AU : Lycée Chrystophane III
C'est décidément super animé ce matin, je me demande ce que les terminales ont encore foutu comme conneries. Même en bac blanc on les arrête pas, ces pestes. Du papier cul partout, des batailles d'eau et même des gars en pyjama. La directrice est super cool de leur permettre ça, mais quand même... Qu'ils soient les plus sages et mieux notés de la région en cours n'excuse pas ces conneries.
C'est pas la joie d'être élève de seconde au lycée Chrystophane III, vous savez. Le bâtiment est immense, les élèves sont dingo, et ne parlons pas des profs...
Ça oui, je pourrai faire une dissert de philo sur la folie de mes profs. C'est déjà la fin de l'année et je suis toujours pas habitué.
Je me souviens encore de la rentrée, lorsqu'avant même de rentrer dans ma classe j'ai vu deux premières passer en piaillant sur leurs emplois du temps (elles sont rentrées avant nous pour régler un souci d'adaptation avec un gars autiste qui devait intégrer le niveau ou je sais pas quoi), et forcément comme toutes bonnes élèves, elles ont babillé sur leurs profs. Si je me souviens bien, ça faisait...
"T'as qui, toi, en SVT?
-Attends.... J'ai m'sieur Poche, je crois.
-Roh, l'autre vieillard? Pauvre choute, je te plains tellement...
-Mais oui, il est vieux, con, et il pue! En accompagnement il faisait chier tout le monde avec ses allèles machin-truc... Et toi, t'as qui?"
La fille avait cligné de l'œil en souriant. L'autre avait fait un truc genre "Noooooooooooon...." ce à quoi l'autre toute fière avait répondu "SIIIIIIIIIIIIIIII!" et avait montré son emploi du temps avant de s'égosiller à m'en faire perdre les tympans. Visiblement, ce prof dont je n'ai su le nom que plus tard était digne des plus beaux fantasmes d'une fangirl.
Autant dire que je me demandais qui c'était alors que les emplois du temps étaient distribués.
La prof principale s'est vite présentée. Elle s'appelait madame Blackheart et était prof d'anglais et d'allemand. Je l'ai trouvé cool, au premier abord. Encore aujourd'hui d'ailleurs. Mais bref.
Notre classe était constituée, visiblement, de gros cas sociaux. On avait trois redoublants dont personne ne semblait se préoccuper, deux gamins qui avaient sauté une classe, deux trois pimbêches type "blondasse", deux autre type "beurette" et une armada de nerds de toute sorte. Sans compter le "bad boy" de la classe, qui n'a pas perdu de temps pour poser des questions débiles.
À la vue de l'emploi du temps, les trois redoublants s'étaient mis à trembler de peur. Moi, je ne comprenais pas. Je lisais simplement plusieurs fois les noms "Blackheart" et "Claro" dans l'emploi du temps, me demandant si c'était un bug ou si on avait vraiment des familles de profs. L'autre bad boy a d'ailleurs posé cette question à haute voie, à grand renfort de "Si c'est une erreur, mon père va en entendre parler!". La connerie de base.
Je me souviens du mince sourire de madame Blackheart, qui a repassé une main dans ses cheveux en souriant, des redoublants qui priaient pour que ce soit une erreur, du bad boy un poil surpris. Et puis elle a répondu :
"Ce n'est pas une erreur. Les professeurs Claro sont bien tous deux frères, et vous les aurez en physique et en SVT."
L'un des redoublants s'est évanoui.
L'année n'a fait qu'empirer à partir de là.
J'ai rapidement compris que j'avais eu beaucoup, beaucoup de chance en ce qui concernait le professeur de SVT. À peine était-il rentré dans la classe que la moitié des filles s'est mis à glousser. Il devait avoir vingt-cinq ans, mais faisait à peine la vingtaine, un visage très enfantin encadré par des mèches blanches rebelles et une barbe de trois jours qui le vieillissaient un peu. Il donnait un petit air artistiquement négligé.
Il avait balayé la classe d'un regard bleu très intense et n'avait pas franchement perdu de temps en ce qui concernait les explications. C'était un excellent prof, et il savait tenir une classe. Sans compter qu'il tenait une bonne partie des filles et des gars sous contrôle rien qu'en se remettant une meche derrière l'oreille. Moi-même, bisexuel assumé, j'ai éprouvé une petite attirance pour lui, mais bien vite calmée lorsqu'au cours d'un TP je l'ai vu enlever la bague gravée à son annuaire gauche.
Par contre, on ne peut pas franchement en dire autant du prof de physique. Lorsque mon pote Johan est rentré dans sa classe pour la première fois, il s'est pris le souffle d'une mini-explosion dans la gueule et un sifflement courroucé du prof. Je crois que personne ne pouvait faire pire impression que ça.
