41 - Hérédité

Dans le futur...

Point de vue TORA


Quand Maman avait perdu le contrôle de son pouvoir ce jour là, je n'étais encore qu'un nouveau né. Elle a sacrifié sa raison pour me protéger de cette attaque qui aurait pu la tuer dans tous les cas, mais même féroce, elle ne m'a jamais abandonné. Papa s'en est toujours voulu de ne pas nous avoir protégé comme il se devait de le faire. Je ne me rappelle pas avoir eu assez de souvenirs avec lui durant les premières années de ma vie. Papa était distant avec moi, pas parce qu'il me reniait d'être la cause de la folie de sa femme, mais parce qu'il culpabilisait. Pour le bien de mon éducation, il m'a toujours élevé convenablement comme Touya et Alix mais ne m'a quasiment jamais accordé d'affection. Juste une tape sur la tête quand je rentrais de l'école avec les bons retours de mes profs, mais ça n'allait pas plus loin.

En réalité, je ne lui en ai jamais voulu d'avoir été comme ça avec moi. J'avais bien compris qu'il renfermait une part de frustration. Il s'en voulait de nous avoir abandonné avant l'attentat. S'il avait prédit ce qu'il allait arriver, il ne l'aurait pas fait. Oncle Shoto m'a expliqué avec des mots simples que Papa était complètement désemparé et qu'il n'arrivait plus à réfléchir. Il voulait réagir vite, mais ne savait plus quoi décider entre sauver ses enfants ou sa femme en premier.

Puis quand tout est redevenu calme, il nous a d'abord laissé à nos grand parents avant d'aller sauver Maman sans prendre de pause pour digérer ce qu'il avait vécu. J'ai revu ma mère seulement un mois plus tard et elle a fondu en larmes en nous retrouvant enfin. D'après Grand Frère, elle n'arrêtait pas de s'excuser et m'a inondé de bisous. 






Mais la joie n'était que de courte durée, parce que Papa est gravement tombé malade un an plus tard...


Je savais à peine marcher et ne parlais pas beaucoup, mais de voir mon père aussi mal au fond du lit m'a profondément marqué. Maman tremblait de tout son corps et veillait sur lui jour et nuit. Je pense que c'était la première fois qu'elle le voyait aussi faible et elle avait de quoi s'inquiéter... Il a tout gardé en lui depuis l'attaque qui a coûté la vie de plus de 200 personnes sur place, ce qui a fait l'un des attentats les plus meurtriers au Japon. Papa ne dormait plus et le manque de sommeil l'a affaibli jusqu'au jour où il s'est effondré devant nous.

C'est arrivé soudainement...

Avant, je ne prêtais pas attention à sa distance envers moi, alors de voir mon père s'écrouler ainsi m'a terrifié. Je l'ai toujours vu comme un homme fort et c'était pourquoi je l'admirais. Maman est restée à son chevet pendant environ une demie semaine et l'état de Papa ne s'améliorait qu'à peine.

Il pleuvait fort ce jour là...

<< Pourquoi tu continues de te battre tout seul, hein...?! murmure Maman en lui tenant la main. Regarde dans quel état tu es...! >>

<< Désolé... tousse Papa. >>

Il n'avait même pas la force de bouger un seul doigt pour serrer sa main. Je restais près de l'entrée de la chambre sans oser m'approcher, mais Maman se tournait vers moi avant de me tendre les bras.

<< Tora ! Je ne t'ai pas entendu te lever mon coeur... >>

- Nyu...

<< Viens voir Papa. >>

J'ai alors sauté dans les bras de ma mère qui m'avait ensuite déposé près de mon père qui me dévisageait tristement, mais surtout avec culpabilité. Il détournait le regard à chaque fois que ses yeux se posaient sur moi, mais ça ne faisait rien. J'ai quand même décidé de me blottir contre son coeur en commençant à ronronner, à sa grand surprise.

