Chapitre 2 - L'esprit sauveur
L'eau écrasant ses poumons, sa vue se troublant, la main chaude et cette étrange lumière. Les souvenirs de Geai s'emmêlaient. Tantôt ceux de son sauvetage du jeune garçon, tantôt celle du sable chaud rougi par le sang d'innombrables morts. Cela lui rappela brièvement l'histoire que le vieil Elaf racontait souvent aux enfants. La fameuse guerre des Ancêtres. Puis, il se rappela de la voix, emplis de chaleur. De cette source de lumière, qui lui a tendu la main. Cette main qu'il a choisi d'attraper, en omettant la douleur qui lui lacérait le dos. Et puis, plus rien. Un noir complet comme la nuit. Jusqu'à ce qu'il se réveille, là, au son d'un goutte à goutte, mêlé au crépitement des petites flammèches d'un feu de camp improvisé. Il prit de longues minutes pour émerger, le temps que son esprit se réveille, et que ses sens se réhabituent à la vie, crachant au passage plusieurs gerbes d'eau au sol, qui encombraient encore ses poumons. Il pensait être mort dans le torrent sans limite de la rivière, mais il est bien en vie, trempé jusqu'aux écailles. Ses vêtements lui collent au corps, mais le Draco sent la chaleur qui émane du feu. Il essaye d'abord de se focaliser dessus, afin de se réchauffer. Mais il sentit bien vite une présence. Ou plutôt, quelqu'un le regardant.
- Tu es enfin réveillé, on dirait. La voix était la même que celle qu'il avait entendue lors de sa noyade.
- Que... Qu'est-ce que tu fous là, toi ?! Geai se retourna rapidement, montrant des crocs acérés contre son sauveur.
- C'est comme ça que tu me remercie ? L'homme soupira, avant de poser un regard plus compatissant sur le Draconide. Je viens de te sauver la vie, si tu ne t'en souviens pas.
- Je... Comment est-ce possible ? Tu n'es pas... Le jeune homme n'arrivait pas à trouver un mot capable de décrire la créature face à lui.
- Réel ? Vivant ? Eh, je suis les deux à la fois, figure toi. Enfin, vivant... est un bien grand mot. L'esprit baissa légèrement la tête en finissant sa phrase.
- Qu'est-ce que tu es, au juste ? Geai sembla brièvement se calmer, se rasseyant devant le feu de camp, laissant sa courte queue de Draco battre de droite à gauche.
- Hmm... C'est difficile à expliquer. Je ne me souviens pas exactement de tout ce qui a précédé mon arrivée ici. Du plus loin que je me souvienne, je combattais sur un champ de bataille, avec une grande armée de ma race, avant que je perde connaissance en éliminant un autre combattant adverse. L'esprit posa doucement une main sur son menton, son coude sur une cuisse, pensif.
- Pourtant... Il n'y a plus eu de telle guerre depuis des décennies. Geai était intrigué désormais, et son regard le montra très clairement à l'homme.
- Cette guerre remonte à une époque bien lointaine, je pense... Mais étrangement, les seuls souvenirs que j'ai après ça, c'est m'être réveillé sous cette forme, sans pouvoir interagir avec quoi que ce soit. J'ai dû me débrouiller tout seul, en cherchant quelqu'un pour m'aider, pendant des semaines, peut-être même des mois. Les paroles énigmatiques de l'esprit firent mal à la tête de Geai, qui essayait de bien tout comprendre.
- C'est vraiment bizarre ton histoire... Enfin, merci de m'avoir sauvé, je pense. Le jeune Draconide se releva alors, pour se déshabiller, afin de laisser sécher ses habits.
- C'est normal... L'esprit réfléchissait encore avant de remarquer la marque dans le dos du Draco. Son visage, jusqu'alors pensif, s'illumina en quelques instants. Petit, cette marque, depuis quand l'as-tu ?
- Hein ? Une marque ? Geai regarda tout son corps, sans rien voir, avant de passer une main dans son dos, pour sentir le tracé d'un cercle, surmonté de pointes aux quatre extrémités, formant un carré à l'extérieur du cercle.
- Cette marque... vient du pacte que nous avons passé, toi et moi. L'esprit se releva doucement, observant le regard choqué du Draco.
- Comment ça ?! Qu'est-ce qu'elle signifie ?! Le jeune homme cria envers l'intéressé, non pas de colère, mais d'incompréhension.
- Cette marque est aussi vieille que la bataille que tu as vue, voire peut-être plus... Ceux de ma race la possédant étaient choisis ainsi par la destinée. L'explication donnée par l'esprit surpris Geai, qui se mit à réfléchir pendant plusieurs longues minutes.
- La bataille... Tu y étais, je me trompe ? Ces souvenirs... Le regard de l'homme se voila quelques instants, pendant que le Draconide cherchait à quelle race exactement appartenait cette mystérieuse personne.
- C'était les miens. J'y ai participé, et c'est sur ce champ de bataille que je suis mort, aux côtés de mes camarades. Ceux que vous appelez désormais... les Ancêtres. Ce terme surpris Geai au plus haut point. Ce dernier posa une main sur la roche en regardant l'esprit.
- Tu es... un Ancêtre ? Mais comment... peux tu être là, désormais ? La question décontenança l'homme, qui ricana légèrement.
- Je t'ai déjà expliqué... mes souvenirs ne m'ont pas donné d'explication. Mais une partie est enfouie quelque part en moi. Et pour les retrouver, j'ai besoin de réponse. Le regard de l'Ancêtre sembla changer. Il regardait le jeune homme autrement, avec de l'intérêt.
- Et comment tu veux les avoir ? Le Draconide soupira, en observant d'un regard suspect l'esprit.
