Chapitre 1

Yuei. C'était le rêve de tous gamins, devenir le plus grand des héros en passant par le lycée Yuei.

Mais ce n'était pas vraiment le cas de Shota Aizawa.

Lui venait d'une famille bien pauvre, payant difficilement le loyer. Il vivait seul avec son père depuis que sa mère, une sans-alter, s'était suicidée. Et son père, qui n'avait alors plus de défouloir sous la main, avait décidé de se servir de son propre fils comme punching-ball.

Au début, celui-ci tentait soit de fuir, soit de se défendre. Mais plus il faisait cela, plus ça énervait son paternel, qui se mettait à augmenter ses coups.

Obéir sans contester, et se laisser faire était la règle numéro une, la règle d'or.

Et le pire, c'était que l'alter qu'il avait reçu était celui de la personne qui le battait chaque jour. C'était un alter qu'il détestait, mais le seul qu'il possédait, malheureusement.

Ainsi, Shota avait appris par les coups qu'il ne devait en aucun cas demander quoi que ce soit à son père, sous peine d'attirer sa colère.

Ne pas être capricieux était la règle numéro deux.

Et pourtant, son père avait cédé à sa demande de continuer l'école, si ce n'était que ça. Car après les cours, Shota avait un petit boulot, pour pouvoir gagner de l'argent pour un but bien précis. Et forcément son père fut mis au courant, et lui réclamait à chaque fois tout son salaire, soi-disant pour payer le loyer. Avec le temps, Shota avait appris également à mentir, et ne donnait que le quart de son salaire à son géniteur, prétextant un salaire plutôt bas.

Car un jour, son père lui a dit ceci :

_ Sache, sale vermine, que dans ce monde, seuls les riches gouvernent, et écrasent les pauvres. Il y a des places spécialement pour les riches, et des places spécialement pour les pauvres. Si tu te croies aussi fort que ces connards de riches, tu te trompes ! Jamais tu ne les atteindras ! Parce que t'es issu d'un pauvre clochard comme moi, et que le fils d'un clochard est pire que le clochard lui-même ! Apprend à rester à ta place de pauvre, et laisse les bourges s'occuper de leurs oignons. Et aussi, tout ce qui appartient aux pauvres appartient aussi aux riches ; ne t'étonnes pas si un jour, tu te retrouves à la rue à cause d'un sale bourge !

Et Shota avait remué ces paroles longtemps, très longtemps dans sa tête, pour en conclure une chose : si les pauvres sont comme son père, alors ils sont tous des connards sans exception. Quant aux riches, ils sont alors possessifs, arrogants, avares et malsains. Et plus on est riche, plus ces défauts s'accentuent.

Cependant, il n'existe pas de places spécifiques aux riches et aux pauvres. Et Shota allait le prouver à son père, en intégrant le prestigieux lycée Yuei, et en devenant un héros.

Mais son père était très réticent vis-à-vis de ce choix de carrière, car il n'aurait alors plus personne sur qui se défouler, et aussi qu'il ne pourrait plus battre son fils comme il le souhaitait.

Alors il a tout fait pour que son fils ne réussisse pas l'examen de passage, en vain.

Car Shota était devenu un sportif nocturne, profitant de la nuit pour s'entraîner à grimper aux arbres et à courir le plus vite possible, et habituant sa vue à la pénombre. Et ça, son père ne le savait pas.

Ce jour-là, Shota était dans sa chambre, le front collé à la fenêtre. Son père était parti acheter tout sauf le nécessaire, probablement de l'alcool et du tabac, et il se retrouvait ainsi seul dans ce petit taudis. Puis enfin, un homme aux cheveux longs s'arrêta et gara son vélo devant la maison.

Shota se redressa brusquement et courut vers la porte d'entrée, et l'ouvrit, n'attendant même pas la manifestation du facteur.

_ Aizawa... Shota ? Fit-il d'une voix désintéressée.

_ C'est moi, répondit-il promptement.

_ Il me faut votre signature et celle de votre responsable légal.

Shota se raidit ; il était encore mineur, c'était normal, après tout.

_ Je reviens, je vais le faire signer à mon père.

Il saisit la tablette que lui tendait le facteur, signait, puis fit mine de repartir à l'intérieur pour imiter la signature de son père, avant de revenir.

_ Bien, merci, et tenez.

_ Merci.

_ Bonne journée.

Le facteur repartit aussi vite qu'il était arrivé. Shota refermait la porte et remonta illico dans sa chambre.

Il était rare pour lui d'être impatient pour certaines choses, mais cette fois-ci, il y avait bien une raison.

Il ouvrit délicatement l'enveloppe légèrement lourde, et en sortit une feuille et un appareil rond. Il scruta l'appareil, cherchant une façon de l'activer, puis finalement, le reposait sur son bureau. Il s'assit sur la chaise, et déplia la lettre.

