«Quoi ?!? Le gâteau n'est pas encore prêt ? »

Le cri paniqué de la Créatrice donna un violent coup de fouet à tous les préparateurs, qui s'agitaient jusqu'alors assez mollement. La zone, qui commençait à ressembler de plus en plus à un véritable lieu de mariage, était investie de voyageurs qui travaillaient plus ou moins dur pour préparer un cadre plaisant pour les mariés et tous les invités. Les trois quarts du travail étaient déjà achevés, la robe parvenue à Angélique avant-hier, la zone prête, les cocktails parés, on avait même investi dans un appareil photo dernier cri terrien pour tout enregistrer, et bien sûr il fallait que ce stupide gâteau ne soit pas encore prêt !

Louna tournait en rond sur l'espace réservé aux témoins du marié, un des meilleurs endroits pour observer la scène. Il s'agissait d'un petit balcon dans l'alcôve qui devait accueillir le couple, situé à environ un mètre cinquante de hauteur. Lina, qui fixait les dernières guirlandes de fleurs blanches et oranges sur son homologue réservé à la mariée, lui jeta un regard agacé.

« Ne commence pas à me casser les bonbons, bien sûr que le gâteau n'est pas prêt. Tu as tenu à ce que Baku le prépare le jour même, et une pièce montée ornée de choux à la crème et de fleurs en sucre, même avec son talent culinaire et les distorsions temporelles de l'Entre-Deux, ça se prépare pas comme ça ! »

Un soupir s'échappa des lèvres de l'adolescente tandis que cette dernière faisait promener son regard sur le vaste jardin qu'elle avait réussi à créer ici, dans l'Entre-deux, afin de pouvoir accueillir tout ses invités de tous les univers. Une vraie réussite, si on considère qu'il ne lui a fallu que deux jours pour le créer et l'agencer. Une immense zone d'un petit millier de mètres carrés, ornée de fleurs aux couleurs des mariés, blanches et oranges, qui formaient des motifs floraux compliqués le long des piliers en métal argenté. Aluminium ou platine, allez savoir. Les nuances orangées qui ajoutaient une petite touche de couleur à la scène allaient de la douceur fruitée d'une nuance claire aux lueurs crépusculaires des plus foncées.

Le spectacle de son œuvre réussit à calmer quelque peu l'organisatrice, qui sourit en détaillant chaque partie du jardin. Le sol était entièrement blanc, piqueté d'herbes blanches et de fleurs oranges. Les bancs étaient en argent clair, ornés de quelques fleurs toujours oranges. Le choix des couleurs n'avait rien d'anodin, et elle espérait que son chouchou, le jeune marié, s'en rendrait compte. Et, bien qu'une petite vingtaine de personnes uniquement ne soient sur les lieux, le jardin grouillait déjà d'activité. Et de disputes.

« C'est moi qui fait la fouille !

-Tu rigoles ? Tu tripoterais les invités de partout, sale chien lubrique !

- Et toi alors, tu leur filerais pas des décharges, peut-être, la pile électrique professionnelle ? »

De nouveau, un soupir s'échappa des lèvres de la Créatrice fatiguée. Cette dernière sauta du balcon d'un geste large, sa longue veste à motif de camouflage flottant derrière elle, et fila vers l'entrée, où Cyno et Raiju se disputaient l'insigne honneur de faire la sécurité. Al, à qui on avait assigné la fonction de détecteur de métal vivant, se tenait à côté, lassé. Un bâillement s'échappa de ses lèvres à la vue de la jeune femme qui courait vers lui, pour séparer les deux bagarreurs.

« Vous m'expliquez ce bordel ? »

D'un même mouvement, les deux fautifs se montrèrent du doigt mutuellement, une expression de fureur enfantine sur le visage, typique comportement qui accompagnait l'idiome « C'est lui qu'à commencé ! ». Un grognement s'échappa des lèvres de Louna.

« De toute façon, les personnes à qui j'ai attribué la sécurité, c'est Hydra et Al ! Cyno, tu es chargé de l'accueil, et Raiju, tu n'avais pas des lumières à accrocher ? »

Un air penaud se dessina sur les traits des deux concernés. Al bailla de nouveau. Un problème de moins.

Une fois les deux zigotos de retour à leurs tâches habituelles, l'auteure se tourna vers son personnage le plus tranquille, une expression interrogative sur le visage. Al ouvrit la bouche, sachant pertinemment ce qu'elle allait demander, mais c'est la voix de la jeune dresseuse de dragons qui s'éleva à la place de la sienne, le coupant dans son élan.

«L'Entre-deux est bien accordé aux déroulements temporels respectifs de chacun des mondes d'où proviennent nos invités. En temps d'ici, on a quatre heures pour finir ce qu'il nous reste. La cuisine de Baku est soumise à une distorsion qui lui laisse huit heures pour achever son gâteau. Les portails s'ouvriront automatiquement, comme tu l'as demandé.

- Merci, répliqua Louna avec soulagement, ça me tire une épine du pied. Je vais pouvoir faire mon entrée fracassante sans avoir à me soucier de rien ! »

L'air inquiet d'Hydra ne tarda pas à ôter tout le soulagement du visage de sa créatrice.

« En fait, euh... A ta place, j'irais voir dans la cuisine. Tes choix d'invités me laissent assez perplexe, tu sais. »

Elle balaya ces remarques d'un revers de la main dédaigneux et soupira, tout en changeant son point d'appui.

« J'allais quand même pas les laisser au QG ! Sans ma surveillance, ils feraient n'importe quoi, le les connais ces deux joyeux larrons. Ici, au moins, ils sont privés de leurs pouvoirs respectifs, on est sûrs d'être tranquille...

- .... Va voir dans la cuisine, Louna, et tu comprendra peut-être pourquoi Baku a autant de retard alors qu'il travaille depuis huit bonnes heures. »

Ces paroles n'annonçaient rien de bon.

Louna prit congé de la dresseuse de dragons et se dirigea vers la cuisine en question, située à l'écart du jardin. Effectivement, on pouvait y entendre des éclats de voix forts violents. Elle se concentra. Deux.. Non, trois voix différentes. Et aussi un énorme vacarme digne des pires champs de batailles du multivers.

Cherchant à conserver un petit effet de surprise (on est théâtrale où on ne l'est pas!), la brunette ouvrit la porte d'un grand geste qui l'envoya claquer contre le mur, et s'exclama d'une voix de stentor travaillée durant cinq longues années :

« MAIS QU'EST CE QUE C'EST QUE CE BORD... »

La fin de sa phrase fut occultée par l'énorme saladier de crème qui venait de lui atterrir sur la figure et pire que tout, dégouliner sur ses vêtements touts neufs ! Alors qu 'elle venait enfin de négocier l'achat d'un T-shirt Metallica et de chaînes de pantalon ! Cette fois, c'était la guerre !

La crème ne lui avait pas bouché la vue, la Créatrice eut donc tout le loisir d'admirer l'énorme champ de ruines qu'était devenu sa belle cuisine. Des légumes écrasés sur les murs blancs, le plan de travail brisé, les casseroles défoncées, le plancher maculé de crème et de jus de viande, et au milieu de tout ce désordre monumental, les trois Claro, un air d'enfant pris en faute sur la face et de la nourriture et des ustensiles dans les mains. Louna remercia le Créateur, ils n'avaient pas pensé aux couteaux.

Se retenant de leur sauter dessus, l'adolescente, une lueur malsaine dans ses yeux vipère, s'avança tranquillement vers les trois sales gamins en esquissant un rictus tordu à faire frissonner même Akira. Ce dernier fut le premier à laisser tomber sur le sol ses redoutables armes, suivi par Baku, puis Mairù, ces derniers absolument pas rassurés.

« Alooooooors... C'est comme ça qu'on travaille, bande de malpolis ? »

Ils eurent la décence de ne pas répondre. Cela n'empêcha toutefois pas leur auteure de les attraper par la peau du cou et de les secouer comme des pruniers, l'un après l'autre, en criant de toute la force de sa voix « C'EST LA DERNIÈRE FOIS QUE VOS PITRERIES DE GAMIN M'OBLIGENT A TOUT RÉPARER, C'EST BIEN CLAIR ???? »

Privés de leurs pouvoir par l'influence de l'Entre-deux, aucun d'entre eux n'osa réagir. Après avoir finalement bien passé sa rage sur les trois fautifs, Louna libéra Baku et s'empara des deux autres, intrus dans cette cuisine, et les jeta dehors sans autre forme de cérémonie. Enfin, après un regard noir à son cuisinier attitré, elle leva les mains et reconstitua la cuisine, pièce par pièce, y mettant une bonne part de sa concentration. Lorsque finalement, épuisée mais satisfaite de son travail, elle s'adossa contre le plan de travail nouvellement rétabli, haletante, et fixa le jeune homme aux cheveux blancs d'un regard sans équivoque. Celui-ci se remit au travail sans oser élever la voix, tandis que sa créatrice, pestant contre les gamins qui lui faisaient gaspiller son énergie inutilement, sortit de la cuisine pour superviser le reste des travaux et laver sa tenue.

Décidément, ça promettait.

Quatre heures plus tard, suivant la temporalité du jardin, les premiers portails s'ouvraient. Dans la zone, c'était l'effervescence. Devant le piano blanc ivoire orné d'arabesques oranges formant un motif entrelacé, Selky, trop stressée pour se rapprocher de ces derniers, révisait les musiques qu'elle devrait interpréter. Phoebe s'occupait, quant à elle, d'accorder les guitares et d'évaluer l'état de la batterie. Lorsqu'il faudrait, elle saurait prendre la place de DJ, mais rien ne valait la musique jouée par ses amis le jour d'un mariage. Même ce ronchon de Mairù avait accepté de mettre la main à la pâte... Enfin, à la flûte, plutôt, et préparait un récital avec Selky au violon et, bon gré mal gré, Baku au piano. Les autres tournaient en rond dans la zone, plus ou moins stressés, plus ou moins proches du buffet où s'amoncelaient des plats plus ou moins somptueux.

Louna contemplait son œuvre un peu plus loin, vers le centre de l'allée principale formée par les bancs. Elle avait réussi à rattraper sa tenue, bien que son pantalon portait encore quelques traces du lavage. Un discret éclat gris attira son attention au sommet du dôme protecteur qui séparait la zone du reste de l'Entre-deux, monde dénué de logique s'il en est et très dangereux pour les voyageurs non expérimentés : Kage, l'âme damnée de la jeune femme, toujours caché et fidèle au poste, se tenait désormais prêt à contrecarrer chaque rixe sans se faire remarquer. Elle sourit. Sans doute parce qu 'elle était la seule à ne pas douter de l'efficacité de son gérant des multivers, le seul ici qui disposerait de ses pouvoirs pour plus d'efficacité.

