Chapitre 32
Les garçons sont réunis autour du lit dans lequel Minho a été installé, perfusé à une solution d'hydratation au moins le temps qu'il se réveille. Il n'y a pas un bruit. Pas un d'entre eux ne parle, et cela aurait pu amuser les membres du staff présents si la cause de tout ce silence n'avait pas été aussi grave.
S'ils ne parlent pas, on entend toutefois quelques reniflements. Parfois un sanglot et lorsque ce son s'élève, ils se resserrent machinalement les uns contre les autres tel un amas de chatons apeurés.
Chris, Chan, se lève finalement, laissant là ses protégés, pour aller s'entretenir un instant avec le manager qu'il a vu passer dans le couloir de l'hôpital. En passant, sa main se serre doucement sur l'épaule de Hyunjin dont les yeux gonflés montre à quel point il se sent coupable de tout cela, sans qu'il en soit pourtant la cause.
Refermant la porte derrière lui, le leader s'approche de leur manager.
— Tu as des nouvelles ?
Le manager n'est nullement surpris de voir le jeune homme venir le voir. Ennuyé de la situation, et particulièrement tendu d'inquiétude quant à la vie de Jisung qui ne tient qu'à un fil bien ténu, il s'agite un instant sur ses pieds et passe une main dans ses cheveux hirsutes.
— Pour l'instant les médecins l'opèrent, mais ils peuvent pas se prononcer....
Je suis tellement désolé Chan...
Ce dernier lui offre un sourire bien triste, mais il ressent le besoin de le réconforter, après tout ce n'est pas sa faute si la sécurité a merdé.
— T'as pas à t'en faire. Il va s'en sortir. Il a toujours de la chance, c'est pas maintenant que ça va changer... Hein ?
Il aimerait s'en convaincre, il veut s'en convaincre. En être sûr et voir juste. Jisung doit se montrer fort et revenir plus brillant que jamais. Au moins il saura rebondir et écrire une magnifique chanson sur le tunnel qu'il aura sûrement entraperçu.
— La fille est d'ici. Elle est cinglée. La police s'occupe d'elle et ils m'ont appelé. Il va falloir que j'aille au poste afin de parler de tout ça. Elle est celle qui écrivait à Hyunjin, et celle qui avait menacé les gars. Personne ne pensait qu'elle passerait vraiment à l'acte, même quand on en avait parlé aux policiers, ils étaient d'accord pour dire que c'était une gamine un peu timbrée, mais pas une meurtrière psychopathe...
Chris hoche doucement la tête... Il laisse passer un silence avant de finalement rebondir.
— Comme quoi tout le monde peut se tromper... J'espère qu'ils trouveront comment elle est entrée sans être inquiétée. Et qu'elle va foirer son coup...
Son regard se perd alors sur le couloir, se demandant où sont les salles dédiées à la chirurgie. Il donnerait cher pour aller tenir compagnie à Jisung, et l'encourager à revenir parmi eux. Et il remercie silencieusement le ciel d'avoir permis à leur rappeur de se sentir mieux avant que cela n'arrive. Si cela s'était produit quelques semaines avant, qui sait si Jisung ne se serait pas laissé aller.
Un bruit sourd, et des cris les font se retourner tous les deux. Cela s'agite dans la chambre de Minho, et après un échange de regards, ils se précipitent pour finalement découvrir les garçons levés autour du lit de son cadet, en train de tenter de le calmer, mais leurs tentatives ne font qu'agacer de plus belle le danseur, qui renchérit encore et encore.
— DEHORS ! LAISSEZ MOI ! DEGAGEZ !
— Minho, calme-toi, s'il te plait !
— DEHORS J'AI DIS !
Christopher aperçoit Hyunjin recroquevillé contre un mur, les mains sur sa tête et les épaules tressautant au rythme de ses pleurs, Felix essayant de le réconforter en vain. Le leader se rend donc auprès d'eux, laissant le manager faire sortir les cinq autres qui se retrouvent totalement impuissant face à la colère de Minho. Aidé de Felix, il redresse la belette, la remettant debout au prix d'un effort certain, et ils l'entraînent au dehors, laissant seul l'alité.
Minho, qui d'un violent coup de pied dégage le plateau métallique qui était tombé sur son lit, dans un fracas monumental. Il a besoin de frapper. Il a besoin de démolir, il a besoin... De Jisung. Il ne sait pas pleurer devant les gens. Il est hors de question pour lui de verser la moindre larme devant quelqu'un, laissant ainsi deviner une quelconque fragilité. Mais son besoin de craquer s'est fait sentir lorsqu'il a ouvert les yeux et que tout lui est revenu. Et tous ces regards tournés vers lui avec un petit air de pitié, de douleur... Il n'a aucune idée d'où en est Jisung à cette heure, est-il seulement encore vivant ?
Ses mains, dont l'une est pourvue de la perfusions, tremblent, alors qu'il les porte à son visage. Tout cela s'est passé tellement vite... Baissant le museau, il regarde ses doigts qui plus tôt étaient maculés du sang de Jisung. Ils les ont lavés. Comme s'il ne s'était rien passé. Comme si tout était fini. Sa vue se brouille alors, et un cri difficilement contenu s'échappe de sa gorge alors qu'il se recroqueville contre lui même, se serrant dans ses propres bras. Il se balance doucement, repassant en boucle ce moment où Jisung a perdu l'équilibre et est tombé sans comprendre sur la scène. Personne n'a compris, pas même lui, et il leur a fallu quelques instants pour que les circonstances se fassent.
Va-t-il le perdre ?
Va-t-il perdre celui qu'il aime alors qu'ils viennent juste de se retrouver ?
