Point de vue Dabi

Je savais que c'était trop tôt...

Je savais que toute cette petite vie tranquille était trop parfaite pour m'être accordée. Je voulais y croire, au point d'oublier qu'une fois plongé au fond du gouffre, il n'y a jamais eu de retour en arrière.

Quand on est un Vilain, on le reste pour le restant de sa vie.

Quand on est condamné à la souffrance et l'abandon, on ne peut y échapper...

Pourtant j'y croyais...

Je voyais mes beaux parents pleurer sur l'autel funéraire de Riku et les petits rester silencieux sans comprendre pourquoi toute la famille affichait un air aussi grave. Ils ne comprenait pas pourquoi leur mère n'était pas là.

Et moi c'est comme si j'avais perdu l'usage de la parole et mon cerveau s'est comme déconnecté...

Je savais que c'était trop tôt pour avoir Ritsu...

Si je ne perds pas l'enfant, c'est Riku que je perds, je le savais pourtant...

<< --abi ? Dabi ! >>

Je sursaute en relevant la tête vers Rosa et ma belle mère qui étaient arrivées au beau milieu de la nuit. Riku est encore en train de pousser sur ses dernières forces pour mettre Ritsu au monde, mais ma main ne tenait plus la sienne et tremblait devant sa souffrance.

<< Tu crois que c'est le moment de faire un bad trip ?! gueule Rosa. Soutiens ta femme mieux que ça bon sang, on est en train de la perdre ! >>

Cette vision de l'autel... J'ai eu comme un flash d'un futur qui peut arriver...

Je suis terrifié et frustré d'être aussi impuissant, à part la soutenir de toute la volonté qui soit, est-ce que ça la sauvera ?! Riku est en train de crever d'épuisement et moi je reste planté là sans rien pouvoir faire !

J'ai l'impression de voir tout ce qu'on a construit ensemble et toute notre histoire partir en fumée sous mes yeux, pour au final redevenir juste un Vilain planqué à attendre que son heure vienne. À part ma vengeance, qu'est-ce que j'ai accompli de plus...? Tout ce que j'ai aujourd'hui, je le lui dois...

J'attrape sa main en la serrant fermement contre mon front. Même si je ne crois pas en Dieu, je veux au moins que quelqu'un écoute ma prière...

Si quelqu'un m'entend, prenez tout ce que vous voulez, qu'on me punisse de ce que j'ai fais, ça m'est égal, mais par pitié... Donnez lui la force de rester à mes côtés encore pour de nombreuses années.

Ne me prends pas le seul trésor qu'il me reste...

Laisse mes enfants grandir avec leur mère et laisse moi encore du temps pour tenir mes promesses...

Kamisama... Protège la...

Ce sera mon unique souhait..

Je me fige en entendant les premiers cris de Ritsu au bout de trois heures interminables. Elle pleure comme un chaton qui venait de naître...

<< Voilà c'est fini... sourit ma belle mère. >>

Mais son état de santé passait en second plan après celui de Riku qui m'inquiétait le plus. Sa mère se rapproche pour lui montrer sa fille, mais Riku ne réagit pas et ses yeux restent clos. Je secoue sa main pour la réveiller alors que mon angoisse commence à monter.

- Riku...?

Pas de réponse.

- Riku ??

Pourquoi tu te réveilles pas ?! Si c'est une blague c'est pas drôle, arrête !

- O-Oye...!

C'est pas possible hein...?? Ca peut pas finir comme ça, pas vrai ??? Non non non non non, je refuse que ça se finisse comme ça--

<< Dabi... Tu serres trop fort... >>

Elle ouvre enfin les yeux mais avec beaucoup de difficulté. J'ai cru que mon coeur allait imploser...

- Putain Bébé, me refais plus jamais ça...!

<< Désolé... Je suis fatiguée... >>

- Je sais mais serre quand même ma main...

<< Ritsu va bien...? >>

- Oui oui, elle va bien... Elle est avec ta mère.

Elle sourit mais je peux sentir dans sa main que ses forces l'ont quitté, c'est à peine si elle arrive à serrer la mienne. Saya me donne Ritsu dans les bras et sa ressemblance avec Riku me frappe de suite. J'ai un petit rire malgré le stress...

- Hé, j'avais raison... Elle te ressemble trait pour trait.

<< Oui... >>

- Dis bonjour à ta mère Ritsu...

