Chapitre 41
Je traîne sur les réseaux sociaux, avachie sur mon lit à côté de Solitude. En ce mardi matin nous ne nous amusons guère. Le monde extérieur essaye de briser cette amitié que j'ai avec elle, mais je refuse bien évidement. La nourriture qui autrefois me semblait si bonne est devenue fade et immonde. Je mange un peu pour vivre, ou plutôt pour survivre mais je me demande encore pourquoi rester. J'ai tué une personne, comment pourrais-je vivre ? Je suis un assassin, un meurtrier et me voilà encore présente aujourd'hui à faire des choses que Marie ne peux plus faire par ma faute. Normalement les vacances sont dans une semaine, mais j'ai décidé de les commencer en avance. Hier et aujourd'hui, je suis ne suis pas allée en cours et je ne compte pas y retourner de sitôt. Avec Solitude, nous passons nos journées ensemble et nous nous connaissons de mieux en mieux.
Mon téléphone vibre, encore. Nathalie ne cesse de m'envoyer des messages s'inquiétant de ma non- présence. J'ai répondu une seule fois, prétextant « Je suis malade ». Solitude m'a dit que c'était la meilleure des excuses à donner et que tous ses anciens amis l'utilisaient. Quand elle m'a dit cela, j'ai demandé d'une façon innocente « Anciens amis ? Que deviennent-ils ? » Et d'une voix transportante elle m'a chuchoté «Ils sont tous partis voir la mort » et j'ai simplement haussé les épaules en comprenant.
Je regarde d'une façon vive mon téléphone mais je suis surprise de ne pas voir un message de Nathalie. Non, cette fois-ci c'est Jeremy, lui qui depuis Vendredi n'a donné aucun signe de vie. Ou plutôt, est-moi qui me suis cachée ?
Mon diable – Tu reviens quand en cours ? 11h25
Je lève les yeux au ciel, jetant un coup d'œil à Solitude. « Jamais », me chuchote-t-elle.
Moi – Je ne sais pas 11h29
Mon diable – Tu me manques... 11h30
Automatiquement, je lâche un rire. Voilà qui est le comble pour quelqu'un venant de tuer, quelqu'un qui n'a même pas de regrets.
Moi – Ah, maintenant tu as un cœur ? 11h34
Je soupire et pose mon téléphone. Je n'ai envie de parler à personne. Surtout que Solitude est jalouse et me lance des regards noirs. Elle accepte seulement que je parle un peu à ma mère, mais elle tient quand même à ce que je passe plus de temps avec elle. J'attrape mon journal, en soupirant. Que pourrais-je bien dire aujourd'hui ?
« 03/03, Cher journal,
Bientôt les vacances. Cela ne changera rien... Lou »
En manque d'idées, je referme celui-ci en le rangeant à sa place. Lourdement, je laisse poser ma tête sur l'oreiller, Solitude à mes côtés.
**
Le temps passe tranquillement et une certaine mélancolie s'accroche à moi. Ma colère se dissipe petit à petit et laisse place à un besoin considérable d'affection. J'ai besoin d'un câlin, de douces paroles réconfortantes, j'ai besoin de sourires, d'une oreille attentionnée... Je regarde Solitude et tends mes bras. Un simple câlin m'aiderait. Mais celle-ci soupire fermement :
-Je ne console pas. C'est contre mes principes. Mais mon amie peut te prendre sous son aile et elle saura bien s'occuper de toi.
Son amie, souvent elle m'en parle, mais toutes les fois je décline.
-Non, Mort ne m'intéresse pas pour l'instant...
Plongeant dans l'ennui, j'attrape de nouveau mon téléphone et soupire en voyant un message de Jeremy. Encore lui. D'un coup, son dernier message me revient en tête ''tu me manques''. Jamais un gars m'avait dit cela. Je manque à quelqu'un. Quelqu'un m'aime. Quelqu'un pense à moi. Je regarde Solitude. Plus le temps passe, moins je l'aime. Bizarrement, ce bien-être du début se transforme en agacement. Trois semaines qu'elle est à mes côtés et bientôt les vacances se terminent et je retournerais en cours, même si celle-ci ne veux pas.
-Solitude... ? Dis-je en la regardant timidement. Merci d'avoir été là quand ça n'allait pas, mais je pense maintenant que c'est bon, tu peux partir.
Le doux sourire qui était sur son pâle visage disparaît et sa mâchoire se contracte.
-Quand on devient ami avec moi, on le reste pour toujours. Si tu ne veux plus de moi, va voir la mort.
