Souvenirs :
Il ne lui restera plus que des souvenirs.
De sa main ridée, il souleva la sienne, la caressant légèrement de son pouce. Un sourire passa sur ses lèvres. Un sourire triste. Un sourire nostalgique. Il repensait à tous ses moments passés avec elle. Il se concentra, et sa bouche se plissa en une ligne fine. Ses sourcils broussailleux se froncèrent d'un même mouvement révélant une énième ride.
La main de sa femme tressauta légèrement et il braqua immédiatement son regard sur elle. Pourtant, elle n'ouvrit pas ses beaux yeux noisettes, ourlés de longs cils noirs dont il était tombés amoureux dès le premier instant. C'était une jolie femme avec des cheveux bruns qu'elle tressait, des pommettes saillantes accentuant cette impression d'innocence. Aujourd'hui dans ce lit d'hôpital, il ne lui restait plus rien de ses beaux cheveux bruns, la peu de son visage collant anormalement sa peau, transformant cette impression d'innocence à squelettique - et il n'osait pas le dire -cadavérique. Il pensait, dans cette salle exiguë, où il sentait la mort tenant sa fauche derrière lui, laissant sa femme quelques instants de plus. Quelques courts et d'autant plus précieux instants, où elle ne pouvait pas l'entendre dire « Je t'aime. Pour toujours et à jamais. »
Une formule qu'ils avaient personnalisée et qu'ils disaient très rarement pour ne pas perdre l'intensité, la force et la tendresse de ses quelques mots.
Pourtant, il devait être reconnaissant à celle qui portait la faucheuse derrière pour lui avoir octroyé autant d'années de bonheurs, et non pas comme ces malheureux où elle avait volé la vie de leur bien aimée. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'être en colère pour l'emporter dans une agonie si lente, si douloureuse. Il devait bien se l'avouer, il était égoïste. Il aurait tant préférer qu'il s'en aille avant elle. Il n'aurait pas eu à supporter alors son absence, son manque, pourtant paradoxalement, il sentira sa présence dans son cœur. Il l'aimait. Dieu comme il l'aimait !
Il l'aimait comme un vulgaire adolescent de quatorze ans aimerait sa camarade de classe, il l'aimait comme un jeune homme ivre des plaisirs de la vie et des femmes qui se succédaient une à une, il l'aimait comme un homme qui était prêt à fonder une famille et passer sa vie avec une femme, et fonder une famille. Il l'aimait comme un vieillard qui tenait la main de sa femme pendant ces derniers instants.
Il se rappellera encore du sourire, du premier sourire qu'elle lui avait adressé, révélant des dents du bonheur, il mourra sans doute avec ce souvenir gravé sur son cœur. Il se souvenait de leur première danse, de leur premier baiser, de leur première nuit, de leur premier voyage. Il se rappelait de toutes leurs premières fois mais inévitablement aussi de leurs dernières.
Soudain, son cœur se serra, comme s'il sentait sa mort prochaine et lança dans la chambre, brisant un silence pesant : « Je t'aime. Pour toujours et à jamais », avec une voix teintée de désespoir et d'amour.
Enfin, la mort fit un pas en avant, et tendit sa faucheuse. Au même moment une machine reliée à son corps émit des bruits stridents avant de s'arrêter totalement, laissant place à un silence presque palpable. Doucement, il retira sa main de la sienne et continuait d'observer celle qui était la femme de sa vie, répugnant d'utiliser l'imparfait concrétisant la chose. Il se leva aussi vite que ses jambes lui permettait et lui déposa un baiser sur son front.
Il ne lui restait plus que des souvenirs.
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