- Chapitre 9 -

PDV : Lynn

Deux heures du matin, je me réveillai en sursaut. Encore le même rêve.

Regardant autour de moi, je vis ma mésange posée sur mon bureau à côté de mon gros cahier d'écriture. Elle ne dormait pas et tourna sa petite tête dans ma direction lorsque je repoussai mon drap.

─ Alors, ça a marché ? l'interrogai-je.

Je m'approchai d'elle et aperçus que le mot n'y était plus. Peut-être l'avait-elle décroché elle-même, chose la plus probable, mais je préférais m'accrocher et croire en une chose plus irréelle.

Mon amie l'avait lu. J'en étais certaine. Et si ce n'était pas le cas, j'allai quand même me persuader qu'elle l'avais eu. Je fonctionnais ainsi.

J'enchaînai la conversation avec mon amie irréelle.

─ Super ! Merci ! Tu penses qu'elle viendra me sauver ?

De son petit bec, elle pointa mon cahier.

─ Oui, oui je sais. La priorité est de finir cette histoire. Mais j'ai encore deux semaines, donc ça devrait être bon.

Elle avança et se posa sur mon cahier, l'air d'insister. Décidément, cette mésange était vraiment étrange. La fois où ma mère m'avait demandé si je voulais quelque chose, je lui avais répondu : "oui, je veux un oiseau apprivoisé" et elle m'avait ramené cette mésange. Un petit oiseau qui avait l'air de comprendre mes paroles et mes sentiments.

─ Comment tu fais ? lâchai-je simplement.

Elle ne fit aucun mouvement, toujours posée sur mon cahier. C'était sa réponse. Cette mésange était vraiment un don de la nature. Ou bien le don viendrait-il en partie de moi ? Peut-être ne le saurai-je jamais...

***

PDV : Lou

Ma mère m'avait annoncé hier qu'elle avait un copain et que celui-ci avait un fils de mon âge. Ajouté à cela, j'avais ensuite appris qu'il venait aujourd'hui avec son père. La suite logique si les choses se passaient bien - et j'insiste sur le "se passait bien" - devrait être qu'ils se mettent à vivre avec non, non ? Et donc en suivant ce raisonnement, je pouvais faire en sorte que les choses ne se passent pas "bien" si la situation ne me plaisait pas... Tout était en ma faveur. Et j'appréciai ce sentiment. Je me sentais rassuré. Parce qu'en ce moment-même, j'avais peur.

Comme il me restait une heure de solitude, j'en profitai pour parler de tout ça à Rina. Elle répondit très vite à mon long message :

[Rina ❀
Malgré ce que tu peux penser, cette nouvelle me rend heureuse ! Il n'y a plus qu'à espérer que ton "frère" soit... sympa ;) à ce moment-là, je pourrai dire "Et une histoire d'amour qui commence, une !"]

Je soufflai du nez, contente que ça l'amuse.

[Moi
Et moi je répondrai : Arrête, je ne le connais même pas... !]

[Rina ❀
Et moi ensuite : "et bien tu apprendras à le connaître !". Bon, j'arrête x) À quelle heure arrivent-ils déjà ?]

[Moi
Tu me fais rire :') Dans une heure, pour le repas du midi.]

[Rina ❀
Je t'enverrai un message pour savoir comment ça s'est passé :) ciao <3]

[Moi
Ça marche, ciao <3]

Mon téléphone branché, j'attrapai un livre. Le temps se tordait et bientôt, je ne me trouvai plus dans ma chambre. Je tournais autour de lui, notion inatteignable et distante. Il m'échappait lorsque je me lançai à sa poursuite, et semblait se retourner en riant de moi. Je ne pouvais l'atteindre. Il me filait entre les doigts.

Lorsque je relevai la tête, c'était pour entendre un "driiiing" assourdissant retentir dans la maison.

─ Va ouvrir, Lou ! me lança ma mère depuis la cuisine.