Lina lui tapa sur l'épaule, distrayant sa cadette de ses réflexions satisfaites. La jeune femme portait, cette fois, une courte robe noire à une bretelle, qui se terminait en une rose noire et argent sur l'épaule gauche. Baku l'avait visiblement convaincue d'enfiler des talons compensés : Elle dépassait sa créatrice d'un ou deux centimètres. La jeune femme triturait nerveusement ses bijoux fins, l'air en proie à une certaine nervosité que son regard vairon trahissait. Manifestement, elle avait quelque chose à lui demander. Ce qu'elle fit, sous l'air avenant de sa créatrice.

« T'as pensé à la viande pour Rroïg', Owen et Summer ? »

Louna répondit par l'affirmation en souriant.

« Baku était dégoûté de voir de la viande qu'il ne pouvait pas cuisiner, mais je l'ai convaincu de laisser une énorme portion à Rroïgyar. Je te promets qu'il n'y a mis que du poivre, malgré une certaine attirance pour le piment naga jolokia...

-Le plus fort du monde ? Non mais il est pas bien... »

Le sourire de Lina démentait la sécheresse de ses propos. Elle était on ne peut plus habituée à la tendance à épicer n'importe quoi de son mari. Sa créatrice lui rendit son sourire.

« C'est Baku, quoi. Tu connais son amour des épices. Par contre, je ne garantis pas qu'Akira n'ait pas décidé de lui faire une petite blague. Et pour Summer... »

Elle fronça le nez. Toute créatrice qu'elle était, elle n'en restait pas moins humaine.

« C'est arrivé hier soir. Cyno a fait du bon boulot, mais j'aurais préféré ne pas lui infliger ça. Le forcer à recontacter une meute de loups connue pour son raffinement cruel lui plaît aussi peu qu'à moi, mais on a pas eu le choix. Il y en a pour tous les goûts, brute, cuite, des yeux dans un bol, en carpaccio, et même des petites gourmandises comme la langue et... Les organes génitaux. »

Lina grogna.

« Super, des pénis au sirop de cerise, manquait plus que ça ! Le buffet est à part j'espère ?

-Je ne tiens pas plus que ça à infliger le spectacle de testicules marinant dans leur propre sang à mes invités. Le buffet « spécial viande particulière » est dans une pièce à part, où seuls Summer, Owen et Rroïgyar peuvent accéder. J'espère qu'ils comprendront le fonctionnement d'un lecteur d'empreintes. »

Sur ces belles paroles, l'adolescente se tourna vers les portails. Les premiers invités commençaient à arriver. Lina eut cependant le temps d'aviser sa grimace crispée avant qu'elle ne soit absorbée par l'ouverture du premier.

« Tout va bien ? »

La brunette grommela.

« On ne change pas les bonnes habitudes, j'ai toujours autant horreur d'accueillir des invités. »

Lina pouffa mais resta silencieuse. Et elle fixèrent toutes les deux les portails qui commençaient à éjecter, plus ou moins violemment, des gens, sous l'effervescence générale.

Les premiers à arriver furent l'entourage de la jeune mariée. Il était difficile de louper l'ombre immense du géant qu'était son premier témoin, Aran, qui avait cependant pris le temps de se tailler quelque peu les cheveux et la barbe, laissant une bonne épaisseur cependant. À coté de lui, la mariée en question. Angélique, loin d'être rassurée, avait drapé sur ses épaules une cape immense pour cacher sa robe avant le moment venu. Une tradition que beaucoup considéraient comme stupide, mais Louna tenait à voir dévoiler son œuvre au bon moment.

Lina les salua rapidement, tandis que Louna houspillait Cyno pour qu'il se dépêche, nom de Dieu ils vont bloquer le chemin, Ambre et les autres ne devraient plus tarder et ça allait faire des embouteillages ! Sans doute un coup de stress, puisque aucun des invités ne se gênait pour visiter le jardin, Cyno ou pas. Plus loin, Zium, toujours aussi sans-gêne, faisait de grands signes à Miya qui finissait d'apprêter la scène de concert, et cette dernière, réajustant sa robe de soirée bleu pâle qui lui tombait jusqu'aux pieds, fila l'accueillir. Ils ne tardèrent pas à entamer une discussion que le changeforme n'avait aucune difficulté à animer.

Un peu plus loin se tenait le petit groupe constitué de Yuki, Yla et Noumi. Ce dernier avait attaché un nœud papillon noir autour de son cou, sans doute le maximum qu'il pouvait faire, en tant que quadrupède félin, pour avoir l'air présentable selon les standards humains. Mais il avait lissé sa fourrure et elle était parcourue de reflets roux, qui attiraient inexorablement l'œil de chaque amateur d'animaux. Mairù, doué d'une excellente vue, avait d'ailleurs le plus grand mal à se concentrer sur son morceau, tant il admirait l'effet. Du moins jusqu'à ce qu'un regard mi-intrigué mi-agacé d'Yla l'oblige à se consacrer à sa tâche, faisant regagner en vigueur l'ambiance musicale.

Cette dernière était vêtue d'une superbe robe rose fleurie qui la mettait en valeur et son unique œil brillait de joie. Son mariage récent avec le tigre à dents de sabre semblait la combler et elle irradiait le bonheur. À côté d'elle, Yuki, également en robe, mais blanche ornée de dentelles, ce qui mettait en valeur son teint sombre. Ses oreilles frémissaient d'impatience : La journée s'annonçait bien pour elle. Lina se tenait à côté d'eux et discutait amicalement avec Noumi, un sourire esquissé sur leurs deux visages.

Quant à la Créatrice, eh bien, elle faisait le tour. La première appréhension passée, elle eut tout le loisir de discuter avec les invités, à grand renfort de gestes brusques qui témoignaient une croissante excitation. Après avoir salué Alia et l'avoir laissée en compagnie de Cyno, elle poussa Oscar, vêtu d'un superbe costume noir, vers la scène de concert, et retourna vers les portails pour s'assurer que tous les personnages l'avaient bien franchi, et ce sans encombre. Visiblement tout s'était bien passé, mis à part que Venus se plaignait que sa robe avait été froissée. Il faut dire, aussi, une robe style baroque, avec jupons et velours rouge orangé et une coupe très digne, ça passait pas forcément dans les secousses de l'Entre-Deux. Sans se démoraliser, Hydra, qui s'occupait de la sécurité, lui indiqua un endroit où elle pourrait se reposer et arranger sa tenue. Venus eut même droit à un compliment de sa part.

Une fois chaque personnage bien installé, un ultime crachotement du portail annonça l'arrivée de Belfeder. Arrivée remarquée d'ailleurs, puisqu'à peine les deux pieds sur le sol, elle se mit à faire le tour du jardin pour examiner sous toutes les coutures le lieu du mariage. Consci suivait, une mine quelque peu rébarbative sur son visage et les bras croisés. La foule, sans doute. Tant de monde qu'elle ne pouvait pas encore emmerder.

Lina pouvait, elle. Un petit sourire en coin se glissa sur se lèvres lorsqu'elle aperçut la chevelure bleu-vert de la CSD, s'attirant les regards réprobateurs de Noumi et Yla, et celui, plus interrogateur, de Yuki. Louna, qui se trouvait à côté, eut la puce à l'oreille et se dirigea vers son OC principale en criant, d'une voix inquiète :

« Attends, Lina, hors de question que tu ailles... »

Trop tard : La brunette se dirigeait déjà vers son antagoniste, une lueur malsaine dans le regard. Sans doute avait-elle en tête une réplique sur l'absence de Granos (veto imposé par Asura), puisque des éclats de voix ne tardèrent pas à retentir de leur coin du jardin. Louna, dépitée, baissa la main en grognant.

«... Emmerder Consci. Et merde ! »

Et puis, comme si il s'agissait d'un incident mineur, elle fila discuter cérémonie avec Belfeder tandis qu'Asura se chargeait d'emmener Angélique finir de se préparer. Oh, pas grand chose. Juste la coiffure qui avait quelque peu souffert du voyage.

Les portails continuaient d'ailleurs de cracher du monde. Les suivants arrivaient directement d'Arctus Ier, et on ne pouvait pas nier que le changement d'environnement était brutal. Eh oui les gars, l'Entre-deux, ça n'a rien à voir avec l'espace.

Caïn fut le premier à sortir, suivi de près par Axel et Lya. Leur auteur suivait tranquillement, enfin autant tranquille qu'on peut l'être dans un smoking noir qui ne nous va pas du tout, pas vrai ?

Louna, toujours avec Belfeder, leur fit un grand signe de la main, attirant l'heureux porteur du pseudonyme LovelikeWolf qui alla discuter avec elles sans aucune autre forme de cérémonie, laissant Cyno bien en peine d'accueillir les quatre autres. Caïn ne tarda d'ailleurs pas à prendre congé de ce dernier et se mit en quête de sa petite amie, Gwen, qui malheureusement pour lui n'était pas encore là. On attendait Lou et sa troupe plus tard. Cyno dut donc rester avec Axel et Lya tandis qu'Al vérifiait qu'ils n'avaient ni armes ni artefacts dangereux.

Sa tâche accomplie, le détecteur de métal vivant se tourna vers le quatrième larron et grommela. Ce dernier était en effet autant recouvert de métal qu'un gars ayant adopté un style punk peut l'être. Des piques et des chaîne partout, des bracelets de force, et même les fermetures éclair de son blouson noir était en métal. Le grand dadais au crâne rasé dont Rroïgyar avait pris la peine de prendre l'apparence, soi-disant pour ne pas « effrayer les invités », avait décidément le don pour être à côté de la plaque. Même Al, pourtant fervent amateur des bracelets de force et autres joyeusetés métalliques, n'avait pas pris la peine de se recouvrir autant. Et ça faisait du boulot supplémentaire pour notre malheureux manipulateur de métal : En effet, comment distinguer les armes des décorations avec son pouvoir ? Merci, Rroïg' !

Axel pouffa et tritura son long manteau d'apparat de cuivre brun, observant la déconvenue d'Al qui ne cessait de récriminer tout en fouillant Rroïgyar. À côté, Cyno, un peu mal à l'aise, s'empressa d'indiquer à Lya les éléments importants de la zone, tels les toilettes, le buffet, le lieu de la cérémonie, et ô surprise ! Les chambres, au nombre d'une vingtaine, prévues, d'après la jeune hôtesse, pour abriter ceux qui ne pourraient pas conduire à cause du trop-plein d'alcool... Mon cul oui, se disait Cyno. Les portails ne nécessitent pas une complète attention pour les traverser. On s'attendait surtout à quelques retrouvailles de couples vivant dans des univers très différents.

