Pourquoi?
Les couloirs de l'école des Fous étaient très animés ces temps-ci. Les élèves semblaient pouvoir ressentir que le sang coulait, partout dans les univers, à des intervalles de plus en plus réguliers, sans que personne ne sache pourquoi.
Akira, lui, savait pourquoi. Hindiale, monde central des univers, était à feu et à sang. Les guerres avaient éclaté depuis l'annonce de la disparition de Kage, le seul à maintenir la stabilité provisoire d'Azilis par sa puissance et son talent diplomatique, et ce climat s'en ressentait sur l'univers entier. En ce moment même, dans d'autres mondes, Thanos devait attaquer, l'attaque sur le Capitole devait avoir lieu. Tout ça à cause d'un régime corrompu. Ça le faisait presque rire.
Presque, car les visions transmises par son alter ego des horreurs qu'il y voyait étaient presque trop vivides. Il se recevait à chaque fois sa peur, sa rage et son désespoir en pleine figure, deux émotions qu'habituellement il ne ressentait que peu. Il avait tout perdu lors de son scellement, ne laissant en lui que ce désir de tuer qui l'emplissait tout entier.
Ressentir des émotions? Voilà quelque chose à quoi il n'était dès le départ pas habitué. C'est pourquoi ses perceptions étaient poussées à l'extrême à chaque fois que Baku était témoin de quelque chose. Et il détestait ça. Avoir les sentiments d'un autre, ne pleurer que sur la tristesse d'un autre, ce n'était pas ça, qu'il voulait, lui, l'indépendant avide de liberté.
Aujourd'hui, il avait d'ailleurs l'impression que c'était pire que d'habitude. Mauvaise journée à Hindiale, sans aucun doute. Il aurait bien aimé y échapper. Il avait des cours à donner, et si il ne gardait pas l'ascendant sur ses élèves, ceux-ci inverseraient vite le rapport de force. Il craignait toujours de tomber sur une combinaison capable d'annuler tous ses pouvoirs depuis l'arrivée de Sirine et Phobos dans la dimension.
Menant ses élèves dans les couloirs, il réfléchissait. Son plan, pour à la fois prendre le contrôle du centre du multivers et arrêter ses horribles visions, était presque en place. Il ne lui restait plus que quelques tout petits détails à régler et il pourrait enfin cesser de se plier aux règles de sa propre école. Il y était presque. La liberté absolue était à portée de main.
Il ne lui restait plus que... Quelques.... Tout petits.... Détails....
Son soudain violent mal de crâne sembla altérer ses capacités de réflexion. Il reconnut là les prémices d'une vision d'une particulière puissance, et fit signe à ses élèves de s'arrêter tandis qu'il prenait appui sur le mur, prêt à déclencher un bouclier de peur le cas échéant.
Il était inutile de résister à la vision, cela ne ferait que lui donner davantage la migraine. Il ferma donc les yeux, et attendit les flashs.
Du sang. Du sang partout. Une distorsion spatio-temporelle. Un horrible hurlement. Des bruits de cadavres qui chutaient au sol. La sensation de sa gorge qui piquait, des sanglots émis par ses propres cordes vocales. Un poids lourd dans les bras, sur les genoux. Pourquoi ne se baissait-il pas? Ne pas savoir ce qui s'y trouvait était insupportable.
Le toucher caressant de longues mèches de cheveux entre ses doigts, la tiédeur d'un corps qui venait de mourir, un bruit de pluie en arrière-plan. L'étouffante sensation de tristesse désespérée. Et puis, finalement, les yeux qui se baissent. Les boucles noir corbeau, les yeux clos, la plaie béante et purulente sur le torse. L'extrême pâleur. Les lèvres bleuies. Le buste qui ne se soulève plus.
Ce n'était que quelques secondes. Ces quelques secondes de cauchemar suffirent a faire lâcher les genoux du plus impitoyable et insensible des Professeurs de toute l'école des Fous. Quelques secondes, largement suffisantes pour identifier le cadavre et sentir son cœur se geler dans sa poitrine.
Quelques secondes.
La vision finit par se dissiper. Derrière lui, les élèves se demandaient pourquoi leur redoutable Professeur était à genoux sur le sol, une main crispée sur le mur et l'autre serrée sur sa bouche, les yeux écarquillés et secoué de tremblements. Quelques-uns se souvenaient qu'il avait un alter ego, d'autres connaissaient les horreurs de son univers d'origine, les derniers avaient assisté à plusieurs de ses visions, auxquelles il avait parfois réagi... Violemment. Mais tous étaient animés d'une profonde satisfaction.
Quelque chose avait mis à terre Akira Claro, la terreur du bâtiment. Et ce quelque chose avait peut-être même une raison pathétique, qui sait? Après tout, Éva avait dit qu'il aimait quelqu'un. C'était peut-être une pitoyable déception amoureuse?
Tandis que cette idée faisait son chemin dans le cerveau de la classe, des rires commençaient à retentir. Quelle que soit la raison, la situation était risible. Se faire terrasser par une vision. Quelle honte. Vraiment.
Et comme Akira était revenu dans l'état semi-comateux qui suivait ses visions, il pouvait tout entendre.
Et, pour la première fois depuis des années, il sentit quelque chose. Une fine pointe de colère, une colère qui était sienne. Une colère qui n'attendait qu'à être exprimée, expulsée envers ses cibles, les pathétiques morceaux de chair derrière lui qui osaient se croire supérieurs, qui osaient se moquer de lui.