Mais cette crevette ne s'arrête plus de pleurer et s'agiter, et sans savoir pourquoi je peux plus m'empêcher de rire.

- Elle m'ignore...! Parle lui Riku.

Elle est tellement épuisée qu'elle somnole à chaque fois qu'elle ferme les yeux mais s'efforce toujours à les rouvrir pour la regarder et sourire.

<< Coucou Ritsu... Les bras de ton papa sont confortables pas vrai...? Sois gentille avec lui, parce qu'il te protègera toujours... Désolé... Maman est trop fatiguée pour te porter... Laisse moi juste quelques minutes pour me reposer... >>

- Prends le temps qu'il te faut... Mais merci...

J'embrasse sa main en soufflant.

- Merci de tenir ta promesse...

<< Moi aussi, je veux voir nos enfants grandir et rester avec toi encore pour quelques années de plus... Je veux vieillir avec toi Dabi... >>

Je hoche la tête et essuie mes yeux qui se noyaient dans des larmes de sang.

- Ca se fera t'inquiète.

Kamisama... Merci...

Toutefois, ces derniers jours n'ont vraiment pas été reposants du tout, autant pour moi que pour toute la famille d'ailleurs. J'ai pas pu transporter Riku à l'hosto pour des examens approfondis et savoir si sa santé s'est encore détériorée, l'accouchement l'a achevé mais elle récupère à petit feu de jour en jour. Alors au lieu de la faire déplacer, j'ai demandé à Rosa de passer de temps en temps pour la soigner. Les résultats sont plutôt positifs, mais ce qui est certain c'est que Riku ne survivra pas à une prochaine grossesse. Et c'est pas plus mal de s'arrêter là ! La maison est assez grande pour six personnes et tous les enfants sont encore petits, alors ça suffit. Riku n'en veut plus de tout façon et moi aussi.

Les trois plus grands ont de suite adopté Ritsu dès la première rencontre, surtout Tora. Il n'a même pas trois ans qu'il est déjà aux petits soins de sa mère et sa soeur. C'est plutôt Touya et Alix qui m'inquiètent...

Depuis que Riku continue de se reposer, ils ont pris l'initiative de s'occuper des tâches ménagères, sauf la cuisine évidemment et je leur ai interdit de toucher à la gazinière. On leur a seulement appris à être responsables de leurs affaires, mais pas de prendre le rôle des parents à leur âge, alors bien sûr que ça me surprends de les voir faire.

<< Non Papa, ta place est avec Maman ! m'engueule Alix en me poussant. JE vais passer la poussière ! >>

- Vous devriez être à l'école tous les deux !

<< On y retournera quand Maman sera guérie ! riposte Touya. >>

Je soupire, je sens que je vais perdre patience...

- Maman va très bien, elle est juste très fatiguée en ce moment et si elle apprend que vous allez plus à l'école, gare à vous.

<< On s'en fiche d'être punis, c'est la moindre des choses d'aider ses parents non ? >>

- Eh ?

Depuis quand Touya pense comme ça ???

<< Et puis toi aussi tu es très fatigué Papa. Va te reposer avec Maman, elle a besoin de toi. >>

- Alix...

<< Allez ! >>

Ce sont vraiment mes gosses ça...? On les a trop bien élevé en fait...

Je me tourne vers le vestibule en entendant Tora qui grogne vers la porte. Les rares fois où il fait ça, c'est pas forcément parce qu'il sent un danger, parfois c'est juste pour dire qu'il aime pas la personne qui arrive. Ca me fait toujours rire de le voir arrondir le dos et hérisser sa queue comme un vrai chat.

- Du calme le tigre.

Mais en ouvrant la porte j'ai compris pourquoi il grognait autant. Un type et une meuf en uniforme se tenaient juste devant moi.

<< Bonjour, nous représentons le Centre d'Aide Sociale à l'Enfant. On nous a signalé quelque soupçons concernant vos enfants et nous souhaitons nous assurer qu'ils sont en bonne santé. >>

- Un signalement de la part de qui au juste ?

<< Nous ne sommes pas autorisés à communiquer cette information. Après enquête, il semblerait que les vaccins de vos enfants ne sont pas à jour, nous devons les voir. >>

- Evidemment leurs vaccins ne sont pas à jour mais je vois que vous n'avez pas pris la peine de consulter le médecin traitant qui a fixé des rendez vous pour les trois prochains mois, en attendant ils sont en bonne santé. Puis vous tombez très mal, ma femme vient d'accoucher récemment et a besoin de repos. Repassez un autre jour.