Après le départ d'Axel et de Lya, partis se poser sur un des bancs en bavardant gaiement, Cyno poussa un soupir de soulagement. Ça semblait se calmer un peu. Les dates d'arrivée étaient en effet censée s'espacer dans le temps : D'abord, Belfeder avec la mariée, puis LovelikeWolf dans la première heure. Puis, dans la deuxième...

« Nous sommes en avance, semble-t'il. »

Et c'est ainsi que le dernier loup-garou de la meute du Néant mourut d'une crise cardiaque. Son interlocuteur, un grand homme sec et voûté en costume très élégant, s'avançait vers lui d'un pas sûr, une canne à pommeau en main. Derrière lui, probablement la troupe de personnages la plus hétéroclite des invités : Un vampire, un ou deux elfes, un assassin, un fantôme, une ex-servante, une apprentie magicienne, un jeune homme blond, probablement le plus normal de tous, et, au centre de la troupe, une aura malsaine imprégnant l'atmosphère autour de lui, nul autre que le Chambellan, gardien des mondes de son Créateur à l'instar de Kage pour Louna.

Hydra eut plus de cran que le pauvre demi-lycantrope à qui l'aura que dégageait le Chambellan avait flanqué une frousse telle qu'il s'était changée en statue à poils bruns. Lorsqu'elle aperçut ces derniers, elle cria à Louna, qui s'était éloignée avec les deux autres auteurs :

« LOUNAAAA ! Y'a Corbeau qui est arrivé en avance ! »

Cette dernière se détacha aussitôt de son groupe pour se diriger vers ce dernier, qui n'avait pas l'air heureux d'être là, et l'accueillir avec un grand sourire ravi avant de l'entraîner, bon gré mal gré, dans un coin tranquille. Personne ne voulait savoir de quoi ils discutaient. Surtout quand on sait que ce grand dadais au visage empâté tenait entre ses mains un des univers peuplé par les personnages de Louna, et était, sans vouloir se vanter, d'un sadisme raffiné à l'extrême.

Cyno évanoui, Hydra dut s'occuper des autres seule. Très déçue de ne pouvoir bavarder plus longuement avec certains des invités, elle fit son office sèchement et s'attira quelques regards plus ou moins noirs de quelques personnages, notamment Allium qui ne se gêna pas pour grommeler, les mains serrées autour de son ventre arrondi par le bébé et agrippant le tissu de sa robe violette, élargie au niveau de la taille pour lui donner un meilleur confort. Grommellements interrompus par son exubérant petit ami qui, l'ayant à peine aperçue, se précipita vers elle pour la serrer contre lui et l'emmener s'asseoir sur un fauteuil molletonné non loin de là. Leur comportement réussit l'exploit d'arracher un sourire amusé à Hydra. Zium promettait d'être un vrai papa poule.

L'avance de Corbeau fut finalement très bien gérée, et des discussions plus ou moins joyeuses commençaient à animer un peu le jardin. Hydra nota que tout le monde évitait le Chambellan. Même Talienka, qui éprouvait apparement un certain respect pour lui, restait à distance. Bon, visiblement, elle avait une bonne excuse : Sortie de la dimension des morts de son univers, elle revoyait probablement son mari Drake pour la première fois et ils se tenaient dans un coin, à entretenir une discussion passionnée. La jeune dresseuse de dragons se surprit à se demander ce qu'il adviendrait si elle et Cali, sa fiancée, se retrouvaient dans la même situation.

Ne restait plus qu'à attendre les invités de la deuxième heure. Corbeau étant là, il n'y aurait à accueillir qu'Esther. Une chance pour les deux gardes temporaires qu'elle et sa troupe ne soient que quatre.

Plus loin, les invités déjà arrivés commençaient déjà à se mettre à l'aise. Baku, enfin débarrassé de sa corvée cuisine, discutait plus loin avec Axel en triturant un coin de son veston bleu pâle. Akira traînait dans un coin, non loin d'eux, un objet suspect dans les mains. Personne n'avait envie de savoir ce qu'il préparait. Heureusement pour le public, il avait pris soin de s'habiller d'une manière complètement différente de son alter ego : Alors que ce dernier portait un costume bleu et gris élégamment coupé, bien que sa chemise ne soit pas entièrement refermée par pure fantaisie de sa part et son veston largement ouvert, Akira lui s'était contenté d'une chemise blanche large à manche courtes dont deux ou trois boutons avaient sauté, laissant entrevoir ses pectoraux, et d'un jean bien coupé, certes, mais un jean quand même. Des Converse noires et quelques bijoux en argent complétaient la tenue de l'être astral souriant dans un coin. De quoi attirer l'attention, mais pas de la manière qu'on penserait à un mariage. Il était diablement sex....

« LOUNA ! »

Ah, merde, il semblerait que Lina ait remarqué le brusque changement de narrateur. Il va falloir laisser la parole au vrai raconteur pour décrire la suite des évènements, quel dommage.

Bref. La Créatrice, perdue dans ses pensées (on se demande pourquoi d'ailleurs. Un conseil, ne jouez pas le narrateur pour cette folle, au risque de vous retrouver séquestrés dans un placard le temps qu'elle joue à la petite fangirl.), sursauta au cri de son OC principale et se replongea dans une discussion entre Créateurs qui franchement, aurait pu se passer d'elle. La brunette soupira et repartit dans sa conversation avec Baku et Caïn. La petite séance d'emmerdement de Consci n'avait pas duré longtemps, on peut remercier une intervention subtile de Kage.

Le temps filait donc de manière fort joyeuse dans le jardin. Angélique et Seiji n'étaient pour le moment pas présents, sans doute occupés à se préparer dans leurs chambres respectives. Asura devait se montrer intransigeante avec cette pauvre Angel sur sa coiffure, son maquillage et sa posture. Elle avait une certaine autorité en matière de style. Et du coté du jeune marié, c'était Garm qui était en charge de l'apprêter. Autrement dit, les moins agréables du lot en matière de look. Courage, les gars, c'est qu'un mauvais moment à passer !

L'apparition d'Esther interrompit quelque temps les joyeuses discussions. Cyno, qui avait eu le malheur de prendre sa pause syndicale au mauvais moment, n'était pas là et Hydra était débordée par un élément du décor posté par elle-même qui s'était détaché et une petite dispute avec Phoebe qui se l'était pris sur la tête. Pourtant, ce n'était pas sa faute. Et si Phoebe avait bien regardé, elle aurait vu une petite forme aux cheveux noirs détacher discrètement le lampion puis s'éloigner, secoué de rires, sous forme de nain. Décidément, Lina, tu pourrais surveiller tes gosses ! Ah, on me dit dans l'oreillette que ces formes-là de Korrin, Lamia et Selene ont vingt ans. Autant pour moi, elle aurait dû mieux les éduquer.

Enfin bref. Personne n'était donc là pour accueillir Esther, Charalin, Anjuko et Kamea, même pas un visage bien connu puisque Ambre était attendue plus tard. Et leurs réactions furent plutôt différentes. Tiens, regardez, Anjuko n'avait pas perdu de temps pour s'approcher d'un groupe d'hommes comprenant Makhai, Rroïgyar, Angelo et Oscar. Tirant sur ses gants noirs, elle engageait la conversation sans le moindre problème, et les hommes, amicaux bien qu'insensibles à ses charmes (trois gays plus un reptilien qui ne trouve pas grand intérêt à draguer des démones, tout de même...), ne tardèrent pas à l'accepter et à lui indiquer tout ce que ce lâcheur de Cyno, enfermé dans la cuisine avec son café et sa peur du Chambellan, n'avait pu montrer.

Du côté de Kamea, son côté sociable lui sauva la vie, en quelque sorte. Le groupe qu'elle avait rejoint était constitué d'Eale, de Lya et d'Axel, qui se firent un plaisir de l'aider. Eale grogna un peu parce que la position de son groupe était idéale pour espionner Baku, Lina, Zium, Allium, Owen, Ylline, et même Talienka et Drake, mais elle indiqua quand même à la jeune femme souriante les coins les plus importants. Elle pensa même à la mettre en garde contre la salle maudite réservée aux carnivores. Excellente initiative : Kamea était végétarienne.

La conversation se tendit quelque peu lorsque une Devila curieuse au regard absolument innocent s'enquit de la présence de la fameuse viande humaine. Eale, Kamea et Lya faisaient une drôle de tête en observant cette très mignonne jeune femme aux cheveux violets à l'air parfaitement inoffensif demander si on pouvait recalibrer le lecteur d'empreintes pour qu'elle puisse également accéder à la fameuse salle. Cependant, Cyno, qui avait enfin fini sa pause syndicale, finit par intervenir et mener l'anthropophage imprévue vers sa salle de nourriture, l'air absolument pas perturbé. Rien d'étonnant : Il l'avait commandée, cette viande. Il en avait assez vu et on le soupçonnait d'ailleurs d'en avoir pris sa part en étant plus jeune, fou et désespéré.

Et du côté de Charalin ? Eh bien, elle dut, malheureusement pour elle, se débrouiller seule. Plutôt ironique pour une altesse royale d'être la seule à ne pas être guidée, mais les autres étaient soit débordés avec les décors, soit sur scène à remplir l'importante mission de fournir l'ambiance musicale, soit déjà en train de guider les autres. Elle s'en tira cependant à merveille. Il n'y avait de toute façon rien de gênant qu'elle ne devait surtout pas regarder, du moins pas encore, qui sait ce qu'il peut se passer avec l'alcool.

Et enfin, Esther n'eut même pas le temps d'esquisser le moindre mouvement seule avant de se faire traîner dans le groupe des auteurs par nul autre que LLW. Vilain petit social butterfly. Oui Louna, on arrête les références à cet excellent jeu pour fous qu'est Yandere Simulator. Promis.

