Partie 3 INTIME - Ch. 17 "Un tandem passe..." (fin)
Voilà qu'il prend ma main dans la sienne ! Il a regardé mon poignet tout le long de sa tirade posée. Comme une confidence. Mon cœur s'affole en reconnaissant la texture de sa peau tiède, la douceur de son geste brutalise mon souffle, le sang reflue à ma poitrine et mes joues, non ! J'ai cédé aux pulsions pour que ça se calme, pas pour y réagir encore plus ! Mon corps fait tout de travers ! Et j'ai le malheur de croiser à nouveau le regard de mon bourreau. Il fait plus qu'attendre ma réponse, immobile face à moi, la tête penchée tel un encouragement. Son regard est rempli d'envie, il étincelle par-dessus ses lèvres serrées de frustration qui s'humectent inconsciemment. Entre l'ouverture de ma bouche et le premier son sortit, il a bien dû s'écouler cinq secondes.
—Je... je ne suis pas à l'aise avec l'idée. Tes menaces sont toujours là. Tes manies bizarres dans mon dos, je...
—Corinne...
Il va chercher la seconde main sans me quitter des yeux, inspirant comme s'il allait m'annoncer une nouvelle grave ou, au moins, dure à entendre. En réalité, je sais qu'il est surtout nerveux et inquiet de ma réaction. Va-t-il évoquer sa santé bancale ?
—Je ne veux pas les utiliser contre toi, je veux juste éviter que notre relation ne s'achève dans un commissariat. Je ne voulais pas que tu me fasses perdre ma fille et ma réputation, même si pour celle-là, ça ne changera plus grand-chose.
—Ta réputation ?
Ma perplexité le convainc de se lever lentement pour rejoindre son bureau. Il me fait voir des clichés qui n'ont pas été retenus pour les publicités finales, j'en suis stupéfaite.
—Les expos pour la gloire, les pubs et portraits pour la soupe, soupire-t-il, des siècles plus tard, seuls les canaux ont changé. Crois-le ou pas, mon réseau de clientèle s'est bâti sur la confiance. Jamais je n'ai révélé les clichés finaux avant leurs dates officielles. Ja-mais.
À mon tour de soupirer.
—Il ne s'agit pas que de ça, je... je n'aime pas que des images de moi soient présentes dans l'ordinateur de... d'un type que je rencontre à peine. Je ne suis pas assez bien pour côtoyer ces personnes-là dans tes dossiers et puis, je ne supporte pas l'idée que tu les aies et que tu puisses en faire ce que tu veux. Et si... si je ne te répondais plus et que tu faisais du chantage ? Si on se dispute et que, dans ta colère, tu décides de les envoyer je ne sais où ? Les autres clichés avaient des intérêts financiers et ce n'étaient pas... des gens proches, dessus.
—D'abord, t'as autant le droit qu'eux d'être dans mes dossiers pro, ensuite, j'aimerais que tu me dises plus clairement ce que tu veux de moi. Que je sache si j'ai le droit de t'embrasser sur la bouche et non la joue quand on se salue, si je peux te tenir la main dans la rue, si je peux annoncer à ma fille une potentielle belle-mère qui arrive dans sa vie, ou s'il n'y aura rien de tout ça et qu'on se retrouvera juste quelques fois au lit à nous envoyer en l'air parce qu'on n'en peut plus de ne pas se toucher le reste du temps.
Sa franchise m'empourpre de gêne. Un simple échange de regard, aux répercussions instantanées dans mes entrailles, me prouve à quel point il a raison. Mais cela reste difficile pour moi d'envisager d'être en couple avec la source de mes frayeurs estivales.
—Mikaël, je... j'ai besoin de peser le pour et le contre, on ne peut pas dire que tu aies agi comme un saint depuis qu'on se connait et... Laisse-moi jusqu'à notre prochaine sortie, OK ? Comme ça, tu pourras aussi voir comment mon entourage proche se comportera avec toi et si Amélie s'entendra bien avec moi, avant de savoir si on va coller l'étiquette « en couple » sur notre front.
Des traits inquiets plissent son visage, en plein soupir de vaincu.
—Si je viens à ton activité avec ma fille, tu me répondras ?
—Promis. Peu de temps après. Par lettre.
Nous échangeons un sourire dont la complicité nouvelle m'émeut.
—Sadique. Va pour la lettre. C'est de bonne guerre.
Il s'étire, gratte son cou d'un air embarrassé, puis marmonne :
—Je vais encore dormir, je pense. Je ne serai plus très en forme le restant de la journée. Merci pour tout, Corinne, tu m'as suffisamment aidé pour aujourd'hui. Je ne voudrais pas te retenir plus longtemps. Je finirai mes tris du shooting photos, je t'enverrai ça dans la soirée. Tu me tiens au jus pour la sortie ?
J'acquiesce, échange un sourire plus doux avec lui, avant de reprendre mes affaires. À vrai dire, moi non plus je ne sais pas s'il vaut mieux l'embrasser sur la joue ou la bouche...
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