Partie 3 INTIME Chap. 17 "Un tandem passe..." (2)


Mike

Anne-Lise claque la porte et me fait assoir sur le lit. Ah la garce ! J'ai eu super mal aux jambes, il ne faut pas me relever sec comme ça.

—Bon sang, j'en reviens pas ! Tu lui as rien dit !

—Sur quoi ?

—Sur « ça », s'écrie-t-elle en montrant mes genoux, tu te rends compte que t'as eu les nerfs HS devant elle et qu'elle ne sait rien de la cause ? M'enfin, elle aurait été incapable de t'aider si t'avais eu une paralysie faciale !

—Tu exagères, grogné-je, il faudrait une grosse dose de malchance pour que je ne puisse plus péter un mot correct.

—T'as déjà eu assez de malchance pour choper ça, je te ferais remarquer. Écoute, pour toi, c'est quoi cette fille ? Que je sache à quel degré de connerie tu te situes. Visiblement, être à moitié à poil devant elle ne t'embête pas !

Elle me pose une colle. Ce n'est pas une simple connaissance. Mais pour elle, je ne sais plus ce que je suis. Elle a peur, elle s'est méfiée, mais là elle m'a presque sauté dessus quand j'ai entrouvert la porte. Je cale mes mains autour de mon crâne douloureux et fixe le sol.

—Elle est beaucoup pour moi, je...

—Tu l'aimes ?

Ma sœur ne sait mettre des gants qu'en hiver, c'est pénible. Je lève des yeux de coupable, comme si je n'avais pas le droit de m'amuser ou d'avoir une vie intime, comme tout le monde.

—Vraiment, j'en... j'en sais rien. Elle m'attire. Elle me fait oublier mon dossier médical. Je me laisse juste porter par le courant et j'adore ça.

—Ouais ben c'est bien le problème, gronde Anne-Lise en croisant les bras. T'as couché avec elle ?

—Merde ! C'est quoi cet interrogatoire, putain, j'ai plus de vie privée à la fin ! Est-ce que moi je te demande chaque semaine si t'as conclu avec ton Benoît ? J'analyse les résultats de tes prises de sang et je te donne une autorisation de sortie après discussion avec ton médecin de famille ? Moi je sais même pas quel nom il a, ton doc !

Elle se fige, les yeux ronds, le temps d'encaisser, puis soupire. J'en ai marre de cette vie de dépendance et de médocs noyée dans la solitude. Les larmes me viennent et je les contiens en la fixant. Ma voix tremble. Je dois paraitre minable.

—Laisse-moi vivre ma vie comme un homme normal, aussi. Tu sais que j'y tiens, on en a déjà parlé.

—À ce moment-là, tu ne t'étais pas écroulé après avoir fait le paon, chevrote-t-elle.

Ses yeux brillent, son inquiétude rejaillit, mais je soutiens son regard. En fait, je ne parviens pas à retenir ma propre envie de verser une larme de plus, même si ça n'y changera rien. On ne crie pas à l'injustice, avec la nature. Elle est sourde et ça la rend cruelle.

—Je préfère m'user jusqu'à l'os en faisant « le paon » que décrépir sur mon sofa entre deux kinés durant des années.

Elle n'aura pas gain de cause, elle le sait. Je vois une première coulée sur son visage, avant qu'elle ne m'étreigne et cache son émoi contre mon cou.

—Fais pas le con, Mike, gémit-elle, y a sûrement moyen de te ménager en la fréquentant. Je... je veux plus revivre ça. Je veux plus... te revoir dans cet état. Faut que tu lui dises. Je t'en prie... tu ne sauras jamais si elle te prend comme tu es, si tu ne lui montres pas un jour. Ça aurait pu être pire aujourd'hui. J'ai... j'ai peur que tu ne deviennes trop aveugle à... à cause d'elle et de ton silence. Promets-moi.

Elle se redresse en saisissant ma tête pour m'obliger à la fixer.

—Promets-moi de lui en parler, Mike. Il y va de ta vie !

Je n'ose pas me détacher de son regard, gêné de lire l'angoisse dans ses ondées brunes, et la honte m'envahit. Car au fond, je sais qu'elle a raison. Me foutre en l'air ne plairait pas plus à elle qu'à Corinne. Un petit coup sur la porte interrompt notre long silence. La voix étouffée de ma spéciale surgit :

—Juste pour vous dire que c'est bientôt prêt.

—On arrive, lance ma sœur.

Elle ne s'est pas détournée. Je soupire et me décrispe autant que possible.

—Je... je lui dirai bientôt. Pas... pas aujourd'hui.

Son acquiescement clôt la question. Elle se relève dans un petit sourire et me jette un « Rhabille-toi d'abord » moqueur. Puis elle sort, non sans me balancer sur les cuisses un jean qui dépasse de ma garde-robe. 

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