Sanglantes retrouvailles

Attention, possible spoil de l'arc un du RP Wattpadia.

"Patron, je sors!"

Les deux personnages présents dans la salle du trône sursautèrent au son de la voix grave et sèche qui venait de résonner dans l'immense pièce. L'un d'entre eux, tout vêtu de bleu et noir, assis sur un trône, porta son regard sur le troisième des présents, un grand homme maigre aux cheveux bleu turquoise ébouriffés, appuyé dans l'encadrement de la porte principale. Ce dernier plissa les yeux devant le silence de son interlocuteur.

"J'ai dit, patron, je sors. Tu m'as entendu ou quoi? Vu qu'apparemment je suis censé te transmettre mes moindres faits et gestes."

Le porteur du titre se redressa dans son trône, passant une main dans ses cheveux bruns. L'autre se crispa, effrayé. Il était simplement venu faire un rapport, ce n'était pas pour se retrouver dans une dispute entre deux des entités les plus puissantes du monde.

"- C'est vraiment le moment de nous imposer tes caprices, Mairù? Je vais avoir besoin de toi pour la prochaine offensive. Les généraux sont tenaces, ils ont réussi à abattre un des Grans Ortografeurs et à retrouver l'âme du prince récemment. Mon espion vient de me l'apprendre."

L'espion en question se crispa. Cette dernière phrase de son général et chef des clichés Kikoolol lui glaçait le sang. Il le mettait sur un piédestal et même si ce n'était pas volontaire, le troisième lieutenant de l'armée des clichés n'était pas connu pour sa clémence.

Lieutenant qui avait laissé échapper d'entre ses lèvres un soupir rude, son visage marqué par la guerre et la dégénérescence de son propre corps crispé dans une expression de pur agacement.

"-Écoute boss, je suis claustro. J'en peux plus de rester coincé dans ton palais pour raisons stratégiques. Si tu me laisses pas sortir, ça va finir par retourner dans ta gueule. De toute façon j'vais pas loin. Juste nettoyer un coup le plateau de ses espions éventuels. T'as compris?"

Foudroyant du regard son chef, il commençait à jouer avec un écu argenté, qui commençait à émettre une légère fumée. Il faut dire qu'avec un bras composé à cent pour cent de magie, le contestataire avait largement de quoi faire fondre la pièce.

Finalement, Kikoolol rendit les armes avec un profond soupir agacé, les traits de son visage figés.

"-Très bien. Mais tu n'as pas intérêt à te montrer à l'extérieur du plateau. Ce serait dommage de griller mon meilleur atout."

Un léger ricanement s'échappa de la gorge de celui qu'on surnommait, à juste titre, le maître de la magie.

"-T'inquiète patron. Je serai bien sage."

Et, sur ces mots, Mairù Claro détourna les talons et sortit de la salle d'un pas vif, sa longue blouse tachée de produits divers flottant derrière lui, envahi par une excitation croissante. Il n'était pas sorti depuis si longtemps....

Dans la pièce, l'émissaire se tourna vers Kikoolol avec une expression apeurée. Ce dernier lissait l'hermine de son manteau avec une nonchalance incroyablement bien jouée, bien que le petit tic qui agitait son œil gauche indiquait son inquiétude.

"-C'est vraiment prudent de le laisser sortir?"

Le chef des clichés soupira avec une profonde lassitude, et marmonna d'une étrange voix atone:

"– Je préfère qu'il anéantisse des ennemis plutôt que nos soldats."

De l'extérieur de l'immense palais de Kikoolol, le maître de la magie prit une profonde inspiration, s'emplissant le corps d'air pur et de magie ambiante, tant de choses qui lui avaient manqué. Enfin, il était dehors. Et il comptait bien profiter de son moment de liberté.

Marchant d'un pas lent sur les sentiers montagneux des Plateaux des Clichés et caressant quelques animaux au passage, Mairù tentait de repérer un de ces fameux ennemis, prêt à lui réserver un sort atroce si il avait la malchance de croiser son chemin. Mais le nombre incalculable d'animaux qui s'approchaient de lui pour quémander une caresse ou un peu de nourriture lui indiquait très clairement que personne ne rôdait dans les environs. Bientôt, le jeune homme fut entouré de cerfs et eut des oiseaux jusque dans les cheveux, mais toujours aucune trace d'ennemi.