Je sortis alors de ma chambre et descendis les escaliers prudemment. Je m'approchai de l'entrée et ouvris la porte blanche. En face de moi se tenait un homme qui devait avoir dans la quarantaine. Ses traits étaient durs et marqués, mais son sourire était celui d'un enfant de huit ans. Il avait un peu de barbe, des cheveux en parti marrons - les autres blancs -, et des yeux noirs, très profonds. Il s'avança et me fit la bise.

─ Salut ! Moi, c'est Laurent. J'espère qu'on va bien s'entendre ! déclara-t-il avec un clin d'œil. Je te présente mon fils, Ari.

Il entra. L'espace d'un instant, le temps s'arrêta. Je l'avais enfin attrapé. Mais il commença à m'échapper des mains lorsque ma tête se releva légèrement. Le jeune homme devant moi portait un jean slim qui moulait parfaitement ses jambes longues et fines. Au-dessus, sous son blouson en fourrure noir, il portait un simple tee-shirt blanc. Ce dernier descendait assez bas, lui donnant un air encore plus grand. Le temps s'échappa encore un peu. Plus que deux doigts le retenaient. D'abord, je distinguai un bonnet. Ensuite, je vis ses cheveux noirs dépasser sur les côtés et devant, le rendant incroyablement craquant. Son visage était rougi par le froid et je voyais encore la buée sortir de sa bouche entrouverte. Je quittai vite mes yeux de ses lèvres si bien dessinés et mon regard passa sur son nez droit pour se plonger dans ses yeux. Leur couleur était la même que le père. Un noir si ténébreux que je me voyais m'y noyer dedans. J'avais beau chercher des défauts, son visage me paraissait parfait. Juste magnifique. Le temps m'avait échappé.

J'articulais difficilement un "salut" et il me répondit le même, en ajoutant un sourire qui me fit mourir de l'intérieur.

Laurent appela ma mère :

─ Isabelle, tu es là ?

─ Oui, je suis dans la cuisine ! répondit cette dernière.

Laurent me regarda et me demanda :

─ Lou, tu veux bien faire visiter la maison à Ari pendant que j'aide ta mère à préparer le repas ?

─ Oui, pas de problème.

Je tournai mon visage vers son fils. Il était plus grand que moi d'une tête.

─ Heu... Voilà le salon... et la salle à manger.

Il me suivit sans dire un mot, acquiesçant lorsque je lui présentai les pièces. Après lui avoir fait visiter la maison en entier, on alla dans ma chambre.

─ J'aime bien ta chambre, affirma-t-il en entrant dans celle-ci.

Puis en pointant mon bureau :

─ Je peux m'asseoir ?

J'acquiesçai et il alla s'asseoir sur ma chaise de bureau. Je m'assis sur mon lit et pris mon téléphone pour répondre au message de Rina.

[Rina ❀
Alors ? Il est comment ?]

[Moi
Bah il est vraiment beau gosse, mais il est un peu bizarre.]

Elle me répondit aussitôt.

[Rina ❀
Il doit être timide ;) En tout cas, c'est super ça, beau gosse... ]

[Moi
Rina des fois tu me désespères... x)]

Voulant faire taire le silence présent dans la pièce, je pris la parole pour lui demander :

─ Et sinon, quelle est l'origine de ton prénom ? Je ne l'avais jamais entendu.

Ses yeux posés sur mon visage, il répondit :

─ On m'a dit que c'est un prénom polynésien qui signifie "l'eau profonde au chant agréable".

─ C'est... poétique. Très beau.

Il se remit face à mon bureau, son visage tourné sur mon ordinateur encore allumé. Je me levai et m'approchai. J'avais oublié de l'éteindre et l'écran affichait le premier chapitre de mon roman. Surprise, je me levai d'un coup en parlant d'une voix accusatrice.

─ Hé mais c'est mon texte !

─ Tu écris vraiment bien.

─ Pas touche !

Je refermai violemment mon ordinateur portable mais il m'interrogea, ne lâchant pas l'affaire.

─ Tu écris un roman ?

─ C'est pas tes affaires !

─ Quel caractère...

Il croisa les bras et fit la moue, le regard porté sur le sol, espérant sans doute que je change d'avis. Son petit jeu marcha, puisque je lui répondis :

─ C'est pour un concours de roman.

