12 - Nekomura
Point de vue Riku
J'ai très peu dormi et Dabi ne m'a pas lâché de toute la nuit. J'ai cru que mes jours étaient comptés et j'avais peur de mourir de suffocation... La maladie est encore en moi, je le sens. Mes doigts sont toujours aussi froids, mon coeur me fait mal et parfois mon souffle se fait rare. Mais tout ça n'a plus d'importance maintenant que je peux être dans ses bras... Dabi me serre en augmentant la température de son propre corps et nous couvre sous le drap épais, avant de poser sa tête sur la mienne.
- J'ai trop chaud Dabi...
<< Faut que tu transpires... >>
En effet je suis déjà en sueur de la tête aux pieds et mes cheveux sont humides. Malgré le contexte, je suis quand même heureuse de le revoir même si je suis peut être à l'article de la mort. Plus rien n'a d'importance pour moi tant que je peux profiter de mes derniers instants auprès de lui, de toute façon tout se terminera si je guéris un jour.
J'en viens à espérer ne jamais guérir...
Dabi partira et le mariage aura tout de même lieu, alors s'il doit y avoir qu'un seul échappatoire, je ne veux que mourir après avoir savouré cette ultime nuit malgré la souffrance en mon coeur.
Ses mots horrifiants qu'il a tenu à mon propos reviennent en mémoire tel un coup de poignard en ma poitrine, mais je savais que tout ce qui sortait de sa bouche n'était que mensonge. Ca n'empêche pas qu'il m'a profondément blessé, car je sais aussi qu'il est un Vilain. J'ai compris ce soir là qu'entre nous deux, il y avait une immense faille semée de dangers pour lui comme pour moi. On ne peut pas être ensemble dans tous les cas et c'est ce qui me fait le plus mal...
J'avais raison... Un homme comme lui, je ne peux pas l'atteindre...
J'essaie alors de me dégager de ses bras et de le repousser, mais il resserre son étreinte en blottissant sa joue contre la mienne. Par pitié Dabi, cesse de jouer avec moi et pars...
- Va t'en...
Il ne répond pas et serre sa poitrine contre la mienne. Sa chaleur me ferait presque suffoquer, j'ai l'impression d'être prisonnière dans un hammam...
- Va t'en Dabi...
<< Tu peux dire ce que tu veux, je bougerai pas d'ici. >>
- Pourquoi...?
Mais il ne répond pas.
- Dis moi pourquoi...
<< Tu m'as promis de pas mourir... >>
- Je t'ai seulement promis de ne pas me suicider...
<< C'est pareil, tu meurs dans tous les cas. Ne me fais pas croire que tu ne veux pas mourir de ta maladie... >>
- Quoi...
<< Arrête Riku je t'en prie... soupire-t-il en me serrant un peu plus. Tu veux que je m'en aille pour te laisser crever de froid mais sache que je te lâcherai pas... >>
- Pourquoi...
Arrête de tourner autour du pot Dabi, s'il te plait... Pourquoi tu ne réponds pas...? Je le regarde embrasser mes phalanges pour les réchauffer, ses cheveux aplatis par l'humidité de la chambre ainsi devenue un four géant, à cause de la cheminée et de lui même, lui donnent une touche de charme supplémentaire. Seuls ses yeux ressortent de la pénombre sous ses mèches noires et aucun son autre que le crépitement du feu de cheminée ne vient nous perturber. Peu à peu mes doigts retrouvent de la mobilité et caressent sa joue légèrement saignante.
- Tu pleures...?
<< ... Ouais... >>
- Pourquoi...?
Il décale mes cheveux collés à ma joue.
<< Ca me tue de te voir si faible... Et de ne rien pouvoir faire de plus... >>
- Tu peux tomber malade toi aussi...
<< Mon corps peut brûler dans des températures plus extrêmes que la chaleur de la lave en fusion. Un simple virus ou je ne sais quelle saloperie de bactérie ne peut survivre dans un corps pareil. Et puis je ne crains pas le froid non plus. >>
- Ah oui...?
<< Ouais... J'aurais dû hériter d'un Alter de glace à ma naissance puisque mon corps était conçu pour le supporter. Malheureusement il y a eu un défaut génétique et c'est sur le feu que c'est tombé... >>
Un Alter de feu pour un corps de glace... Je comprends mieux pourquoi il ne le supporte pas... Son corps et son Alter sont totalement incompatibles...
- ... Tu as souffert Dabi... Beaucoup trop...
<< Visiblement pas assez pour avoir peur de te perdre... >>
J'ai senti mes joues chauffer et mon coeur s'enflammer à ces paroles, mais ce n'est pas la réponse que j'attends...
- ... Si je meurs... qu'est-ce que ça change pour toi...?
<< Je préfère ne pas y penser... Ni même de croire que ça peut arriver... >>
- Pourquoi...? Dis le moi je t'en prie...
