4 - Rencontres nocturnes
Il avait bientôt vingt-huit ans. Maewon Innsprucke ne pouvait décemment pas appeler sa mère pour geindre sur son travail.
Après une longue conversation épuisante avec Dame Jinhua, il avait regagné la réception. Puis, avec beaucoup de courage, il avait fui lors d'une minute d’inattention des invités. En prenant garde de ne pas allumer la lumière, ce qui aurait trahi sa présence, le jeune diplomate était à présent réfugié dans un bureau au-dessus de la salle des fêtes. À moitié assis sur une table, il frotta machinalement l’arrière de sa tête. Ses cheveux bleu foncé ondulèrent entre ses longs doigts fins. Il soupira.
Son meilleur ami avait toujours eu le chic pour lui remonter le moral. Maewon ne l’avait pas vu depuis bien longtemps… Qu'il était difficile de coordonner les emplois du temps d'un jeune père et d'un ambassadeur délégué ! Cependant, une courte discussion devrait être possible : il n’était pas très tard. Dans le noir, le bruit du téléphone portable de Maewon sembla décuplé. Le semi-elfe grimaça. Il avait l’impression d’annoncer à tous les participants de la réception que l'un des hôtes principaux se cachait d'eux. Il retint le second soupir qui menaçait de lui échapper. Au bout de la quatrième sonnerie, juste avant le déclenchement du répondeur, une voix masculine répondit, essoufflée :
— Maewon, mon pote !
— Bonsoir Fenix, j’espère que je ne te dérange pas.
— Pas du tout ! affirma l’interlocuteur en haletant.
D'affreux soupçons s’emparèrent de Maewon. Il tenta une question peu intrusive sur la vie amoureuse de son ami.
— Tu es… avec ta femme ? Je rappellerai un autre jour.
— Je suis plutôt avec les conséquences de nos rapprochements ! s'esclaffa Fenix. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Comment tu vas ?
— Bien. J’espère que toi aussi. Je me demandais si demain tu serais libre pour un verre…
— Jules, laisse ta sœur tranquille, j’ai déjà du mal à la changer… Et arrête de me tirer les cheveux !
— Fenix, tu m'entends ? tenta Maewon.
— Prends le téléphone, dis bonjour à tonton Maé ! continua son ami. Ah merde ! …Non, Jules, ne répète pas ça !
Une sirène retentit dans le combiné. Ou plutôt les cris d'un chaton torturé. Le semi-elfe éloigna l'appareil de son oreille sensible.
— Ça… ça va ? s’inquiéta-t-il. Jade a mal ?
— Fenix ! hurla une voix féminine au loin. Qu’est-ce qu'elle a, la petite ?
— Rien de grave, mon chou ! répondit Fenix. La couche sale lui est juste tombée dessus.
— Calme-la alors, les voisins vont encore râler… argh ! Ma soupe est en train de brûler !
Dans le chaos qui s’ensuivit, Maewon entendit un amas précipité de phrases :
— Mec, je suis désolé, je te rappelle demain ! Ah non, on va chez la famille pour les vacances d'Equinoxe et ils ont prévu plein de trucs… Je t’enverrai des photos des enfants dans leurs déguisements. Je ne sais pas trop quand… mais on trouvera une date pour se voir ! Bisous, mon pote !
Puis plus rien.
Rien de neuf du côté de Fenix, semblait-il. Un coin des lèvres de Maewon se releva avec ironie. Il sortit de la pièce, se retrouva dans la lumière artificielle du couloir. Sa bouche adopta son habituel sourire commercial. La représentation devait reprendre.
Environ trois heures plus tard, elle se conclut de façon satisfaisante. Il salua le dernier invité qui montait en voiture. Elle s’enfonça dans la nuit. Puis un humain en uniforme de chauffeur se présenta devant Maewon.
— Viktor ? s’étonna le diplomate. Avez-vous des nouvelles de l’ambassadeur et de sa femme ?
— La naissance se passe normalement, mais nous n'en sommes qu'au début. La nuit sera longue. Monsieur l’Ambassadeur m'a chargé de vous reconduire, Monsieur.
— Merci.
— Il m’a demandé de vous transmettre ses excuses pour l’emprunt inopiné de votre véhicule personnel et la façon dont il l'a… traité. Le garage vous livrera la voiture réparée demain dans la matinée.
Maewon retint un ricanement. Plutôt qu'une plaisanterie sarcastique sur le comportement des jeunes pères, il préféra conclure la mésaventure d'une façon plus gentille.
— Il y a eu plus de peur que de mal. Je suis heureux qu'il soit arrivé à la clinique rapidement.
À présent installé sur le siège arrière, le jeune homme laissa ses yeux désœuvrés s'éparpiller par-delà la vitre fumée. La ville n’était plus qu'un amas de couleurs rendues floues par la vitesse. Soudain pris d'une fantaisie, il interpella le chauffeur :
— Viktor, il y a une place libre là. Garez-vous pour quelques minutes, s’il vous plaît.
Dans le rétroviseur, les sourcils du chauffeur se froncèrent.
— Votre maison est encore loin, Monsieur.
