Chapitre 2
Ça va bientôt faire cinq ans, cinq ans que je n'ai pas arrêté d'être transmis de famille d'accueil en famille d'accueil. Je n'ai jamais réellement réussi à m'intégrer dans ces familles, je ne me sentais pas à l'aise. Je n'étais pas chez moi, et généralement on me le faisait comprendre. Sauf une fois, où je suis resté plus d'un an avec eux, mais à cause de certaines circonstances, j'ai encore été transféré ailleurs.
- A demain Jungkook !
Il me fait signe de la main et part dans la direction opposée une fois la grille de l'établissement franchi. C'est de lui dont je parlais, ses parents m'ont accueilli et il a été mon frère pendant plus d'un an. C'est grâce à lui, Yoongi, que j'ai pu bien m'intégrer au lycée. Il a toujours pris soin de moi, même lorsque j'ai dû partir pour être transféré dans une autre famille. Bien que nous n'ayons pas de lien de sang il restera toujours une personne importante pour moi.
- Salut, à demain.
Je lui fais un dernier signe de la main avant de partir de mon côté, mais quelque chose me fait m'arrêter. Je me retourne, je regarde autour de moi, mais rien. Depuis plusieurs mois je sens une présence, parfois je jure distinguer une ombre au loin, mais dès que je veux m'approcher pour mieux l'apercevoir, elle disparait, ce qui me fait penser que ce n'est rien d'autre que mon imagination qui me joue des tours. À chaque fois que je sors du lycée ou de chez moi j'ai cette étrange sensation d'être observé, ça me rend fou, car il n'y a personne.
- Vous êtes bien Jeon Jungkook ? Fit une vieille femme sortant de nulle part, me faisant sursauter sous la surprise.
- O-oui ?
J'ai un peu hésité à lui dire qu'il s'agissait bien de moi, mais elle n'avait pas l'air de me vouloir du mal.
- Je suis la nouvelle assistante sociale, je viens vous chercher. Me dit-elle en me montrant des papiers prouvant bien qui elle était.
Elle va sûrement me donner l'adresse d'une nouvelle famille... Cette fois-ci je suis resté seulement trois mois à leurs côtés, je n'ai pas eu le temps de m'attacher et tant mieux.
- Veuillez me suivre s'il vous plaît.
Je la suis de près vers une voiture teintée de noir, y compris les vitres. Elle a l'air de coûter assez cher. Elle me pousse légèrement dans le dos pour m'inciter à y monter avant de refermer la portière derrière moi pour enfin aller s'installer à l'avant à côté du chauffeur.
- Jungkook ce genre de choses n'arrive pratiquement jamais.
- De quoi vous parlez ? Fis-je en attachant ma ceinture.
Le chauffeur démarre la voiture, l'intérieur est tout en cuir noir, et les fenêtres teintées transmettent une ambiance assez sombre une fois installé.
- On a retrouvé des personnes de ta famille.
Ma bouche reste entrouverte, oui, car comment est-ce possible ? La seule famille que j'avais a été assassinée, comment une personne pourrait prétendre avoir un lien de sang avec moi ?
- C-Ce n'est pas possible, il doit s'agir d'une plaisanterie, comment pouvez-vous tomber dans un piège comme ç-
- Ce n'est pas une plaisanterie. Me coupe-t-elle d'un ton sec. Elle nous a bien prouvé qu'elle faisait partie de votre famille, d'après les papiers il s'agit de votre tante. La sœur ainée de votre défunt père.
Alors j'avais une tante ? Je n'ai pas beaucoup de souvenir de mon enfance, mais je me souviens que mes parents étaient en désaccord avec le reste de la famille, pour une raison que j'ignore encore.
- Et cette généreuse femme, a accepté de remplir les papiers d'adoption, vous n'aurez donc plus besoin de moi ou d'une autre assistante sociale.
- Elle a décidé de m'adopter sans même m'avoir vu ?
- Il s'agit tout de même de votre tante, ça me semble normal.
- Même sang ou pas je ne la connais pas, et moi ? Si je ne veux pas rester là-bas ? Si je ne m'y plais pas ? Je n'ai pas mon mot à dire ? Et depuis quand il me reste de la famille ? Comment a-t-elle pu me retrouver ? Et pourquoi maintenant ?
- Jungkook pourquoi tu te poses toutes ces questions inutiles ? N'es-tu pas heureux d'avoir enfin retrouvé une personne de ta famille ? Tu n'es plus un jeune garçon, tu sais très bien que plus un enfant grandit, plus il a du mal à être adopté, alors ne fait pas le capricieux, c'est une chance unique pour toi.