Le temps filait, et les uns après les autres, les invités arrivaient par les portails. Lors de la troisième heure, Ambre arriva avec sa clique. Zeina, Haru et Océane s'empressèrent d'aller saluer Charalin et Kamea. Quant à Phila et Akai, elles se dirigèrent vers Lina, avec qui elles étaient amies dans une des timelines. Paleuni suivait, un grand sourire aux lèvres et les cheveux plaqués en arrière. Il se passa un petit moment avant qu'un Cyno absolument lassé ne crie :

« Sa majesté le roi Castian Ascott de Dareim, et leurs altesses le prince Licaros Ascott de Dareim et la princesse Ladvania Ascott de Dareim ! »

Et que les trois concernés ne rentrent, Castian avec un sourire heureux, Licaros une mine renfrognée et Laya un air empli de majesté. Il apparaîtra plus tard que Licaros avait bien évidemment insisté pour se faire annoncer, et Cyno, pour couper court à toute dispute, s'était exécuté, sans oublier de présenter le reste de la fratrie par respect. Par contre, cela avait donné certaines plaintes. Derrière eux, Reafan, qui lui avait reçu le même accueil que tous les autres, avait râlé sur le ton de la plaisanterie parce que « y'en a que pour Licaros, c'est pas juste, et moi alors je suis pas digne d'être annoncé ? » Cyno avait répliqué et cela avait donné lieu à une dispute bon enfant sur le respect des convenances. En voilà au moins deux qui pouvaient vraiment se détendre. Parce que du côté de la fouille, ça n'allait pas fort. Licaros ne voulait surtout pas être inspecté et l'exprimait avec force incivilités, de sorte que même Al commençait à perdre son calme. Entre le hérisson Rroïgyar et le prince lésé, il n'en pouvait plus, le pauvre.

Mais bon. Même les pires choses ont une fin, et Castian finit par mettre un terme à la rixe en calmant Licaros. Enfin plus précisément en détournant son ire contre lui par ses vaines tentatives pour tenter de le calmer, ce qui permit à Al de rapidement scanner le prince et de lui confisquer un fin poignard ornementé. Enfin tranquille. Al était libéré et les invités pouvaient se mêler à la foule, suivant pour la plupart l'exemple de Paleuni qui discutait avec animation avec les Créateurs. Enfin, pour la plupart. Si on ne connaissait pas le niveau de chiantise de la Créatrice, on se demanderait pourquoi Licaros avait été invité. Il boudait dans un coin et semblait de si mauvaise humeur que même Yuki se vit refuser la discussion. Et pas de manière très polie. Mais tous ceux qui connaissaient Louna savaient qu'elle l'avait invité précisément pur cette raison : Le faire chier. Eh bien, c'était réussi, sacré nom du Créateur.

La quatrième heure vit arriver les deux avant-derniers groupes d'invités, qui étaient aussi les deux plus grands : Lou et sa clique de neuf personnes, et Corblanc, qui avait pris l'apparence du Chevalier Corbeau, qui lui avait ramené huit personnes. En gros, du monde, du monde, du monde et encore du monde. Et aussi pas mal d'ennuis. Le nombre de micro-lames que Shinju cachait sur lui était ahurissant. Et Anastasia ne tarda pas à repérer Kage et les Claro. En gros, des ennuis en perspective. Une chance que les pouvoirs soient annulés.

Hydra eut bien évidemment soin de mener Summer à la pièce spécial anthropophages en toute discrétion et de lui montrer le fonctionnement du lecteur d'empreintes. Encore heureux, car à en juger par l'air affamé qui brillait dans ses yeux, les invités auraient risqué une ou deux morsures de sirène avant que Kage n'intervienne.

Autre incident notable : Les retrouvailles d'un mignon petit couple. Gwen ne perdit pas son temps pour sauter sur Caïn qui traînait non loin.Et les deux se perdirent aussitôt en câlins, papouilles et autres surnoms débiles que l'on ne détaillera pas ici sous peine de mourir d'une violente crise de niaiserie. Le pire pour eux, c'est qu'ils traînaient juste à côté de l'estrade. Et sur l'estrade, devinez qui il y avait ? Un Mairù absolument dégoûté et un peu jaloux qui avait en plus Lina et Baku en visuel et qui ne se gêna pas pour manifester sa répulsion en crachant un peu de la magie liquide qui remplaçait sa salive juste à côté d'eux. Du moins, c'est ce qu'il semblait viser. Et le blouson en cuir brun clair du jeune blondinet pouvait témoigner : Même sans le moindre pouvoir, la magie liquide, c'est absolument corrosif.

Outre le sacrifice du blouson de Caïn, il y eut d'autres dommages collatéraux à ces exubérantes retrouvailles. On peut notamment citer l'envie de rejoindre les portails de notre prince Darien favori, le petit bruit discret de shooting photo auquel se livraient, non sans discrétion, Eale, Estel et Maève, le soupir jaloux de ce pauvre Shane et la main discrète que lui posa Cyno sur l'épaule en guise de consolation, le regard échangé par plusieurs des couples de l'assistance, transmettant le message bien connu du « j'espère qu'on est pas comme ça... » et le regard amusé échangé par les créateurs (du moins, la plupart. Corbeau lui avait l'air écœuré, ce qui franchement pouvait se comprendre). Mais globalement, tout allait bien. Encore une heure, une arrivée et la cérémonie pouvait commencer. En attendant, chacun avait ses places sur les bancs disposés en arc de cercle, mais chacun préférait parler aux autres et tenter de discuter quelque peu, sauf quelques exceptions comme le Chambellan, Licaros, Angelo (qui attendait Di) et Venus.

Enfin, les derniers arrivés, le groupe d'Anonymie, finirent par se joindre à la foule, parachevant le joyeux bazar. On pouvait notamment citer deux retrouvailles de couple, celles de Sarkanys et d'Iruse et de Di et d'Angelo, qui, bien que plutôt démonstratifs dans le cas de ces derniers, n'atteignaient cependant pas le niveau de gnangnan de celles de Caïn et Gwen. Quoi ? Faut dire ce qui est.

Après un petit temps d'adaptation, chacun rejoint ses places. Miya, pleine de majesté, guidait es trois autres témoins jusqu'à leurs places désignées. Malgré la sale tête que faisait Consci, les lumières de l'Entre-Deux que la Créatrice avait pris soin d'allumer et qui se reflétaient sur son visage semblaient lui gommer toutes ses rides de souci et le côté dur de son visage. Chacun des témoins était éclairé de la même façon pour attirer le regard sur eux et permettre aux deux jeunes mariés de sortir discrètement de leurs chambres pour pouvoir se diriger à leurs places respectives. Lex premières notes de la « Sonate au Clair de Lune » de Beethoven, interprétée par Selky, retentirent dans le jardin, faisant sourire quelques invités et étonnant d'autres. Il est vrai que ce n'était pas la musique idéale pour un mariage, et qu'on pense plutôt à la Marche Nuptiale. Mais la douceur des notes qui retentirent dans l'air, de même que l'adoucissement de la luminosité et le délicat souffle de vent qui agitait les cheveux de chacun des spectateurs ne tardèrent pas à apaiser les surprises de chacun. C'était l'atmosphère parfaite.

Le premier à sortir fut Seiji. Louna au bras (en tant que Créatrice, elle n'allait tout de même pas se priver de l'immense honneur de conduire son personnage à l'autel tout de même!), il se dirigea vers l'alcôve de marbre blanc d'un pas lent. Les deux faisaient en sorte de garder un air sérieux, mais Seiji ne pouvait cacher ses yeux qui brillaient d'un bonheur éclatant. Quant à Louna, on la sentait toute émue. Près de trente ans de pure merde, de rejet et de solitude pour en arriver au point final de sa vie, n'était-ce pas beau ? Et peu lui importait que les intrigues familiales de sa fiancée l'aient privé de la possibilité de faire un enfant. Il était heureux, et c'est tout ce qui comptait. En cet instant, on pouvait presque oublier que c'était sa Créatrice, la responsable de ses vingt-huit premières années de vie misérable, qui se tenait à son bras, souriant d'émotion.

Ceux devant qui il passait, les rares privilégiés qui se trouvaient du côté droit extrême de l'autel et les Créateurs, qui avaient droit à leur estrade surélevée au fond, pouvaient remarquer que pour un mariage, il était vêtu plutôt simplement. Garm n'avait visiblement pas eu le cœur de toucher à ses cheveux : Ils se dressaient, plus touffus que jamais, sur le sommet de son crâne, la seule différence avec d'habitude étant qu'ils semblaient plus doux. Son long manteau brun orné de runes étranges sur les bords et cousu dans un velours de grande qualité semblait être le seul vêtement de grande facture de l'ensemble, le reste étant une chemise blanche et un pantalon de soie vert sombre. Ses chaussures semblaient être de simples baskets de toile, mais bon, on ne peut pas trop lui en vouloir pour le coup. Il avait gardé de ses transformations des ongles plus proches des griffes qu'autre chose et on ne pouvait pas lui reprocher de choisir des chaussures qu'il ne risquait pas de déchirer.

Cependant, tout l'ensemble donnait un superbe résultat sur le jeune métamorphe. Son immense sourire qu'il ne réprimait qu'avec peine devait y être pour quelque chose. Et si on lui avait demandé la raison de cette tenue, il aurait répondu que c'était la tenue traditionnelle des métamorphes de son monde et qu'il y tenait beaucoup. Sans doute les runes exprimaient-elles un message caché dans sa langue natale. Une bénédiction, peut-être.

Une fois le duo arrivé à l'autel, Louna se retira dans l'ombre sous le balcon des témoins, laissant son personnage seul sur l'autel, à la vue de tous. Pas pour très longtemps, cependant. Un accord marqué par Selky signala l'entrée d'Angélique, qui parcourait aux côtés de Belfeder le petit espace qui la séparait de la petite estrade sur laquelle se tenait son fiancé. Sur son chemin, retentissaient les rares exclamations de surprise de ceux qui étaient suffisamment fascinés par la beauté de la scène pour ne plus penser à briser l'atmosphère.

La jeune femme avait en effet, tout de la princesse. Et pas n'importe quelle princesse cependant. Pas celle couverte de froufrous et de maquillage, non, celle qui est promise à un grand avenir de reine et qui n'a pas besoin de la moindre fanfreluche pour prouver sa majesté. Sa robe était la simplicité même, une simple robe blanche longue de tissu blanc simple, aux manches courtes et au jupon plissé. Au dessus, s'enserrait un corset de longueur inégale : Si devant il s'arrêtait au dessus de la taille, derrière le cuir dont il était constitué descendait jusqu'à ses genoux et flottait à merveille sur sa robe. Le cuir bleu roi orné de dorures s'accordait à merveille avec son teint pâle et ses cheveux argentés, simplement relevés en chignon d'où s'échappaient quelques mèches rebelles. Asura avait eu un instinct sûr concernant le maquillage : Pas de paillettes ni d'ombrages, simplement une légère touche de rose sur ses lèvres et de quoi faire ressortir ses yeux orangés. Elle aussi souriait. Au départ pas forcément convaincue par l'idée d'un mariage, elle avait fini par s'y faire. Et que lui importait aujourd'hui que l'amour qu'elle éprouvait ne soit qu'une simple copie, un sentiment implanté en elle de manière artificielle. Ce qu'elle ressentait à présent lui paraissait suffisamment réel pour qu'elle se rapproche du bonheur que sa nature lui interdisait autrefois.

