Partie 3 : INTIME - Ch. 18 "Fenêtres insonorisées" (2)
Mike :
— Salut, princesse !
— Papaa !
J'étreins ma petite, devant mon ex-femme qui a mis un ensemble chic, comme si elle s'apprêtait à se rendre à un restaurant étoilé du Guide Michelin. Laeticia est radieuse, maquillée, visage dégagé, mais son parfum me révulse et son menton droit me parait aujourd'hui plus hautain qu'élégant.
— Bonjour, Mike.
— Salut, Laeti. Tout en beauté, je vois.
Elle rosit, mais cela me laisse de marbre, mon sourire se veut juste convenable.
— Merci, je... je sors ce soir. Toi aussi, tu as l'air plus soigné.
C'est vrai que je me suis rasé avant-hier pour que ma barbe ait légèrement repoussé demain soir, et j'ai repris l'habitude d'enfiler de jolies chemises. Mes bottines noires cachent mon releveur de façon classe, qui plus est.
— C'est parce que nous allons sortir aussi, avoué-je d'un timide sourire, demain soir.
Aussitôt, Amélie se redresse avec un sourire jusqu'aux oreilles. Je m'en doutais, la pauvre, je ne suis plus allé le soir avec elle quelque part depuis mon emménagement à Louvain-la-Neuve. Et ma maladie.
— Sérieux ? On va sortiir ! Trop coool !
Ses cris et ses trépignements m'amusent. Elle termine sa course contre moi pour un câlin plein de gratitude.
— Merci papa ! On va où ? Oh je m'en fiche, on BOUGE !
— Eh du calme, Cendrillon, on rentrera quand même pour minuit ! affirmé-je en jetant un œil à Laeticia. MAIS ! J'ai ta robe de bal !
Grands yeux qui brillent en approche. Ça vaut tous mes efforts pour la gâter. Mon royaume pour ces étincelles d'enfant !
— Ohh t'as acheté une robe ? Est-ce qu'elle brille ? Elle est de quelle couleur ? Et elle descend jusqu'où ?
Elle me fait rire, quelle énergie ! C'est comique de l'obliger à patienter jusqu'à l'appartement pour découvrir un paquet cadeau sur son lit. Elle a trépigné durant tout le trajet.
— J'espère qu'elle te plaira.
Dès que j'ai reçu le message de Corinne, mardi soir, j'ai commandé cette robe en livraison express. J'ai croisé les doigts toute la fin de semaine pour que ma commande arrive bien aujourd'hui. Amélie déballe son présent, et l'étend devant elle avec excitation. C'est une robe bleue un peu cintrée avec de toutes petites étoiles éparpillées dessus, à manches tombantes. Son cri m'annonce que j'ai bien choisi.
— Elle est trop belle ! Je peux l'essayer ? S'te plaît, s'te plaît, s'te... !
— Oui, oui, Amé, bien sûr ! J'ai hâte de voir ça !
Je m'assieds dans le salon et un grand soupir. Il faut que j'économise mes forces pour être en forme demain. J'ai déjà cuit la réserve de riz pour le weekend, mais je crois que je vais demander à Amélie de chauffer la sauce aigre-douce, j'ai un sale coup de barre. Sûrement trop nerveux pour demain, j'ai mal dormi. Enfin, encore plus mal dormi que d'habitude. Je complimente sa belle allure une fois sa robe enfilée. Puis je comate. À vingt-deux heures, je suis au lit. Dès qu'Amé s'est mise sous sa couette, j'ai fait de même. Et j'ai pas lésiné sur les antidouleurs, la cortisone pourra bien me rendre vaseux les deux premières heures de mon réveil, je m'en moque. Seul compte mon état plus frais en soirée.
* * *
Corinne :
Je tourne vers la Place Rabelais en direction de la rue où je retrouve Nadia, Jules et Juliette. Nora n'a pas pu venir, mais je ne sais pas si son rendez-vous familial à Bruxelles est une vérité ou une façon de ne pas voir Mike. Il n'est pas encore là, même si nous lui avons donné rendez-vous à dix-neuf heures pour manger ensemble avant la soirée. On se salue, on s'installe à une table où il reste sur la banquette de quoi mettre deux personnes près de moi. Nous guettons l'arrivée de notre invité sur qui la majorité sait si peu de choses. Tout le monde balance ses dernières anecdotes, mais personne ne m'envoie des piques, pas même mon frère, dont le visage se teinte de regrets par moment. Même Nadia a compris mon besoin d'être laissée tranquille. Néanmoins, elle ne me lâche pas au sujet de Mike.
— Je vais voir si c'est un lâche ou pas, déclare ma coach en amour autoproclamée, je lui poserai des questions et on verra ce qu'il assumera. Surtout devant sa fille.