— Je n’en ai pas pour longtemps, insista le passager. Je veux simplement faire un achat rapide.
Viktor avisa le débit de boissons, le seul lieu éclairé, égaré entre plusieurs blocs d’immeubles gris. À l’aide d’un bel euphémisme, il remarqua :
— Monsieur, ce quartier n’est pas le mieux fréquenté. Je vous conseille de vous faire livrer à domicile tout à l’heure.
— Il est plus simple et rapide que j'y aille maintenant.
— Quelle marque d’alcool souhaitez-vous ? demanda poliment l’employé au semi-elfe inconscient du danger. Attendez-moi dans la voiture, j'irai à votre place.
— Je sais que vous êtes aussi garde du corps… et votre proposition est vraiment attentionnée, mais je serais très gêné d’utiliser vos services en tant que coursier. Restez ici, je ne crains rien.
Deux secondes de silence. Puis le chauffeur hocha doucement la tête.
— Pardonnez-moi, Monsieur. J’avais oublié vos capacités.
Maewon sortit. En claquant la portière, il roula des yeux. Il ne se trouvait rien d’exceptionnel. Il était simplement moins empoté que la moyenne de ses concitoyens.
Au-dessus de la destination de Maewon, des néons clignotaient. Ils promettaient tabac et alcool aux promeneurs jusqu’à tard le soir. À consommer sur place ou à emporter. Le tenancier était accoudé au bar, derrière un sas de sécurité à double entrée vitrée.
— Monsieur ! Vous cherchez de la compagnie ?
En s’arrêtant, le semi-elfe tourna la tête vers la voix timide qui l'avait interpellé juste avant l'oasis de lumière. Perdue dans un triste manteau trop grand, une jeune humaine lui adressait un sourire, tout aussi grand et triste.
— Je ne suis pas intéressé, répondit sèchement Maewon.
— Mon frère est disponible, si vous préférez, insista-t-elle en tremblant. Je vous en supplie ! Nous n'avons pas mangé depuis deux jours…
— Il y a une soupe populaire dans le quartier d’à côté.
— Monsieur, pitié !
Le chuchotement de la jeune fille semblait désespéré, urgent. Le véritable sujet de son inquiétude n’était pas un repas chaud gratuit. Après une seconde d’hésitation, le diplomate s’approcha lentement d'elle.
— Quel âge avez-vous ?
— Vingt et un ans.
Indifférent au mensonge éhonté de son interlocutrice, Maewon sortit plusieurs billets d'une poche intérieure de sa veste longue. D’entre ses doigts, une légère fumée s’éleva, invisible dans la pénombre.
— Quel est votre prénom ?
— Ariel, répondit-elle sur un ton interrogatif.
Il entoura ses mains avec les siennes. Les yeux écarquillés, elle sentit des papiers dans sa paume. Il articula soudain très vite :
— Il y a de l'argent et une note. S'y trouvent les coordonnées d'un ami policier et de plusieurs associations. Si on vous force, si vous vendez votre corps contre votre gré, contactez ces numéros en cachette. Votre frère et vous serez protégés. Si on nous surveille en ce moment, rapportez que je vous ai fait une longue leçon de morale, assortie de charité. Donnez l’argent et cachez la note. N’essayez pas de garder l'argent. Votre vie vaut bien plus !
Il lui pressa les mains.
— Prenez soin de vous, Ariel.
— M-merci, Monsieur…
L’homme partit. La jeune fille ouvrit à peine ses doigts pour jeter un œil discret à son cadeau. Au-dessus des billets, d'une valeur qu'elle n’avait jamais eu la chance de voir jusqu’à présent, se trouvait la note promise. Une écriture fine et nette recouvrait le blanc du papier. Les lettres semblaient inscrites au feu.
Revenu bredouille dans la voiture, Maewon soupira en attachant sa ceinture.
— Nous n'avez rien acheté, Monsieur ? s'étonna Viktor.
— Je n’ai pas ma carte et j’ai dépensé tout mon liquide.
— Souhaitez-vous la carte de crédit de l’ambassade ?
— Non, ça ira. Merci.
Pendant que le chauffeur redémarrait, il soupira encore :
— C’est mieux ainsi.
Sur les hauteurs surplombant la cité, parmi la végétation entretenue si parfaitement qu'elle semblait artificielle, se nichaient plusieurs quartiers résidentiels. Viktor arrêta la voiture devant un grillage vert sombre. Derrière les hauts barreaux attendait une petite maison coquette, dont les murs blancs étincelaient sous la pleine lune.
Arrivé près d'un boîtier, le propriétaire avança son poignet ceint d’une montre digitale. Une porte s’ouvrit sur un côté du grillage. Maewon se retourna, agita le bras. Le véhicule de l’ambassade s’éloigna. Le diplomate continua son trajet le long d'une allée de graviers. Derrière lui, la grille se referma.
À l’intérieur de sa demeure, Maewon n’alluma pas. À pas feutrés, il se dirigea vers la salle de bain. Moins d'un quart d’heure plus tard, il ressortit, les cheveux humides, habillé d'un T-shirt blanc et d'un bas de pyjama bleu rayé. Ses pieds nus le menèrent dans le salon.