- J'ai besoin de me rendre à la Cité Impériale. Les yeux de Geai s'écarquillèrent en entendant la demande de l'homme.
- Tu te fous de moi ? Elle est à l'autre bout du continent ! Et comment tu comptes t'y rendre ? Le Draco avait bien peur de la réponse.
- J'ai besoin d'un hôte pour ça. Et tu serais parfait dans ce rôle. L'Ancêtre observait Geai sans vouloir fondre dessus comme une proie, plutôt attendant son approbation.
- Moi ? Parfait dans ce rôle ? Tu rêves on dirait... Le jeune homme se retourna pour voir si ses habits étaient déjà secs.
- Non, je ne me trompe pas. Ton énergie, ton sang... Tu serais la personne idéale, et tu possèdes déjà la marque. Le Draco se retourna suite à ces paroles.
- Tu penses que vu que j'ai accepté ton pacte je dois me plier obligatoirement à ton envie ?! Le cri du jeune monstre résonna dans toute la grotte.
- Tu préfères retourner à ton ancienne vie ? Cette phrase piqua au vif Geai, qui respira lentement pendant quelques instants, avant de parler.
- Non. Si je voulais continuer cette vie, autant que je me foute en l'air de suite. Quelque chose semblait avoir changé dans le regard du Draconide, et l'Ancêtre le remarqua.
- Souhaiterais-tu m'accompagner dans ma quête, dans ce cas ? Ce dernier tendit doucement la main, en surveillant la réaction de l'autre monstre.
- Il doit y avoir des conditions ou des contraintes, non ? Le Draco, voyant que ses habits n'étaient pas encore secs, se tourna vers l'esprit.
- J'habiterais ton corps pendant tout le temps que j'aurais besoin, sans être un poids de plus à porter pour toi. Une contrainte simple, mais qui cachait bien une part sombre.
- Et tu peux en prendre le contrôle ? Geai avait déjà entendu des histoires de monstres en contrôlant d'autres pour semer le chaos, vers la capitale.
- Techniquement, je peux. Mais je ne le ferais jamais sans ton accord explicite. Des paroles, peut-être pas en l'air, mais elles avaient du mal à mettre Geai en confiance.
- Et qui me dit que tu ne le feras pas dans mon dos ? Sans que je m'en rende compte ? L'Ancêtre sentait l'inquiétude du jeune homme dans sa voix.
- Tu le verras très bien. Je n'ai de toute façon rien à gagner à juste prendre ton corps, tu sais. Cette réponse ne rassura pas totalement le Draconide, mais il fit un pas en avant vers l'esprit.
- Et que m'apporteras-tu de plus ? Geai n'était pas forcément à la recherche de puissance. Mais pour un tel voyage, il lui en faudrait plus, c'était obligatoire.
- Tu auras accès à mes capacités. Je pourrais ainsi t'aider de diverses manières. Plutôt énigmatique comme réponse, ce qui ne plut encore une fois pas vraiment au Draco.
- Mouais, ça ne m'avance pas vraiment... Enfin, ce sera toujours mieux que rien, je pense. Il soupira, avant de doucement tendre sa main vers l'être de lumière.
- Tu acceptes donc définitivement le pacte ? L'homme attendait la réponse finale avant de serrer une ultime fois la main de celui qu'il avait sauvé quelques heures plus tôt.
- Je l'accepte. Ensemble, nous nous battrons... et nous irons jusqu'à la Cité Impériale. Geai serra alors la main de l'Ancêtre, scellant leurs unions et le pacte.
L'esprit fit un léger sourire quand les deux mains se touchèrent, avant qu'une puissante lumière envahisse la cavité sombre. Le Draco put voir plus distinctement la forme de l'Ancêtre, avant que celle-ci ne s'évapore progressivement. Pendant ces quelques minutes, il ressentit une puissante douleur dans le dos. La marque s'illuminait, et lui faisait horriblement mal. Il serrait les dents pour éviter de crier, tremblant sous la douleur, qui lui faisait tourner la tête. Il ne savait pas s'il pourrait encore tenir debout longtemps, mais, finalement, tout s'estompa. La lumière de la marque dans son dos faiblit doucement, et il ne vit plus l'Ancêtre. Il le pensait alors disparu, maintenant que le calme était revenu dans la grotte.
- Je te remercie, Geai. Le Draconide entendit la voix de l'homme dans sa tête, et finit par sourire doucement. Il commençait à ressentir une certaine chaleur dans son cœur, comme s'il était vraiment là.
- Tu connais mon nom maintenant... ? Le jeune homme fit un sourire un peu gêné, tout en se rhabillant.
- J'ai eu accès à une partie de tes souvenirs lors du transfert. Désolé si c'était... intrusif. La voix dans la tête du Draco semblait bien apaisante pour ce dernier.
- C'est bon... Il faut savoir s'ouvrir aux autres aussi, c'est ça ? Un léger sourire illumina le visage de Geai, alors qu'il utilisait ses ailes pour éteindre le feu de camp.
- C'est vrai... Nous partons immédiatement pour la Cité ? La question surprit le monstre, qui s'avançait vers la sortie de la caverne.
- Non. Je dois aller chercher quelque chose pour mes parents d'abord. Ensuite... nous avons besoin d'un peu d'équipement avant de quitter le village, et de repos. Nous partirons dès que ça sera possible, je te le promets, l'Ancêtre. Ce petit surnom fit sourire l'esprit à l'intérieur de Geai.
- Très bien... Je te laisse faire dans ce cas, mais je suis là si tu as besoin.
