Le coffre



         Il faisait froid. Très froid. L'homme, une pelle à la main, creusait depuis des heures sans s'arrêter. Ses traits, tirés par une grimace causée par l'effort, témoignaient d'un âge certain. Il y avait une certaine vigueur dans ces mouvements, celle d'un homme décidé. La sueur mouillait ces cheveux noirs qui s'étaient teintés de gris au fil des années. Le bruit de la pelle se plantant dans le sol semblait le bercer et l'encourager à continuer malgré la fatigue.

          Mr Erdwin, car tel était son nom (ou, du moins, celui qu'il s'était donné), regarda le trou qu'il venait de creuser, le jugeant, l'estimant, comme le fait un peintre une fois son œuvre achevée. Ses yeux se reportèrent alors sur le coffret qui semblait patienter à ces pieds. C'était une petite malle assez simple, en bois cerclée de fer. Il observa alors les alentours, par peur de se faire épier. En cette période, il est facile de croiser des gens malintentionnés errants dans les forêts des Alpes. Il tendit l'oreille un instant, et, n'entendant que le vent remuer les branches des sapins et les oiseaux chanter, il se retourna vers le coffre.

          Il se décida enfin et souleva la lourde malle, faisant tinter son contenu, d'un bruit rappelant les pièces qui s'entrechoquent. Il la cala au fond du trou qu'il venait de creuser à la sueur de son front et se mit à le reboucher frénétiquement, tout en vérifiant régulièrement qu'il ne se faisait pas épier. Il avait ce sentiment d'anxiété profonde qu'à un voleur débutant face à un policier, celui qui vous persuade qu'à tout moment il peut comprendre ce que vous aviez fait, une paranoïa agressive, qui vous fait  imaginer qu'il a tout compris à travers ces gestes ou le ton de sa voix. Il semblait au vieil homme qu'une personne l'observait et attendait le bon moment pour agir. Quand, enfin, il eut rebouché et recouvert de neige le trou, il scruta longuement les alentours, fouillant d'un regard inquiet l'ombre des pins, sursautant au moindre craquement de branche. Au bout de quelques minutes, l'envie de retourner près du feu prit le dessus, et il partit en direction de sa maison. 

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