le bleu de ses yeux glaçants. Mais en les observant de plus près, on arrive à distinguer le désespoir, la détresse et la colère. Des sentiments exacerbés par cette cicatrice qui parcourt son visage, et qui intrigue tout le monde. Personne ne sait ce qu'il lui est arrivé, du jour au lendemain, une vilaine balafre était apparue. Elle part du bas de sa mâchoire, passe entre ses deux yeux et finit sa course à gauche au sommet de son front. Dans le lycée, tout un tas d'hypothèses ont été lancées sur le sujet : certains pensaient qu'il était un tueur à gages et qu'une de ses victimes s'était défendue, d'autres qu'il faisait autrefois partie du gang de Drew, parfois même qu'il avait trempé dans des affaires louches et qu'une d'entre elles s'était mal passée. C'est par le mystérieux qui l'entoure que naît de la fascination et de la peur.

Ryan m'aide à me relever, me tend mon sac à dos, que je le glisse sur mon épaule avec douleur. Notre différence de taille me surprend. De loin, il ne paraissait pas si grand ni si baraqué. Je me sens tout petit à ses côtés, déjà que je ne dépasse pas mes propres amis... Mais là, je ressemble à Spider-Man à côté de Hulk.

— Tu devrais aller à l'hôpital. Si tu veux, je peux t'y emmener.

— Euh... Merci, mais ça va aller.

Tout doucement, je m'éloigne de lui. Mes terminaisons nerveuses sont en feu. Le court-circuit n'est pas loin. Mon corps m'envoie des alertes : arrête-toi ! Je ne l'écoute pas, ma mère va s'inquiéter si elle ne me voit pas rentrer. Mes pieds se traînent sur le sol. Ma main droite sur mes côtes gauches, je longe le mur. Ma tête me lance, je me retiens de vomir et voilà que le couloir se met à tanguer. Je n'arrive plus à avancer et me sens glisser. Ryan me rattrape avant que je ne touche le sol :

— OK, tu as raison en fin de compte, l'hôpital n'est pas une si mauvaise idée, je finis par admettre.

Je n'ai jamais été fan de la proximité. Mais je n'ai pas le choix. Il passe l'un de mes bras par-dessus son épaule, me soutenant pour marcher. Dans un silence de mort, il m'emmène jusqu'à sa vieille Chevrolet qui, étonnamment, tient encore debout.

Il m'ouvre la portière avant et me fait glisser sur le siège. Puis s'installe derrière le volant et démarre la voiture. Aucun de nous n'a envie de parler, mais surtout, nous n'avons rien à nous dire. Je fuis ses regards en observant les immeubles défiler par la fenêtre. Pourquoi n'ai-je pas appelé Eliott, Liam ou n'importe qui pour me ramener ? Pourquoi j'ai accepté son aide ? Pour me changer les idées, j'essuie fébrilement le sang de mes blessures, regarde mon portable en espérant que quelqu'un m'appelle et me sorte de cette ambiance oppressante...

— Arrête-toi, je me sens pas bien.

Il se gare sur le bas-côté. À peine ai-je ouvert la portière que je vomis sur le trottoir. La honte s'empare de moi et je veux m'enfuir. Mais une fois debout, je perdrai connaissance. Résigné, je claque violemment la portière et sans un mot, Ryan reprend la route. Apparemment, lui aussi souhaite que le trajet se termine. C'est quelques longues minutes plus tard qu'il se gare sur le parking. Avec difficulté, je m'extrais de la voiture.

— Tu veux que je t'aide ?

— Non, ça va aller.

Son regard pèse sur moi tandis que je m'appuie sur la carrosserie. Bon Dieu ! Il ne pourrait pas regarder ailleurs. Je me sens déjà assez humilié comme ça. Je réfrène ma colère et commence mon long périple. À chaque pas, mes jambes tremblent, mes poings se serrent et mon visage grimace sous la douleur. Allez, tu y es presque ! Mais, arrivé au bout du capot, je ne peux plus faire un pas. Et merde !

— Enfin de compte, je ne serais pas contre un peu d'aide, je lui avoue à contrecœur.

Tous les deux mal à l'aise de cette proximité. Il me cale de nouveau contre lui. Doucement, nous faisons les derniers pas jusqu'à l'entrée de l'hôpital. Sans prévenir, il s'arrête brusquement, manquant de me faire tomber. Je jure.

