Chapitre 43

Les deux élèves se réveillèrent en sursaut. Rikimura les tenait d'une main chacun afin de relier leurs souvenirs.

_ Bon, fit-il. Maintenant que vous êtes réveillés, je pense que vous devriez vous expliquer.

Il se leva et partit derrière le canapé, observant dans la vitrine de l'étagère.

Shota et Hizashi regardaient fixement un point dans le vide. Aucun des deux ne semblait vouloir dire quoi que ce soit, ne serait-ce que sur ce qu'ils venaient de voir.

Hizashi était brisé ; voir les souvenirs du noiraud l'avait beaucoup affecté, et il comprenait à quel point ce qu'il avait fait l'avait blessé.

Shota était vide. Il avait compris qu'il était tout pour le blond. Cependant, l'amertume de sa trahison, même involontaire, l'empêchait de l'excuser.

Finalement, c'est Shota qui prit la parole, brisant ce silence de mort :

_ Je sais que tu es désolé, Hizashi. Je sais que ce que tu as fait n'était pas volontaire. Mais je n'arrive pas à te pardonner, alors, laisse-moi du temps.

En entendant ça, Hizashi sentit son cœur se briser en mille morceaux. Mais il eut tout de même la force de répondre :

_ Ouais, je... je comprends, Shota. Prend le temps que tu veux.

Et sur ces mots, Shota se leva et sortit de la pièce. Hizashi laissait dévaler ses larmes. Il avait mal au cœur.

Rikimura, qui avait assisté à toute la scène, était dépité de ne rien pouvoir faire. C'était mal, mais il s'était pris d'affection pour ces deux élèves, et pourtant, il ne pouvait rien faire. Après tout, il n'était que le directeur, il n'avait pas à forcer deux amis à se réconcilier.

Il se rapprocha du blond et l'enlaça pour calmer sa peine, même s'il savait que ça ne serait que temporaire.

***

Les jours passèrent, et Shota ne parlait plus à Hizashi. Il était comme une coquille vide, et il souffrait. Mais il n'avait toujours pas la force de lui pardonner.

Hizashi, lui, était dévasté. Il aimait Shota, plus que tout ; il en était plus que certain à présent. Mais ne plus être à ses côtés, ne plus pouvoir lui parler le faisait souffrir atrocement.

Parfois, en classe, le blond risquait un regard vers son voisin, mais celui-ci fixait autre chose, le vide.

Leur histoire avait fait le tour de l'école, et si la plupart des élèves, notamment les filles, semblaient heureux qu'ils ne soient plus ensemble, et qu'Hizashi Yamada fut à nouveau célibataire, certains, surtout les élèves de la classe 1-A, essayaient de les faire se réconcilier, en vain. Car maintenant que Yoshiya, Toyama et Saito étaient définitivement exclus de Yuei, il n'y avait plus aucune raison pour que nos deux protagonistes ne soient pas heureux.

Et pourtant, même en arrivant chez eux, Shota faisait en sorte de ne plus croiser Hizashi dans les couloirs, le salon, ou même en sortant de sa chambre ou de la salle de bain.

Et comme si ce n'était pas suffisant, les parents de Yamada étaient mis au courant pour les multiples relations sexuelles qu'il a eu avec des filles, mais aussi qu'il était en relation avec Shota depuis trois mois. Ils avaient refusé catégoriquement son choix, même si Shota Aizawa était un jeune garçon correct, poli et gentil, bien que discret et peu bavard.

En clair, ils refusaient que leur fils aimait les garçons autant que les filles. Visiblement, coucher avec cinq filles dans la même demi-heure était moins important pour eux que d'aimer un garçon.

Puis arriva le 8 novembre, la date d'anniversaire de Shota Aizawa.

Pour lui, cette date était un jour comme les autres, si ce n'était qu'il devait se souvenir qu'il était né ce jour-là.

Jamais il ne l'avait fêté, et jamais il ne le fêterait sûrement. Mais ce jour-là, quelque chose sera différent.

Après les cours, il se rendit dans le bureau du directeur. Cela faisait des jours qu'il n'y était pas allé, et peut-être celui-là sera le dernier.

Il frappa et entra. Rikimura était debout contre la vitre.

_ Bonjour, Aizawa.

_ Bonjour, Rikimura-sensei.

_ Qu'est-ce qui t'amène, aujourd'hui ?

_ Rien de particulier, juste vous dire quelque chose.

_ Je vois.

_ Sensei, je voulais juste vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi.

L'adulte se tourna enfin vers lui, et lui fit un sourire tendre en lui répondant :

_ Tu n'as pas besoin de me remercier pour ça, Aizawa.

Il lisait en même temps dans l'esprit du noiraud, et son regard s'attarda sur sa poche : un objet long était visible à travers le tissu.

_ C'est tout ce que je voulais vous dire.

_ Ah bon ? D'accord, je ne te retiens pas alors.

Shota s'apprêtait à partir, mais Rikimura l'arrêta un instant :

_ Aizawa ?

_ Oui ?

_ Joyeux anniversaire.

_ Merci. Mais vous savez comme moi que c'est un jour comme les autres.

_ Peut-être bien.

