- Chapitre 2 -

Les pieds immobiles, la tête baissée sur le petit écran de mon téléphone, je fronçais les sourcils avec méfiance. La première chose qui traversa mon esprit fut que ce message était une blague. Des gamins qui n'avaient que ça à faire, d'envoyer un numéro à un inconnu. Je n'avais donc pas à y répondre. Il me suffisait de supprimer la conversation et de bloquer le contact. Seulement, quelque chose au fond de moi ne pouvait s'y résoudre. Un semblant de curiosité, un désir de savoir, qui s'inventait déjà des dizaines de possibilités. Peut-être même... qu'elle en était l'auteur. Finalement, après une longue hésitation, je pris ma décision.

[moi
Excusez-moi, mais je crois que vous vous êtes trompé de numéro. Je ne pense pas vous connaître.]

[+33********
Non, je ne me suis pas trompé de numéro. On se connaît. Du moins, on se connaissait.]

Il ne restait plus que quelques rues avant d'atteindre ma maison. Je me remis à marcher tout en répondant à ces étranges messages.

[moi
Mon entourage n'est pas grand, et je ne connais personne qui s'amuserait à perdre son temps avec un jeu aussi puéril.]

[+33********
Mon égo est touché, ça pique un peu. Je dois avouer que mon approche n'était pas la meilleure.]

[moi
Qui est-tu ?]

[+33********
J'ai fait une erreur, je n'aurais pas dû t'envoyer ce message. Cela n'avait aucun sens et c'était immature de ma part, je m'excuse.]

Une voiture passa à côté de moi, me faisant sursauter et lever la tête. Je ne pouvais pas arrêter ce début de conversation. Je devais savoir qui se cachait derrière ce numéro.

[moi
Non, je continuerai d'envoyer des messages jusqu'à ce que vous me dites qui vous êtes.]

[+33********
Raaaa mais je voulais juste t'envoyer de la bonne humeur, s'il te plaît ne cherche plus à savoir qui je suis]

[moi
C'est très simple pour vous de répondre, pourtant. Qui êtes-vous ?]

[+33********
Tutoie-moi, j'ai ton âge. Tu as du m'oublier]

[moi
J'attends. Je connais le numéro de la police.]

[+33********
Je n'ai aucune intention malhonnête, je le promet]

[moi
Très bien. Donc qui es-tu ?]

[+33********
A défaut de me résoudre à t'ignorer... Il est tard, je vais me coucher. Bonne nuit]

[moi
Mais il n'est même pas tard ! Qui es-tu ? Si tu pense que je t'ai oublié, dis moi au moins ton nom]

L'air glacé s'infiltrait dans mes poumons et ressortait sous forme d'une fumée blanchâtre tandis que je parcourais ma mémoire. Une personne de ma classe m'admirait-elle en secret ? Je n'en avais aucune idée mais voulais en savoir plus, même si cela impliquait fouiller mon passé. Tellement de questions me venaient en tête. A quelle époque avais-je rencontré cette personne ? Était-ce un homme ? Une femme ? Et surtout, pourquoi m'avait-elle contactée ? Je me mis même à me demander si je devais en parler à ma mère, ou pire, au commissariat de police. Mais étrangement, je n'avais pas peur. Une certaine confiance régnait dans cet échange...

À contrecœur, j'envoyais un "bonne nuit" par politesse avant d'enfouir à nouveau mes mains rouges dans mes poches. J'arrivai chez moi et montai en silence dans ma chambre, à l'étage. Je posai mon sac sur mon bureau, profitant au passage du paysage que m'offrait ma fenêtre, et m'assis sur mon lit double. Ma petite bibliothèque me faisait face, me donnait envie de me replonger dans un de ces livres. Mais mon regard fut de nouveau attiré par la fenêtre. Une petite mésange y était posée. Je descendis alors à la salle à manger chercher des miettes de pain en espérant que la mésange ne partirait pas. À mon retour, elle était toujours là. Je posai les miettes de pain dehors, là où la mésange s'était installée. Elle s'envola un instant, puis revint pour les manger lorsque la fenêtre fut fermée.

L'instant d'après, ma mère m'appela pour que j'aille mettre le couvert. Je descendis la rejoindre, adressant un ultime au-revoir de la main à l'oiseau.

─ Ça va, ma puce ? Tu n'as pas l'air bien en ce moment, m'adressa ma mère en fronçant les sourcils.

─ Non, ça va, je t'assure, lui dis-je d'un regard qui se voulait rassurant.

─ Bon, d'accord. N'hésite pas à m'en parler, si quelque chose ne va pas. Tu sais que je serai à l'écoute.

Je grommelais un vague "oui maman je sais" pendant qu'elle me couvait de son regard bienveillant. Puis elle baissa son visage et fixa intensément ses mains fatiguées par l'âge mais entretenues, qu'elle tritura, semblant vouloir dire autre chose. Elle ouvrit la bouche, revint à moi, puis la referma en croisant mon regard.