— Tu pourrais pas... Ryan, tout va bien ?

Il ne m'entend pas, semblant paralysé par ses souvenirs. Le corps tendu, les poings serrés et la respiration haletante. Il panique.

— Ryan, je l'interpelle en le secouant un peu.

— Oui... Qu'est-ce qu'il y a ? me répond-il confus.

— Je vais me débrouiller, tu devrais rentrer chez toi.

Il hoche la tête, encore troublé, il regagne sa voiture. Le voir si vulnérable me fait de la peine. D'habitude, il semble invincible, comme Hulk, mais leurs faiblesses se révèlent quand ils retrouvent leur humanité. Pourtant, son départ m'a soulagé. La pression, la honte et la peur se sont envolées.

J'appelle ma mère tout en me traînant à l'accueil. L'infirmière me dirige vers la salle d'attente.

Les patients défilent, se dévisagent et s'interrogent. Je fais de même et leur invente à chacun une vie. Au fond de la salle, on a Patrick, comme j'aime l'appeler. Visiblement agacé d'être là pour quelques bobos. À quelques sièges de moi, on a Martha comme le répète sa sœur. Apparemment, cette dernière l'aurait prise pour un voleur. Ensuite, on a monsieur bras cassé, ses parents ignorent qu'il est aux urgences. En rentrant, il risque de passer un sale quart d'heure.

— Mon Dieu, mais que s'est-il passé ? me demande ma mère, interrompant mes pensées.

— On m'a frappé, ça se voit, je réponds sur un ton sarcastique.

Ma mère n'a pas le temps de répondre qu'un médecin vient me prendre en charge. Il m'examine et me pose des tas de questions, comment je me sens et autres banalités.

D'après lui, rien n'est cassé, c'est plutôt un bon point. Il fait des points de suture sur mon arcade sourcilière gauche et ma joue, mais il préfère me garder en observation cette nuit par précaution.

Lorsque nous sommes enfin seuls dans la chambre d'hôpital, ma mère m'interroge :

— Qu'est-ce qui s'est passé ? Qui t'a emmené ici ? Tu te sens bien ? Tu as besoin de quelque chose ?

— Maman, je vais bien. Tu devrais te...

— Non, me coupe-t-elle, rien ne va, regarde l'état dans lequel tu es. C'est James, c'est ça ?

Je soupire et hoche la tête.

— Il a dépassé les limites ! La prochaine fois, c'est quoi ? ! La mort ? !Je ne le laisserai pas faire ! Demain, on ira voir le principal, que tu le veuilles ou non ! Ensuite, je t'inscrirai à la boxe ! À l'avenir, tu sauras te défendre.

— Maman, on parle du bras droit de Drew Lire, qu'est-ce que tu veux que le principal y fasse ? Ce sera pire, parce qu'on aura osé s'attaquer à l'un des leurs.

Elle me prend la main, me regarde avec détermination et me répond :

— Je prends le risque.

Depuis que mon père est parti, ma mère fait tout pour me protéger. Elle avait peur que je ne m'en remette pas, que je le déteste toute ma vie, que je veuille le retrouver. Cependant, cet homme est un inconnu à mes yeux, elle, non. Je refuse de la perdre pour une bande d'idiots qui n'en vaut pas la peine. Mais je n'ai pas mon mot à dire, elle ne lâchera rien, comme la Wonder Woman qu'elle est.

Ma mère est parvenue à s'endormir, c'est bien la seule. Aucune position ne me convient, chaque partie de mon corps en contact avec le matelas me fait mal. Malgré tout, c'est encore supportable, comparé aux flashes de l'agression imprimés sous mes paupières. Je ne cesse de me voir, recroquevillé sur le sol, paralysé par la peur et ressentant tous les coups comme si on me les donnait à l'instant. Mais une seule image persiste, le visage de Ryan. Malgré le fait de m'être senti impuissant, faible et humilié, l'unique chose qui m'obsède c'est la raison de son intervention. Qui est-il vraiment ? Il n'a rien du monstre qu'on m'a tant de fois décrit. Je suis décidé à savoir ce qu'il cache et ce qui le terrifie à ce point... 

« Tu me vois à présent,


J'étais seul dans l'ombre et la peur était ma vérité »


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J'espère que ce premier chapitre vous a plu. Quels sont vos premiers impressions sur David et Ryan ? :D

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