Détendu malgré tout, le maître de la magie se pencha pour caresser un lapin. Un souvenir lié au petit animal le fit doucement rigoler, un rire sincère qui ne tarda pas à résonner dans toute la clairière où il s'était arrêté, auquel se joignirent rapidement les brames des cerfs et les pépiements des oiseaux dans une harmonie étrangement naturelle.

Mairù se sentait bien, à cet instant. En communion avec une nature amicale, aux côtés d'êtres qui l'acceptaient malgré tout ce qu'il avait pu faire dans sa courte vie. Il se sentait à sa place. Simplement heureux d'être là, pour changer.

Et c'est à cet instant que retentit le craquement.

À peine le son de la branche cassée se fut-il propagé jusqu'au lieutenant et ses compagnons que les oiseaux s'envolèrent dans un piaillement affolé et les cerfs se précipitèrent à l'abri des bois, interrompant abruptement la symbiose du jeune homme. Celui-ci, tiré d'une rêverie assez douce, sursauta avec brusquerie, pour voir le dernier des lapins s'abriter dans un fourré. Ce qui lui fit serrer les dents avec force.

Analysant le schéma de fuite de ses compagnons animaux, il ne tarda pas à trouver la source du bruit, vers laquelle il se dirigea d'un pas lourd, sans se préoccuper du bruit qu'il pouvait faire. Les feuilles mortes craquaient sous ses pieds à un rythme soutenu, révélant instantanément sa position à quiconque était doué d'un minimum d'ouie, mais il n'en avait cure. De toute façon, il trouverait la source.

Une odeur métallique ne tarda pas à s'imposer à ses narines, le plongeant dans un simili état d'excitation. Le sang avait décidément toujours un effet néfaste sur lui, surtout ce qui ne pouvait être que du sang voyageur. Il y avait quelqu'un dans les buissons. Et puisque la plupart des voyageurs ne suivaient pas Kikoolol dans sa quête, incapables qu'ils étaient de voir le vrai but de ce dernier, c'était forcément un ennemi.

Un ennemi bientôt mort.

Ses traits de plus en plus tordus en un sourire fou, Mairù écarta légèrement les branches du buisson séparant la clairière de l'orée de la forêt pour passer la tête entre ces dernières, cherchant à repérer sa future victime. Et se figea net.

En face de lui, appuyés contre un des plus vieux arbres du champ de vision du lieutenant, se tenaient deux personnes d'âge mûr, l'air effrayés et perdus. Aucun des deux ne semblait avoir repéré le jeune homme, tout occupés qu'ils étaient à panser leurs blessures et récupérer des plantes. L'homme, ses longs cheveux bleu ciel ébouriffés et couverts de saletés lui cachant le visage, fouillait dans des racines et y dénichait des champignons, sans se préoccuper de son costume déchiré ou de son haut-de-forme percé par les ronces. Semblant épuisé, il releva la tête et s'épongea le front, dégageant de son visage ses mèches rebelles et révélant un regard bleu vif que Mairù avait instantanément reconnu et haïssait du plus profond de son être.

L'autre, une femme aux cheveux roses et courts et portant un masque lui couvrant la moitié droite du visage, était davantage aux aguets que son compagnon. Malgré une blessure au côté qu'elle tentait de désinfecter avant de soigner, ses yeux roses et fins balayaient la zone avec empressement et peur. Elle avait probablement entendu les craquements des feuilles sous les pas de Mairù, puisqu'elle serrait dans sa main terreuse et ensanglantée une dague rouillée. Elle aussi était en piètre état. Une robe de cocktail rouge et échancrée, qui semblait avoir très mal vieilli à en juger par les déchirures et la décoloration du tissu, n'était pas l'idéal pour vivre en forêt.

