Partie 3 INTIME - Ch. 22 "Point d'observation" (2)


Ses lèvres m'envoient un message qui n'a plus rien de mesquin, elles fendent sa faiblesse et sa solitude d'un coup de joie. Je crois que je vois enfin Mike sans filtre ni cachoteries. Et quand sa main prend la mienne, ça n'a plus rien à voir avec la caresse hésitante du réconfort maladroit. Il épouse mes doigts et les serre tendrement sur le chemin du retour, m'aidant ainsi à m'adapter à son pas claudiquant. Je ne dis pas un mot et contemple son front soucieux. Une fois sur la place, je dois briser le silence.

— Mike ? Faudrait que j'aille reprendre des affaires, si tu veux que je sois plus longtemps chez toi.

Son visage se détend et il acquiesce. Il n'a plus sa verve habituelle, sans doute fatigué. Ainsi, il prenait sur lui quand on se voyait... Tout le monde a ses démons, il faut croire. Il m'attend à l'entrée du studio, appuyé contre le chambranle, tandis que je parcours les lieux, un sac à la main.

— Tu peux t'asseoir un peu, si tu veux.

— Non, ce sera plus dur de me relever... je me poserai chez moi.

Sa voix lasse ne me laisse aucun doute. Je vais devoir m'y habituer. J'espère qu'il m'expliquera ce qu'il faut faire si le pire survient. Moi qui ai hurlé lorsqu'on frôlé un de mes nerfs en pleine extraction de dents, je ne peux même pas imaginer ce que ça doit être quand ces nerfs sont agressés en continu. C'est impossible de se figurer une telle douleur ! Pourtant, il n'en montre rien.

Je le vois s'appuyer contre la barre de son ascenseur dans un soupir, puis entrer à petits pas chez lui. Au pied du sofa, il retire des attaches sous son jean et détache ses chaussures surmontées d'une armature en métal et caoutchouc aux chevilles. Nouveau soupir, de prélassement cette fois. Il épouse mieux le sofa et ferme les yeux. Je me déshabille un peu, puis annonce :

— Je vais me changer et me rafraîchir, si tu veux te reposer, c'est le moment. Je ne resterai pas une minute de plus dans mes vêtements de la veille.

— Hmmmerci, marmonne-t-il, vaseux. Mais si je dors encore dans une heure, réveille-moi, je veux pas te laisser en plan.

Morphée fait vite effet. Je dépose mes affaires dans sa chambre et la salle de bain. « Déjà des habitudes de couple » me nargue ma conscience. Ouais... je n'aurais pas cru retrouver goût à cela avec un type comme lui. Maintenant, être présentable !

Une demi-heure plus tard, me voilà plus agréable à regarder. Jupe mi-longue rouge feutrée, bas nylons noirs, chemisier blanc léger et mes cheveux en chignon, le temps qu'ils sèchent. J'ai pris de quoi lire, alors j'entame ma lecture face à Mike. Son souffle profond s'échappe de sa bouche entrouverte, d'une manière grotesque qui prête à sourire. Le tableau médiocre me touche, car je sais qu'il ne se montre pas sous ce jour sans une grande confiance. Je pourrais le voler, casser quelque chose ou m'enfuir en deux secondes, ça n'a pas l'air de l'inquiéter. Il n'aime pas qu'on le voit si faible, pourtant, il accepte mon regard. Alors, je vais me montrer à la hauteur et faire ce que fait la compagne d'un infirme : prendre les tâches en charge.

J'ouvre son frigo et regarde ce qui pourrait accompagner les restes de semoule cuite ce week end. Tandis que les légumes mijotent, je constate l'heure écoulée. J'ai terriblement envie de sa jolie bouche. Aussi mon visage se penche-t-il jusqu'au sien dans un sourire malicieux, que j'efface pour happer ses lèvres. Dans un léger grognement appréciateur, il me répond. Mais quand je me détache de lui, des mots pâteux traversent la bouche libérée.

— Hmm suis pas bien éveillé, encore un peu...

Un gloussement me saisit, surprise par sa facétie au taquet. Je prolonge le baiser et y glisse ma langue. Il redresse le cou, résiste pour mieux plonger, puis m'étreint, bien réveillé à présent. Mes entrailles se compriment et mon échine s'échauffe sous ses doigts, si bien qu'une fois détachés, nous cherchons un instant notre souffle. Il écarquille les paupières et son sourire de gredin reparait.

— Ouah, le meilleur réveil depuis des années. Eh... ça sent quoi ? T'as cuisiné ?

— Juste un petit tajine. Pour m'occuper.

Je hausse les épaules et lui les sourcils.

— Ohh tu m'avais caché ton niveau professionnel de dorlotage, Miss Caty.

— Eh bien, voilà au moins une chose que tu ne savais pas encore sur moi, Renard.

Je m'éloigne, fière d'avoir eu le dernier mot avec cet as de la belle réplique.

— La jupe rouge pétant, c'était pour m'inciter à mater tes fesses quand tu te retournes ? Tu noteras que c'est réussi.

Et voilà, qu'est-ce que je disais ! J'abandonne en levant les yeux au ciel et retourne à ma popotte. Alors que je vais chauffer l'eau, une main se pose sur mon ventre, qui part se cacher dans un sursaut. Un souffle chaud sur ma nuque provoque une cascade de frissons jusqu'à mon entrejambe, l'odeur familière est déjà associée au bienêtre par mon cœur. Comment peut-il rendre ça si bon après autant de stress ressenti auprès de lui ? Sa voix chaude me révèle à quel point il apprécie autant que moi ce rapprochement.

— J'ai tellement envie de toi, Corinne.

Il m'embrasse et je me perds dans ce contact, comme si tout mon corps cherchait à en amplifier l'impact. Juste sous l'oreille, lentement, un endroit choisi méthodiquement qui me fait pencher la tête dans une respiration plus ample. Il se déplace de baisers en baisers sur ma nuque. Et je suis son cheminement à l'aveugle. Ça n'a rien à voir avec mes plans baise, rien à voir avec les lèvres empressées d'un homme en manque de culs à bénir. Son approche inspire le respect, la peur de perdre sa cible. Je n'y croyais plus, sûrement pas avec lui, mais aujourd'hui, c'est l'évidence même : moi non plus, je ne veux pas le perdre. Il déterre mes démons comme s'il les connaissait depuis toujours. Les décorne ou les chasse. Seigneur, je me perds dans sa forêt de caresses douces ! Le loup a presque gagné. D'abord, il me faut un pacte.

— Mike, gémis-je, je préfère qu'on mange avant.

Il pose une main sur mon bassin, l'autre appuyée sur le plan de travail, puis me pousse vers lui pour que je sente à quel point il ne disait pas cela pour seulement me flatter.

— Dommage, me nargue cet énergumène en rut, mais t'as pas tort ; ce sera encore plus agréable quand j'aurai repris des forces.

J'écarte sa main, révélant mes tremblements à Mike. Agacée par le sourire victorieux que je viens de sentir près de ma peau, je m'empare de la casserole et pars vers la table.

— Ne sois pas pressé, il y a la phase de digestion avant.

— Oui, 'man ! 

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