La petite voix se tut alors, et le Draconide sortit de la grotte, non sans toujours ressentir la présence de l'esprit en lui. Les pluies abondantes avaient maintenant laissé place à un grand soleil, qui illuminait la surface du lac, se tenant face à la sortie de la grotte. Geai reconnut rapidement ce dernier, car il alimentait la rivière, et c'était aussi l'endroit où vivait le doyen du village. L'eau ici avait bien dépassé la berge par endroit, mais semblait être revenue à son niveau. Combien de temps le jeune homme était resté inconscient ? Il ne saurait dire. Il se mit alors à longer la rive, pour rejoindre la bâtisse du vieil Elaf. De là, il pourrait traverser le pont en pierre du lac, permettant de rejoindre ensuite le village. Lui, au moins, avait pu survivre au torrent destructeur.
Le trajet fut calme. Non pas un calme pesant, mais quelque chose de plus chaleureux. Les rayons du soleil venaient doucement réchauffer le corps du Draco alors que le bruit des petites vagues sur le lac apaisait l'esprit du jeune homme. Il sentait à peine la présence de l'Ancêtre en lui, mais il le savait là, bien présent malgré tout. Et finalement, cela le rassurait un peu. Il n'était plus seul, et il avait maintenant un objectif, quelque chose qui le raccrochait à la vie, et le poussait à aller de l'avant. Il avançait d'un pas assuré lorsqu'il arriva enfin au niveau de la grande maison en bois. Il y avait ça et là des morceaux qui manquaient, signe du passage de la tempête. Mais son propriétaire semblait malgré tout serein. Il était installé dehors, assis sur un petit rebord devant ce qui semble être le salon. Il remarqua le jeune homme passant, et ses yeux s'écarquillèrent légèrement.
- Alors tu es en vie ? Le vieil Elaf observait Geai un peu surpris de le voir.
- Pourquoi je ne le serais pas, le Doyen ? Le Draconide s'arrêta pour regarder le monstre le plus vieux du village, qui esquissa un léger sourire.
- Pas besoin de m'appeler comme le font les plus jeunes, tu sais. Son regard sembla se perdre dans le vague quelques instants avant qu'il réponde à sa question. Car tous les enfants qui viennent régulièrement me voir ne parlent que de ton sauvetage spectaculaire au péril de ta vie. Tout le monde au village est plus qu'inquiet, et... te pense mort.
- Pardon, Monray... Le jeune homme écouta ensuite la réponse, avant de se rendre compte de ce qui s'était joué en son absence. Merde ! On dirait bien que je vais avoir droit à un sacré sermon en rentrant chez moi...
- Ne t'inquiète pas trop. Je pense que tes parents comprendront. Et puis, tu as quand même sauvé un habitant du village, ce n'est pas rien. L'ancien Caprane posait alors un regard bienveillant sur le Draconide,
- J'espère... Enfin, je ne devrais pas trop me retarder, je dois aller chercher quelque chose au marché en plus. Je vais y aller. Alors que Geai commençait à reprendre la route vers le pont en pierre, la voix rauque de l'homme aux grands bois blanchis par l'âge retentit.
- Que vas tu faire après ? La question fit se retourner le jeune Draco, surpris.
- Je... Je compte partir en voyage. La réponse fut difficile à exprimer pour Geai, mais elle était sincère.
- Alors, c'est ça, ce changement dans ton regard. L'homme plongea ses yeux marrons, dans ceux bleus comme le ciel du Draco.
- Que... Que voulez-vous dire par là ?
- Je t'ai déjà vu avant. Ton regard était autre, souvent éteint, comme si tu ne savais pas quoi faire, sans aucune volonté. Mais là... Je vois dans ton regard quelque chose. Quelque chose qui brûle en toi, qui ne demande qu'à être libéré. Une grande détermination à aller de l'avant. Les sages paroles du vieux monstre firent prendre conscience à Geai du changement opéré en si peu de temps.
- J'ai enfin trouvé quelque chose à faire de ma vie, quelque chose qui me plaît... Alors, je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin ! Un franc sourire illumina le visage du jeune homme, ce qui fit aussi sourire en retour l'Elaf.
- Alors fonce ! Les jeunes d'aujourd'hui ont perdu le goût de l'aventure, du voyage... Cela me fait plaisir de voir au moins quelqu'un dans ce village qui est prêt à partir loin pour découvrir Monstra. Le vieil homme était presque reconnaissant envers Geai pour ce choix.
- Je compte bien visiter le plus d'endroits possible ! Encore merci, Monray. Sur ces dernières paroles, le jeune Draco repris sa route vers le village, sous le regard bienveillant du vieil homme, qui se releva.
Arrivant enfin au pont en pierre, Geai vit qu'il avait relativement bien tenu. Même s'il restait encore de grandes flaques d'eau par endroit, il était encore dans un état plutôt correct. L'eau qui coulait en dessous était encore plutôt haute, mais le courant s'était calmé, comparé à celui qui l'a emporté hier. Le jeune monstre traversa donc sans crainte le pont, pour rejoindre le centre du village où le marché se tenait. Il savait qu'à cette heure-ci, il ne trouverait que quelques rares monstres ne travaillant pas. Il serait sûrement plus tranquille et non pas assailli de questions.
- Ça va aller ? La voix de l'esprit résonna dans la tête du Draco alors qu'il marchait.
- Pour ? Le marché ? Il n'y aura pas trop de monde, c'est bon. Le jeune monstre pensait bien à autre chose, mais il n'en dit rien.
- Et tes parents ? L'Ancêtre comprit bien vite qu'il avait touché la corde sensible quand Geai se crispa tout en avançant un peu plus vite.
- Je m'en occupe. Ne te fais pas de soucis pour ça. Sa voix cachait à moitié son ressentiment envers l'esprit pour avoir posé la question.
