Lorsque Shota fut enfin habillé, il se rendit dans la chambre de son ami.

Il y était, attendant que le noiraud finisse pour l'accompagner dans la salle à manger. En croisant leur regard, ils devinrent écarlates et détournèrent les yeux.

_ Hizashi, commença le noiraud. On ne dit rien sur ce qu'il s'est passé dans la salle de bain.

_ Je confirme, acquiesçait le blond. On va manger ?

_ Oui.

Ils descendirent dans le salon, et trouvèrent le père d'Hizashi. C'était un grand homme blond, et charmant.

_ Oh ! Tu dois être Shota ! Je suis Tsukasa Yamada, ravi de faire ta connaissance !

_ Euh... Moi aussi...

Ils se serrèrent la main, puis partirent manger.

Shota s'installa juste à côté d'Hizashi, intimidé.

La mère vint et posa au milieu de la table une quiche.

_ Ce soir : quiche aux poireaux, annonça-t-elle en coupant la quiche.

_ Yeah !! S'écria Hizashi.

_ Hizashi ! On a dit pas d'alters à la maison ! Gronda le père.

_ Sorry ! Fit-il avec un sourire gêné.

Shota fut servi en premier, et ne cessait de fixer son assiette. La part de quiche sentait bon, et ça avait l'air appétissant.

Lorsque tout le monde fut servi, ils remercièrent pour le repas puis mangèrent.

Aizawa observait discrètement la famille Yamada, puis saisit ses couverts, et prit une bouchée de quiche.

Ses yeux brillèrent : c'était délicieux. Il fit en sorte de manger correctement, enfin essayait surtout de se retenir de se ruer sur son assiette, comme il le faisait lorsqu'il habitait avec son père.

_ Dis-moi, Shota-kun, demanda la mère, fière que son plat plaise à l'invité. Hizashi et toi êtes voisin de tables, en classe, non ?

_ Oui.

_ Il ne t'embête pas trop ?

_ Maman !

Shota se tourna vers le blond qui lui souriait bêtement, et répondit :

_ Non, ça va.

_ Tu peux me le dire s'il est bruyant.

_ Maman ! C'est bon !

_ Depuis le temps qu'il parle de toi à la maison !

_ C'est vrai ! Renchérit Nozomi en levant sa fourchette comme pour dissimuler des sous-entendus. Hizashi ne cesse de parler de toi dès qu'on est à table !

_ Nee-chan ! Tu vas pas t'y mettre aussi !

Et durant tout le repas, on discutait, mais on n'évoquait pas la famille de Shota, car la famille Yamada savait que c'était un sujet sensible pour lui ; leur fils les avait prévenu.

Shota, quant à lui, était admiratif de cette famille. Pas de dispute à table, pas d'insultes, pas de colère, juste de la joie et de la bonne humeur. C'était la première fois qu'il ressentait une telle ambiance lors d'un dîner en famille.

La mère se leva pour débarrasser la table et apporter le dessert. Nozomi fit de même, et Shota se souvint d'un repas de famille d'il y a cinq ans, où tous les jeunes aînés de la famille s'étaient levés pour aider à débarrasser.

Le noiraud se leva alors et prit l'assiette de chacun pour les empiler.

_ Assis-toi, Shota-kun ! Insista Kaori. Tu es l'invité, en plus, ce n'est pas à toi de faire ça !

_ Ne vous en faites pas, madame, laissez-moi vous aider.

_ Tiens, Hizashi, prend exemple sur ton ami ! Lui dit-elle d'un ton accusateur. Lui, au moins, est poli et serviable.

Shota rapporta le plat dans la cuisine, et s'apprêtait à revenir dans le salon, mais Kaori l'arrêta un instant et lui dit tout bas :

_ Hizashi m'a expliqué ton problème. Tu peux dormir chez nous tout le temps qu'il faudra, et si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à me demander.

Shota l'observa, et lui répondit :

_ Merci, madame Yamada.

_ Kaori, appelle-moi Kaori, pas madame !

_ D'accord, madame Kaori.

_ Tu es pas croyable ! Fit-elle en riant.

Ils revinrent dans le salon avec le dessert : un gâteau aux fruits rouges, le dessert préféré de Nozomi. Ils mangèrent avec appétit, puis débarrassèrent la table.

_ Merci pour le repas, c'était vraiment bon, remercia Shota en s'inclinant, avant de suivre Hizashi dans sa chambre.

Le temps qu'Hizashi prenne sa douche, Shota inspectait la chambre de son ami.

C'était une grande pièce, haut en couleurs et rempli de bibelots tous aussi inutiles qu'encombrants. Mais le noiraud y ressentait une ambiance chaleureuse, familiale...

C'était bien la première fois que Shota ressentait une telle sensation ; pas d'oppression, de colère ou de peur, pas de sentiment de mal-être ou de malaise...

Et le repas avec la famille Yamada lui avait déjà donné cet effet-là. À tel point que des larmes coulèrent sur ses joues.

Il ne se rendit compte pas tout de suite qu'il pleurait, trop occupé à réfléchir à cela : pourquoi était-il né dans une famille pauvre et détestable ? Pourquoi sa mère l'avait abandonné ? Pourquoi son père s'acharnait sur lui ?

