Partie 2 REELLE - Ch. 13 Derrière la lucarne (2)


Je m'éloigne, j'en ai assez vu à ce sujet, je ne veux rien savoir de plus tellement je crains le pire. Et puis, il a réussi à m'arracher un frisson avec sa voix chaude, mon orgueil refuse de lui afficher mes joues gênantes. Je m'installe sur son canapé et étends mon bras sur l'accoudoir pour déposer ma tête sur le creux de ma paume. Mes jambes se replient pudiquement, mais je prends mes aises, j'investis les lieux, de toute ma pose dédaigneuse. Lui s'assoit dans le sofa, tourné vers moi, sans perdre son sourire. Ravale-le, pervers !

—Alors ? C'est quoi ton fichu petit jeu ?

Il lève les yeux en l'air face à mon impatience. Je profite de ce silence pour constater la sobriété de ses tenues à chacun de nos rendez-vous. Cette fois, il porte un jean délavé étroit et une chemise blanche à manches courtes. Il fait encore chaud en cette mi-septembre, mais jamais il n'avait montré ses bras minces et pâlots avant.

—Ma chère, il va falloir se détendre, pour gagner à ce jeu-là. Tout d'abord, si tu pouvais rester tranquille, le temps que je découvre tes habits favoris, ça m'aiderait. Et quand je parle de découvrir, c'est sans le volet « exploration ».

Après un soupir agacé, je maugrée :

—Pourquoi ? Tu vois l'avenir dans les tissus ?

Il pouffe, puis me livre toute l'intensité de son regard pétillant.

—Dis-moi ce que tu portes, je te dirai qui tu es.

—Eh bien, je n'étais pas si loin, voilà que tu te prends pour Madame Soleil mélangée avec les Reines du Shopping. Désolé, mais faut que j'aille aux toilettes. J'espère que tu n'y caches pas de caméra.

Il rit à gorge déployée, tandis que je contourne le meuble.

—Près de l'entrée... à gauche, me dit-il entre deux rires.

À peine s'est-il remis de ma pique ratée qu'il me lance d'une voix forte :

—Je n'aurais pas cru que tu adorais tant le jaune, il faudrait que tu exprimes davantage toute ton énergie. Et ta jupe répond à une de mes questions, en suspens depuis le souper chez toi.

La main sur la poignée, je pivote vers lui.

—Ah ouais ? Laquelle ?

Ma réplique est bougonne, mais en vrai, toutes mes terminaisons nerveuses sont aux abois.

—Je sais quelle partie de ton corps t'a donné envie de faire régime.

Sans blague, Einstein ! Je m'enferme vite au cabinet, pour ne pas révéler à quel point il m'a atteinte. Franchement, ça ne lui sautait pas aux yeux ? Mon ventre est plat et mes fessiers gras. Ma taille fine et mes hanches larges comme une bouée mal gonflée. Je ne suis qu'un tas de chair mal fagotée qu'on se tape entre le plat et le dessert. Lorsque je reviens, il est toujours dans son sofa, occupé à régler l'appareil photo, dont il a replié le pied. Alors que mes talons claquent dans sa direction, il poursuit sans lever les yeux :

—Décolleté large, tissu fin et ample, jupe aux genoux ; tu aimes ne pas t'encombrer, t'apprécies d'avoir de l'espace ou de l'air. Et tu assumes tout de même ton cou, ta poitrine et le bas de tes jambes.

Il quitte des yeux son objectif pour lire dans les miens. Devant ma perplexité, son sourire s'élargit. Nous ne disons rien, pourtant, j'ai l'impression qu'on dialogue. Il cille, l'œil toujours rivé sur moi.

—Tu mets ton visage en valeur. C'est la première chose que toi-même tu regardes chez l'autre. Les yeux... la forme du faciès... le nez... la bouche... les fossettes... peut-être même la barbe et l'expressivité ?

D'un haussement de sourcils taquin, il me provoque. Car, bien sûr, tandis qu'il énumérait les parties du visage, je parcourais les siennes du regard. Il l'a fait exprès. C'est comme son joli minois souriant, il n'est là que pour me pousser dans la frustration et tester mes principes. Je pose les mains sur les hanches avec autorité : le fait d'être debout devant mon hôte assis me donne de l'assurance pour encaisser cette mise à nu à distance. Seigneur, j'aurais dû me méfier quand il a promis de ne pas me toucher ! Il sait user d'autres stratagèmes pour m'embarrasser.

—C'était juste ça, alors, ton petit jeu ?

—Ha ! Non, ce serait trop facile ! Tu vas devoir te mettre en avant, poupée.

Rien que ça ? C'est tout un programme.

—Un relooking ? l'interrogé-je, pantoise.

—Non, aucun intérêt. Tu es mieux ainsi, vêtue et maquillée selon tes envies. Changer ça ne ferait que te stresser encore plus.

Il fixe ma taille avec un sérieux qui me déconcerte. Son index passe le long de son menton. Il n'est pas en contemplation baveuse devant mes inhabituelles courbes, il semble plus plongé dans ses réflexions. Quand ses paupières s'étrécissent et que ses lèvres se serrent, je ne peux patienter une minute de plus et lâche un « Quoi ? » agacé. Il soupire en croisant les doigts, tel un psy en plein rendez-vous.

—Pourquoi tu ne mets pas plus tes hanches et tes mains en valeur ? Avec des habits plus cintrés, des bijoux, du vernis...

—Ohh madame Soleil a atteint la limite de ses bonaventures ? C'est quoi, cette question ? Ça rime à quoi, ton petit cinéma, Mike ?

—Je dis ça parce qu'elles sont belles. C'est dommage de ne pas les afficher.

Le temps que je me remette de ce compliment, il se hisse de son sofa avec une grimace qui m'interpèle. Mais il se reprend aussitôt, un sourire sous ses traits fatigués.

—Suis-moi, tu comprendras mieux.

Oh non, je tremble, je ne suis pas prête ! Je crains le pire. Et puis, une chambre, lui et moi, le soir, je... non !

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