— Oui, enfin, doucement quand même, ne la mêle pas à ça, la pauvre.
C'est gênant, je cherche simplement à le faire bouger de son trou pour lui rendre la pareille, et voilà que ça se transforme en guet-apens. Pour bien en rajouter une couche, Jules me regarde droit dans les yeux.
— Et si jamais c'est juste un pervers qui t'a prise pour cible dans ses délires, je lui refais le portrait. Je le laisserai pas t'emmerder, sa fille ou pas sa fille. Au pire, dès que la gamine retourne chez sa mère, tu me files l'adresse et je...
— Bon sang, arrêtez ! m'exclamé-je, irritée. Je veux seulement vivre une soirée de détente ensemble, inutile de créer du malaise dès qu'il pointe son nez, vous exagérez. Les soirées d'avant vous me demandiez tous d'être détendue et là, c'est vous qui réagissez comme dans un thriller. On peut avoir comme objectif simplement de s'amuser en présence de mon ami ? Je crois que ça rendrait service à tout le monde. Il sera avec sa fille, que voudriez-vous qu'il fasse d'autre que s'occuper d'elle et discuter avec nous ?
— Je suis d'accord, appuie Juliette, comment voulez-vous mieux le connaitre sans l'inviter à être naturel ? Profitons du moment et gardez vos analyses pour plus tard.
Mon index se dresse, impérieux et menaçant, pour les désigner.
— En plus, Mike n'est plus sorti avec sa gamine depuis des lustres, il ne l'emmène nulle part, la petite sera sans doute aux anges de pouvoir partager ce moment avec son père, alors vous n'allez pas gâcher le bonheur d'une innocente avec de sales piques, OK ? Elle est adorable et elle le voit peu.
— Oh oui, mignonne à croquer, surenchérit Juliette. C'est de famille, il faut croire.
Elle glousse en compagnie de Nadia et je m'apaise, tout en levant les yeux. Je préfère nettement cela à une ambiance d'Inquisition, alors je laisse couler. Nous discutons de nos boulots, des demandes de stage de Jules et, une fois nos verres servis, un cri résonne dans toute « la Popote belge ».
— Eh, Corinne !
Amélie m'étreint, manquant de renverser mon soda. Je ne vois d'abord qu'une tignasse brune et lisse par-dessus une veste en jean, puis un visage apparaît avec de beaux yeux bleus pétillants et un large sourire.
— Salut, ma belle ! Contente de quitter la tanière de l'ours paresseux ?
Elle glousse, tandis qu'une voix nous fait tous dévier la tête.
— L'ours paresseux vous salue bien !
Je rends le sourire à Mike, avant qu'il ne se penche pour faire la bise à chacun, ponctuant le contact par un « enchanté » phatique pour Jules et Nadia. Il a mis un costume bleu foncé qui fait ressortir ses yeux, que Nadia observe avec stupéfaction. C'est différent quand on les découvre en vrai, n'est-ce pas ? Je me sens moins seule.
— Amélie, va aussi dire bonjour à tout le monde.
Elle soupire, agacée, mais s'exécute. C'est l'heure des présentations. Je n'aime pas faire ça, on va vite passer à autre chose.
— Jules, mon frère attachiant, Nadia, ma meilleure amie exubérante, Mike, mon voisin de Grand Place qui joue les mystérieux.
Mon index nonchalant retombe et je sirote ma boisson pendant que la troupe ricane. Mike s'assoit à côté de moi avec Amélie, et Nadia m'adresse un regard malicieux qui veut tout dire.
— Et Juliette ! lance Amélie.
— Oui, mais on se connait déjà, nous, réplique mon amie.
— Est-ce que tu es la copine de Jules ?
La question effrontée de la petite fait rire tout le monde, sauf Jules qui lance un « Hé ! » outré. Nadia se penche vers elle avec amusement.
— Pourquoi penses-tu ça ?
— Ben... Jules et Juliette, c'est marrant.
— Amé ! gronde Mike. Garde ça pour des rumeurs entre copains d'école.
Nadia pouffe, avant de lancer avec un grand sourire :
— Raté ! C'est le mien ! Et je ne l'échange pas.
Elle se tourne aussitôt vers lui pour une galoche surprise qui fait grimacer Amélie dans un grand « Eeeerk ». À mon tour, je m'esclaffe. Ça promet, comme soirée ! Mon rire est interrompu par un contact chaud, discret ; deux doigts qui frôlent ma main sur la banquette. J'évite de le regarder tout de suite, prête à commander du vin au prochain service pour justifier la couleur de mes joues. Oh oui... ça promet...
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