Ils viennent seulement de se déclarer, cela ne peut pas arriver.
Pas maintenant.
Pas après toutes ces années de non dits et d'hésitations.
Pas après tout ce temps passé l'un près de l'autre sans qu'ils osent se lancer vraiment.
Pas maintenant qu'ils sont heureux.
Pas quand ils sont en paix.
Depuis le couloir, les six garçons indemnes physiquement entendent les pleurs déchirant de leur aîné, et cela leur arrache le cœur. Ils ne savent que trop bien combien il est rare de voir Minho en position de faiblesse, lui qui s'applique toujours a paraître fort pour que les autres se sentent en confiance et qu'ils puissent se reposer sur lui. Les pleurs de Hyunjin ont redoublé, et il n'arrive pas à s'arrêter malgré le réconfort que les autres lui portent.
— Tu vas devenir aveugle si tu continues à pleurer. Tes yeux vont tellement enflés qu'on ne les verra plus. Ils sont déjà tout petits...
Cela a au moins le don de faire rire un peu le garçon au milieu de ses larmes.
— Je suis tellement désolé, c'est ma faute tout ça, c'est ma faute...
Changbin lui frappe doucement l'épaule aux mots qu'il énonce, et lui répond, s'énervant presque.
— Dis pas de conneries, c'est pas ta faute si y a des gens cinglés. Ça aurait pu être n'importe lequel d'entre nous, c'était pareil tu sais.
— Ouais mais ça faisait longtemps qu'elle m'écrivait, y aurait peut-être fallu que j'lui réponde ?
— On répond pas aux sasaengs. On les ignore. Elles sont allumées. T'as fait ce qu'il fallait. Remet rien en question. Surtout pas tes actes. On aurait tous fait pareil.
Un médecin apparaît au coin du couloir, et curieux de savoir s'il vient pour leur annoncer quelque chose, les garçons se taisent et le regardent venir dans leur direction. Il ne s'arrête pas et semble réellement venir vers eux alors Chris et le manager se relèvent en s'aidant du mur et vont à sa rencontre.
Serrés de nouveau les uns contre les autres, Changbin, Hyunjin, Felix Seungmin et Jeongin guettent les réactions de leur leader, de leur manager et du chirurgien qui s'adresse à eux d'un air grave qui ne leur dit rien qui vaille. Hyunjin, à voir les visages de ces derniers recommence à se noyer presque dans ses larmes, accompagné de Felix qui lui caresse frénétiquement le dos comme si le geste pouvait le réconforter lui même. Changbin ne dit rien, concentré à tenter en vain de lire sur les lèvres, Seungmin craque entre ses doigts la bouteille d'eau qu'il tient depuis un bon moment, et Jeongin passe ses mains dans ses cheveux en baissant la tête sur ses genoux remontés. Quelle merde.
Plusieurs saluts plus tard, Chris et le manager reviennent auprès d'eux, leurs visages fermés. Impossible d'y lire une bonne ou une mauvaise nouvelle, et cela met les nerfs du groupe à rude épreuve.
— Bon putain Chan tu craches le morceau ?? S'agace profondément Changbin qui sent ses poings le démanger.
Jisung est l'un de ses plus proches amis et il a clairement peur de l'annonce d'une mauvaise nouvelle. Mais il est pour la méthode du pansement qu'on arrache d'un coup, pour souffrir d'un seul coup plutôt que de faire durer un insupportable suspense qui ne fait que faire mal.
— Ils ont fini de l'opérer. Il est en réanimation. Ils peuvent pas se prononcer tout de suite, il faut attendre de voir s'il va se réveiller.
— Quoi ??
— Non, ils doivent savoir ! Comment ça il faut attendre qu'il se réveille ??
— Et si ça prend des jours ?!
Chris ne cherche même pas à calmer les garçons, il pense comme eux et la seule réponse obtenue ne leur permet nullement de calmer leur inquiétude.
— Quand il sera mis en chambre on pourra lui rendre visite. Un à la fois et pas plus de cinq minutes. De toutes façons, s'il dort...
— Il se réveillera. C'est Jisung, il se réveillera forcément. Il a trop de monde à emmerder. Il a pas fini son stock de blagues moisies de plaisanteries foireuses.
Felix veut y croire. Felix a toujours été quelqu'un de positif, un optimiste qu'il est difficile de contredire. Personne ne souhaite voir la tristesse sur son visage, lui qui peut ensoleiller le monde d'un sourire. Alors ils hochent tous la tête et Hyunjin ravale ses larmes. Jeongin se lève,
— Je vais à la chapelle. Ça servira peut-être pas à grand-chose mais un petit coup de pouce sera pas de trop... Hein ?
— Attend je viens avec toi. Se prononce Seungmin en se levant.
Sous le regard des autres, toujours assis contre le mur dans le couloir, ils s'en vont donc pendant que Changbin s'est décidé à se défaire de toutes les breloques en trop sur son costume de scène. Sans lever la tête vers le manager, il enrage au point de déchirer le tissu en tirant sur une broche récalcitrante.
— On peut avoir nos fringues et se débarrasser de ceux là ?
Il finit par lever le nez.
— Sinon j'vais finir à poil et ça va pas le faire.
Cela arrache un sourire au manager qui hoche la tête en prenant le chemin de la sortie et Chris finit par pousser un soupir à fendre l'âme.
— Bon. Je vais aller parler à Minho. Le tenir au courant.
— J'suis pas sûr que ce soit judicieux, tu vas te prendre un support dans la tronche si tu rentres.
Chris hausse un sourcil aux paroles de Binnie mais finit par secouer la tête.
— J'vais lancer un drapeau blanc avant.
— J'vous aimais bien cap'taine.
— Tss.
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