Partie 2 : Réelle - Ch. 6 : Par le Judas (2)


Je tourne la tête vers « Chez Augustin », qui est juste à côté. Mon cœur bat la chamade face à la concrétisation de ces échanges, de l'homme, du rendez-vous... Il est cependant trop tard. Je vais devoir assumer ma prise de contact. Une femme passe près de moi pour sonner à un appartement. Je m'écarte et la regarde appuyer sur le bouton près de « M. Renard ». Aussitôt, je profite qu'elle soit penchée sur l'appareil et concentrée dessus pour la détailler en déglutissant : femme filiforme, un peu plus que mon âge, cheveux noir de jais brillants en joli dégradé, peau de pêche bien bronzée, lèvres pulpeuses mauves et petit nez droit. Bref, un canon juché sur ses talons aiguilles.

— Mike, c'est moi ! Tu m'ouvres ?

— C'est bon, lâche une voix masculine par-dessus le buzz du sas.

Merde ! La voix de mon harceleur ! Il n'a pas l'air bien vieux non plus, le gars. Mais bon sang c'est lui, il existe, il vit tout près, il a un nom réel et...

— Vous vouliez entrer, madame ?

Je fixe la femme, trop confuse pour empêcher le rouge de me monter aux joues. Je croise alors son regard brun interrogateur et tente de baragouiner une réponse, avant qu'elle ne s'interroge sur ma santé mentale.

— N-Non c'est gentil, quelqu'un doit descendre me rejoindre. Merci.

Lorsqu'elle prend congé, je soupire de soulagement, mais me sauve à l'instant où je reprends mes esprits. Des tas d'émotions me traversent et c'est boulversée que je regagne mes quartiers, ou plutôt mon bunker. Il a bien une fille, il a même une femme ! Qu'attend-il de moi, pourquoi tous ces courriers et entourloupes ? Ce serait quoi, l'objectif des lettres ? Mec marié qui a un béguin soudain pour une nana du voisinage ? Si jamais dimanche il me parle de devenir amants, je l'envoie valser plus loin ! Il pourra bien être un Apollon, je m'en ficherai comme de l'an 40. Je ressasse tout ce que j'ai pu glaner comme infos, incapable de me changer les idées. Je coupe ma série, tellement je peine à la suivre, et relis le brouillon de ma réponse.

« Cher Renard,

Ma réponse vous fait peur ? c'est un peu le monde à l'envers ! Mais je veux trop comprendre les règles de votre jeu inconscient et pervers pour nier ce projet de dîner. Je viendrai, mais sachez que je compte bien informer plusieurs personnes de cette démarche, afin de garantir mes arrières. Je ne leur lirai pas les lettres, si c'est ce qui vous préoccupe. Réglons donc tout ça dimanche ! Et je note clairement le « Je ne vous y toucherai pas ».
C'est bien compris ?

Bonne semaine,

C. »

J'espère bien que mes menaces suffiront ! Et en même temps, je me rends compte qu'il y avait des sentiments contradictoires en moi à la vue de la visiteuse. Fâchée, dépitée... déçue ? Oh, absurde ! Des espoirs de pacotille qui tentent de prendre le pas sur ma raison ! Partez ! Il y a bien longtemps que les mecs ne me font plus rêver. Pour des coups d'un soir, ça se bouscule au portillon, et puis après ? Ce type-là ne serait pas sérieux. Et j'entends bien lui faire sentir mon désaccord !

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