<< C'est pas si simple Ri-- >>
- Je t'en prie Dabi, j'en peux plus d'attendre...!
Je m'agrippe à son corps sans quitter son regard, sentant mon corps refroidir et trembler de plus en plus. Si je dois mourir dans la minute, je veux l'entendre maintenant ! Assume tes sentiments une bonne fois pour toutes, devant moi en me regardant droit dans les yeux...! Son coeur s'est comme accéléré et sa chaleur est montée tout à coup.
<< Parce que je t'aime... >>
Je m'empare de ses lèvres brûlantes et savoure ce baiser passionné, cette fois empli de saveurs douces et de sentiments sincères. C'était tout ce que je demandais... Il resserre sa prise autour de mon corps pour me réchauffer davantage, mais je ne ressens même plus le froid à cet instant où j'ai cru que le temps s'était figé. Je passe mes bras dans son dos pour le ramener contre mon coeur et ne me lasse plus de l'embrasser jusqu'à plus soif. Plus il répond à mes avances, plus je sens mon corps changer. Des sensations que je n'avais encore jamais ressenti jusqu'à aujourd'hui.
Je savais alors que c'était lui que j'avais choisi...
Dabi recule en premier pour me laisser reprendre mon souffle déjà court et mes esprits après cette étincelle enivrante, puis cale son front contre le mien en m'obligeant à me reposer. Mais alors que je commençais à sombrer dans un léger sommeil, des éclats de voix résonnaient près de la porte et...
<< J'ai fais venir un médecin qualifié et je peux garantir que-- >>
Le père de Yuuji venait d'entrer sans frapper à la porte malgré les sermons de Tomoe, qui s'assurait que personne n'entre ici. Dabi me submerge en passant son bras au dessus de moi pour me protéger, s'il pouvait grogner comme une panthère il l'aurait fait. Il est déjà bien assez fatigué de sa nuit blanche que son regard menaçant n'est que plus effrayant.
<< Un Vilain !! Qu'est-ce que vous attendez pour appeler les héros ?! hurle le patriarche. >>
<< Arrêtez de gueuler bon sang, c'est notre invité ! intervient Tomoe. De toute façon vous avez pas à rentrer dans cette chambre comme dans un moulin, sortez d'ici ! >>
<< Votre "invité" ?? Les Nekomura cachent des criminels ici ?! >>
Par pitié faites le taire, je commence à avoir la migraine... Et comme s'il avait entendu mes pensées, Dabi bouche mon oreille avant de redresser la tête.
<< TU VAS LA FERMER TA GUEULE GROS LARD ?!!!! hurle-t-il, hors de lui. DEGAGE DE LÀ AVANT QUE JE M'ENERVE !!!! >>
Le vieux n'a pas le temps de faire un seul geste que mon père le jette hors de la pièce, alors qu'il venait d'arriver et déjà de mauvaise humeur.
<< Je peux savoir depuis quand les Yutakana peuvent entrer chez moi sans autorisation ? demande-t-il, la voix menaçante. >>
<< Je suis venu avec un médecin et ce Vilain--! >>
<< Et ça vous donne le droit d'entrer dans la chambre de ma fille alors qu'elle est complètement nue ?!! >>
Devant le charisme de mon père, même mon frère n'ose pas se dresser contre lui. Chaque parole que mon père prononce sonne comme le rugissement d'un tigre, alors peu de personnes osent lui tenir tête...
<< Tout ce qui se passe chez moi ne sort jamais d'ici, c'est clair ?! Ce petit est mon invité et vous n'avez rien vu-- >>
<< Mais c'est un--! >>
<< JE VOUS DIS que vous n'avez rien vu du tout ! >>
Mais le vieux patriarche bombe le torse en tentant de paraitre plus puissant que mon père.
<< ... Elle n'a pas encore épousé mon fils et votre fille devient la catin d'un criminel, voilà qui me choque de la part du clan Nekomura que tout le monde pense altruiste. >>
<< Vous parlez de ma soeur connard !! s'énerve Tomoe, retenu par mon père. >>
<< Dans ce cas le mariage est annulé si ça fait scandale à votre réputation, provoque mon père en canalisant sa colère. >>
Dabi relève la tête soudainement alors que mon père le regarde du coin de l'oeil, avant de fermer calmement la porte pour mettre les choses au clair avec le vieux.
<< Wow... Faut pas le faire chier ton père. >>
Je souris en fermant les yeux.
- Je pense que tu as gagné son respect surtout...
<< Hein ? >>
- Mon père est clairvoyant... Il a dû comprendre pour nous deux...
<< Et... Je dois m'inquiéter ? >>
- Non... Sinon il t'aurait déjà tué...
Suite à tout ça, je n'ai plus eu aucun souvenir de ce qui s'est passé ensuite. Je ne sais plus combien de jour se sont écoulés depuis, mais quand j'ai rouvert les yeux, la maladie avait disparu.
