-Lou ! Crie Jeremy en me rattrapant

Je ne me retourne pas et accélère La journée se termine enfin, et je me dirige vers le bus. Je n'ai pas parlé à Jeremy de l'après-midi et je ne compte pas le refaire de sitôt. Mon voisin me rattrape bien vite mais je ne m'arrête pas pour autant et je l'ignore du mieux que je peux.

-Tu m'en veux ? Continue Jeremy tout en marchant à mes côtés. Tu ne vas pas te vexer pour si peu !... Bon ok c'était méchant, mais tu devrais avoir l'habitude avec moi, nan ? Je ne comprends pas ce qui t'a vexé...

Je m'arrête sec en me tournant vers lui. Si je m'écoutais, ma main aurait déjà frappé sa joue.

-Ce qui m'a vexé, tu veux savoir ?! C'est que tu aies insisté pour que j'avoue, pour que je te dise un truc que moi-même je ne savais pas encore. Tu sais avant qu'on parle de ça, la question ne se posait pas, mais quand on en a parlé il y a une flamme qui s'est allumée au fond de moi. Le pire c'est que tu m'as forcé à continuer cette conversation qui m'a gênée au plus haut point ! Pour au final ne même pas me dire ce que toi tu ressens ! Tu sais, ça ne m'aurait pas vexée que tu me dises que tu ne m'aimes pas, mais là tu as été lâche ! Incapable de dire ce que tu ressens et même si cela doit me déplaire. Pourquoi ? Tu avais pitié de moi ? Ne voulait pas briser mon petit cœur ? Mais ne t'inquiète pas ! Mon cœur ne sera jamais blessé par la faute d'un connard en ton genre ! Je pensais tellement que tu étais le genre de personne à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, prêt à dénoncer et à avouer n'importe quoi sans avoir peur du jugement et du ressenti de l'autre, mais j'avais complètement faux. Tu es comme tous les autres, menteur et lâche.

Je crache le dernier mot et me tourne les talons en avançant. Je ne me retourne plus vers lui, je ne veux plus croiser son regard. Arrivée à l'arrêt, le bus arrive aussitôt et je m'empresse de monter dedans. Une fois assise, je m'autorise à jeter un coup d'œil dehors : je l'aperçois à la même place où je me suis arrêtée pour lui parler, regardant le bus partir. Il a le regard vide, une lueur de tristesse dans ses yeux, mais je ne peux avoir de la peine pour lui. Je me suis trompée sur le personnage, ce caractère qui m'intriguait tant car je le trouvais si différent : je me suis tellement trompée.

J'arrive en vitesse chez moi et je monte aussitôt dans ma chambre. Je n'ai envie de parler à personne, surtout si c'est pour expliquer pourquoi je suis dans cet état. Car en vérité je ne sais même pas. Je découvre en une demie seconde qu'il se pourrait bien que je ressente quelque chose pour Jérémy , puis lorsqu'il me fait comprendre que lui, non, après m'avoir humiliée, je me rends compte que mes sentiments sont peut-être plus développés que je le pensais.

J'essaye tant bien que mal de me changer les idées, et je pars me coucher.

**

Je m'étire doucement, prenant mon temps pour ouvrir les yeux. Heureusement que c'est le week-end, sinon je crois que je ne supporterais pas d'avoir cours et de le revoir. Après m'être redressée et réveillée correctement, je me lève pour m'habiller. Ouvrant ma penderie, je cherche un vêtement à mettre. Finalement, j'opte pour un petit tee-shirt bleu marine et un jean simple. Je descends pour déjeuner un peu et je remonte bien vite faire mes devoirs. Je dois faire mes maths, qui sont insupportable, mais dès lundi la super prof a eu la bonne idée de nous mettre un contrôle. N'arrivant plus à me concentrer, je décide de regarder mon téléphone –sans oublier de lâcher un soupire face à mon ennuie et mon cœur blessé. Je suis surprise de voir que j'ai 8 nouveaux messages. Faut dire que je n'ai pas du tout regardé mon téléphone depuis hier midi. Curieuse j'ouvre rapidement le premier qui est de Nathalie.

Nat – Pourquoi tu ne m'as pas attendue pour le bus ? Tu n'avais pas l'air super bien cette aprèm. Dis-moi si quelque chose ne va pas.

C'est le seul message d'elle. Je ne réponds pas et regarde directement les deux messages de Marie.

Marie – Qu'est-ce que tu as Lou ? Pourquoi cette mine triste ?

Marie – Nathalie te cherche partout, elle t'attend pour le bus !