Les cours de physique, on les passait dans la peur que le produit qu'on manipulait nous pète à la figure. Oh, bien sûr, on en apprenait un taquet sur la table de Mendeleïev, mais découvrir un réacteur nucléaire dans les plus profonds sous-sols du collège.... Moyen moyen.
On avait vraiment hérité du pire.
Les sciences n'étaient pas mon seul sujet d'inquiétude. Les maths et le sport l'étaient aussi. La prof de maths, miss Lerni, cachait une âme de démon derrière un air angélique. Sérieux les gars. Trois pièges en un exercice? Et on s'étonne de ne pas avoir la moyenne?
Et le sport.... Alors là, n'en parlons pas. Il ne s'écoulait pas une minute sans que la prof ne se mette à gueuler. En bon nerd au corps de Squeezie, je n'étais absolument pas doué en sport, alors imaginez mes notes lorsque madame Blackheart exigeait de ma part cinq secondes au cinquante mètres. Elle, elle en faisait quatre dix en bottes de cuir. Elle battait presque tous les garçons à ce petit jeu.
Et ainsi de suite...
C'était d'ailleurs l'heure du cours de SVT. Aujourd'hui, monsieur Claro avait prévu une dissection de cœur de bœuf. Super. J'avais peur du sang.
Je rentrai dans la classe en soupirant, un peu en retard, pour me faire accueillir par un professeur qui me paraissait un peu trop enjoué pour une simple dissection. Il me laissa m'installer tranquillement avant de claquer ses mains sur la table et de poser une question qui semblait lui brûler les lèvres depuis le début :
"Rassurez-moi, vous avez pas sport cet après-midi?"
Ce n'était pas de très bon augure, ça. Justement, si, on avait sport. Madame Blackheart ne cessait d'ailleurs de se plaindre parce qu'elle n'avait que nous ce jour-là.
Johan acquiesca, l'air inquiet. Le prof afficha alors un air de sincère repentir, en se passant la main dans les cheveux.
"Je suis désolé pour vous, les enfants... Essayez de ne pas trop l'énerver, elle n'est pas de très très bonne humeur...
-Pourquoi, m'sieur?"
La question s'imposait, je pense. Le professeur Blackheart pas de très bonne humeur, ça équivalait au dragon qu'on avait aspergé de poivre.
Un petit sourire satisfait apparut sur le visage du prof, tandis qu'il faisait tourner son stylo entre ses doigts.
"Oh, pour rien. J'ai juste mis du sel dans son café ce matin."
Où comment signer notre arrêt de mort à tous.
Après la dissection (j'ai pris un malin plaisir à regarder un gars qui me faisait chier depuis la rentrée trembler de peur en disséquant son cœur sous l'œil légèrement sadique du professeur), nous nous sommes rendus en français. Sur le chemin, on vit passer la toute rondelette troisième prof Blackheart, prof d'arts plastiques, couverte d'un liquide marronâtre qui ressemblait fort à.... Du café?
Désireux d'en savoir plus, j'arrêtai la prof en me mettant devant elle en souriant. Vu son petit mètre trente-huit, elle ne devrait pas être trop compliquée à stopper...
"Madame Kami?
-Oh, euh, bonjour, Lukas...
-C'est quoi ce liquide marron?"
Elle soupira.
"Rappelle moi d'assassiner ton professeur de SVT ce soir. Lina... Euh, madame Blackheart pense que c'est moi qui ai salé son café du matin. Voilà sa vengeance... "
Elle montra ses fringues pleines de café et fronça le nez.
"Je ferais mieux d'y aller avant d'embaumer le couloir. Rappelle à tes camarades que le cours d'AP est maintenu demain, s'il te plaît.
-Oui, madame.
-Merci, Lukas."
Et elle s'éloigna en sautillant, ne tardant pas à disparaître derrière un seconde qui passait par là.
Enfin, après avoir passé le cours de français, de maths et la foire en anglais, il était temps d'aller au massacre. Le terrible cours de sport. Surtout qu'avec madame Blackheart en mode dragon, ça allait être très, très pénible...
Nous fûmes accueillis par la petite gamine en habit noir, qui tirait assez bizarrement sur un élastique en marmonnant des imprécations à l'adresse d'un "putain d'enfoiré de souilleur de café". Un murmure de compassion se fit entendre pour le professeur Claro. Il allait en voir de toutes les couleurs.
Madame Blackheart ne tarda pas à hurler pour réclamer le silence, calmant instantanément toute la classe. Elle expliqua rapidement les exercices du jour. Aujourd'hui, on serait notés sur des ateliers d'agilité. Elle avait préparé les slaloms, obstacles, poteaux, pistes de course, tout, ce matin. Un vrai parcours du combattant....