Lorsque enfin elle rejoignit Seiji sur l'autel, tout le monde se tut. Tout le monde les écouta échanger leurs vœux, un discours simple inspiré des textes celtiques sur la nature et la liberté. Parfaitement approprié pour Angel et Seiji. Et puis finalement, vint le moment de l'échange des bagues. Le temps que Selene, qui avait insisté pour s'occuper d'apporter ces dernières, se dirige de sa démarche dansante vers l'autel, les deux futurs mariés avaient largement le temps de se regarder dans les yeux. Ceux de Seiji communiquaient tout le bonheur qu'il avait à se trouver là et celui qu'il promettait à sa future épouse. Et ceux d'Angel ? Eh bien, elle n'avait jamais été très expressive. Mais les petites rides au coin de l'œil provoqué par son sourire en disaient suffisamment long au jeune métamorphe.

Arrivée à l'autel, Selene ouvrit le coffret sans un mot, laissant Seiji attraper la première bague d'argent et de platine gravé, avant de se saisir avec délicatesse du poignet orné d'un bracelet de cuir de la jeune femme et de passer la bague à son doigt. Angélique fit de même. Et c'est sous les derniers accords de la Sonate au Clair de Lune qu'ils scellèrent leur mariage d'une étreinte profonde, sous les acclamations d'un public ravi. Plusieurs des invités qui avaient déjà franchi cette étape montrèrent quelques signes de nostalgie. Ainsi Lina et Baku raffermirent la prise qu'ils avaient sur leurs mains, Zeina et Haru échangèrent un regard de connivence et Noumi et Yla sourirent.

Et cette fois, personne ne vint les interrompre.

Quelques temps plus tard, la fête battait son plein. Beaucoup de danseurs tourbillonnaient déjà sur la piste et Caïn faisait un numéro d'acrobate plutôt développé, avec à ses côtés Gwen qui riait aux éclats. Un Baku débordé ne cessait de retourner à la cuisine relancer la cuisson de certains plats : En effet, nous avions là quelques morphales, comme certaines créatrices qui ne cesssaient de dévorer les plats et Lina qui faisait un sort aux entrecôtes. On se demandait vraiment comment elles faisaient pour ne pas prendre de poids. Plus loin, la salle « viande humaine » ne cessait de s'ouvrir et de se refermer. Il est vrai qu'on avait quatre anthropophages reconnus dans la salle, mais le pire de tous était sans nul doute Rroïgyar. Tiens, en parlant du reptilien déguisé, pourquoi il va subitement aux toilettes avec un drôle d'air sur la face ? Ne me dites pas que... Oh, merde. Louna va péter un plomb.

Asura, vêtue d'une superbe robe rouge et noire qui épousait le moindre contour de ses généreuses formes, soupira en voyant la scène. Elle avait aperçu, il y a quelques minutes, le principal trouble-fête du jardin, Akira, rentrer dans la fameuse salle que Summer avait laissé ouverte par négligence, une petite bouteille à la main. Et sachant qu'il partageait l'amour de Baku pour le piment...

« Ça ne présage rien de bon, tout ça. Akira sait que Rroïg' ne digère pas les plantes... Qu'est ce qu'il cherche à faire, tu crois ? »

Son interlocutrice, Akai, sourit et agita la main.

« Pourquoi tu me demandes à moi, je n'en ai pas la moindre idée. De toute façon, je crois que c'est l'affaire de Kage désormais. »

La sous-chef haussa les épaules.

« Sans doute. »

La rouquine n'avait pas tort : quelques instants plus tard un éclair gris signala la présence de Kage qui se précipitait sur Akira pour lui arracher sa bouteille. Rroïgyar, au sortir des toilettes, se contenta de se plaindre d'avoir sans doute pris la viande avec le mauvais assaisonnement. Dommage pour la bagarre qui aurait probablement suivi, surtout vu la tension qui régnait entre Axel, Lya et Akira : La moindre étincelle pouvait mettre le feu aux poudres.

Cependant même un manipulateur de lignes temporelles comme Kage ne pouvait pas tout empêcher, surtout dans l'Entre-deux où son pouvoir était réduit. Et la fameuse tension qui régnait dans l'air finit par éclater, non entre les Claro, ou avec un de leurs innombrables ennemis, mais entre Nathan et Rroïgyar. Il faut croire que le premier avait saisi cette occasion pour tenter de griller notre lézard favori, en oubliant que les seuls pouvoirs à être efficaces ici étaient ceux de Kage et que la zone de sécurité ou officiait Al le détecteur de métal avait depuis longtemps perdu ses propriétés magiques. Cela avait donc fini aux poings. Et Maève, pourtant d'habitude un excellent calmant pour notre enfant des étoiles favori, ne servait pas à grand-chose, puisqu'elle n'avait pas attendu pour se jeter sur le buffet des alcools, vidant vin sur vodka et même, au grand dam d'Ylline, une partie des grands crus vampires que Louna avait eu tant de mal à se procurer. Elle traînait donc dans un coin de la salle, criant tout ce qui lui passait par la tête aux quatre vents. Bizarrement, ce qui revenait le plus souvent était « LES COCCINELLES SONT DES COLÉOPTÈRES. »

En gros, c'était bien la merde. Surtout que pour quelqu'un qui à côté de Rroïgyar est un petit maigrichon, Nathan se défendait plutôt bien. Bon, d'un autre côté, Rroïg' ne pouvait ni mordre, ni frapper avec sa queue, ni utiliser ses caractéristiques de reptilien, alors bon.

La bagarre dura quelque temps, certains étant trop fascinés par l'échange, d'autres attendaient Kage et les autres s'en foutaient. Surtout que Rroïg' avait plus l'air de jouer qu'autre chose.Au final, ce qui stoppa l'échange de coups, ce fut non pas Kage, non pas les Créateurs, mais la chute d'une Maève bourrée en soutien-gorge en plein sur la mêlée. Autant dire que ça a distrait Nathan tout de suite. Et que je crois que la chambre un est désormais verrouillée. Une chance qu'elles soient insonorisées.

L'incident clos, les danseurs se remirent à faire ce qu'ils faisaient. Phoebe avait lancé une playlist de danse et on pouvait voir quelques fous se trémousser sur la désormais culte macarena. Et c'était plutôt drôle de voir la redingote de Belfeder et la veste de Louna s'agiter sur les immenses « EEEEEEEEEEEEH MACARENA ! » que tout le monde lançait en choeur. Le Chambellan, dans un coin, regardait les joyeusetés avec un air légèrement dégoûté, bien content que cette fois on ne l'ai pas forcé par la magie du scénario à secouer ses tentacules.

Plus loin, la famille Ascott de Dareim se tenait quelque peu à l'écart. Après avoir discuté avec à peu près tout le monde sur ce jardin, Castian était bien décidé à traîner son frère cadet dans les réjouissances. Laya, quelque peu réticente, souhaitait elle aussi qu'il s'amuse un peu. Nous avions donc nos deux Dariens regroupés autour de leur rouquin de frère, à l'accabler de tentatives pour le faire se sociabiliser un peu. Mais c'était pas très concluant. Tout le monde connaît Licaros.

Ce dernier commençait d'ailleurs à élever la voix.

« J'en ai assez ! Je n'ai même pas voulu venir à ce maudit mariage, alors laissez moi faire ce qu'il me plaît !

-Ne sois pas aussi exaspérant, Licaros, chacun de nous a eu sa part d'évènements mondains. Cesse plutôt de cracher ton venin, et va donc t'excuser auprès de mademoiselle Yuki. Il me semble que cette dernière n'a que peu apprécié que tu la rejettes de façon aussi... Sèche. »

Le jeune rouquin ignora le sermon de sa sœur, et se contenta de grogner lorsqu'un Castian plus enjoué lui tapota solidement le dos avec une phrase d'encouragement, lui faisant se gratter la barbe de manière assez perplexe. Comment permettre à ce jeune asocial de s'intégrer un peu au groupe...

Les rares personnes qui l'appréciaient un tant soit peu étaient occupées. Lina était introuvable, bien que la présence de Baku à l'écart sur un banc puisse décevoir les pauvres shippers en série. Reafan discutait tranquillement avec Akai et Asura près de l'autel, bien qu'on ne soit pas franchement sûr qu'il soit d'une quelconque utilité, vu que son principal hobby était le jeu du « faisons tourner Licaros en bourrique ». Ania n'avait pas été invitée. Quant à Yuki, elle boudait un peu Licaros depuis qu'il l'avait méchamment envoyer bouler au début. Personne donc pour convaincre notre prince de discuter un peu.

Personne, sauf Paleuni et Louna, qui visiblement avaient bien envie de l'énerver un peu. Une chance que le pouvoir du scénario soit toujours effectif pour les auteurs, parce que sinon personne n'aurait eu le spectacle du digne rouquin renfrogné se faire traîner par un pied sur la piste de danse, droit dans, comme par hasard, les pattes de Yuki, par une force mystérieuse et invisible, sous les rires de l'assistance, le grognement amusé de Castian, le sourire en coin de Reafan et le monumental facepalm désolé de Lina qui venait de réapparaître, un for suspect paquet entouré de papier blanc nacré à la main. Sans compter la surprise de Yuki.

Il y eut un petit blanc avant que cette dernière ne profite de l'occasion que les auteures lui avaient gentiment offerte (quelle abnégation, vraiment) et qu'un discret signe de provenance inconnue vers l'orchestre permette de démarrer une valse. Licaros n'eut pas d'autre choix que de se faire entraîner, tout en récriminant contre « ces maudites auteures et leur pouvoir de scénario ».

Il ne se plaignit pas longtemps toutefois. Il était trop occupé à essayer de ne pas marcher sur les pieds de Yuki tout en tentant de ne pas trop fixer le sol. Rah, que c'était compliqué de danser. Pas étonnant qu'il ne fréquentait habituellement pas les pistes de danse. Il se passa cependant un petit temps avant qu'il ne remarque que Yuki vrillait un regard pesant quoique inexpressif sur lui.