- Très bien, très bien... Je te laisse gérer.
Alors que la présence de l'esprit s'atténuait, le jeune homme arrivait sur la grande place du village. Il avança rapidement jusqu'au petit marché, essayant de ne pas perdre trop de temps pour aller au marchand qui l'intéressait. Il sentit le regard de certains commerçants, mais aussi de passants, qui murmuraient à voix basse, comme si le jeune homme était revenu d'entre les morts. Puis, il arriva enfin devant un marchand d'épices locales. Le stand était tenu par un Lulo à la carrure relativement athlétique, mais qui ne cachait pas des muscles sous sa fourrure. Ce dernier observa le client régulier, non sans un regard bien différent que d'habitude.
- On dirait bien que les rumeurs sont fausses, hein ? Le vendeur observait les habits presque secs du Draco.
- Je suis loin de mourir si facilement, tu sais... Le jeune homme soupira légèrement.
- Je pense que tu as quand même fait une sacrée frayeur au village. Mais au moins, Taiko est sain et sauf. Les gens s'en souviendront pour un bout de temps, je pense. Le ton du marchand semblait assez calme, sans aucune rancœur ou autre animosité envers le jeune monstre.
- C'est le principal... Il te reste des épices rouges et oranges ? Je devais en ramener hier soir, quand la pluie s'est abattue sur le village. Le jeune monstre tenta de changer de sujet, voulant vite récupérer ce qu'il était venu chercher.
- Je n'ai plus de rouges malheureusement, elles ont été détruites par la pluie... Mais il me reste des oranges ! Le Lulo remplit un sac avec des épices orangés aux senteurs plutôt fortes.
- Parfait, je vais les prendre ! Le jeune homme cherchait sa monnaie qu'il pensait avoir prise avant de sortir de chez lui, la veille.
- Tu as fait tomber ton argent dans la rivière ? L'autre monstre remarqua l'embarras du jeune Draconide qui ne trouvait pas de quoi payer la marchandise.
- Je pense... Je vais retourner chez moi en chercher. Mais avant qu'il puisse repartir, l'homme lui tendit le sac d'épices.
- Demain sans faute. Les gamins seront dans les parages en plus, alors profite en pour leur dire que tu vas bien, cela leur fera plaisir. Le plus jeune monstre regarda avec surprise le Lulo faire, avant de prendre le sac.
- Promis, je serais là à l'heure. Geai remercia l'homme d'un hochement de tête, avant de repartir pour sa maison.
Certains passants venaient donc demander des nouvelles au monstre aux longues oreilles et aux crocs acérés, alors que le Draconide quittait le village pour rejoindre la rive du cours d'eau. C'était le chemin le plus rapide, même si pour l'emprunter, il devrait cette fois-ci voler au dessus.
Lorsqu'il y arriva, le niveau de l'eau avait légèrement baissé encore, mais elle restait relativement élevée, venant lécher l'herbe bordant les rives de chaque côté du cours d'eau. Le jeune Draco estima la distance à parcourir, se reculant. Il tient son sac d'épices au niveau du torse, fermement, avant de déployer ses ailes. Il respira quelques instants, avant de courir à toute allure. Arrivant à la bordure, il sauta, utilisant ses ailes pour voler au dessus de la rivière, avant d'atterrir tout en douceur de l'autre côté.
- Pas mal, ces ailes. La voix de l'Ancêtre résonna dans la tête de Geai.
- Cela peut servir à plus d'une chose, mais c'est parfois aussi un défaut. Le jeune monstre répondit à voix haute, avant de s'engager sur le chemin menant à sa maison.
Il ne savait pas ce qui l'attendrait en arrivant, et il redoutait un peu la réaction de ses parents. Mais surtout, il ne savait pas ce qu'ils diraient en entendant que leur dernier fils encore en vie compte partir pour un voyage jusqu'au bout du continent.
Après quelques longues minutes de marche, il arriva devant la porte de la maison. Il resta quelques instants là, à observer la porte d'entrée, avant de souffler un grand coup.
- Ça va aller ? L'esprit observait depuis l'intérieur ce qui allait se passer.
- Ouai, ça va aller. Je vais y arriver, ne t'en fais pas. Le jeune homme n'était pas totalement rassuré, mais il devait y aller.
Il toqua un coup à la porte, avant de tourner la poignet et d'entrer. « Je suis rentré ! » La voix du Draco sembla résonner dans la silencieuse maison. Puis, après seulement quelques instants, il put entendre des bruits de pas rapides arrivant depuis le salon. Alors qu'il s'avançait d'à peine quelques pas, il vit sa mère accourir à toute vitesse, avant de le prendre dans ses bras, en pleurs.
- Enfin ! Que Neptan soit loué, tu n'as rien ! On était mort d'inquiétude ! On pensait que... La voix de la Vouivre se brisa, alors que le père de Geai approchait à pas lent depuis le salon.
- Tout le monde au village te pensait mort, noyé dans le torrent. La voix de l'homme était pesante pour le fils, qui avait du mal à regarder dans les yeux son père, passant doucement ses mains dans le dos de sa mère, pour la rassurer.
- Je m'en suis sortie, c'est bon... Je ne suis pas blessé, je suis en vie, et j'ai même ramené les épices. Le jeune Draconide posa le sac au sol, pour continuer le câlin avec sa mère, dont l'étreinte semblait inarrêtable.
- Ce n'était pas le plus important... Juste, de te savoir en vie, c'est déjà une très bonne chose... La Vouivre avait presque du mal à y croire, ayant du mal à relâcher son étreinte.