Je soupire. Ce n'est pas très sympa de ne pas avoir répondu à mes amies, mais je ne sais vraiment pas quelle excuse donner pour ma soudaine tristesse. Ce qui est sûr c'est qu'il est hors de question que je leurs disent la vérité. Tous les messages qui restent sont de quelqu'un dont je n'aurais jamais voulu recevoir de message...

P'tit diable – Lou faudrait qu'on parle sérieusement. 18h48

P'tit diable – Fais pas ta gamine et réponds. 19h24

P'tit diable – Ok j'ai compris... 19h59

Samedi 8 février

P'tit diable – Tu es calmée, on peut enfin parler ? 10h14

P'tit diable – Réponds sinon je viens chez toi. 10h40

P'tit diable – Ok je ne sais pas où tu habites mais ça ne changera rien. 10h49

P'tit diable – Bon... Je te laisse encore quelques minutes... 11h01

P'tit diable – Tu l'auras voulu. 11h24 »

Je regarde l'heure : 12h30. Ce gars est pathétique. Il ne veut pas lâcher l'affaire alors qu'il a très bien compris que ses messages empirent tout.

Je descends manger avec ma mère en cachant au mieux mon trouble.

Aussitôt terminé, je ne perds pas de temps et remonte dans ma chambre. Alors que j'attrape mon journal intime, prête à écrire dedans, ma mère me crie :

-Lou ! Viens.

Je soupire et ferme le cahier en le cachant à sa place habituelle. Me levant d'une façon non gracieuse, je descends en soufflant.

-Oui ? Fis-je sur la dernière marche

-Tu ne m'avais pas dit que tu donnais des cours particuliers. Je hausse un sourcil sans comprendre.

-Hein ?!

Derrière ma mère, j'aperçois une silhouette. Je me décale un peu et reconnaît Jeremy.

-Ton camarade m'a dit que tu allais l'aider pour un contrôle de Maths. Dit ma mère en haussant les épaules.

Je fusille du regard Jeremy pendant que je réponds à ma mère :

-Ah oui je sais, mais je suis surprise de ne pas te l'avoir dit.

Ma mère sourit, comme pour me faire signe que ce n'est pas grave et laisse entrer Jeremy.

-Bon bah, bonne révision les jeunes. Puis elle retourne à ses occupations.

Sans rien dire, je monte dans ma chambre et laisse la porte ouverte. Jeremy qui m'a suivie, entre et la ferme derrière lui. Sans porter mon attention sur lui, je sors mon cahier de maths et dis d'une voix claire et autoritaire :

-Bon, je suppose qu'on doit revoir les bases ?

Mon voisin hausse un sourcil et vient s'asseoir à côté de moi.

-Tu sais très bien que si je suis ici ce n'est pas pour les maths...

-Alors pourquoi avoir dit ça à ma mère ? Dis-je sèchement.

-Bah je n'allais pas dire que je voulais m'expliquer avec toi car il y a eu un malentendu, si ?

-Tu avais trop peur que je t'envoie chier et que je dise clairement à ma mère que je ne voulais pas te voir. Tu as eu raison, c'est ce que j'aurais fait. Là, évidemment je n'ai plus le choix. Soupiré-je.

Jeremy se gratte la nuque et commence :

-Je ne sais pas pourquoi j'ai agi comme ça

-Peut-être parce que tu es le plus gros des connards ? Craché-je.

-C'est une des raisons, mais pas la seule. Rigole mon voisin. Simplement parce que j'ai eu peur.

Mon regard s'ancre dans le sien, et dans un silence absolu je chuchote :

-Peur ? Mon cœur semble s'entendre dans toute la maison vu la force avec laquelle il bat.

-J'ai eu peur que tu me trouves naze, que tu me trouves pathétique et pire encore. Je sais ton franc parlé, ta façon de dire les choses. Je connais ta façon de penser, et je sais que je t'aurais déçue. J'ai eu peur que tu te moques, que tu retournes la situation et que tu me dises simplement que mes sentiments sont ridicules. Je me sens tellement bête lorsque je ressens quelque chose pour quelqu'un. J'en perds mes mots, mes manières sont insupportables... Bref je hais m'attacher à quelqu'un. Pourtant, j'y ai été forcé avec toi. Je n'ai pas voulu, d'ailleurs je te l'ai dit, mais en voyant ta réaction, et en comprenant que je peux te perdre, je me rends compte qu'il est temps que je mette mon égo de côté. Lou, comprends-moi bien : je ressens des choses pour toi.

« 09/02 : Cher journal,

Mon cœur a cessé de battre lorsqu'il a prononcé ces mots ''je ressens des choses pour toi''. Il se trouve pathétique, mais là, c'est moi qui suis pathétique.

Lou.»