Chapitre 34 :
Il se peut qu'aujourd'hui soit le premier jour où je ne désire pas être à l'heure du midi. En effet, je suis une grande gourmande et louper mon déjeuner me semble impensable, mais aujourd'hui Jeremy compte savoir de quoi on parlait en histoire. Je suis prête à tout pour éviter cette discussion.
Après avoir lancé un salut à Nathalie, nous nous dirigeons maintenant vers la cantine. Comme j'ai ce qu'on appelle « la poisse », Marie mange avec Samuel -celui qui est en première- et Cyril part manger en ville avec Nathalie. Bref, je me retrouve complètement seule avec Jeremy.
Nous nous installons à table tranquillement en commençant à parler de tout et de rien. Ce qui me rassure, c'est qui semble avoir oublié. Mais pour combien de temps ? Alors que le repas touche à sa fin, Jeremy déclare soudainement :
-Au fait, en histoire, vous parliez de quoi ?
Je soupire, levant les yeux au ciel. Et merde...
-Tu ne lâches jamais ?
Mon voisin tourne la tête de droite à gauche énergiquement.
-Jamais !
-Mais je t'ai dit que je n'ai pas compris ! Dis-je en commençant à me lever.
Mon voisin me suit dans mon geste, et nous prenons notre plateau et sortons de la cantine.
-Explique-moi simplement ce qu'ils ont dit. Dit-il en avançant.
Je me retrouve bloquée, sans aucune issue de secours. Je sais que Jeremy ne lâchera pas l'affaire. Nous nous asseyons dans une partie du lycée que j'aime bien. C'est un coin entouré d'arbre, un peu à l'ombre, retiré de toute forme de vie hormis les oiseaux et les p'tites bêtes -mais comme nous sommes en hiver ils ne sont pas encore là. Nous nous asseyons sur un petit banc au milieu de ces arbres, et je soupire. Comment dire ? Je ne vais pas me mentir à moi-même, j'ai compris ce qu'ils insinuaient mais je ne veux pas en discuter avec Jeremy, ni même y réfléchir.
-Ben... Commencé-je doucement. Ils ont commencé à dire qu'à nous voir ils s'attendent à ce qu'on soit ''amis et même peut-être plus''. Fis-je en mimant des guillemets.
-Peut-être plus ? Répéta Jeremy septique.
-J'ai fait comprendre que nous n'étions pas meilleurs amis, et ils m'ont répondu que nous le serons jamais et que nous sauterons cette étape.
Jeremy fixe ses pieds un moment, semblant réfléchir.
-Et pour toi, qu'est-ce que ça veut dire ? Demande mon voisin.
-Je te l'ai dit, je ne comprends pas. Et pour toi ?
Mon cœur se met à battre de façon irrégulière. Si sa réponse changeait ma vie ? Mon destin ? Si cette réponse m'envoyait dans un autre monde, un autre univers ?
-Qu'ils se font des idées.
Mon cœur qui s'emballait semble soudainement s'arrêter. Sa réponse qui aurait pu changer cette vie en bonheur vient de la transformer en malheur. Je ressens comme de la peine. Une vague de tristesse empare tout mon être et je ne sais même pas comment l'expliquer. Je ne voulais pas y penser, je ne voulais imaginer -ne serait-ce qu'une seconde- que je pourrais être avec Jeremy. Pourtant, inconsciemment, j'y ai pensé, et bizarrement cette possibilité ne m'a pas effrayée. Je ne réponds pas, fixant le sol à mon tour. Quoi répondre après un tel aveu ? Il ne m'aime pas, n'est-ce pas ? Il ne m'aimera jamais ? Je le savais. J'aurais dû m'en douter. Non, en fait je ne savais pas. J'espérais en cachette, innocente, malgré-moi que j'étais entrée dans sa vie. Lorsqu'il partira, il ne se souviendra plus de mon nom. Plus de mon visage. Chaque moment passé ensemble, chaque discussion, chaque délire... Tout ça sera oublié dès le moment où il posera un pied à Paris.
-Ça ne va pas ? Intervient sa voix à côté de moi.
Je sursaute. J'avais presque oubliée qu'il était encore à côté de moi. Je détourne mes yeux vers les siens. Croiser son regard ne m'a jamais autant fait peur. Il prend un air grave, semblant réfléchir. Réfléchir à quoi ? S'il doit avoir pitié de moi ? Sa décision est prise, son amour ne pourra jamais triompher avec le mien. ''Si, si Jeremy je vais bien, tu viens juste de me mettre un râteau sans même t'en rendre compte.''