« Euh.... Un problème ? »

Yuki sourit, l'air neutre.

«-Je t'aime bien Licaros, mais même moi il m'arrive d'être blessée. »

Paroles bien énigmatiques pour l'acariâtre prince Darien qui se mit à réfléchir pour savoir qu'est ce qu'il avait encore fait. Ça lui prit la moitié de la valse, ou Yuki ne le tenait somme toute que pour l'empêcher de s'enfuir à toutes jambes, contrairement à l'habitude, pour se rappeler qu'il n'avait décidément pas été très sympa cette soirée...

Ce qui causa de nouveau, un énorme blanc. Jusqu'à ce que Yuki reprenne la parole, toujours souriante.

« Moi qui pensais que ce que je t'avais dit au mariage de Noumi et d'Yla avait provoqué un changement dans ta petite tête, voilà que tu deviens franchement exécrable. C'est même plus drôle au bout d'un moment. »

Gêné, Licaros la laissa parler en tentant de voir pourquoi les abeilles tournaient autour de la jolie fleur au dessus de leur tête. C'est quand même plutôt cool, les abeilles, pour distraire un rouquin gêné. Ou alors, plus bas sur la piste, détailler l'air moqueur de Reafan... Hmmm, non, pas l'air moqueur de Reafan.

Yuki semblait cependant attendre une réponse. Licaros, dans son grand courage, prit alors une décision qui allait probablement le hanter durant une bonne partie de sa vie, si ce n'est plus : Il se pencha vers sa partenaire de danse et prononça quelques mots qui semblaient lui arracher la gorge :

« -D'accord, Yuki. Je m'excuse de t'avoir violemment envoyée bouler tout à l'heure. »

Il n'en fallait pas plus pour illuminer d'un immense sourire le visage de la jeune chat-garou.

« Merci mon Aros ! Bon, maintenant, on finit la valse et je te rends à ta solitude ! »

Une chance pour lui que la danse était bientôt finie parce qu'elle ne perdit pas de temps pour se rapprocher du jeune roux comme au précédent mariage. Toutefois, la tension envolée, cela semblait déjà un peu plus agréable. Juste un peu, hein.

Dans un coin, Lina sourit. Au moins un litige de réglé. Maintenant (elle poussa un profond soupir à cette pensée), c'était son tour.

L'air passablement inquiète, elle se dirigea vers le banc où son mari boudait depuis déjà un petit temps. Impossible de savoir pourquoi exactement. Bon, il était toujours un peu plus irritable depuis que... Enfin, qu'elle n'avait plus trop la mémoire des dates. Bref.

Le jeune homme l'avait sans doute entendue arriver, puisqu'il se contenta de lever un œil dans sa direction avant de se remettre à bouquiner. Lina n'avait pas besoin de lire le titre de son roman pour savoir qu'il s'agissait d'un bon gros thriller policier, probablement un Harlan Coben. IL adorait cet auteur lorsqu'il était énervé.

Elle s'assit à côté de lui, silencieuse, son précieux paquet serré dans la poche. Il ne bougea pas d'un poil, se contentant de lire. En temps normal, elle ne l'aurait pas dérangé, mais ça commençait à faire trop longtemps que traînait cette importante quoique légère brouille. Du coup, avant qu'un ange ne passe, elle lui tapa sur l'épaule avec fermeté. Aucune réaction. Pas plus que lorsqu'elle le secoua un peu pour le distraire de sa lecture. C'est d'ailleurs très dangereux. Ne faites jamais ça.

Au final, lassée, elle finit par lui attraper le visage à pleines mains et le retourner vers elle en criant « Oh ! Je suis là, le rat de bibliothèque ! » dans son oreille hypersensible. Oh, bien sur, il y avait plus radical, comme lui arracher son livre des mains, mais grande lectrice elle même, elle ne pouvait s'y résoudre et savait que ça signifierait la mort des négociations presque autant que si elle avait fait un strip-tease à Mairù.

« Quoi encore, Lina ? »

Le jeune médecin se retourna vers elle, un air agacé sur le visage, non sans avoir précautionneusement marqué et déposé son livre. Ça commençait mal. Bravement, la jeune femme colla un sourire en coin sur son visage. Maintenant, il s'agissait d'être diplomate.

« Je peux savoir pourquoi tu fais la gueule comme ça ? Souris, c'est un mariage, tout est beau, les oiseaux chantent, blablabla. Sans vouloir être relou, t'aurais réagi comment si Seiji avait tiré la gueule à notre mariage ? »

Baku soupira durement.

« Seiji s'en fout. Il est en train de discuter lune de miel avec Angel. Je crois qu'il a prévu de l'emmener en pleine nature, dans un endroit rempli de plantes rares et autres animaux pas habitués à l'homme. Le paradis des alchimistes aux cheveux argentés, quoi. »

Okay, un coup dans l'eau. On retente.

« Plus sérieusement, pourquoi tu fais la gueule ? C'est vraiment pas cool, en plus ta mauvaise humeur est communicative. »

Ce disant, elle montra Akira qui effectivement n'avait pas l'air au summum du bonheur. Mais bon. Une connexion mentale n'est pas une excuse suffisante pour parler de « mauvaise humeur communicative » et nos deux protagonistes s'en rendaient, je crois, parfaitement compte.

Cependant, le coup porta, cette fois. Le jeune homme plissa les yeux, et détourna le regard avant de grogner.

« Tu veux savoir pourquoi je fais la gueule ? »

Un grand geste du bras indiqua Sen et Summer, qui se tenaient un peu plus loin. Sen portait un magnifique collier d'opales marines qu'elle n'avait pas tout à l'heure. À ses côtés, Summer, rayonnante dans sa robe blanche, un cuissot de viande que personne ne souhaiterait identifier enveloppé grossièrement dans du papier cadeau déchiré dans une main, l'autre reposant sur la taille de sa petite amie.

Pas besoin d'être devin pour comprendre qu'il y avait un autre évènement en jeu que le mariage de Seiji et Angel aujourd'hui.

« On dirait que Summer n'a pas oublié l'anniversaire de sa partenaire, elle. Et puis, retard ou pas, quelle importance ? Elle a eu quelque chose. Tout comme Blaze, là-bas. Sarkanys avait l'air en retard, mais il a eu son cadeau quand même. »

La voix emplie de rancœur de son mari alarma la jeune combattante. Il faut croire que le malencontreux oubli de son anniversaire, dont la cause n'était nulle autre qu'une Créatrice étourdie, avait davantage marqué le jeune homme que prévu. Visiblement, il fallait réparer les dégâts, et vite. À croire qu'une vingtaine de jours de retard, c'était déjà trop.

Lina prit une profonde inspiration, et sortit le paquet de sa poche.

« Justement, c'est de ça dont je voulais te parler. »

Les yeux du capricieux soigneur se portèrent aussitôt sur le paquet, puis sur le visage de sa femme, puis encore sur le paquet. Se produisait-il un miracle ? Sans doute pas, mais il fallait toujours espérer.

Lina continua sa petite tirade, les yeux vrillés vers l'expression de surprise de son mari adoré, dont les yeux bleus arrondis d'étonnement la firent sourire, intérieurement. Dieu qu'elle adorait cet homme. Doucement, elle déballa le paquet tout en parlant.

« J'ai mis un temps fou à rechercher la bonne bijouterie. Tu sais à quel point Necrima est grande. Mais j'ai toutefois réussi à trouver l'artiste qui t'avait fait ta chaîne en argent, tu sais, celle à laquelle tu tenais beaucoup et qui s'est cassée pendant notre dernière mission. Donc, eh bien... Voilà. »

Et, en même temps qu'elle concluait de cette manière maladroite, elle sortait du paquet une chaîne en argent aux maillons très fins, agrémentée d'un superbe pendentif ornementé en forme de chat. Les lèvres de Baku formèrent un « o » de surprise. Il n'y avait pas de doute, c'était bien l'oeuvre de cet orfèvre. Celui qui avait fabriqué le dernier cadeau de son père. Le jeune homme aux cheveux blancs tendit la main avec hésitation vers le pendentif, et ses doigts l'effleurèrent avec une délicatesse marquée. Le travail de l'argent était parfait, il pouvait même discerner sous ses doigts la texture d'une fourrure gravée dans le métal. Un reflet lumineux attira son attention, au niveau de ce qui devrait être les yeux de l'animal. Et, si c'était possible, les siens s'agrandirent encore. Car c'était bien des pierres précieuses, un saphir et un onyx, incrustées dans l'argent fin. Des couleurs qui correspondaient bizarrement aux yeux de le jeune femme assisse sur le banc, l'air un peu gênée.

Lina remit le collier dans son paquet et le déposa sur les genoux de son mari toujours immobile, et se décala un peu, l'air inquiète.

« C'est le bon métal ? J'espère ne pas m'être trompée sur la composition de ta chaîne. Et je me suis dit que le pendentif te plairait. Ça te va ? J'espère, parce que je m'en voudrais d'attendre encore trois semaines avant de... »

L'étreinte d'ours de son mari la coupa violemment dans sa phrase, éjectant tout l'air de ses poumons. Ce dernier la serrait contre lui avec une telle force qu'elle crut un moment étouffer et devoir se dégager de force, et puis elle sentit quelque chose d'humide rouler sur son cou. Une larme. Doucement, elle sourit et lui tapota le dos pour qu'il desserre son étreinte, ce qu'il fit. Aucun d'entre eux ne dit quoi que ce soit. C'était inutile.

Un long moment passa avant que Baku ne daigne relâcher sa prise. Il souriait, la bouderie et sa rancœur oubliée. Lina lui tapota les yeux avec un mouchoir en rigolant intérieurement devant la tendance à l'excès de son homme, puis se releva pour lui accrocher le collier, en prenant bien tout son temps. Le frottement de la peau de ses doigts et de ses mèches rebelles sur son cou firent fermer les yeux au jeune homme, actuellement extatique, ravi de son cadeau d'anniversaire, touché par le côté personnel du pendentif, profitant tranquillement du contact. Et lorsque enfin, la chaîne fut en bonne position, la jeune femme se recula. Le médecin en profita pour l'attraper et l'attirer contre lui, afin d'enfouir sa tête dans ses cheveux noir corbeau, dans l'espoir qu'elle ne bougerait pas avant un petit moment.

Espoir déçu, cependant. Il ne s'était même pas écoulé trente secondes avant que l'insupportable sœur cadette ne vienne les déloger, un micro en main. Phoebe avait décidément le chic pour surgir au pire moment. Et en plus, elle avait l'air innocent de celle qui sait qu'elle arrive comme un cheveu sur la soupe mais ne compte absolument pas se décaler d'un poil pour laisser le couple profiter d'un moment de calme.