Et surtout, qu'est-ce qu'Hizashi trouvait de bien en lui ?

Aizawa était connu pour être asocial, froid et distant. Jugé trop sérieux par autrui, et beaucoup trop rationnel également. Et avec son air habituellement blasé, personne ne pouvait savoir à quoi il pensait réellement. Et le pire, c'était que son alter n'arrangeait pas les choses, le rendant effrayant dès qu'il l'activait.

Shota essuya d'un revers de main ses joues et ses yeux humides et s'assit sur le lit, observant la chambre de son ami. C'était clair à présent : il était jaloux de son ami. Très jaloux, même.

Il y avait une étagère rempli de livres et de mangas. Le noiraud n'en avait jamais lu.

Il se leva et s'approcha de l'étagère, puis prit un livre au hasard, espérant oublier ces pensées sombres ; c'était l'histoire d'une jeune fille, un siècle avant cet ère, dans un monde où les alters n'existaient pas, qui arrivait à utiliser une sorte de magie par la seule force de l'imagination. Et apparemment, elle était la seule à pouvoir le faire.

Shota reposa le livre, et en prit un autre, un manga cette fois-ci. Vu le titre, ça ressemblait fortement à une histoire d'amour, et à en juger par la couverture, c'était une histoire d'amour entre deux hommes.

Intrigué, le jeune homme ouvrit le manga sur une page au hasard, et tomba sur des images douteuses. Il referma d'un coup sec le livre, le visage rouge, avant de le reposer à sa place.

Mais que lisait son ami ? Comment pouvait-il passer d'un livre de fantaisie à un manga probablement X ?

La porte s'ouvrit, et Hizashi apparut, vêtu d'un pyjama bleu clair.

_ Oh, tu regardes mes livres ? Fit-il en rangeant des habits. Tu peux en lire, j'en ai plein.

_ Merci, mais pourquoi y a des mangas avec des images euh...

Hizashi sursauta à l'entente de cette question puis se rapprocha de Shota et lui murmura :

_ Tu pourrais ne rien dire à mes parents, s'il te plaît ? Et aussi à ma sœur ? Ils sont pas au courant pour ça !

_ Euh, si tu veux.

_ Thank you !

Il revint à son sac de cours, et lui demanda :

_ Shota, tu sais où tu veux aller pour le stage ? Faut rendre la feuille demain.

_ Je crois, et toi ?

_ Oui, je vais chez Grace Voice, elle a un alter similaire au mien, alors ça va beaucoup me servir, et toi ?

_ Ninja Sonic, un héros ninja.

_ Connais pas !

_ C'est un héros underground, il est spécialisé dans les combats de type ninja, au corps à corps, et tout ce qui est effet de surprise.

_ C'est quoi, son alter ?

_ Vitesse supersonique.

_ Tu sais que ça va être compliqué ?

_ Ouais, mais c'est ce qu'il me faut pour que j'apprenne à me battre.

_ Je sais que tu vas réussir !

_ Merci.

Après avoir rempli les papiers, ils partirent se coucher, Shota dans le lit de son ami, celui-ci qui dormait sur un matelas par terre, le lit étant trop petit.

Après une bonne demi-heure où les paupières du noiraud se faisaient lourdes, le blond chuchota :

_ Shota ?

_ Mmh ?

_ Tu dors ?

_ J'allais le faire, crétin.

_ Ah, pardon... Dis...

_ Mmh ?

_ C'est quoi ton orientation sexuelle ?

Shota se redressa pour lui faire face, surpris.

_ C'est quoi, cette question ?

_ Je voulais juste savoir... On est amis, après tout.

_ On parle de ça entre amis ?

_ Bah oui !

_ J'en sais rien.

_ Comment ça, t'en sais rien ?

_ Je ne suis jamais tombé amoureux. Et je pense que l'amour est futile et irrationnel.

_ You think so much !

_ Et toi, alors, si tu me poses la question ? Demanda Shota en se recouchant.

_ Je sais pas, je crois être bi.

_ T'es pas sûr ?

_ Ouais... Je pensais être hétéro, vu que j'ai eu plusieurs copines au collège, mais j'ai l'impression que ça a changé.

_ Y a un gars qui te plaît, c'est ça ?

_ Je ne sais pas encore.

_ Si tu penses à lui constamment, peut-être bien qu'il te plaît.

_ Depuis quand t'es expert en amour ? Fit le blond en pouffant de rire.

_ La ferme, et dors.

_ Yes, Sho-chan !

_ Retire immédiatement ce surnom.

_ Je croyais qu'on devait dormir, Sho-chan !

Shota ne prit même plus la peine de répondre, essayant tant bien que mal de dormir.

_ Sho-chan...

_ Ta gueule.

_ T'as déjà couché avec quelqu'un ?

_ Mais t'as fini avec tes questions gênantes ? Dors, bon sang !

_ Moi oui, en tout cas...

Shota se redressa à nouveau, activant son alter pour faire taire une bonne fois pour toute son idiot d'ami, qui s'est mis à éclater de rire.

_ J'ai compris ! Bonne nuit, Sho-chan !

_ C'est ça, bonne nuit.

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