<< Tu vois...? sourit Maman. Même ton fils ne t'en veut pas. Tu as sauvé Touya et Alix, c'est le plus important pour moi. >>

<< Alix n'aurait pas failli crever et toi tu n'aurais jamais eu ce coup de sang si j'étais resté au départ... >>

- Papa ?

<< Huh ? >>

- Câlin, Papa...

<< Tu parles déjà toi ??? >>

Déjà qu'à ma naissance, lui même disait que j'étais spécial, je ne savais pas encore que j'évoluais plus vite que la moyenne à à peine un an. J'avais à peu près compris que mon père souffrait et je voulais le consoler, j'étais déjà heureux de voir ma mère sourire et d'avoir ma première étreinte dans les bras de Papa. D'après Maman, c'était en partie grâce à moi s'il a pu se sentir mieux après ça.









Pourquoi je me souviens de ça ?










Parce que dix ans plus tard, à mon entrée au collège, que je me suis découvert une force surhumaine à la limite de l'incontrôlable. J'ai finalement hérité de la férocité de ma mère, voilà pourquoi je me souviens de ce jour que mon père m'a raconté...

<< Ce n'est que la première fois que nous surprenons votre fils à attaquer un autre élève, mais je me dois de le sanctionner avec un avertissement et une exclusion de trois jours, déclare le proviseur de mon collège. >>

<< Vous sanctionnez mon fils ok mais faudrait déjà se demander pourquoi il l'a attaqué, non ? s'énerve un peu Papa, les bras croisés. >>

Mon père a été convoqué chez le proviseur suite à un accrochage que j'ai eu avec un gars de ma classe. Je ne m'en suis pas seulement tenu à quelques coups, j'ai failli le tuer... Je regrette un peu mon acte, mais cet autre élève me harcelait depuis le début de l'année parce que je suis le gars typique silencieux et isolé au fond de la salle dans les mangas.

Depuis tout petit, j'ai toujours été comme ça en plus d'être trop timide. C'est à peine si j'hausse la voix devant les autres, surtout auprès des filles. Je n'ose même pas les regarder et préfère tourner la tête ailleurs, c'est pourquoi ils me cataloguent tous de mec "louche", froid et distant. J'ai eu une scolarité tardive parce que je ne voulais pas aller à l'école maternelle. J'étais terrifié et ma mère avait le coeur serré de me voir pleurer... C'est Papa qui m'a obligé à entrer au CP, autrement Maman ferait encore aujourd'hui les cours à domicile. Il ne supporte pas l'attitude de Maman qui me couve beaucoup trop et craint que je ne développe aucune autonomie. J'ai d'ailleurs souvent entendu mes parents se disputer plus d'une fois à cause de moi...


<< Votre fils a presque failli arracher le bras de son camarade si le corps enseignant n'était pas arrivé à temps, alors je ne peux tolérer ce comportement barbare au sein de mon établissement-- >>

<< Vous avez fini avec vos allusions ? coupe mon père, l'air sombre. >>

<< Huh ? Je ne fais aucune-- >>

<< À d'autres... Parce qu'il est mon fils vous le considérez comme "dangereux" et son attaque est juste la belle opportunité pour le faire virer, or j'ai élevé mes gamins de sorte à ce qu'ils usent de la force uniquement pour se défendre et rien d'autre. Donc si on part de ce principe, l'autre gamin devrait être sanctionné aussi pour avoir harcelé le mien. Tora, qu'est-ce qu'il t'a dit ? >>

Je garde la tête basse, j'ai vraiment horreur des conflits...

- ... Il a insulté Maman...

<< Répète le mot pour mot. >>

- ... "Ta mère est une trainée qui doit aimer se faire monter par un criminel et vraiment conne de donner naissance à des batards"... Je ne me suis pas contrôlé après...

Ma mâchoire se serre rien qu'à repenser à cette insulte. Quand ça touche directement ma mère, je n'arrive pas à le supporter... Papa fixe le proviseur en restant silencieux, mais son regard en dit long. Même le proviseur commence à trembler devant lui et à bégayer pour trouver les bonnes paroles.