<< Bon retour parmi nous Madame, sourit Hortense. >>
La chambre était baignée de la lumière du jour, les rideaux étaient tirés et la fraicheur du vent me faisait frémir. Hortense m'aide à me redresser en douceur, mes jambes et mes bras sont engourdis et il va sûrement me falloir un peu de temps avant de quitter le lit en pleine forme.
La place qu'occupait Dabi à mes côtés est vide et froide, et pourtant je sens encore sa chaleur contre ma peau.
<< Monsieur votre père et Madame seront heureux d'apprendre que vous êtes guérie. >>
- Sans doute... Où est Dabi...?
<< Oh... Monsieur est parti hier soir. >>
Je lève brusquement la tête. Comment ça parti ???
<< Il m'a demandé de vous transmettre ceci. >>
Elle me donne une enveloppe bien lourde pour contenir une simple lettre. Je l'ouvre sans tarder avant d'y trouver des pétales de fleurs bleues d'hortensias et d'orchidées, puis un trousseau de clés très étranges. Pour quoi faire ? Ce ne sont pas ses clés d'appartement pourtant. J'ouvre la lettre pliée en deux avec appréhension de ce que je vais lire.
"Telle que je te connais, tu voudras sûrement me tuer de ne plus me voir près de toi à ton réveil. J'aurais aimé pouvoir rester plus longtemps, je te le jure, mais tu sais aussi bien que moi que nos mondes sont totalement différents Riku. Mes sentiments envers toi n'ont pas changé pour autant et pour te le prouver, j'aime autant te savoir heureuse et en sécurité loin d'ici avec la personne qui saura te donner ce que je ne peux pas t'offrir. Je veux que tu partes Riku, prends ta famille si tu le souhaites, ces clés ouvrent les portes d'un chalet de campagne que j'ai réussi à libérer quand tu étais endormie. Ce sera assez loin pour m'assurer que tu ne reviennes pas ici. Je t'aime parce que tu as fais revivre celui que j'étais autrefois, mais soyons lucides, je ne suis pas la bonne personne pour te donner la vie que tu mérites. Avec moi, j'aurais toujours l'angoisse de te mettre en danger et te blesser, te faire souffrir, et toi tu pleureras le jour où je ne reviendrai pas. Je suis un menteur, un lâche, tout ce que tu veux, mais saches que mon coeur t'appartiendra toujours et s'il existe une vie après la mort, j'aimerais pouvoir te rencontrer dans d'autres conditions.
Adieu."
"Adieu"...? ADIEU ?!!!!
Mes mains crispées froissent le papier parfumé de son odeur et mes larmes s'écrasent sur ses lignes en faisant baver l'encre. Pourquoi adieu, imbécile ?!!!
<< Madame... murmure Hortense en caressant mon dos, espérant me consoler. >>
Je serre la lettre contre mon coeur déchiré entre deux réalités et mes sanglots se déchainent sans pouvoir les arrêter. Je n'avais jamais connu une aussi grande douleur en ma poitrine...
- Pourquoi faut-il se quitter, alors que...?!! Pourquoi Dabi ?!!
<< Il veut seulement vous protéger... C'est une belle preuve d'amour... >>
- Me protéger... Mais qui le protège LUI ?!
Le seul homme que j'aime est prêt à mourir au front et je dois lui être reconnaissante ?! Tu veux que je sois heureuse mais je ne serai JAMAIS heureuse SANS TOI Dabi !! C'est trop tard, je ne veux pas de cette vie si tu n'es pas là, tu ne comprends pas ?!! Cet amour... Il n'arrive qu'une seule fois dans nos vies, avec UNE SEULE personne pour TOUTE la vie !
Malgré la faiblesse de mes jambes, je saute du lit pour le rattraper, mais Hortense me retient de force.
<< Madame vous n'êtes pas en état de--! >>
- Si je ne le vois pas maintenant je vais devenir folle !
Je la repousse en libérant mon bras et cours me changer en quatrième vitesse.
Si tu crois te débarrasser de moi comme ça, tu me connais très mal Dabi...
À suivre...
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Ce genre d'amour aussi passionnel et fort en intensité au point d'être prêt à mourir pour cette personne ou ne plus se passer d'elle, c'est tellement rare de nos jours...
Aujourd'hui les gens pensent que c'est une forme de dépendance affective ou de faiblesse, or faut savoir faire la différence entre aimer quelqu'un d'une passion qui vous complète tous les deux et un amour toxique à sens unique.
Les tourterelles sont des oiseaux qui se complètent à deux. Aucune des deux ne peut vivre sans sa moitié. C'est pour toute la vie ou jamais.
Aimer sa moitié à ce point, c'est la plus belle facette de l'amour à mon sens... Même si c'est de paire avec la souffrance, mais comme le dit Stoïc dans Dragon 3 : "Ca en vaut la peine".
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