Mais soudainement, d'un geste involontaire, il fit tomber l'appareil au sol, qui s'activa, montrant l'hologramme d'un vieil homme masqué, qui lui dit :

_ Bonjour, Shota Aizawa-kun. Nous te contactons aujourd'hui pour te faire un topo de ta prestation à l'examen. Il est vrai que tu as eu beaucoup de difficultés face aux robots, et nous n'avons pas vu ton alter, sûrement inutile face à une telle situation, mais tu t'es plutôt bien débrouillé. Tu as eu juste la moyenne pour passer en filière héroïque... Ce qui signifie évidemment que tu es admis en filière héroïque ! Félicitations !

Shota écarquilla ses yeux : non seulement il était admis à Yuei, mais en plus, il serait en filière héroïque.

_ Dans l'enveloppe, tu trouveras la liste des fournitures à acheter et la date de la rentrée scolaire. Et n'oublie pas également de remplir le formulaire ci-joint, que tu dois envoyer d'ici la semaine prochaine au maximum pour finaliser ton inscription. Également, nous avons étudié ton dossier, et tu bénéficieras d'une aide financière pour payer les fournitures et les frais de scolarité. Je pense que je t'ai dit tout dit. Au plaisir de te revoir, mon grand, et à bientôt !

Le petit appareil s'éteignit. Pour la première fois depuis si longtemps, Shota avait un véritable sourire aux lèvres.

Mais le bruit de la porte d'entrée le fit sortir de ses rêveries, et il cacha illico l'appareil, puis prit le soin de recopier sur une feuille la lettre qu'il avait reçu, et le formulaire également.

Puis il cacha le tout, et se hâta de se diriger vers cet homme.

_ Papa... commençait-il, la feuille recopiée à la main.

_ Quoi ? Cracha son père.

Shota lui tendit les feuilles et déclara :

_ Je suis admis à Yuei. En filière héroïque.

Le père le toisa d'abord du regard, puis éclata de rire en disant :

_ Qui voudrait d'un petit merdeux comme toi ? Même moi je fais des efforts pour te garder ici. Cesse tes conneries, et retourne jouer dans ta chambre !

_ Je suis admis à Yuei en filière héroïque, répéta-t-il machinalement.

Voyant que son fils était obstiné à lui répondre, il arracha les feuilles de ses mains, et parcourut le texte des yeux. Puis, la minute d'après, il déchira en morceau les feuilles, sous le regard impassible de Shota, qui s'efforçait de rester stoïque malgré ça.

_ Tu n'iras pas à ce lycée ! Vociféra-t-il en lui balançant les morceaux de feuilles. Tu resteras ici et tu t'occuperas de cette baraque ! En plus, tu n'as même pas l'argent pour aller à un bahut pour enfants gâtés !

_ J'irais à Yuei, que tu le veuilles ou non !!

Cela faisait combien de temps que Shota ne s'était pas rebellé de la sorte ? Très longtemps, en tout cas. Et il allait en payer le prix.

Bouche bée face à la réaction de son fils, l'homme le prit violemment par le bras et le ramena de force dans sa chambre. Puis il le balança contre l'armoire, dont tous les objets tassés au sommet tombèrent sur le pauvre gamin.

_ Tu ne sortiras pas d'ici tant que je ne te l'aurais pas demandé !

Et sur ces mots, l'homme claqua la porte de la chambre, et un déclic se fit entendre.

Shota se releva difficilement, souffrant des côtes et du bras gauche. Il tâta sa tête, et du sang en coulait. Il se dirigea vers le miroir et s'observa : sa lèvre s'était ouverte, et il avait un œil au beurre noir. Des éraflures sur les joues et le cou ne l'embellissaient clairement pas, et ses longs cheveux noirs qui encadraient son visage le rendaient pitoyable.

Mais son regard restait inchangé : stoïque, blasé, froid, ne laissant rien paraître de ses pensées, sentiments ou émotions.

Il se dirigea vers son armoire ; il y avait une petite valise qui était tombée avec le reste. Il l'ouvrit et se mit à ranger des vêtements, l'appareil qui lui avait transmis le message de son admission à Yuei, une grande partie de ses économies, et toutes ses affaires personnelles. Il referma la valise et la plaça sous le lit.

Cette fois-ci, il partirait pour de bon.

Car auparavant, Shota avait essayé plusieurs fois de fuguer de chez lui, en vain, mais son père arrivait toujours à retrouver sa trace. Mais cette fois-ci, ce ne sera plus possible, puisqu'il côtoierait des héros toute la semaine.

Il prit un mouchoir, et devant le miroir, essuyait le sang qui coulait de son crâne et de ses blessures. Puis il s'endormit comme une masse sur son lit.

La nuit venue, il se réveillait. Il se saisit d'une lampe et se vêtit d'une tenue de sport, d'un blouson et d'une longue écharpe. Il mit dans ses poches la lettre de Yuei, l'argent mis de côté. Il sortit sa valise et une carte de la ville, puis fin prêt, il posa sa main sur la poignet pour vérifier.

Il pressa, et forcément, son père l'avait enfermé. Il soupira, puis se tournait vers la fenêtre, qu'il ouvrit doucement, puis en sortit avant de le refermer lentement.

La brise de la nuit était fraiche, et il n'y avait personne dehors. Shota était de nouveau libre, mais pour combien de temps ? Il ne le savait pas encore, il espérait juste assez longtemps pour prouver à ce tyran qu'il avait tort.

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