Partie 3 INTIME - Ch. 17 "Un tandem passe..." (4)


—Je suis désolée, Mike, mais je ne peux pas la récupérer au petit matin, avec tout le bordel du circuit et des animations, et espérer arriver à l'heure au taff.

—Tu ne peux plus négocier ton horaire ?

—Non, c'est figé. À moins d'une grosse urgence, ils ne me feront pas de cadeaux. Tu sais que j'ai déjà négocié pour avoir les lundi et vendredi matin de libres pour tes rendez-vous, je ne peux pas être trop exigeante.

Mike se replie, l'air sombre.

—Je ne pourrai pas la laisser voir le concert, alors. Elle va être déçue, elle voulait vivre l'événement en soirée et ses amis repartent à dix-sept heures, c'est ce qu'elle m'a appris le week end passé. Je pensais la loger et tenter de rassurer Laeti sur sa sécurité dans mon appart', mais là... Bon, je vais l'appeler.

Je ne laisse pas le temps à Mike de sortir son smartphone : cette gamine a bien le droit à un peu de sorties et d'amusement au milieu de cette situation parentale compliquée.

—Attends, Mike ! Vous parliez d'Amélie, n'est-ce pas ?

Il interrompt son geste pour constater mon retour.

—Oui. Elle vient aux vingt-quatre heures vélo avec des copains, dans le village pour enfants, elle aurait voulu rester le soir, mais le lendemain y a école et Anne-Lise ne pourra pas l'y conduire.

—Moi, je peux.

Je me rassois devant mon assiette tiède, sous leurs airs étonnés. Ils ont la même expression malgré leurs visages distincts, c'est comique. Face à leur silence, je poursuis :

—Amélie me connait. Je commence le boulot à neuf heures, sur Ottignies. Ma voiture sera déjà garée en dehors du circuit. Si son école n'est pas loin, je peux me permettre un détour. J'habite aussi sur place, précisé-je à Anne-Lise.

Elle lance une œillade perplexe à son frère.

—Pas sûre que son ex-bonne femme accepte, elle ne vous connait pas.

—On va en faire en sorte que, déclare Mike. C'est vraiment gentil de ta part.

Ravie de sa pleine confiance, je me demande si l'époque de ses menaces est révolue. Il me laisse prendre en charge son bien le plus précieux, sans une once d'hésitation, et ça me touche.

—Tiens, à propos de connaître, c'est qui l'ami que vous attendiez en bas de l'immeuble, l'autre jour ? demande Anne-Lise.

Empourprée, je baratine sur une amie imaginaire que je venais aider à déménager à la fin de ses études. Mike sourit dans le dos de sa sœur, qui annonce son véritable départ.

—Merci pour le repas, mais j'ai du ménage à faire et Benoît vient ce soir.

—Vas-tu enfin lui déclarer ta flamme ? lui lance Mike.

Elle saisit la clenche de la porte d'entrée et pivote vers lui.

—Je n'ai pas de leçons à recevoir d'un vieux célibataire comme toi, frérot. Bonne fin de journée. À demain, Mike.

Elle referme derrière elle et je rebondis sur l'info.

—Demain, déjà ?

—Une sœur poule, explique-t-il d'un haussement d'épaules. Dans ma famille, je ne peux plus compter que sur elle.

—Tu n'as plus tes parents ?

Il soupire en rassemblant les assiettes.

—Mon père est mort et nous n'avons pas maintenus nos liens avec sa famille après, on ne les connaissait pas bien. Ma mère perd la mémoire depuis son décès et vit dans un home. Elle voit plus souvent Anne-Lise que moi, j'ai beaucoup de mal à lui rendre visite. Elle me croit encore avec Laeticia et revenu de voyages pour des projets photos... c'est assez dur. Et ma tante comme mes cousins du côté de ma mère se sont éloignés depuis que je... je ne sors plus vraiment.

—C'est vrai que tu ne t'éloignes pas souvent de chez toi.

Je me souviens de la peine d'Amélie qui admettait le repli de son père et je trouve que l'idée de Nadia n'est finalement pas si mauvaise. À mon tour de l'envoyer en dehors de ses zones de confort, non ?

—Tu ne voudrais pas venir avec moi quelque part le prochain week end ? Même avec ta fille.

Il se penche vers moi avec un large sourire.

—Ai-je bien entendu ? Tu veux que je « sorte » avec toi ?

Les yeux au ciel, je me sens obligée de le recadrer, c'est aussi direct qu'un lever de genou avec le marteau.

—Au sens propre, oui, disons cela, je ne parlais pas du figuré.

—Ohh voyez-vous cela, me charrie-t-il d'un ton chaud, mademoiselle Caty aime vivre une vie sentimentale secrète pleine de plan Q. Je n'aurais pas cru ça de toi.

Oh mais quel abruti ! S'il n'avait pas tant mal aux jambes, je ferais exprès de m'assoir sur ses genoux, main contre son torse et nez proche du sien, rien que pour le frustrer avant de décamper. A la place, je me penche autant que lui, mon bras contre le sien, et profite qu'il me scrute avec attention pour le fixer en prenant une voix suave.

—Je n'ai rien contre l'idée d'un couple en soi, Renard, mais en général, le type qui m'accompagne ne s'amuse pas à me surveiller durant des heures dans mon studio et à me prendre en photo dans tous les angles et sous toutes les coutures, y compris en tenue très légère. Tu saisis la nuance ? Ce n'est pas rassurant comme profil. Petit pervers.

Il secoue la tête sans perdre son sourire, baisse le cou et ne relève que les yeux. Avec son satané regard sous ses mèches foncées, il a une gueule d'ange qui donne envie d'un nouveau baiser.

—Comment peux-tu coucher avec un gars et lui dire ensuite que tu te méfies de lui, en trois heures de temps ? Je suis beaucoup moins compliqué, moi j'ai très envie de sortir avec toi et de voir ce que ça donnerait, je ne te le cache pas. J'aime bien... la petite féline qui se cache en toi, ajoute-t-il en glissant deux doigts le long de ma main repliée, je me demande ce que ça donne... quand elle ronronne au lieu de feuler en sortant les griffes.



Terme traduit par « poignée » en dehors de la Belgique et le Nord de la France. La clenche est une partie du mécanisme d'ouverture de la porte à l'origine. 

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