« Eh Lina ! Tu viens nous chanter un truc ? »

Les yeux de la brunette s'agrandirent immédiatement en signe d'intérêt. Cependant, elle ne laissa rien paraître et renfonça son visage dans le cou de Baku.

« -Ch'uis OCCUPÉE, Phoe', ça se voit nan ?

- Oh, je suis certain que ton mari va nous pardonner de t'arracher à ses bras trois minutes. »

Super, le deuxième chiant en approche. In-ti-mi-té, les mecs, ça vous dit quelque chose ? Et puis, ta gueule, Cyno. Occupé, c'est occupé.

Mais bon. On ne pouvait pas se faire des câlins indéfiniment non plus, se dit Baku. Et il était le seul à avoir capté que le langage corporel de Lina trahissait, de manière infime, certes, son envie de monter sur scène.

« Tu devrais y aller chaton. »

Lina se décala brusquement, une grimace de surprise sur ses traits.

« Attends, quoi ?

-Tu m'as entendu. Je sais très bien que tu en meurs d'envie, alors fais toi plaisir. Je vais pas m'enfuir, de toute façon. »

La combattante sourit avant de se détacher complètement de son mari et d'arracher le micro des mains de Phoebe.

« -Okay, c'est parti. »

La plus jeune Blackheart ricana doucement et attrapa son aînée par l'épaule.

«-Parfait. C'est par ici, la star ! »

Et le groupe improvisé se dirigea sur scène sous le regard doux et un peu envieux d'un Baku qui bien que coopératif, n'était pas forcément satisfait.

Le micro dans les mains, Lina s'éclaircit une dernière fois la voix. Elle n'avait pas chanté sur scène depuis longtemps et un échauffement était obligatoire pour éviter les couacs, elle avait plusieurs fois fait les frais d'un oubli. Derrière elle, Phoebe se saisit de ses baguettes, Cyno accorda sa guitare, et Oscar et Dirliath, recrutés pour l'occasion, s'occupaient de l'accompagnement. Ils étaient prêts.

Lorsque les premières notes de « The Devil Within », de Digital Daggers, résonnèrent dans la salle, quelques unes des personnes les plus proches de la scène se retournèrent vers eux. Il y avait une partie d'instrumental avant de Lina n'attaque, elle eut donc tout le loisir de savourer un très ancien trac qui revenait à chacune de ses montées sur scène, qui étaient au final assez rares, et au sein de la confrérie qui plus est, devant un public connu. Trac qui comme à chaque fois était oublié dès sa première note.

« I'll keep quiet, you won't even know i'm here... »

Emportée par la chanson et le rythme presque parfait du groupe improvisé, elle laissait aller toute la puissance de sa voix, grave et forte, mais néanmoins capable de couvrir beaucoup d'octaves. Sans doute une héroïne fantasy qui savait chanter était cliché, suffisait de voir Katniss. Mais c'était un de ses seuls talents, et quelque chose dont elle ne pouvait se passer.

The Devil Within était une des chansons favorites de Baku. Encore un chouette cadeau pour lui, sans aucun doute.

« I'm gonna make you suffer, this hell you put me in... The devil within... »

Devant la scène, le concerné fixait la personne qu'il aimait, un air adorateur fixé sur le visage. Il adorait la voir si épanouie dans ce qu'elle faisait. N'importe qui qui le connaissait pouvait se douter qu'il était impossible pour lui de se lasser de l'écouter chanter, et de l'accompagner parfois avec ses maigres notions de piano. Encore une activité de couple sympathique.

« Elle est vraiment belle, hein ? »

Distrait, le jeune homme se retourna. Son frère aîné se tenait juste à côté de lui, le regard fixé sur Lina avec probablement le même regard que lui, un grand sourire fixé sur le visage. Il avait probablement parlé pour lui-même, puisqu'il ne se retourna même pas vers son jeune frère. Une petite pointe d'énervement fit son chemin à l'intérieur du cœur du garçon aux cheveux blancs, mais pas longtemps. Juste le temps qu'il se rappelle que c'était lui que la magnifique créature sur scène avait épousé. Lui, et pas son frère.

Souriant toujours plus, il se contenta donc d'acquiescer et de serrer doucement entre son poing le pendentif en forme de chat.

Lina ne chanta qu'une fois. La voix éraillée par un exercice auquel elle ne s'était pas prêtée depuis longtemps, elle laissa la place à Phoebe qui reprit instantanément son rôle de DJ et brancha une playlist remplie de metal. Et c'est ainsi qu'on retrouva plusieurs assommés sur la piste, à cause du danger public Rroïgyar (encore lui, décidément.) qui, emballé par Disturbed, faisait de tels grands gestes sur la piste que ses avant-bras étaient pires que des gourdins. Sur sa liste de victimes, une Sheelba désormais humiliée, Kamea qui avait eu le malheur de s'approcher de trop près et ne s'était toujours pas réveillée, le jupon de sa robe bustier grise déployé tout autour d'elle dans un motif étrangement harmonieux, Echo qui marquerait probablement par là son premier et seul coup d'éclat de cette soirée, Kenos qui avait voulu la venger et Nora qui avait vu ses deux camarades à terre et avait voulu les traîner un peu plus loin.

Anastasia, qui avait vu la scène, secoua la tête d'un air navré et fonça les récupérer, sa robe rouge flottant derrière elle. Chacun devait donner ses présents aux mariés de toute façon. Personne d'autre n'avait pensé à en apporter, du coup Louna avait complètement oublié de caser un moment dans la cérémonie pour s'en occuper. Mais bon. Sur un signe du Chevalier Corbeau, leur créateur, chacun se dirigea vers les nouveaux époux, Anastasia tentant toujours de réveiller nos trois assommés.

Shinju fut le premier. Il tendit, avec son air absolument neutre, une rose de cristal pur à Angel. Plutôt original. Celle-ci, avisant le brun, le cadeau, et la procession, jeta un coup d'œil vers le reste du groupe de Créateurs, se demandant sans doute ce qu'elle devait en faire le temps de la fête. Louna se frappa le front et appela à grands cris Cyno, qui se précipita vers eux avec une table roulante de service. Bon. Je suppose que cela suffira.

Un collier de perles et un pendentif de la part d'Anev ne tardèrent pas à rejoindre la rose en cristal, suivis par une partition de Dirliath qui souriait. Seiji avait l'air très gêné par la procession de cadeaux et Angel... Bah, c'était Angel quoi. Elle n'en voyait absolument pas l'utilité. Enfin réveillés, nos trois assommés suivirent. Kenos continua avec des chevalières à l'effigie de leurs animaux totems, Echo avec cette fois un lotus de cristal et Nora un parchemin qui semblait empreint d'un puissant sort d'illusion. Des couronnes de fleurs de la part d'Estel (Mais qu'est ce qu'ils ont tous avec les fleurs?!?) se rajouta au tas, avec deux masques vénitiens de la part de la dernière, Anastasia.

La procession terminée, chacun d'eux n'oublia pas de présenter ses félicitations. Bien entendu, Seiji en retient quelques uns pour discuter, tandis que d'autres retournèrent sur la piste de danse, où des personnes comme Anjuko, Asura et, plus ironiquement, Zium, déployaient tout leur talent en danse. D'autres personnes les entouraient, comme Charalin qui avait décidé, par pure plaisanterie, d'inviter Zeina, avec Haru qui se trémoussait non loin. Akai et Reafan avaient visiblement décidé de s'inviter mutuellement à danser. Sans compter le pire, Caïn et Gwen, qui virevoltaient dans tous les sens, avec en plus Caïn qui ne se gênait pas pour faire des saltos et autres acrobaties lorsqu'il perdait le rythme. Qu'il se méfie, toutefois. Au bout de dix fois à rebondir sur la tête d'Akira en pleine séduction, ce dernier finira par se rappeler qu'il sait aussi plutôt bien se battre à mains nues.

Plus loin, plusieurs petits groupes se tenaient à l'écart de la piste. Lina discutait tranquillement avenirs possibles avec Phila, aussi tranquille que peut être une conversation sur une mort prochaine. Baku tentait d 'éviter ses fanboys et fangirls qui, la soirée avançant, avaient un poil trop bu. Axel et Lya parlementaient dans un coin, le regard fixé sur Akira, qui lui commençait à sérieusement perdre son calme, à cause de Caïn qui ne cessait d'interrompre sa discussion-séduction avec une Echo pas franchement convaincue. Et puis d'autres, comme Licaros qui était fidèle à lui-même, Drake et Talienka qui préféraient discuter, ne s'étant pas lâchés de la soirée, et le Chambellan qui n'avait pas encore trouvé l'occasion d'éblouir l'assistance avec ses talents en valse.

On pouvait aussi voir un Cyno très extraverti aller de-ci, de-là, allant même jusqu'à discuter avec Owen et Ylline qui se tenaient un peu à l'écart, un verre de vin sauvé de la razzia de Maève dans la main. Plus loin, Garm et Makhai discutaient avec Di et Angelo. Les versions plus âgées de Korrin et Jiro ne tardèrent pas à les rejoindre. Visiblement la conversation portait sur l'enfantement artificiel. Di et Angelo ayant eu deux enfants par ce moyen, Redan et Develis, les deux couples gays souhaitaient savoir si l'entreprise était encore possible. Même si je ne suis pas sûr, moi, pauvre narrateur, que Baku et Lina soient vraiment prêts à devenir grands-parents et tonton-tata d'un coup.

Et puis Angélique se racla la gorge, une bouteille de vodka en main. Son bruit de gorge magiquement amplifié par le pouvoir du scénario (merci Louna, mais ça devient un peu lourd là.) attira l'attention de tout le monde, qui se retourna vers le bar désormais bien entamé.

Oh, vous, vous savez tous ce que ça signifie.

Angélique aussi.

Elle fut brève. Elle se contenta de crier d'une voix de stentor : « QUI VEUT FAIRE UN CONCOURS DE BOISSONS???? »

Et une bonne partie de l'assistance se précipita vers le buffet.

Quelques rares, dont Reafan et Lina qui n'avaient pas digéré leur dernière défaite, protestèrent, comme quoi « c'était de la triche, c'est sûr que tu vas gagner ! »

Et puis se pointèrent les deux démones, Akai et Anjuko, ainsi que Devila, un étrange sourire sur le visage. Et, juste derrière elles, Mairù, en proie à un léger ricanement diabolique.