-Oui, bien sûr ça va. Pourquoi ? Dis-je d'une voix la plus claire possible.
-Ai-je dis quelque chose qu'il ne fallait pas ? Continua mon voisin.
-Non, tu n'as rien dit de mal. Dis-je en haussant les épaules. Je ne vais pas quand même avouer mon ressenti sur cette conversation absurde.
-Je pense, commence-t-il, que tu as très bien compris ce qu'ils insinuaient.
Je hausse un sourcil, faisant style de ne pas comprendre.
-Non je n'ai...
-Si tu as compris. Me coupe Jeremy. Mais peut-être que le sujet est sensible pour toi, alors s'il est c'est que quelque chose n'est pas clair entre nous.
Je baisse la tête. Je ne sais quoi dire, quoi faire. Depuis sa réponse tout est clair.
-Si, tout est clair. On ne s'aime pas n'est-ce pas ? Demandé-je d'une voix tremblante.
Je ne sais pas pourquoi je m'inflige cette nouvelle douleur à entendre « non, bien sûr qu'on ne s'aime pas ». Me prendre un deuxième râteau sans même qu'il s'en rende compte. Et pourquoi ça me fait autant de mal ? Depuis quand je rêve d'être en couple avec lui ?
-A toi de me dire. Dit-il finalement.
-Dire quoi ? Demandais-je perplexe.
-Si toi, tu m'aimes.
Deux choix s'offrent à moi : Répondre « oui », alors que je n'en suis même pas certaine moi-même et risquer de perdre son amitié vu qu'il m'a clairement dit qu'il ne m'aimait pas auparavant. Soit je réponds « non » et je vis dans l'incertitude de ce qui aurait pu se passer en cas inverse.
-Et toi ? Fis-je simplement.
Il hausse les épaules et regarde en face de lui.
-ça dépend de ta réponse.
Je tourne ma tête vers lui sans comprendre.
-Non cela ne dépend pas de ma réponse ! Tu ne peux pas choisir d'aimer une personne en fonction de si elle t'aime ou non. Les sentiments ne se contrôlent pas ! Alors soit tu m'aimes, soit tu ne m'aimes pas et peu importe ma réponse.
Jeremy tourne la tête vers moi surpris par mon changement de ton.
-Et toi alors, pourquoi ne réponds-tu pas ? Car tu voudrais savoir ma réponse avant afin d'adapter ta réponse.
Jeremy gagne un point, et je ne peux le nier.
-Bien, alors réponds sincèrement et je répondrais à mon tour peu importe ta réponse.
Le diable lève les yeux au ciel, soufflant.
-On est pathétique.
-On dit souvent qu'on est ridicule lorsqu'on est amoureux. Fais-je avec un léger sourire.
-Alors tu es amoureuse. Poursuit mon voisin.
-Car je suis ridicule ?
-Pire que ça. Dit-il en riant.
-Ah non, je t'assure que je ne suis pas plus qu'amoureuse, enfin pour l'instant.
-Alors ça veut dire que tu es déjà amoureuse ? Dit Jeremy en tournant la tête vers moi.
Je suis bloquée, seule la vérité peu sortir.
-Il se pourrait bien, même si c'est un peu trop tôt pour le dire.
-Donc tu m'aimes ? Je veux t'entendre le dire. S'amuse mon voisin de ma gêne.
-Je n'ai jamais dit que c'était de toi que j'étais amoureuse.
-Ah dommage alors. Répond Jeremy avec complicité.
Mon cœur s'arrête de battre.
-Dommage ? Tu es déçu ? Tu aurais voulu que je t'aime ? Donc tu m'aimes ?! Dis-je d'une seule traite.
-Tu parais bien enthousiaste pour quelqu'un qui ne m'aime pas.
-Effectivement, vous m'avez cernée monsieur l'inspecteur. Dis-je en rougissant.
-Bien. Heureux de l'entendre dire. Il est l'heure d'aller en cours, j'y vais.
Je le regarde sans comprendre. Il se lève et part sans me porter un regard. Salaud.
«08/02 : Cher journal, Je lui ai tout avoué, même ce que je ne m'étais pas avoué à moi-même. Et lui il fait quoi ? Il part sans un regard. Je le déteste. Lou. »
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