Un soupir collectif de toute la classe marqua le début de l'enfer. Deux heures de ce bordel. J'ai plus qu'à prier pour une distraction, sinon je vais décéder...
Visiblement, y'a bien quelqu'un là haut qui m'a entendue, puisque la distraction tant demandée se présenta sous la forme de ce tête-en-l'air de professeur Claro cadet, qui s'était précipité sur le terrain demander quelque chose à la prof. Content d'avoir un truc à mater autre que les gros derrières trempés de mes camarades, je me rapprochai en douceur pour espionner la conversation.
Le professeur souriait, l'air plus enfantin que jamais.
"Lina, chérie, tu peux me rendre un service?"
Madame Blackheart soupira, passant ses mains dans ses longs cheveux noirs.
"Si tu me redis que tu as oublié les clés de la réserve, je te jure que je te fais avaler un medecine-ball!
-D'accord, je ne vais pas le dire. Tu peux me dépanner ?"
Et il rigolait, cet abruti. Il n'avait décidément peur de rien.
La professeur grogna, mais sortit quand même les clés de sa poche pour les lui rendre.
"Et elles s'appellent reviens!
-Merci chérie, t'es un amour!"
Il l'embrassa rapidement sur la joue (du moins, c'est l'impression que j'ai eue de mon point de vue...) avant de partir en courant, secoué de rires. La jeune femme se figea, avant de hurler:
"Non mais...? REVIENS ICI, GROS DÉGUEULASSE!"
Finalement, je suis pas sûr qu'il n'ai fait que lui embrasser la joue....
L'enfer finit par se calmer. Notre tortionnaire nous lâcha d'un grand "Ouste, bande de nerds!" avant de se précipiter... Vers la salle des professeurs de SVT. La moitié des garçons ricanèrent grassement. Ils s'imaginaient sans doute des trucs dégueulasses après avoir vu ces deux là tout à l'heure. À croire que j'étais le seul à avoir deviné qu'ils étaient mariés et plus que probablement parents.
Et devinez qui décida encore de foutre la merde? Le grand bad boy des secondes III, Ethan, l'alcane à deux carbones le plus basique de la création. Ah, pardon, même pas basique. Il n'a jamais fait fondre personne.
"Eh les gars, on va les voir?"
Recrudescence des rires gras. Johan, ce pervers de service de meilleur pote, pouffa dans sa barbe inexistente.
"Peut-être qu'ils font des cochonneries..."
Inutile de préciser que ça a fait bouger la moitié de la classe. Même les filles, pas si pures que ça finalement, voulaient leur dose de hentai. Surtout avec un prof qui les faisait pas mal fantasmer.
Et moi? Bah, moi... J'étais curieux, c'est tout. Je les ai pas suivi pour le hentai. Non non non.
Bref. La salle de SVT était proche. Plus personne n'avait cours à cette heure et l'autre prof, Poche, était reparti depuis longtemps. Si hentai il y avait, c'était le moment.
À l'approche de la porte qui nous séparait du couple, on entendit des bruits de voix. Johan rigola. Ils étaient bien là-dedans.
"Baku, on peut pas... Et les élèves?
-Ils sont pas là, les élèves. Pressés comme ils sont, ils sont sûrement rentrés chez eux."
Un soupir. Une des filles gloussa. Ethan, lui, rapprocha sa main de la porte, la posa délicatement sur la poignée, marqua un petit temps d'arrêt sous la pression silencieuse de nos regards, puis l'ouvrit brusquement.
Ils étaient bien là. Et dans une position plutôt compromettante, je peux pas dire le contraire. Avec la prof de sport assise sur la table en T-shirt et le professeur de SVT penché sur elle, le visage à quelques centimètres du sien, et pire, torse nu...
Glp. Avec une jolie paire d'abdos en plus.
Bref. Ethan n'eut même pas le temps d'attraper son portable. Monsieur Claro venait de le balancer dehors, l'air... Plutôt courroucé. Les filles non plus n'eurent pas le temps de baver. Devant son air furax, elles s'étaient éparpillées en piaillant. Je suis presque sûr que les abdos du prof seront leur prochain sujet de discussion de la semaine.
Et moi? Je m'étais figé dans un coin, le plus loin possible d'Ethan et sa clique. Le prof posa ses yeux sur moi, soupir, et lâcha, l'air lassé :
"Lukas, je t'aime beaucoup, mais si t'as un truc à me demander, attends demain, s'il te plaît."
Et il me referma la porte au nez.
Décidément, ils sont tous barrés, au lycée Chrystophane III.
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J'espère que vous vous êtes autant amusés à lire ça que moi à l'écrire!
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