- Tu nous expliqueras ce qui s'est passé autour du repas. Va prendre une douche d'abord, tu sens aussi fort que l'eau de la rivière. Le Draco plus âgé prit le sac d'épices avant de se diriger vers la cuisine.
La Draconide finit par lâcher son enfant, séchant rapidement ses larmes avant de se diriger aussi vers la cuisine, pour préparer un bon repas. Geai, quant à lui, monta à l'étage pour aller prendre une douche plus que mérité. Il se déshabilla en vitesse, laissant l'eau chaude couler sur son corps, alors qu'un peu de fumée se dégageait de son corps.
- Tu vas leur en parler ? L'esprit avait observé en silence les retrouvailles mais s'inquiétait maintenant de la suite.
- Évidemment. Je ne vais pas reculer, pas cette fois-ci. Geai avait posé sa main contre le mur, tête basse, en répondant à l'homme.
Il ne savait pas encore exactement comment il allait faire, mais il était déterminé. Il ne laisserait pas passer l'opportunité de changer son quotidien monotone.
Après avoir enfilé des habits propres, il redescendit à la cuisine, sentant déjà monter l'odeur des épices et de la viande cuite. Arrivant dans la pièce, il put voir la Vouivre qui finissait de faire cuire un imposant morceau de viande rouge, tandis que son père était en train de mettre la table.
- Je vais t'aider ! Geai s'approcha directement de l'autre Draco pour apporter un coup de main.
- C'est bon, je m'en occupe. Le ton de l'homme n'était pas dur pour une fois, mais le plus jeune Draconide sentit que quelque chose n'allait pas.
Après quelques minutes, la Vouivre découpa la viande en trois grosses portions, avant de les servir dans les assiettes et de s'asseoir. « Bon appétit ! » D'une même voix, la petite famille entama un repas dans le silence. Un silence pesant pour tout le monde, mais un silence que personne ne souhaitait briser immédiatement. Il fallut attendre bien la moitié du repas pour que le plus jeune Draconide de la famille prenne la parole.
- Papa, maman... Je compte partir en voyage. La phrase fit un choc aux deux parents.
- Comment ça ?! Pourquoi vouloir partir ? La mère de Geai ne comprenait pas le choix de son fils.
- Tu te fous de nous, hein ? Tu as failli mourir, tu ne nous as rien expliqué sur ce qui s'est passé, et maintenant tu veux partir on ne sait où ? L'imposant Draco donna un coup de poing sur la table en observant son fils.
- Je suis désolé... Mais ce qui s'est passé, ça m'a ouvert les yeux sur ce que je voulais faire. Je ne veux plus rester à perdre du temps de ma vie ici, je veux découvrir le monde, je veux visiter les autres régions de Monstra, je veux voir plus loin que le village. Les paroles du jeune homme firent l'effet d'un coup de poignard à la Vouivre, qui prenait le temps de digérer ses paroles.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Nous ne te laisserons partir nulle part sans explication. Le père du jeune Draconide n'en restait pas là, posant un regard encore plus acéré que d'habitude sur son dernier fils.
- J'ai sauvé le gamin, mais je n'ai pas réussi à sortir de l'eau après. Le courant m'a emporté, je me suis évanoui. Quand je me suis réveillé, j'étais dans une grotte, seul, avec un feu de camp à côté. J'étais à proximité du lac, j'ai pris le temps de me reposer et de sécher mes habits. Puis je suis repartie, j'ai pris les épices au village, et je suis rentré. Geai omettait de nombreux détails, notamment sur l'esprit et tout ce qui s'était passé avec lui.
- Quelqu'un t'a sauvé ? La mère du jeune homme l'observait, écoutant le récit de son fils.
- Oui, je ne sais pas qui, je ne l'ai pas vu. Mais j'ai pu m'en sortir comme ça. Le plus jeune Draco voyait le regard de son père qui s'adoucit légèrement.
- Tu as eu vraiment de la chance de t'en être sortie. Mais cela n'explique pas ta soudaine envie de partir. Le ton était tranchant, mais il y avait quelque chose d'autre, comme un sentiment d'abandon, que l'homme essayait de ne pas laisser transparaître.
- Cela m'a fait comprendre que la vie est courte. Je veux faire quelque chose de ma vie, mais je ne veux pas faire comme toi ou comme mon frère, je veux pouvoir découvrir d'autres cultures, d'autres personnes, d'autres endroits. Le cadet de la fratrie détruite tenait bon face au regard dur de son père.
- Nous pouvons comprendre ton envie, mais... Une des mains de la Vouivre tremblait légèrement, en écoutant les paroles de Geai.
- Où vas-tu aller ? Quand est-ce que tu reviendras ? Et comment tu vas vivre ? Le père du Draconide s'inquiétait un peu plus maintenant. Son ton n'était plus contre son idée, mais plutôt questionnant.
- Je veux aller à la Cité Impériale, pour l'instant. Je reviendrais ensuite, et je verrais ce que je ferais après. Je trouverais des petits jobs sur la route, je me ferais quelques sous et je chasserais si besoin. Geai essayait de répondre aux différentes craintes.
- La Cité Impériale ? C'est si loin ! Tu penses vraiment à partir jusque là-bas ? La seule femme du foyer s'inquiétait quelque peu aussi.
- C'est bien loin... Nous allons y réfléchir. D'abord, on voudrait au moins profiter que tu sois de retour à la maison, d'accord ? L'imposant Draconide finit par trancher sans se prononcer. Il souhaitait avant tout rattraper le temps perdu avec son fils.
- Ça me va. Même si Geai n'avait pas totalement eu ce qu'il voulait, il était déjà bien content d'avoir pu changer quelque peu l'ambiance du foyer.