Mairù connaissait ces visages, seigneur Créateur il les connaissait. Chaque nuit les horribles souvenirs qui leur étaient rattachés le faisaient hurler de terreur et de rage, plus vivides à chaque rêve qu'il faisait. Et il tenait finalement, entre ses mains, la chance de se purger des horreurs qu'il avait vécu alors qu'il n'était âgé que de trois ans. De tirer un trait sur huit ans de souffrance, huit ans qui l'avaient forgé en le monstre qu'il était.

Alors il se redressa et s'avança dans l'obscurité de la forêt, faisant face à son père et sa belle-mère, son corps entier contracté et prêt à frapper tel le chat qui avait acculé sa proie.

Lore Claro fut la première à le repérer. Son cri de surprise s'étrangla dans sa gorge avec le sang qui venait de l'emplir, giclant des blessures causées par un des tentacules de l'entité enragée. Tentacule qui se ramifia à l'intérieur même du corps de sa cible, faisant exploser des organes vitaux et faisant jaillir de nouveaux geysers de sang. Sauf qu'à peine les tentacules retirées du corps désarticulé, celui-ci se reconstitua à grande vitesse, laissant une victime pantelante et terrifiée mais intacte.

Alors Mairù se tourna vers son père, animé par une rage noire et sanglante, ses yeux turquoise se plantant dans ceux, bleus, de celui qui l'avait engendré. Ce dernier émettait une magie très particulière, azur aux yeux du maître de la magie, qui vivifiait toute la forêt autour de lui. Les blessures de Lore se refermaient, les arbres verdissaient, des fleurs et des fruits poussaient. Le jeune homme pouvait même sentir ses dégénérescences se réparer, alors que Gabriel Claro, son père, le fixait avec regret.

C'est ce regard, plus que tout autre chose, qui poussa le lieutenant de l'armée de Kikoolol au summum de la rage. Son père n'avait pas le droit de le fixer ainsi. Il avait perdu ce droit dès qu'il avait cessé de se considérer comme tel.

Grondant comme un chat sauvage, le fils lésé leva la main, prêt à infliger le coup fatal à son père. Mais quelque chose le stoppait, toutefois. Un très, très vieux compte à régler.

"Tu as perdu le droit de me dévisager de la sorte au moment ou tu a décidé que j'avais causé ta ruine."

Le grondement rauque de Mairù résonna dans toute la forêt, tournant vers lui le regard de Lore et s'attirant un sourire de Gabriel, un sourire teinté de tristesse et de déception. L'entité serra les poings, de plus en plus fou de rage, au bord des larmes, prêt à causer la mort de la nature qu'il avait tant aimée.

"Ça t'amuse, c'est ça, hein? Tu t'en fichais bien de moi, dès le début je n'étais qu'une anomalie, un vulgaire bug dans la matrice qui t'a privé de ta femme! Un être tout juste bon à regarder souffrir tandis que ton cadet, le favori, ah ça tu le gâtais, hein, vieux con?!? Pas vrai?!?!?"

Et Mairù continuait sa tirade, les larmes s'échappant en cascade de ses yeux, son essence bouillonnant de toute la colère rentrée qu'il avait accumulé durant vingt-deux longues années, tandis que son géniteur le fixait en silence et que sa belle-mère retenait tout juste un rire moqueur. Voir la souffrance de son pion favori l'avait toujours amusée au-delà du possible.

L'attitude de la femme n'échappa cependant pas au maître de la magie qui dans son reste de lucidité savait qu'il ne pourrait rien tenter si son père continuait d'émettre cette aura. Alors il se dirigea vers lui d'un pas rapide, et tendit sa main intacte, la gauche, pour attraper Gabriel par le cou et le soulever du sol, figeant instantanément ses flux de magie. Autour de lui, la terre jaunit, les feuilles partirent en poussière et les arbres se flétrirent à vue d'œil. Et le bruit de Lore crachant du sang acheva de renseigner Mairù sur le bien-fondé de son initiative.

