Chapitre 40 :
J'ouvre les yeux avec lenteur. La lumière m'éblouit et je passe ma main devant mes yeux pour me protéger de cette lumière. Sous moi, je sens un matelas, un peu dur et l'odeur de la pièce n'est pas celle de ma chambre. Lorsque mes yeux arrivent à s'ouvrir, j'aperçois Jeremy assis sur une chaise à mes côtés. Je reconnais l'infirmerie, pièce où je suis allée qu'une seule fois pour un mal de tête banal. Rapidement, les souvenirs me reviennent : L'absence, le message, le malaise. Mes yeux se brouillent instantanément et Jeremy attrape ma main tremblante :
-Marie... Sangloté-je en fixant Jeremy.
-Je sais, je sais. On a lu le message.
Les larmes sortent et je ne peux retenir plus longtemps ce chagrin.
-C'est de ma faute... Je n'ai rien vu... Hurlé-je entre deux sanglots.
-Mais non... Chuchote Jeremy. On ne pouvait pas savoir, ce n'est pas de notre faute...
Mes sanglots cessent et je fixe Jeremy avec un regard noir.
-Pas de notre faute ? As-tu lu le message ?! Je l'ai délaissée parce que j'étais trop absorbée par toi ! Mon amie s'est suicidée par ma faute ! Et je n'ai rien vu !Hurlais-je.
-On ne pouvait pas savoir qu'elle serait vexée au point de se tuer. M'explique mon voisin.
-Mais ça ne te fait rien toi ? Dis-je en me redressant les joues humides.
-On n'est pas responsables. Répète-t-il en caressant doucement ma joue.
-Mais tu es horrible ! Jeremy as-tu un cœur ?! Merde, quelqu'un s'est suicidé à cause de toi et tu t'en fous ?! Ouvre les yeux ! Elle t'aimait depuis le CM2 ! Prête à tout pour toi ! Même pas capable de voir ça ! Hurlais-je en me levant.
-Mais je n'allais pas me forcer à l'aimer pour satisfaire ses caprices, merde ! S'énerve Jeremy.
-Ses caprices ? Mais Jeremy elle vient de mettre fin à ses jours ! Par ta faute ! Notre faute ! Peut-être que tu es un gros salaud qui n'a pas de cœur, mais moi non ! Et savoir que je me suis abaissée à ta hauteur me répugne ! J'ai honte, tu entends ?! Honte de moi, de nous !
Jeremy me fixe droit dans les yeux. La lueur qui était dans ses yeux vient de disparaître.
-C'est vraiment ce que tu penses de moi ? Dit-il d'une faible voix.
Je baisse la tête, incapable de le regarder dans les yeux.
-Tu n'as pas de cœur Jeremy. Chuchotais-je laissant couler une énième larme sur ma joue.
J'entends ses pas s'éloigner et la porte claque. J'ai perdu Marie. J'ai perdu Jeremy. Marie est morte à cause de ma négligence, à cause des beaux yeux de Jeremy. Elle avait une confiance aveugle en moi. Elle me l'a dit. Elle m'a confié ses secrets, ses sentiments, et je lui ai tout piqué. Je suis un monstre. Je me rappelle déjà la dernière fois que je l'ai vue. Comment ai-je pu ne pas me rendre compte que le lendemain elle allait se suicider ? Je revois ses cheveux bruns voler dans le vent. Elle avait un doux sourire et son appareil dentaire donnait un côté mignon à son visage angélique. Elle savait être là dès que j'avais besoin de parler. Un sourire réconfortant alors qu'elle-même n'était pas heureuse dans sa vie. Ses yeux verts brillaient à la lueur du jour, et le soleil rendait sa peau encore plus blanche. Elle était naïve, une belle façon de vivre. Elle était certes étrange au premier abord, mais quand on apprenait à la connaître on découvrait une personne formidable. Elle s'est tuée. Par ma faute. J'ai envie de me gifler, de m'insulter.
La porte s'ouvre et je tourne les yeux, espérant voir Cyril ou Nathalie. Aucun des deux : l'infirmière. Celle-ci m'adresse un petit sourire. Visiblement elle connaît l'histoire.
-Comment vous sentez-vous ? Dit-elle d'une légère voix.
Mon amie est morte par ma faute, je n'ai rien vu. Mon copain qui n'a pas de cœur est un monstre, et ce n'est même plus mon copain.
-Bien... Soupiré-je.
-J'ai appelé votre mère. M'informe-t-elle. Vous allez rentrer chez vous et vous reposer. Lundi vous reviendrez me voir, d'accord ?
J'acquiesce faiblement. Je n'ai pas le courage de parler.
En effet, quelques minutes suffisent à ma mère pour venir me chercher. En arrivant, elle m'embrasse et dans ces bras je ne peux m'empêcher de pleurer. Nous montons dans la voiture, et du regard je croise Jeremy que j'ignore totalement. A peine assise, ma mère se tourne vers moi :
-Veux-tu que Jeremy reste avec toi ?