Je ne sais plus quoi dire, ou plutôt je n'ose plus rien dire. Plus les minutes passent et plus le paysage change, il y a de plus en plus de végétation et de moins en moins d'habitations, les seules résidences que l'on croise sont immenses, beaucoup trop immenses pour être habitées par de simples personnes.
- Nous sommes arrivés tu peux descendre, ta valise est dans le coffre.
Donc mon ancienne famille avait déjà livré toutes mes affaires sans même vouloir me dire au revoir ? J'avais raison de ne pas les aimer.
Je descends, hésitant, de toute façon je n'ai pas le choix. Je me retrouve ici sans aucun repère, comme à chaque changement de domicile, sauf que là je n'ai vraiment pas d'information de là où je me trouve. Elle m'a dit qu'il s'agissait de ma tante, mais pour être franc, pour moi je n'avais aucune famille à part mes deux parents et mon frère.
À peine ma valise sortie et le coffre refermé que la voiture redémarre dans la foulée. Ils ont peur de rester ici ou quoi ?
Je relève la tête vers cette immense demeure, avec de grands yeux je m'avance vers la grande grille d'entrée. Je n'ose pas trop entrer. Je regarde un peu autour de moi, quand un léger vent froid me fait ressentir des frissons le long du dos. Le temps n'est plus aussi beau qu'il y a quelques minutes. J'aperçois au loin une personne à une des fenêtres de la résidence. Je plisse les yeux pour essayer de mieux distinguer cette ombre, mais en vain, puis elle finit par disparaitre. Comme toutes ces autres fois.
J'entre sans toquer dans cet immense manoir pour y découvrir un hall plus grand que la moyenne avec des lustres magnifiques. Je pense qu'au fil du temps je n'accorderai plus la moindre attention à leur éclat qui me semblera plus qu'ordinaire. La décoration me semble familière, elle ressemble beaucoup à celle où j'habitais avec mes parents.
Je pose ma valise sur ce sol recouvert d'un parquet ciré à la perfection, avant qu'une personne ne vienne m'accueillir. Un homme vêtu d'un costume sombre, tout en noir avec seulement sa chemise blanche pour atténuer l'obscurité de sa tenue qui lui offrait une étrange élégance.
- Bonsoir, on m'a prévenu de votre arrivée, je me présente Kim Taehyung. Je suis au service de la maison Jeon en tant que l'unique majordome de ce manoir. Dit-il en s'inclinant d'une étonnante grâce.
Une deuxième personne arriva en courant derrière lui, en s'excusant du retard et se plaignant que le majordome était beaucoup trop rapide pour lui.
- Bonsoir, je suis-
Le deuxième arrivant voulu se présenter, mais fit un faux pas dans les plis d'un tapis ce qui entraîna sa chute sur le parquet sans aucune finesse.
- Ne fait pas attention à cet idiot, la maîtresse de maison est bien généreuse de l'avoir embauché au manoir, alors que je suis amplement suffisant.
- Elle a dit que tu devais me former !
- Une prochaine fois, ne vois-tu pas que tu me déranges ?
Il prit ma valise que j'avais laissée au sol et m'invita à monter à l'étage en enjambant le corps de ce domestique encore au sol.
En passant à côté de l'allongé, je m'accroupis et lui tend la main, pour l'aider à se relever. En relevant la tête, son regard perçant rencontre le mien, ses yeux sont d'une couleur anormalement cuivrée aux légers reflets orangés.
Il se relève finalement sans mon aide, en détournant le regard. Néanmoins cela ne l'empêche pas d'aborder un grand sourire de politesse suivie d'une inclinaison avant de me faire signe de suivre son collègue qui était déjà en haut des grandes marches.
- Hoseok retourne à tes occupations. Ordonna le dénommé Taehyung
- O-Oui.
Je monte rapidement les marches pour ne pas perdre de vue celui qui avait emporté ma valise.
- Votre tante, la maîtresse de maison risque d'avoir un léger contretemps, et ne pourra pas vous accueillir comme il se doit.
Cela ne me dérange pas plus que ça, mais cette femme veut soi-disant m'adopter et elle n'est même pas là lors de mon arrivée. Quel genre de contretemps aurait-elle pu bien avoir ?
Le dénommé Taehyung me fait signe de le suivre plus rapidement. Je regarde autour de moi, passant d'un couloir à un autre, si j'avais été seul je me serais vraisemblablement perdu dans ce labyrinthe. Je ne remarque aucun cadre de famille. Si elle vit ici, je pensais qu'il y aurait au moins eu une photo d'elle ou de famille, enfin de famille ça ne risque pas si nous sommes les deux dernières personnes des Jeon vivantes.
Je me demande vraiment quel genre de femme est-ce... Et puis, est-ce qu'au moins existe-t-elle ? L'assistante sociale ne m'a rien dit de concret sur elle, je ne connais même pas son prénom.