Un tentacule transperça la deuxième femme Claro sans un regard de son bourreau et elle s'effondra au sol dans un bruit sourd, tandis que la prise du fils se resserrait sur le cou de son père. Le jeune homme était désormais à quelques centimètres du visage du paternel tant honni.

"Et qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant, vieux con, hein, maintenant que je te tiens enfin? Prêt à rejoindre maman? J't'en prie, j'adorerais te donner ce plaisir!"

Gabriel toussa légèrement et posa sa main droite sur celle de son fils, sans doute dans l'espoir de desserrer une prise toujours plus ferme. Et puis il sourit de nouveau, et quelques mots prononcés d'une voix rauque sortirent d'entre ses lèvres gercées.

"– Mairù....."

Ce dernier sentit son corps se pétrifier sous le coup de la rage. Pourquoi il prononçait son nom? Il n'avait pas le droit de prononcer son nom. Il n'avait pas le droit de faire comme si c'était son père. Ce n'était pas son père. Il n'avait pas le droit.

"....Tu as tellement grandi.....
–Tais-toi!"

La gifle assénée par le maître de la magie fou de rage, infligée par sa main droite bouillonnante de fureur, déchira les chairs du père indigne et fit jaillir un geyser de sang sur l'entité qu'il avait engendrée, alors que ce dernier hurlait, un hurlement étranglé par la colère et les larmes.

"Tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, TAIS-TOI!"

À chaque nouveau cri de rage, un nouveau coup frappait Gabriel Claro, ex-médecin le plus talentueux du monde, et faisait jaillir une nouvelle gerbe de sang. Mairù continua longtemps, très longtemps, transformant le visage de celui qui fut son père en une bouillie informe, recouverte d'hémoglobine. Il ne cessa que lorsque la respiration de sa victime ne cessa de lui parvenir aux oreilles.

"Tais..... Toi......"

Finalement, ses géniteurs étaient morts tous les deux, tous les deux de sa main. Et à côté du cadavre de sa belle-mère, alors qu'il tenait dans les mains le corps désarticulé de son père, Mairù Claro, fils aîné des Claro et septième maître de la magie au monde, avait obtenu sa vengeance.

Et loin de ressentir le soulagement, la jubilation dont il avait tant de fois rêvé, alors que son père le laissait seul et sans nourriture bébé, alors que sa mère le faisait ployer sous ses coups et sa domination, tout ce qu'il éprouvait, c'était un immense et horrible vide, comme si on venait de lui ôter quelque chose de capital.

Rentré au palais de Kikoolol bien avant l'heure prévue, la blouse recouverte de sang et les joues blessées par ses larmes, il croisa ce dernier qui le fixa avec un étonnement très marqué.

"– Qu'est-ce que tu fais là si....
– Pousse-toi!"

Sans même lui accorder un regard, l'entité bouscula son chef et le laissa planté là, se dirigeant d'un pas rapide vers sa chambre, et claqua la porte une fois rentré avant de s'effondrer sur son lit et de laisser échapper d'entre ses lèvres un horrible hurlement de douleur, un cri de bête blessée.

Allongé sur son lit, les vêtements recouverts du sang de son père et sa dernière phrase tournant en boucle dans sa tête à le rendre dément, Mairù Claro laissait échapper toute la douleur et la rage accumulées durant de longues années, les larmes tombant en cascade sur ses joues et les doigts crispés sur ses couvertures.

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Je savais pas quoi faire, alors je me suis dit, pourquoi pas écrire le moment, in-Wattpadia, où Mairù retrouve ses parents tant détestés.

Et ça a pris beaucoup, beaucoup plus d'ampleur que ce à quoi je pensais, franchement. J'en ai même les larmes aux yeux, et pour un destin que j'ai moi-même imposé à mon perso et sachant qu'en règle générale je suis plutôt détachée de ça, faut le faire.

J'espère que cette nouvelle vous aura permis de comprendre un peu mieux la psychologie de Mairù et son passé in-Wattpadia (quoi qu'il n'y ait pas grande différence dans cette partie là avec Azilis, sachant qu'il n'y tue pas son père et que c'est Baku qui s'y charge de Lore).

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