<< Je... Je vais prendre les mesures nécessaires... >>

<< J'espère bien. Et pas qu'une heure de colle pour ce petit con. Estimez vous heureux que mon gamin n'a pas utilisé ses flammes. >>

Je suis mon père en quittant le bureau de proviseur qui se ramollit dans son fauteuil en s'essuyant le front. Je ne l'ai pas vraiment senti, mais d'après les plantes mortes la pièce a augmenté en température.

On traverse le long couloir des casiers où tous les élèves nous dévisagent, mais Papa n'y prête pas attention et garde la tête haute. Moi... j'ai pris l'habitude de regarder le sol quand je marche pour éviter leurs regards et de me réfugier sous ma capuche, mais Papa la retire aussitôt de ma tête.

<< Tu es un Nekomura, sois fier de l'être. >>

Il a des paroles dures avec moi, mais je sais que c'est pour mon bien...




Comme je suis exclu pour trois jours, je n'ai plus de raison de rester au collège alors Papa me ramène à la voiture, mais il ne démarre pas tout de suite. Il n'aime pas conduire énervé de peur de créer un accident, alors il prend quelques minutes pour se calmer. Je n'ose pas engager la conversation, mais...

- ... Je suis désolé Papa...

<< C'est pas après toi que je suis en colère. C'est ce foutu système à la con qui empire d'année en année... Putain... Peu importe nos efforts, rien n'a changé. >>

- J'aurais pas dû le frapper... Je voulais pas...

Je regarde mes mains qui tremblent où des larmes tombent dans mes paumes.

- Mais c'est comme si je ne pouvais plus me contrôler... J'ai pas pu... Pourtant j'ai tout fais comme tu m'as dis, j'ai essayé je te jure...! Je suis vraiment désolé !

Je peux plus m'empêcher de pleurer en me tenant la tête. Mon père m'a toujours dit que la colère était le pire sentiment et qu'elle amène à commettre l'irréparable... Je devais être plus fort qu'elle... J'ai essayé...

- Mais qu'est-ce qui va pas chez moi...?! Pourquoi je peux rien contrôler ?! J'ai failli tuer quelqu'un bordel...!!

<< Tora. >>

Je sursaute en sentant la main de mon père se poser sur ma tête. Son regard n'a plus aucune colère, mais plutôt empli de sagesse.

<< Tu es tout à fait normal. >>


Cette simple phrase a suffi à m'apaiser, parce que c'est mon père qui l'a dit...


<< Tu es juste plus sensible, mais ça ne fait pas de toi quelqu'un de mauvais, encore moins un monstre. Mais si tu montres tes faiblesses aux autres, ils vont évidemment en profiter pour te blesser. >>

- Et comment je peux faire...?

<< J'ai appris à ta soeur qu'il fallait voir les gens comme des moutons. Ils suivent bêtement le mouvement du berger sans poser de questions et ne savent rien faire d'autre que brailler à longueur de journée, mais si je dois prêter attention à tout ce qu'ils disent sur moi je devrais baisser les yeux pour les voir. Tu comprends ce que je veux te dire ? >>

- ... Garder la tête haute...?

Il sourit et m'ébouriffe les cheveux.

<< Et à force de les entendre brailler tu deviendras sourd et ne feras plus attention à leurs critiques. >>

Mais je baisse la tête en soupirant.

- Plus facile à dire qu'à faire...

<< T'es encore jeune, tu comprendras plus tard. Ton frère est aussi passé par là, t'as qu'à lui demander conseil. >>

Il met le contact.

<< Ah et... Attends toi à te faire engueuler par ta mère pour ton exclusion. >>

Je déglutis en me ratatinant dans mon siège, Maman est encore plus terrifiante que Papa quand elle s'énerve... Mais quand elle va savoir pourquoi je me suis battu, elle va me gâter comme si j'étais encore un chaton.

C'est plutôt Papa qui va me punir par jalousie...


À suivre...

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