Louna soupira. En voilà cinq qui feraient de fameux adversaires, mais ce n'était effectivement pas très juste. Son cœur de faible humaine qui ne tenait qu'assez peu l'alcool ne pouvait que compatir. Elle discuta donc rapidement avec les trois Créateurs qui se trouvaient en ce moment avec elle, Esther, Ambre et LLW, et les deux acquiescèrent à son idée.

« Voilà ce qu'on va faire. On va faire deux concours séparés, un avec ceux dont la constitution particulière n'inclut pas une résistance particulière à l'alcool et un avec Angel et ses quatre dignes adversaires... Ça vous va ? »

Immense cri d'assentiment de la part de l'assistance. Mais Louna n'avait pas fini.

« Quant à toi, Mairù, j'espère que tu es prêt à ta défaite cuisante par explosion. Parce que là t'as vraiment mal choisi tes adversaires. »

La cible de ce dernier commentaire grinça des dents. C'est bon quoi, pour UNE fois qu'il pouvait s'amuser sans risquer de sortir un tentacule à chaque verre de trop. En plus, la magie étant inactive ici, il ne pouvait pas s'instabiliser, pas vrai ? Ce serait trop facile. Nul ne pouvait concourir avec un être dont l'absence d'estomac garantissait, plutôt étrangement, une capacité de stockage illimitée.

Bref. Les deux groupes s'installèrent tranquillement de chaque côté de la table. D'un côté, les simples êtres vivants, avec dans le lot Lina, Reafan, Seiji (qui mourait d'envie de s'amuser un peu), Aran, Océane, Sheelba (qui n'avait, disons-le, aucune chance), Om, Gwen (sous le regard désolé de Caïn qui n'aimait pas trop ça), Sarkanys, Charalin, Nora, et Drake (qui trouvait ça amusant, semble-t-il). Laya et Talienka les regardaient avec une certaine répulsion envers la boisson, mais lorsque celles-ci se découvrirent une raison identique de ne pas l'apprécier, à savoir le brouillage de la concentration, elles se désintéressèrent de l'évènement et se mirent à chercher d'autres centres d'intérêt qu'elles auraient en commun.

De l'autre, il y avait non pas cinq mais six personnes : Les deux démones, Anjuko et Akai, Devila, Mairù, Shinju qui s'était rajouté et bien sûr Angel. À côté d'eux, ces sadiques de créateurs, et au milieu, les shippeuses en série qui n'étaient pas déjà occupées, à savoir Estel, Eale et Caya, prêtes à prendre des photos de la participation de certaines. Dans un autre coin, des personnes suffisamment sages pour ne pas participer lorgnaient néanmoins sur l'alcool, comme par exemple Akenka, Angelo, Anev et autres.

Au signal de Louna qui lorgnait le tout d'un œil supérieur, tout le monde inhurgita son premier shot de vodka.

Comme prévu, Sheelba fut la première à renoncer. Non pas parce qu'elle était raisonnable, nooooon. Simplement parce qu'elle était, après seulement quelques verres, complètement bourrée et commençait déjà à provoquer le monde. Aux dernières nouvelles, elle avait commencé un combat avec Axel. Difficile de dire qui en sortira victorieux. Seiji, Océane et Aran suivirent, plus raisonnables. Seiji dut néanmoins se faire transporter jusqu'à un banc non loin pour que « la pièce cesse enfin de tourner, s'il vous plaît... »

Toujours est-il que la catastrophe continuait de se jouer dans le camp des « descentes d'humains ». Nora et Drake finirent par céder, ne laissant que Lina, Reafan, Charalin, Gwen et Sarkanys en course. Et qu'est ce qu'il se passe lorsque Lina est en course dans un concours d'alcool ? Elle tient jusqu'au bout, oui monsieur. Et, manque de chance, Baku n'était pas là pour la stopper à temps, occupé qu'il était à régler une énième blague de son alter ego qui avait encore pimenté la viande de Rroïgyar... A croire que c'était fait exprès.

Il n'en restait donc que cinq dans le premier groupe. Et même un dragon comme Sarkanys commençait légèrement à avoir la tête qui tournait. Gwen laissa tomber au bout de la vingtième bouteille. Charalin, encore un peu lucide et plus raisonnable, suivit. Ne restait donc que Lina, qui commençait à se sentir un peu pompette, Reafan, qui lui avait deux-trois vertiges, et Sarkanys, tout juste un peu engourdi.

Inutile de dire que du côté du deuxième les bouteilles allaient bon train. Mairù et Shinju se révélaient être de sérieux concurrents avec leurs métabolismes respectifs. Akai et Anjuko se livraient limite une petite guerre passive pour savoir laquelle des deux démones céderait en premier. Et du côté de Devila, elle ne comptait laisser gagner personne, cette fois. Angélique avait vraiment du souci à se faire.

Les neuf restants tenaient donc bon, encore, et encore, et encore, et le geste typique de Lina et Shinju pour prendre une immense lampée de vodka fit s'exclamer Phoebe « Eh bé, la descente de fou, c'est de famille ou c'est comment ? »

Finalement, Sarkanys laissa tomber. Ne resta plus que Lina et Reafan dans le premier groupe, tous deux (enfin!) sérieusement atteints. Ne restait plus de leur côté qu'une bouteille de whisky. Ils tendirent leur main pour s'en emparer. La dernière bouteille, celle qui signerait la victoire de l'un et la défaite de l'autre.

Est-il vraiment utile de dire que leurs mains ont glissé sur le verre, renversant cette dernière bouteille sur le sol du jardin, avant qu'eux-mêmes ne glissent sur le sol, vaincus par un soudain vertige ? Cela signait une égalité parfaite entre ces deux-là, qui trouvèrent néanmoins la force de tourner la tête l'un vers l'autre et de sourire dans une attitude tout à fait fair-play.

« Beau match, fit Reafan en souriant. Ce fut un plaisir de t'affronter.

-Tout le plaisir était pour moi. »

Et le mercenaire s'évanouit, tandis que Lina perdit pied avec la réalité et se mit à ricaner bizarrement.

Le concours commençait à devenir un peu ennuyeux du côté du second groupe. Aucun ne voulait lâcher. Louna se tourna donc vers un divertissement un peu plus intéressant : La piste de danse. Tout le monde ou presque était bien atteint, sauf les rares raisonnables et les créateurs qui, dans leur condition de simple humain, n'avaient pris que quelques verres. C'était le moment de relancer les slows, et de, disons, voir où tout ça nous menait.

Di et Angelo furent les premiers à craquer. L'alcool n'aidant pas, la musique les poussa à danser peut-être un poil trop proche l'un de l'autre. Sarkanys, toujours autant embrumé, entraîna Iruse sur la piste. Quelques danses de salon, telles valses et autres tangos, traînèrent les couples dotés d'une éducation plutôt noble sur la piste. Laya dansait notamment avec Castian, et Alia avait réussi on ne sait trop comment à inviter Akira. À moins que ce ne fut l'inverse.Sans compter Owen et Ylline, qui déployaient une certaine grâce sur la piste. Un tango fit grincer des dents à Devila toujours en train de boire ; mais la compétition passait avant la danse.

Et que se passait-il du côté du bar ? Enfin, outre la guerre des boissons. Eh bien, Reafan avait été traîné dans un coin sur un fauteuil confortable (Louna dit que c'est SON fauteuil. Désolé LLW, du coup elle va piquer le tien.) le temps qu'il se réveille, et Lina s'était relevée, les pommettes rouges et les yeux brillants signalant un graaaaaand danger pour la libido de Baku...

Ce dernier, qui avait d'ailleurs eu maille à partir avec Rroïg' plus tôt, avait dû se débarrasser de son veston trempé de transpiration (à force de courir partout pour réparer les erreurs d'Akira, vous savez.) et se promenait donc, la chemise grande ouverte (Ouh làààààà.) en direction du fatidique bar, en quête d'un bon petit alcool pour oublier tout ce maudit bordel... Grave erreur. Un conseil Baku, même si tu peux pas m'entendre car je suis le putain de narrateur ; sauve toi, le plus vite possible.

Ah bah trop tard, Lina lui est littéralement tombée dessus ! Bon, ben, allons-y gaiement, je suppose. Le temps qu'il se relève, elle avait déjà calé son visage dans le creux de son cou, provoquant une rougeur immédiate de tout son visage. Je crois qu'il va essayer de la calmer en privé. Bonne initiative.

La fête s'est conclue finalement sur une victoire de Devila, les vessies traîtres de quatre des concurrents les ayant lâchés. Quant à Mairù, disons qu'après avoir effectivement frôlé l'explosion il s'est un peu calmé, en arrivant toutefois troisième derrière Angélique. Et au final, tout le monde est resté dormir. Même les Créateurs qui riaient aux éclats dans leur coin devant tout ce bordel. Mais je vous rassure, ils se sont bien mêlés à la foule, de temps en temps. On a même assisté au spectacle rarissime de Louna qui dansait.

Le lendemain marquait le départ des invités. Louna, la seule à ne pas être complètement HS dans le lot, dut transmettre les adieux de tout le monde. Et enfin, après le départ du dernier des invités, elle se tourna vers Lina, souriante.

Cette dernière avait les cheveux dressés dans tous les sens et ce qu'on pouvait appeler une tête de réveil. Et son air renfrogné, de même que une légère rougeur aux joues, en disait long sur la qualité de la nuit qu'elle avait passé...

« C'était quand même une chouette fête, pas vrai ?

-Parle pour toi, soupira Lina. Rappelle moi de ne plus jamais faire de concours de boissons avec Reafan. C'est trop dangereux.

-Effectivement. Jolies marques au fait ! »

A ces mots, Lina remonta précipitamment le col de sa veste tandis que dans le fond de la salle, un étrangement suspect garçon aux cheveux blancs se cachait derrière une colonne. Louna éclata de rire.

« Ça va, du calme voyons, ça se voit presque pas. Et moi aussi, va falloir que tu me rappelles quelque chose.

-Quoi donc ? »

La Créatrice désigna toute la zone transformée en véritable champ de bataille d'un ample geste du bras.

« De ne plus jamais. Jamais. Organiser de mariages d'une telle ampleur. J'ai chopé le mal du crâne du siècle et je ne suis même pas sûre d'avoir pensé à tout... Là franchement, si Seiji il est pas content, je lui coupe les oreilles ! Merde quoi ! »

Et, sur ces mots pleins de sagesse, la Créatrice téléporta tout le monde au QG avant de faire fondre la zone, dernier vestige de l'incroyable fête, dans l'Entre-Deux.