Suite à cette longue discussion, la famille reprit le repas, dans un silence, plus calme, plus reposant. Il n'y avait plus autant de tension qu'au début du repas. À la fin de ce dernier, Geai en profita pour aider sa mère à faire la vaisselle, geste des plus appréciés par la Vouivre, qui put prendre le temps de discuter un peu plus avec son fils. Ils prirent le temps de discuter de ce qui s'était passé au village et notamment la crue. Puis, après les discussions, le jeune Draco s'installa au salon pour parler un peu avec son père, discutant du voyage à venir, des dangers du trajet, et de ce que les parents du Draconide pourraient faire pour lui. Puis, alors que la fatigue finissait par le gagner, Geai laissa ses parents discuter entre eux au salon, alors que le jeune monstre monta à l'étage pour rejoindre son lit, afin de profiter d'une bonne nuit de sommeil. Il s'écroula sur son lit, se préparant à s'endormir, avant d'entendre une voix dans sa tête.
- Tu penses vraiment qu'ils vont accepter ? L'esprit avait assisté à toutes les discussions, sans rien dire.
- Je pense... Et sinon, je partirais quand même. Le jeune homme se retourna sur le dos, en répondant à l'Ancêtre.
- Tu es aussi déterminé que ça ? Ce dernier était surpris de la réaction de son hôte.
- Je t'ai fait une promesse, je la tiendrais. Sur ces paroles, le Draco finit par sombrer dans les bras de Morphée, non sans faire sourire l'esprit à l'intérieur de son corps, qui en profita pour se reposer lui aussi.
Alors que le soleil pointait déjà assez haut dans le ciel, le jeune sauveur marchait calmement en direction de la place principale du village, une petite bourse dans la main gauche, contenant assez de pièces d'or pour payer le marchand d'épices. Il lui avait assuré qu'il reviendrait le lendemain pour payer les provisions de la veille, et en profiter pour saluer les enfants du village, qui devraient être dans les parages. Il redoutait autant qu'il était impatient de les revoir. Il voulait s'assurer que tous allaient bien, mais il ne savait pas quelles seraient les réactions. Il savait déjà qu'une partie des villageois l'avait vu, et les nouvelles vont vite dans une si petite bourgade.
Lorsqu'il entendit enfin les nombreuses voix émanant du marché, il s'arrêta quelque instant. L'entrée du village était gardée par un seul combattant, un jeune Tirag à la courte crinière, qui surveillait les allées et venues du seul passage menant à l'intérieur de la petite ville. Il n'y avait pas de porte, ce qui permit à Geai de voir très vite l'agitation qui régnait tout près du marché, et l'activité en son sein qui était à son maximum.
- Tu as peur ? L'esprit observait son hôte, quelque peu surpris.
- Non... Disons que je sais que je ne vais pas pouvoir passer inaperçu dans cette foule. Le Draco soupira longuement, se préparant à se remettre en marche.
- Ce n'est pas un mal, tu sais. Tu ne reviens pas en martyr ou en mécréant, tu reviens en héros, et ces gens seront fiers de toi, dans tous les cas. Les paroles de l'Ancêtre mirent du bôme au cœur de Geai.
Ce dernier, après un léger sourire, s'avança d'un pas décidé vers le marché. Il salua rapidement la sentinelle, qui le salua en retour, sans plus de parole, avant de le laisser passer. Il s'avança ensuite vers le marché, non sans entendre quelques voix qui se calmèrent très rapidement, avec des regards en coin vers lui. Le jeune Draconide n'en avait que faire et continuait sa route vers le marchand d'épices, sous le regard surpris de l'esprit, qui souris intérieurement en voyant une telle assurance chez le jeune homme.
Alors que la foule reprenait son mouvement normal, les regards se détournant de Geai, le fameux Lulo avait bien repéré le client depuis déjà quelque temps et l'attendait avec impatience. Ce dernier finit par arriver au niveau de son stand, posant alors la bourse sans plus d'explication.
- La soirée fut comment ? Alors que l'homme comptait les pièces, il observait d'un œil le Draco.
- Bien. J'ai pu me reposer, j'ai discuté avec mes parents. Un sourire s'étendit sur la frimousse du Draconide, qui semblait content d'avoir retrouvé une vie plus normale.
- Parfait, alors... Les enfants ! Il est à vous ! Après avoir fait le compte, l'homme hurla à l'attention d'un petit groupe de monstres qui jouait non loin du stand du marchand.
Geai se tourna d'un coup avant de voir les quatre petits monstres se lever d'un coup, puis, foncer sur lui. À peine eut-il le temps de comprendre ce qui se passait que deux formes se jetèrent sur lui, le clouant au sol. Il fut sonné pendant quelques instants, entendant seulement les voix surexcitées de deux enfants tout proches ainsi que celles plus lointaines et plus calmes de deux autres monstres. Puis, il remarqua en rouvrant les yeux que Taiko et un jeune Lulo qui accompagnait le groupe l'autre soir l'écrasaient légèrement, sous le regard surpris de nombreux adultes et les rires du marchand qui s'amusait bien de la situation.
- Taiko, Lacasa, vous pourriez quand même le laisser se relever ! Ce fut Otzuga qui s'offusqua le premier du sort qui était réservé au Draco.
- Mais on voulait le remercier pour ce qu'il a fait !! Lacasa se releva d'un bond, regardant son aîné en baissant les oreilles.
- Vous pouviez le faire d'une autre manière, vous savez. Le jeune homme se releva doucement, aidant le Tourvol à se relever lui aussi, non sans une petite caresse amicale sur la tête.