Sans même m'en rendre compte, nous nous étions déjà arrêtés, et ce majordome était en train d'ouvrir une des portes.
- Cette chambre sera la vôtre.
- Tu peux me tutoyer, on doit sûrement avoir le même âge, ça me met mal à l'aise...
Il aborde un sourire moqueur avant de déposer la valise à l'intérieur de la chambre.
- Comme tu voudras, mais je fais plus jeune que j'en ai l'air. Si tu as besoin de quoi que ce soit n'hésite pas à venir me demander.
Sans réponse de ma part, il rebrousse chemin, tandis que je referme la porte derrière moi.
Je me retrouve dans cette chambre, assez spacieuse. Je range le peu d'affaires que mon ancienne famille avait sans étonnement pris le soin de mettre n'importe comment à l'intérieur de la valise, comme s'ils voulaient se débarrasser de moi au plus vite. Je me retrouve avec des vêtements complètement froissés. Heureusement que mon uniforme scolaire que je porte en ce moment est en bon état.
Je m'allonge sur ce grand lit et ferme les yeux, je n'ose même pas aller demander où se trouve la salle de bain ou la cuisine. Je préfère rester ici, les draps sont tellement doux et agréables, que je pourrais y rester des heures.
* * *
Mes yeux s'ouvrent avec difficulté, je remarque que je suis toujours dans la même position que tout à l'heure, mais constate également que la lumière du soleil éclairant la chambre avait été remplacée par celle de la lune. Mon ventre commence à se faire entendre sous l'emprise de la faim.
Je décide donc de prendre mon courage à deux mains en priant de ne pas me perdre dans ces nombreux couloirs.
À peine la porte est entrouverte que des voix se font entendre un peu plus loin.
« - Bon retour à la maison, Madame. »
Je suis le chemin qui semble me guider jusqu'aux voix, avant d'apercevoir une lumière allumée au rez-de-chaussée. Je m'arrête en haut des marches en essayant d'espionner discrètement.
Je surprends une femme d'âge mûr parler avec le majordome, est-ce elle, ma tante ? Je ne sais pas quelle heure il est exactement, mais elle rentre assez tard.
Je suis censé dormir, je crois que je devrais retourner dans ma chambre.
Au moment où ces pensées me traversaient l'esprit, je n'avais pas remarqué que pendant ce temps-là, ils avaient arrêté de discuter et me regardaient. Je dois admettre que je ne suis pas aussi discret que je ne le pensais. Je déglutis et descends les escaliers faisant mine que c'était mon intention première de venir les rejoindre.
- B-Bonjour ? Fis-je hésitant en me triturant les phalanges des doigts dissimulés dans mon dos.
Pourquoi suis-je si angoissé ? En même temps ils doivent penser que je les espionnais, même si ok ce n'est pas totalement faux. La femme à l'air étonné de me voir avant de réduire les quelques mètres de distance placés entre nous.
- Tu as tellement grandi...
Elle me caresse la joue du dos de sa frêle main glacée. Fait-il si frais dehors pour que ses mains soient si froides ? De son regard triste elle me sourit. Elle est vraiment pâle, on dirait qu'elle est malade, pourtant elle a un assez beau visage.
- Dans les journaux, il était inscrit que toute la famille avait été assassinée, j'y ai cru sans avoir vu les corps. Alors quand j'ai appris que tu étais sorti vivant de cette tragédie d'il y a cinq ans, j'ai tout de suite voulu te retrouver. Tu as dû vivre seul pendant tout ce temps ? Je suis tellement désolée de t'avoir fait attendre et de te retrouver seulement maintenant.
Alors est-ce vraiment ma tante ? Une chose est sûre c'est qu'elle me connaît, pourtant moi, je n'ai aucun souvenir d'elle.
- Je vois que tu as déjà rencontré notre majordome, Il sert notre famille depuis des décennies, il fait du très bon travail, si tu as besoin de quoi que ce soit tu n'as qu'à lui demander.
Des décennies ? Il a peut-être trois ans de plus que moi à tout casser donc ce n'est pas possible qu'il travaille ici depuis plusieurs dizaines d'années, elle doit peut-être confondre, elle ne doit plus avoir toute sa tête. Et puis comment m'a-t-elle retrouvé ?
Et cette maison... bien qu'elle soit immense, je ne distingue pas énormément de trace de vie, malgré sa grandeur, il n'y a pas beaucoup de personnalisation. Pourtant il y a ce majordome, Kim Taehyung et il y a aussi le maladroit, Hoseok, mais je ne sais pas encore exactement quel rôle il a dans cette demeure.
L'un à l'air étrangement mystérieux tandis que l'autre à l'air étrangement amusant.
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