─ Quoi ? Maman, je vois bien que tu cherches à me dire quelque chose. Si c'est ce que tu voulais savoir, non, il n'y a toujours pas de garçons.

─ Non, non, ce n'est pas ça. (elle rigola, puis reprit après un temps d'arrêt). Non, oublie. Ce n'est pas le moment.

─ Tu es enceinte ?

Elle pouffa de rire.

─ Non ! Ne t'inquiète pas, ce n'est rien ma chérie. Je t'en parlerai plus tard, c'est promis.

Ma mère, Isabelle, avait toujours été très attentionnée envers moi. J'étais assurément sa fille car je lui ressemblais beaucoup physiquement : j'avais gardé ses beaux cheveux blonds et ses tendres yeux bleus.

Le repas fut rapide. Nous étions assise l'une en face de l'autre, et les discussions étaient habituelles. Elle ne s'offusqua même pas lorsqu'elle appris ma dernière note de mathématique.

─ Tu es bien littéraire, toi.

Quand je fermai la porte de ma chambre, mon regard se dirigea vers la fenêtre. Les miettes n'étaient plus là, la mésange non plus.

Les yeux fatigués, je me couchai sans plus attendre. Malheureusement je mis du temps à m'endormir, car toutes mes pensées étaient tournées vers cet inconnu et ses curieux messages. Je ne savais rien de lui, à part qu'il me connaissait, et, qu'à priori, il ne me voulait rien de mal. Après un temps qui me parut interminable, je finis enfin par sombrer dans le sommeil, plongeant dans le monde des rêves.

***

─ Lou ! Dépêche-toi, tes amies sont déjà en bas ! cria la voix de ma mère à travers les murs de la maison. Tu ne voudrai pas rater le dernier jour de cours avant les vacances de Noël, tout de même ?

En entendant cela, je me précipitai hors de mon lit, maudissant mon réveil-matin du regard. J'ouvris les volets, puis restai figée de surprise. Dehors, un manteau blanc habillait le paysage. Le chasse-neige était déjà passé sur la route, mais sur les trottoirs la neige brillait et les traces de pas se faisait rares. Les plus fraîches s'arrêtaient devant ma maison... Là où les jumelles attendaient, le téléphone à l'oreille. J'ouvris ma fenêtre.

─ Les filles ! Allez-y sans moi, mon réveil n'a pas sonné !

Elles protestèrent et me laissèrent huit minutes, pas une de plus. Un quart d'heure plus tard, je claquais la porte et courais vers les jumelles, tartine dans la bouche.

─ Tu en as mis du temps, remarqua Rina.

─ Les cours ne vont pas tarder à commencer ! s'offusqua Lola.

Je m'excusai rapidement, puis, paniquées à l'idée d'arriver en retard, nous nous mîmes à courir dans la neige fraîche. Le reste de la journée passa si rapidement qu'il était déjà dix-sept heures lorsque je relevai les yeux sur la petite horloge au-dessus du tableau de ma salle de classe.

Marchant vers la sortie du lycée, je cherchai mon téléphone dans mes poches avec frénésie. Manque de chance, il n'y était pas. J'avais dû l'oublier ce matin lorsque je me dépêchais. Moi qui voulais voir si l'inconnu m'avait envoyé un message, c'était raté.

Je vis Rina arriver vers moi, alors je lui fis un sourire qu'elle me rendit aussitôt tout en disant :

─ Salut, Lou ! Je t'ai envoyé un message, mais tu ne m'as pas répondu. Tu es libre demain ?

─ Oui, j'ai oublié mon téléphone ce matin. Et normalement oui, pourquoi ? m'étonnai-je.

─ Quelle tête en l'air ! pouffa-t-elle. Tu penses qu'on peux venir chez toi à quatorze heure, avec Lola ? Après, on pourrait dormir ensemble et notre père viendrait nous chercher le jour suivant, vers midi.

─ Oh oui, ma mère devrait accepter !

─ Parfait ! À demain alors, j'ai hâte !

─ À demain !

Je lui fis un signe de la main et elle partit devant.

Arrivée chez moi, je me précipitai sur mon portable. Un nouveau message était affiché sur le petit écran.

[inconnu(e)
Alors, ton réveil n'a pas sonné ?]

[moi
Mais ?? Comment le sais-tu ?]

Il me répondit aussitôt, ce qui me fit frissonner.

[inconnu(e)
Parce que je sais tout de toi.]

[moi
Mais attends, t'es carrément flippant ! Je commence à composer le numéro de la police...]

[inconnu(e)
Ahah je rigolais désolé, je voulais juste voir ta réaction ! XD]

[moi
Tu es quand même bizarre. D'ailleurs, pour que je sache si je te nomme inconnue ou inconnu, t'es une fille ou un garçon ?]

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