─ Ah oui ce concours !

Il redressa la tête tout en continuant à parler :

─ J'en ai entendu parler. Mais il n'est pas déjà passé ?

─ Ce sont les concours régionaux qui sont déjà passés.

─ Et donc il reste le concours de France, c'est bien ça ? Et t'y participes ?

─ Ouais.

J'hésitais entre être fière ou gênée.

─ Bravo ! J'ai une chance folle, la prochaine championne de France se tient devant moi !

Ne pouvant plus lutter, la fierté gagna et le rire arriva.

─ Tu exagères.

─ Je peux lire la suite ?

─ Personne ne l'a jamais lu... donc je ne sais pas si c'est bien.

─ Et bien j'aurais l'honneur d'être le premier à te le dire.

Je rougis un peu et rouvris l'ordinateur qui était - heureusement - resté allumé.

─ Je te préviens, je n'ai pas fini de l'écrire. Et ce n'est vraiment pas digne d'un vrai roman. Et aussi -

Il me coupa la parole.

─ Ne t'inquiète pas. Je ne te jugerais pas. Promis.

C'est là. C'est exactement à ce moment-là que mon opinion sur lui changea. Ari n'était pas bizarre du tout. Sous sa timidité, se cachait un homme rempli de gentillesse. Un très bel homme, même.

La voix de ma mère retentit dans la maison. Le repas était servit.

─ Lou, tu penses que tu pourrais me prêter une copie de ton histoire ? Je te la rendrais la prochaine fois que je viendrai ici, affirma Ari en se levant.

─ C'est d'accord, je te mets tout ça sur une clé USB. Ce ne sera pas la version finale, par contre...

─ Aucun soucis, je suis certain que je vais aimer.

Il me fit un dernier sourire et nous descendîmes les escaliers et allâmes dans la salle à manger.

Ma mère avait mis une nouvelle nappe sur la table - ce qui la rendait d'autant plus jolie - et l'avait décoré avec des bougies et des fleurs. Ari lui fit remarquer qu'il trouvait ça très beau, ce qui fit plaisir à ma mère. L'ambiance était détendue. Laurent amena sur la table un gros plat de tartiflette, parfait pour nous réchauffer. Je m'exclamai, suivi du jeune garçon :

─ Oh merci beaucoup, j'adore ce plat !

─ Merci madame. En plus, c'est un de mes plats préférés.

─ Tu peux m'appeler Isabelle, ça ne me dérange pas, lui répondit ma mère.

Il acquiesça.

─ D'accord, Isabelle.

Nous passâmes un très bon dîner. La soirée qui suivit fut courte. J'eus à peine le temps d'apprendre à connaitre Ari qu'il devait déjà partir.

Devant la porte d'entrée, je lui passai la clé USB.

─ Évite de la perdre, ça m'arrangerai.

─ J'en prendrais soin.

Il me sourit chaleureusement et tout deux partirent. Ma mère arriva par derrière et me fît sursauter au passage.

─ Alors ? Il est sympa Ari ?

─ Moui ça va. Au début il était plutôt timide mais en fait, il est super gentil...

─ Ah, l'amour...

─ Qu'est-ce que tu insinues ?

Elle rigola légèrement. Son visage était magnifique ; elle était heureuse.

─ Rien, rien. Je me disais juste que tu avais un nouveau frère très mignon et intelligent. Allez, va te coucher, il est tard.

J'obéis et un quart d'heure plus tard, ma couette me recouvrait en entière. Cette nuit-là, mon cerveau ne voulait pas oublier le visage d'Ari. Son sourire rayonnait dans mon esprit. Cela aurait pu ne pas me déranger, s'il n'avait pas été une heure du matin. Je tenais à mon sommeil.  

Ari, mon nouveau frère, avait mon âge, était adorablement gentil, et était incroyablement beau.
Mais si je me mettais à l'aimer, ce serait catastrophique.

On ne peut pas aimer son frère, non ?

•••••

Heyyy !

Alors ce nouveau garçon ?

Et il ne faut pas oublier l'histoire de base... Son dernier concours approche à grands pas !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top