<< Ce ne sera qu'une affaire de quelques minutes, nous ne serons pas longs-- >>

- Vous êtes sourds ma parole... Reste à l'intérieur, Tora.

Je sors pour les confronter en fermant la porte au nez de Tora et croise les bras pour faire barrage.

- Un signalement hein...? Laissez moi deviner, quelqu'un du voisinage a rapporté des ragots sur ma famille c'est ça ?

<< Huh ? >>

- Je suis curieux de savoir ce que vous avez entendu. Allez y, expliquez moi le problème. On vous a dit que mes enfants étaient des sauvages ? Que je les maltraite ? Que ma femme s'en occupe pas bien ?

<< Non non pas du tout ! coupe la meuf. En réalité, vous avez bien dit que votre femme a accouché n'est-ce pas ? >>

- Ouais et ?

Elle regarde son collègue.

<< Alors je crois qu'on a notre réponse... >>

- Hein ?

<< Eh bien... On nous a rapporté comme quoi on aurait entendu votre femme crier de souffrance récemment, puis des rumeurs de maltraitance et de négligence ont commencé à faire du bruit, c'est donc pour ça qu'on est ici. Votre femme a donc accouché à domicile ? >>

- Y'avait pas d'autres choix, c'était urgent.

Je crois que j'ai compris... Un voisin a sûrement cru que Riku était en danger au milieu de la nuit et a commencé à répandre des rumeurs dans le quartier, et je me doute que c'est aussi la bonne opportunité pour m'emmerder et me faire passer pour un mec violent qui bat sa femme et ses gosses.

<< On nous a rapporté aussi que les voisins entendaient souvent votre femme crier durant certains périodes. >>

- Ah ça, attendez. Touya, Alix ! Venez ici !

<< Qu'est-ce que vous faites ? >>

- Hm, bah on dit que la vérité sort de la bouche des enfants donc...

Les petits rappliquent, un peu curieux.

- Vous entendez aussi votre mère crier ?

<< Bah oui des fois, pourquoi ? >>

- Parce que certains voisins ont mal compris ce qui se passe réellement à la maison et soupçonnent Papa de battre Maman. Est-ce que je suis méchant avec votre mère ?

<< Nyu ?! Ca jamais de la vie, Papa et Maman s'aiment à la folie ! s'énerve Alix. >>

<< Maman dit tout le temps "Je t'aime" à Papa, laissez mon père tranquille à la fin ! >>

J'ai envie de me taper une putain de barre... Bien que je me sens un peu mal de savoir que les petits entendent parfois leur mère prendre du plaisir au pieu mais bon, ç'a pas l'air de les traumatiser tant que ça. On fait pourtant attention à le faire quand ils sont tous bien endormis.

<< N'écoutez pas les gens, ils harcèlent mon père parce que c'était un Vilain avant ! s'énerve Touya. Papa nous a jamais frappé ! >>

<< On a même une petite soeur maintenant ! Pourquoi les gens sont si méchants hein ?! C'est pas mon père qui est méchant là ! >>

<< C-Calmez vous les enfants... >>

Leur maturité à leur âge m'étonnera toujours, ils ont vite compris tant de choses... Alors que c'est moi qui devrais les protéger, ce sont plutôt eux qui font barrage entre ces agents et moi. Au final les deux zigotos s'inclinent en s'excusant de la maladresse.

<< Nous prendrons les mesures nécessaires pour faire cesser les rumeurs à votre encontre. Nous revenons cependant dans trois mois pour nous assurer de leur vaccination. >>

- Hm, ça me va.

<< Vaccination ? se figent Touya et Alix. >>

Ils partent direct dans leurs chambres alors que leur teint à blêmi d'un coup. Ils détestent les aiguilles. Je ris en m'étirant avant de rejoindre Riku dans la chambre. Elle dort encore avec Ritsu dans les bras après l'allaitement et je peux pas m'empêcher de les prendre en photo.

<< Je t'ai entendu tu sais ? >>

- T'es trop belle comme ça j'y peux rien.

<< Hm... Il y a eu un problème...? >>

- Nan pas grand chose, juste un malentendu. Mais la prochaine fois, crie un peu moins fort pendant nos ébats.

<< Nyu ??? >>

À suivre...