Ma vision se trouble de nouveau. Ne peuvent-ils pas me laisser tranquille ?! Ma mère est au courant que je sors avec Jeremy –mais elle ne sait pas les dernières nouvelles.
-Non. Dis-je froidement. Je ne veux plus le voir.
Comprenant bien que c'est un sujet fragile, ma mère cesse la conversation et monte dans la voiture. A peine j'arrive chez moi que je monte dans ma chambre pour me laisser pleurer sur mon lit. Je n'arrive pas à me rendre compte que j'ai perdu une amie. Pire que l'avoir perdue, elle est morte. Je sors mon téléphone de ma poche en tremblant et je lis le dernier message de Marie encore et encore. Jusqu'à le connaître par cœur.
Le temps passe mais je ne m'en rends pas compte. La batterie de mon téléphone descend à grande vitesse sans que je m'en aperçoive. « Égoïste ». C'est vraiment ce qu'elle pensait de moi ? Peut-être n'avait-elle pas tort.
Je connais maintenant le message par cœur. Ma mère frappe doucement à la porte de ma chambre et je pose mon téléphone.
-La police a retrouvé Marie... Chuchote-t-elle en baissant la tête.
Je me redresse en vitesse. J'ai un regain d'espoir qui me fait croire qu'elle serait encore en vie. Peut-être dans le coma, peut-être mal au point mais encore vivante. Je m'avance vers ma mère qui refuse de me regarder dans les yeux.
-Alors ? Dis-je d'une voix nouée.
-Elle était pendue dans sa chambre...
Les sanglots reprennent mais les larmes se sortent plus -sûrement que j'en n'ai plus.
-Ce n'est pas de ta faute chérie, reprend ma mère. Il y a quelques semaines elle venait de perdre sa grand-mère, son père est en voyage à l'autre bout du monde... C'est un ensemble de choses mon cœur. Ne te sens pas coupable...
Mon regard se perd dans le vide et je pars dans un autre monde. Je ne vois plus ce qui m'entoure. Le silence règne dans ce nouveau monde, ainsi que la solitude. D'ailleurs, celle-ci est à côté de moi. Elle porte de longs cheveux noirs lisses, et elle a des yeux sombres qui t'hypnotisent lorsque tu les regardes. Sa silhouette est grande et fine et ses lèvres sont rosées et fines également. Doucement elle me tend la main, affichant un léger sourire. Sa main est blanchâtre, elle a des ongles bien coupés, et on aperçoit quelques veines violettes sur son poignet. Je n'attrape pas sa main. Je la regarde juste troublée par cette soudaine apparition.
-Viens avec moi. Nous ne serons plus seules ensemble. Dit-elle d'une voix mélodieuse. Sa voix semble si légère qu'elle s'envole dans le vent et disparaît. J'avale difficilement ma salive, et doucement je réponds :
-Je ne suis pas seule...
La solitude me regarde en affichant un triste sourire. Penchant la tête sur le côté elle répond :
-Ils croient tous ça... Ils pensent être accompagnés de pleins d'amis mais soudainement ils disparaissent. Peux-tu me citer le nom de trois amis vivants ?
Le dernier mot me donne un frisson. Pourtant confiante, je commence à répondre :
-Nathalie, Cyril...
Je m'arrête là. Je suis incapable de prononcer un nom de plus. Je suis comme bloquée et je me rends compte de l'impact du mot « solitude ». Gentiment, elle me laisse le temps de réaliser et me tend ensuite la main. Tremblante, mon bras s'allonge et j'attrape sa main. Erreur ou pas, plus possible de retourner en arrière. Lors du contact, sa main froide apaise la mienne, et contrairement à ce que je pensais, ce n'est pas désagréable.
-Nous ne sommes plus seules maintenant. Dit-elle de sa douce voix.
Mes pieds décollent et un sentiment de bien-être m'emporte. Je ne veux voir personne, ni entendre personne. Je veux rester avec elle. Ma nouvelle meilleure amie. J'ai compris les conséquences d'avoir pris sa main. Et j'en suis ravie. Je ne veux plus sortir de ma chambre, car c'est ici que je pourrais passer des heures avec ''Solitude''.
Durant toute la journée elle m'a parlé, divertie. Elle m'a montré une autre facette de la vie que je ne pensais jamais voir. Dans son monde, le soleil ne brille jamais et cela créer un monde sombre et calme. Il fait si calme, qu'on pourrait croire le silence du repos éternel. Cela fait un peu de calme et ne fait pas de mal. Une chose est sûre : je ne veux plus la perdre.
« 29/02 : Cher journal,
J'ai eu une visite aujourd'hui qui ne pas m'a déplue. J'ai rencontré la Solitude qui est devenue une amie. Grâce à elle, je ne suis plus seule : c'est ce qu'elle m'a dit.
Lou »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top