Alors il se leva. Doucement. Tourna son regard vide vers les élèves. Ses yeux étaient étrécis.
Une fraction de seconde plus tard, des élèves ne restait plus que des monceaux de chair et des traînées de sang. Au centre de son carnage, le jeune Professeur, le regard toujours aussi vide, les joues recouvertes de larmes qu'il ne contrôlait pas.
Il sentait les regards d'importuns qui venaient de sortir de leur classes, attirés par les rires et les cris. La décision la plus rationnelle était de les renvoyer dans leur classe, où alors de les tuer, eux aussi, pour que personne ne raconte ce qu'il venait de voir. Mais son esprit perturbé n'avait plus rien de rationnel. Alors, un violent coup de vent et une onde de frayeur se chargèrent à sa place de congédier les élèves. Lui, il se mit a courir. Courir, jusqu'à la petite pièce qui lui servait de chambre.
La porte s'ouvrit sur une pièce assez spartiate. À l'intérieur, un lit deux places recouvert d'un couvre-lit en coton, quelques centaines de livres répartis en piles et étagères, des menottes et autres instruments barbares suspendus sur les murs. Sur un bureau de bois grossier, un cadre, dans lequel une photo ou une jeune femme brune en robe vaporeuse noire teintée de bleu levait son majeur à la caméra.
Akira se saisit de la photo, et fit glisser ses doigts sur le verre protecteur du cadre. Il se souvenait de cette photo. Elle provenait d'un moment qui ne lui appartenait pas, une époque ou un autre avait fait sourire la personne qu'il aimait, et pour le récompenser elle l'avait fait sien.
L'amour. Sentiment bien étrange, n'est-ce pas? Il avait longtemps cru que ce qu'il ressentait ne lui appartenait pas, comme le reste. Une créature comme lui ne devait pas ressentir d'amour. Il en avait été donc agréablement surpris, et si satisfait, dans un sens, que ces émotions ne s'estompent pas avec l'affaiblissement du lien. Enfin, il pouvait avoir quelque chose à lui. D'abord, l'émotion. Ensuite, la jeune femme. Lina.
Et aujourd'hui, elle était morte, morte dans les bras d'un autre, morte sans qu'il ait pu la voir autrement que dans ses visions. Disparue. Partie à tout jamais.
Le choc de la révélation brisa les derniers remparts, rompit le dernier lien qui le reliait à son calme habituel. Il se dirigea en titubant vers le lit et s'y recroquevilla, la tête dans les genoux, laissant couler des larmes qui cette fois étaient bien les siennes.
Un long moment s'écoula avant qu'on ne frappe à la porte. Akira ne releva même pas la tête. Il savait que c'était Kathlina qui venait lui rendre des comptes.
La Directrice rentra sans s'embarrasser d'autre forme de cérémonie et s'assit sur la chaise de bureau du jeune homme qui grogna.
"-Laisse-moi deviner. Je vais encore devoir remplir de la paperasse. Kat, ce n'est pas la première fois que je tue un élève...
-C'est la première fois que tu tues une classe entière uniquement remplie de bons éléments sur le simple prétexte que tu as eu une vision. Alors oui, tu vas devoir rendre des comptes si tu ne veux pas passer de l'autre côté de la chaise. Explications."
Le Professeur soupira. Il ne pouvait pas révéler sa vision à Kathlina sans risquer de fondre de nouveau en larmes. Il détestait ça, décidément. Pourquoi venir le tourmenter maintenant avec ces stupides émotions humaines? Pourquoi celles là, et pas, il ne savait pas, peut-être, la joie, le bonheur, la satisfaction, la jouissance? Pourquoi la tristesse et le désespoir?
Il se contenta de serrer ses doigts encore plus étroitement sur le cadre et de tourner un œil morne vers sa supérieure. Celle-ci avisa la photo et pinça les lèvres.
"Je reviendrai lorsque tu seras apte à m'expliquer. En attendant, je te suggère de préparer une bonne explication. Tu es un de nos meilleurs éléments, il serait dommage que tu deviennes un travail pratique..."
Sur ses mots, elle sortit. Et puisqu'un malheur n'arrive jamais seul, Phobos fit son irruption sans même annoncer sa présence seulement quelques secondes après.
"Tu peux m'expliquer ce qui t'arrive? Ce n'est pas habituel de ta part, ce meurtre passionnel! Oh, n'essaie pas de me mentir. La scène dégageait une telle colère que j'en ai immédiatement identifié la source! Et si Kathlina t'a dans le collimateur, ça va pas arranger nos affaires...
-Phobos."
C'est comme si il avait appuyé sur un interrupteur. La habituellement si silencieuse Phobos cessa immédiatement de babiller sur son ton énervé en voyant l'expression glaciale et surtout les abîmes noirs qu'étaient devenus les iris d'Akira. Ce dernier la fixa avec une détermination froide, et reposa délicatement le cadre sur son lit.
"Prépare tes affaires. On part ce soir."
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MAIS J'AI QUOI AVEC LE AAAAAAAAAAAAAAAAANGST 0^0
ÇA FAIT TROIS FOIS DE SUITE (Sans compter le tournoi) QUE MES OS CONTIENNENT AU MOINS UN MORT OU UNE SITUATION TRISTE J'EN AI MARRE MOI À FORCE!
Quoi? C'est ma faute? Parce que la scène est canon à chaque fois? Parce que j'ai trop mis de tristesse dans ce foutu bouquin?
Peut-être bien.
En tout cas, un pdv Akira était vraiment intéressant à écrire. Je referai sûrement ça.
Ça vous a plu?
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