- On sait, mais... On était trop excité de te revoir, depuis qu'on nous a dit que des adultes t'avaient vu hier soir. Le jeune Lulo baissa la tête, alors que le Draco arrivait à son niveau.
- Je comprends totalement. Mais regardez, je vais bien, je n'ai aucune égratignure. Et vous surtout, vous n'avez rien ? Geai observa toute la petite troupe, qui semblait en bonne santé.
- On a réussi à s'abriter après avoir récupéré Taiko, donc à part être trempé, on n'a pas eu de mal non plus. Ce fut le Gatori qui parla, tout en glissant sa queue vers le Lulo pour qu'il n'importune pas plus le Draconide.
- Nous te remercions surtout pour ce que tu as fait ce soir là. Sans toi, Taiko se serait certainement noyé sans que l'on puisse faire quoi que ce soit. Otzuga s'inclina légèrement envers Geai, imité juste après par le groupe de jeunes monstres.
- Ce n'est rien, vous savez. Cela m'a surtout permis de prendre conscience de beaucoup de choses, et notamment de ce que je voulais faire de ma vie. Le jeune homme passa doucement sa main dans le dos du sauvé, comme pour le rassurer après les propos du Serpine.
- Comment ça ? Le Gatori observa le Draco avec de grands yeux.
- Je compte partir en voyage. Cette simple phrase fit ouvrir de grands yeux à toute l'assemblée, tout en faisant lever l'oreille à de nombreux adultes présents aux alentours.
- En voyage ? Où ça ? Tu vas partir du village quand ? Et tu reviendras quand ? Lacasa tourna à toute vitesse autour du Draconide, lui posant mille questions à la minute.
- Je prévois de partir pour la Cité Impériale. Je ne sais pas quand je vais pouvoir partir ni quand je reviendrai, mais ne vous inquiétez pas, d'accord ? Cette réponse satisfait à moitié le jeune monstre plein d'énergie, alors que les deux plus grands se regardèrent.
- Tu reviendras nous raconter ton voyage, hein ? Comme le fait le Doyen ? Taiko attrapa légèrement le haut de Geai, comme pour avoir son attention.
- Évidemment. Je vous raconterais tout ce que j'aurais vu, tout ce que j'aurais parcouru. Il sourit grandement en serrant doucement le jeune Tourvol contre lui.
- Tu as intérêt ! Nous aussi, on partira en voyage quand on sera plus grand ! Le Gatori haussa le ton, comme pour être entendu par les autres villageois alentours.
- On a le temps pour ça, Ocampo. Son ami le Serpine le ramena bien vite à la réalité en lui donnant une petite tape sur la tête.
- Il a raison. Vous êtes encore jeune, alors profitez de la vie que vous avez. Le moment viendra où vous prendrez votre envol, mais ne grillez pas les étapes ! Les paroles de Geai paraissaient pleines de sagesse, et pourtant, il était un peu plus vieux seulement qu'Otzuga.
- Tu as raison. Nous allons profiter du temps au village. Et quand tu reviendras, nous te montrerons ce que nous avons appris. Le plus âgé du groupe posa un regard bien plus mature que son âge sur le Draco, qui lui offrit un grand sourire en retour.
- J'espère bien !
Après toute cette discussion, Geai prit un peu de temps pour s'amuser avec les plus jeunes, sous le regard parfois surpris des villageois. Beaucoup pensaient que le Draconide n'était pas quelqu'un de très sociable, ou qui aimerait s'amuser ainsi avec les plus jeunes. Et pourtant, il passa bien deux heures à profiter de l'instant avec eux. Peut-être car il savait la décision de son départ officiellement prise ? En tout cas, il ne laissait rien paraître. Seul l'être au fond de lui se doutait de ce qu'il avait en tête.
Puis, alors que l'après-midi était déjà bien entamé, les plus jeunes étaient rappelées par leur famille pour finir les tâches ménagères. Ils durent abandonner, non sans mal, les jeux avec le monstre sauveur, qui les salua en souriant. Puis, il se remit en marche pour rentrer chez lui. Il avait fait ce qu'il avait à faire au marché, et avait même pris un peu plus de temps pour profiter avec les plus jeunes. Mais il devait maintenant confronter ses parents à sa décision. Alors qu'il marchait dans l'herbe courte, encore détrempé des légères pluies de la nuit précédente, il sentit la présence de l'esprit en lui.
- Tu veux partir dès demain, n'est-ce pas ?
- Tu t'en doutais, non ? La voix du Draco ne cachait pas son intention.
- Quand tu l'as dit aux enfants, tu l'as dit avec détermination. Ce n'était pas juste comme quand tu en parlais avec tes parents. L'homme avait bien senti ce changement dans le ton du Draconide.
- C'est vrai... Geai s'arrêta, pour souffler longuement. Demain matin je partirais, avec ou sans l'accord de mes parents. Le choix du jeune monstre était définitivement fait, alors qu'il reprenait la route de la maison.
- Si ton choix est fait, alors je ne peux que le suivre. Sur ces mots, l'esprit cessa d'hanter les pensées du Draco.
Geai finit par rentrer chez lui, sans faire trop de bruit. Il ne vit personne dans la cuisine, et aucun bruit ne descendait depuis l'étage. Seules quelques paroles venaient du salon. Il s'avança doucement, discrètement, pour essayer d'écouter ce qui se disait.
- Tu es sûr que c'est une bonne chose ? La mère de Geai semblait un peu inquiète, au ton de sa voix.
- Tu préfères quoi ? Il n'a jamais rien fait de sa vie, hormis suivre les cours, aider à nettoyer la maison du Doyen. Il n'a même pas fait une journée avec moi avant de jeter l'éponge. La voix rauque du grand Draco fit mal au cœur de son fils.