Mon sang se glace. Ai-je réfléchis une seconde aux conséquences de mes actes ?
-Puis, personnes ne voudra de toi maintenant, tu les as lâchement abandonnés. Ils ne te pardonneront pas. A présent tu es vraiment seule.
J'attrape mon téléphone tremblante. Je n'ai pas regardé celui-ci depuis bientôt trois semaines. Je suis surprise de voir de nombreux messages. Est-ce qu'on pense autant à moi ? J'ouvre d'abord ceux de Nathalie :
Nat – Demain tu reviens en cours ? 4 mars
Nat – Lou, je m'inquiète... 5 Mars
Nat – J'ai perdu Marie, je ne veux pas te perdre ! 5 Mars
Nat – Salut Lou, c'est les vacances... Je n'arrive même pas à être contente... 7 mars
Nat – J'espère avoir bientôt de tes nouvelles... 10 Mars
Nat – On s'inquiète tous pour toi. Surtout Jeremy. Je ne l'ai jamais vu autant préoccupé, lui qui d'habitude ne montre aucune émotion. 14 mars
Nat – Lou, tu me manques merde réponds ! 19 mars
Nat – Dans deux jours la rentrée, seras-tu là ? Je perds tous espoirs de te revoir... L'envie de venir de Jeremy a totalement disparue, il parle même de ne plus venir du tout. 21 mars
Elle s'inquiète. Elle a envie que je revienne. Elle souffre, et j'ai pensé qu'à moi. Pourquoi nous ne sommes pas soudées dans cette dure épreuve ?
J'ouvre les messages de Jeremy avec curiosité et un peu peur. Je ressens quand même un peu de colère envers lui. A-t-il eu des regrets au moins une fois pour m'avoir dit qu'il s'en fichait de sa mort ? Qu'il n'était pas responsable ?
Mon diable – Je suis désolé pour ce que je t'ai dit... 3 mars
Mon diable – Lou, réponds... 3 mars
Mon diable – Je suis désolé je te dis ! 4 mars
Mon diable – Ok j'ai compris. 5 mars
Mon diable – Nathalie dit que tu ne lui réponds pas non plus... Réponds stp 9 mars
Mon diable – Lou, je ne sais pas comment te dire mais je m'inquiète pour toi. 11 mars
Mon diable – Putain Lou je t'aime ! 12 mars
Mon diable – Oublie ce que je t'ai dit la veille, visiblement tu t'en fous. 13 mars
Mon cœur se sert et je ressens de la culpabilité. Il m'a dit qu'il m'aime. Combien de fois ai-je rêvé que Jeremy me le dise ? Lui qui est pourtant incapable d'exprimer ses sentiments, m'a dit « je t'aime ». La colère est totalement partie. Je suis émue, et je me sens bête. Rapidement, je m'empresse de répondre :
Moi – Je suis désolée, je ne regardais pas mon téléphone... 14h21
Mon diable – Et alors ? 14h28
Il m'en veut et il a raison. Et Solitude a raison aussi. Je suis seule. J'ai agi n'importe comment.
Moi – Je suis désolée... Mais tu m'as tellement vexée avec ta réaction face à sa mort... 14h29
Mon diable – Je comprends que j'ai pu être sec, mais il ne faut pas se mettre dans un état pareil. Bon de toute façon je dois te laisser. 14H32
Moi – Non stp ! Parle-moi... 14h32
Mon voisin ne me répond pas, me laissant seule avec Solitude... Encore et encore. Je ne peux que pleurer. Que faire d'autre ? Par ma faute j'ai perdu deux amies, et celui que j'aime. Jeremy a dû se forcer pour m'envoyer qu'il m'aime, et résultat ? Trop occupé à penser à moi. La colère revient, mais cette fois-ci c'est contre moi. Je suis trop égoïste et je m'en rends compte que maintenant. Je n'ai pas su voir que mon amie allait mal, pas capable de comprendre que Nathalie ait besoin de moi, et incapable de me rendre compte que mon voisin m'aime.
-De toute façon, on est mieux rien que toutes les deux. Intervient Solitude.
Je baisse la tête. Je ne peux répliquer : je suis emprisonnée avec elle.
« 21/03 : Cher journal,
J'ai tout perdu. A commencé par Marie, suivie de Nathalie qui doit m'en vouloir, et maintenant Jeremy qui m'a dit ''je t'aime''. C'est la première fois et je n'ai pas su le voir. Je suis bloquée avec la solitude, impossible de me défaire de ses bras. Ce calme que j'ai tant aimé, je le déteste à présent. Je deviens folle je crois... Dis-moi que faire...Lou. »
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