_ Bon, au revoir, sensei.

_ Bonne soirée.

Shota s'en alla, laissant le directeur seul. À peine fut-il sortit de la pièce que le brun s'empara de sa veste et de son téléphone et sortit à son tour, à la recherche de Yamada. Shota n'était déjà plus dans le couloir.

Le blond allait rentrer chez lui seul, le cœur brisé. Rikimura l'intercepta, alors qu'il traversait le couloir pour sortir.

_ Yamada !

Il s'arrêta et se retourna, et vit le directeur courir vers lui. Une fois devant lui, il lui demanda :

_ Aizawa, où est-il ?

_ J'en sais rien, monsieur. Mais bon, s'il ne vient pas me parler, c'est qu'il m'en veut encore...

_ C'est son anniversaire, aujourd'hui.

Le blond l'observa, bouche bée.

_ Il ne te l'a pas dit ?

_ Non... il ne me l'a jamais dit, même...

_ J'ai un mauvais pressentiment, Yamada !

_ Dans la classe !

Ils se ruèrent dans la classe des 1-A, mais Shota n'y était pas. Cependant, ses affaires étaient encore là.

_ Si ses affaires sont encore là, c'est qu'il n'est pas encore sorti de l'école ! Se dit Rikimura. Tu n'aurais pas une idée où il pourrait être ?

Hizashi réfléchit un instant, puis répondit :

_ Le toit...

***

Shota était assis sur la rambarde, de l'autre côté de celle-ci. Il avait enroulé ses bandes autour du tube de fer, l'autre bout autour de son cou, et dans sa main droite, il tenait un cutter rouge.

Il observait l'horizon. Le crépuscule était face à lui, le soleil couchant illuminait la ville de Musutafu, et plus loin, la mer scintillait sur toute la longueur de la plage.

Il se remémora le jour du festival de Yuei, avec Hizashi à côté de lui, tous deux à observer les feux d'artifice, main dans la main. Ce jour où il a ressenti pour la première fois du bonheur pur.

Hizashi... Il ne lui avait rien dit. Il l'aimait, alors il a préféré ne rien lui dire. Pour ne pas qu'il souffre davantage. Même s'il lui en voulait encore.

Ses cheveux à la couleur d'ébène étaient emportés au gré du vent, et sur son visage, il y avait un air de mélancolie.

Il consulta sa montre : 17h42. Et voilà, c'était le moment. Il y a quinze ans, jour pour jour, à cette minute précise, il était venu au monde.

_ Joyeux anniversaire, Shota, se dit-il, des larmes coulant de ses yeux.

Il leva les yeux au ciel, et dit dans le vide :

_ Maman, si tu m'entends, sache que je ne t'en veux plus de m'avoir abandonné. À vrai dire, ça m'est égal. Alors, aujourd'hui, je ne tarderais pas à te rejoindre. Tu peux m'en vouloir, ou tout simplement t'en foutre de moi, j'en ai plus rien à faire. Parce qu'il y a deux personnes qui compte plus que tout dans ce monde. Enfin, tu les as vu. Et je vais les quitter, tout comme toi tu m'as abandonné. Vois ça comme un abandon de ma part, si tu veux ; moi, tout ce que je veux, c'est arrêter de souffrir.

***

Rikimura et Hizashi déboulèrent sur le toit. Shota ne semblait pas les avoir remarqué, plongé dans son acte.

***

Il leva le bras, sortit la lame du cutter, et la posa sur sa gorge.

***

Les deux s'approchèrent de lui, en silence, pour ne pas le brusquer et le faire basculer de l'autre côté.

***

_ Bon, eh bien... Sans rancune, maman.
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Et sur ces mots, Shota passa la lame sur sa gorge.

_ Non ! Crièrent les deux individus derrière lui.

Du sang giclait de son cou, et il s'apprêtait à basculer en avant.

Rikimura courut et l'attrapa par le col juste à temps. Yamada vint l'aider, et ils le remontèrent avant de l'allonger sur le sol.

L'adulte ordonna à l'adolescent de presser sur l'entaille en recouvrant toute la blessure tandis qu'il appelait les urgences.

_ Shota ! Shota ! Ne me laisse pas, je t'en supplie ! Pleura le blond, désespéré.

_ Hi... zashi... fit-il faiblement. Pour...

_ Je te jure que si tu crèves, je te tue ! Alors ne meurs pas ! Je... J'ai besoin de toi !

Shota avait le regard vide. Il commençait à sombrer dans l'inconscience, tout était flou.

Une fois l'appel passé, Rikimura se baissa, les larmes aux yeux, et le gronda :

_ Putain, mais qu'est-ce qui t'a pris, Aizawa ?

_ Sen... sei... vous... deux... laissez...

_ Même pas en rêve ! Hurla Hizashi. Je t'aime trop pour te laisser !

_ On ne te laissera pas mourir ! Renchérit Rikimura. Oui, moi aussi je me suis pris d'affection pour toi ! Alors t'as pas intérêt à crever !

« C'est irrationnel... ils ne savent même plus ce qu'ils disent... »

Et c'est sur cette pensée que Shota finit par tomber totalement dans l'inconscience.

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