- Et tu veux le laisser partir dans un voyage au bout du continent ? C'est encore plus suicidaire que s'engager dans la garde impériale ! La Vouivre hurla un peu plus fort, faisant presque sursauter le monstre qui écoutait.
- Pourtant, c'est ce qu'il a choisi... N'est-ce pas, Geai ? La voix du père de famille s'éleva légèrement, en direction du couloir où se cachait l'intéressé.
- C'est exact... Le jeune homme savait maintenant qu'il n'y avait plus besoin de se cacher, et s'avança dans le salon, sous le regard surpris de sa mère.
- Je... depuis quand es tu rentré ?! La Vouivre était en partie énervée contre le fait que son fils les écoutait, mais surtout apeurée de ce fameux choix.
- Il y a quelques minutes seulement... Geai n'osait pas regarder sa mère, il soutenait le regard dur de son père.
- Tu n'as pas changé d'avis après la nuit ? Le puissant Draco jaugeait du regard son enfant, pour savoir s'il était toujours fixé sur son objectif.
- Je n'ai pas changer d'avis, papa. Je veux partir en voyage, aller jusqu'à la Cité Impériale. Je reviendrais ensuite ici. La voix du plus jeune Draconide était plus assurée encore que la veille, et surtout plus déterminée.
- Tu te rends compte de ce qui t'attend sur le chemin ?! Ce sera long, difficile, et tu ne reviendras peut-être pas ! La mère de Geai tentait une dernière fois de décourager son fils de partir.
- Je suis prêt à prendre tous ces risques. C'est ce que je veux faire de ma vie. Le ton du monstre était emplis de sa détermination à découvrir le monde, à être libéré de ses chaînes qui le retiennent ici.
- Alors, moi et ta mère te soutiendrons dans ton choix. Comme nous l'avons fait pour ton frère avant toi. Le père de Geai se leva, prenant doucement dans ses bras son épouse, comme pour la rassurer.
- Nous n'avons pas le choix, de toute façon... La Vouivre soupira, résignée, avant de poser un regard protecteur sur son dernier enfant.
- Ça ira, maman. Je serais de retour le plus vite que je pourrais. Le jeune homme se rapprocha de ses parents, pour se joindre dans une longue étreinte familiale.
La petite famille resta ainsi pendant de longues minutes, avant que la question déchirante, qui brûlait la langue du chef de famille retentit.
- Quand comptes-tu partir ?
- Je voudrais commencer mon voyage demain matin. La réponse prit de court les deux parents, qui se regardèrent, désemparés.
- Mais nous n'avons rien préparé encore ! La Vouivre se recula d'un coup, réfléchissant rapidement.
- Nous pouvons nous en occuper ce soir. Il te faut surtout un peu d'argent, quelques habits et de quoi manger. Tu pourras te procurer une arme dans une autre ville sur la route. L'imposant Draco avait, semble-t-il, déjà pensé à l'éventualité où Geai voudrait partir vite.
- Et il me faudrait une carte de la région pour me repérer, et savoir où aller. Le futur vagabond avait déjà quelques idées en tête lui aussi.
- Il doit en rester une que ton frère avait ramené ! La mère du monstre se rua directement à l'étage, pour aller chercher la fameuse carte, laissant le père et le fils entre eux, quelques instants.
- Je vais t'aider à préparer un sac avant le repas, d'accord ? Le ton du puissant monstre semblait plus doux maintenant, comme s'il prenait définitivement conscience que le départ de Geai était maintenant acté.
- Ça me va ! Merci, papa. Le jeune homme offrit un grand sourire à son père, qui lui sourit en retour, venant doucement frotter les courts cheveux de son fils de sa main, en faisant attention à ses cornes.
Après quelques minutes, la Vouivre redescendit avec une carte d'Egraria un peu poussiéreuse, mais toujours utilisable.
- Ça fera l'affaire, je pense ! La femme sourit à son fils, même si elle comprenait aussi ce que son acte impliquait.
- C'est parfait ! Merci, maman. Le jeune monstre vient enlacer sa mère, comme un enfant. Mais il était maintenant bien plus grand, et il s'apprêtait à quitter le cocon familial.
Le reste de la soirée fut dédié en partie à la préparation des affaires de Geai. Un sac rempli de provisions pour quelques jours, d'habits de rechange, d'un petit couteau pour se défendre, même s'il possédait malgré tout un pouvoir, et évidemment, la carte pour se repérer. Le repas fut le moment le plus actif. La Vouivre donnait toutes les recommandations qu'elle pouvait à son enfant, alors que le Draco s'assurait que son fils sache déjà par où il irait demain. Ils profitèrent tous de ces derniers moments ensemble, jusqu'à ce que le jeune Draconide parte se coucher, afin d'être prêt à partir à l'aventure le lendemain.
Et puis, alors que le soleil commençait à se montrer derrière la cime des arbres, Geai se tenait devant la porte de sa maison, le sac sur le dos. Il se tourna quelques instants vers ses parents, qui souriaient.
- Bon voyage, fiston.
- Voyage bien, mon chéri, et reviens vite, hein ? La mère du Draco ne put s'empêcher de le serrer une dernière fois dans ses bras.
- Promis, maman. Le jeune homme resta une longue minute dans l'étreinte, qui parut une éternité aux deux, avant de se retirer.
Il finit par s'avancer un peu, regardant une dernière fois en arrière.
- C'est le moment. La voix de l'Ancêtre résonna dans sa tête.
- Oui. Le périple vers la Cité Impériale commence maintenant.
Sur ces paroles, le jeune Draco se mit en route pour ce long voyage, certes semé d'embûches, mais qu'il savait nécessaire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top