À travers la grande baie vitrée, le clair de lune éclairait la pièce comme en plein jour. Les yeux errant sur l’horizon constitué de son gazon, Maewon trouva le paysage moins romantique qu'il ne l’aurait dû.
Pendant une longue période, faute de temps, il avait délaissé ses lectures préférées : les romances. Au début de l’année, pour se divertir, il s’y était remis. Les œuvres sélectionnées, censées mettre en évidence de tendres émotions, n'avaient suscité chez lui qu’un vide intellectuel encore plus intense. Peut-être ses goûts avaient-ils évolué en même temps que son âge ?
Plongé dans ses souvenirs, Maewon perçut à peine une ombre qui fonçait dans sa direction. Contre la surface transparente, à vingt centimètres de son nez, un oiseau s'écrasa. Et le piaf s’affala lamentablement sur sa pelouse !
Un tout autre que Maewon aurait manifesté son étonnement par un langage vulgaire, voire grossier, devant les dégâts causés à son carreau. Un autre que lui aurait peut-être paniqué devant la souffrance animale. Lui, en fixant le petit corps échoué de l’autre côté de la porte-fenêtre, se fit une réflexion : il devait s'agir d'un merle noir. En plein milieu de la nuit, pour quelle raison un oiseau diurne était-il de sortie ?
La bestiole bougea un peu, puis sembla s’évanouir. Décontenancé, Maewon resta immobile. Il cligna les yeux. Il fronça ses sourcils fins à la couleur coordonnée à ses iris marine. Enfin, il se décida à partir à la cuisine. Il y récupéra un chiffon, pour transporter l’animal blessé vers une clinique vétérinaire de nuit.
Torchon à la main, le semi-elfe sortit dans le jardin. Aucun merle à l'horizon ! Cependant, un jeune humain, peut-être endormi, était allongé sur l'herbe. Certaines mèches des cheveux noirs de l’inconnu, plus longues sur le front, retombaient sur ses yeux fermés, aux cils fournis. La lune dévoilait son visage aux traits harmonieux, illuminait son corps totalement nu.
— C’est quoi, ce bordel !
Par réflexe, Maewon plaqua une main sur sa bouche. Même en l'absence de témoin, il n'était pas censé s'exprimer ainsi. Avec prudence, il s'avança. Du bout de son pied nu, il poussa doucement le bras de l’intrus.
— Dites, ça va ? tenta-t-il. Réveillez-vous…
L’humain restait inconscient. Il s’était changé en oiseau, pour une raison ou pour une autre. Il devait donc s'agir d'un magicien puissant. Les sorts pour obtenir une métamorphose si parfaite étaient très compliqués... et si gourmands en magie que la plupart des Utopiens s’en trouvaient bien incapables, y compris Maewon.
Quelle était la démarche appropriée pour interagir avec l'intrus ? Le blessé sur la propriété de Maewon était de sa responsabilité. Cependant, devoir réveiller une personne nue, c’était un peu gênant – aussi bien pour le spectateur involontaire que pour l’exhibitionniste imprévu !
Tout en détournant les yeux, le propriétaire de l'encéphale en surchauffe, qui menaçait de griller sous l’effet de la stupeur, déposa son torchon de cuisine sur une certaine partie de l’anatomie du garçon. Avec le bout de ses orteils, il toucha à nouveau le bras de l'inconnu.
— Euh… allô ? Vous m’entendez ?
Quand il n’obtint toujours aucune réponse, le semi-elfe réitéra. Car il était bien connu que lorsqu'une solution ne fonctionnait pas deux fois de suite, l’essai suivant devait être le bon. Au bout de la troisième vaine tentative, le diplomate s'accroupit. Après étude plus détaillée du visage de son visiteur nocturne, Maewon confirma sa première impression : il semblait très jeune. Sa physionomie et sa corpulence étaient similaires à celles d’un humain adolescent, ou âgé de vingt ans tout au plus.
Sans être médecin, Maewon pouvait guérir la plupart des petites blessures du quotidien grâce aux cours de magie de soin suivis à l’Université. Si un état plus grave se révélait, une véritable intervention médicale serait nécessaire. Pour le moment, un examen rapide suffirait. Une main au-dessus de la tête de son patient, il scanna son crâne. Aucune trace de commotion cérébrale, ni de traumatisme osseux. En revanche, la structure du cerveau semblait… inhabituelle.
Intrigué, Maewon poussa plus loin l'exploration thaumaturgique. Il sursauta quand il découvrit que le garçon qu'il prenait pour un humain n'en était pas un… mais qu'était-il donc ? Une réminiscence s’infiltra dans son inconscient, comme un souvenir qui réclamait son attention. Incapable de poser une image sur cette résurgence d'un passé lointain, il frotta sa nuque d'un geste machinal.
L’inconnu ouvrit soudain les paupières. Deux grands yeux, d'un bleu très clair. De surprise, Maewon tomba à la renverse. Il se releva très vite, préparé à l’éventualité d'un affrontement. Puis il se détendit en constatant que le garçon restait assis. Une main sur le front, il gémissait doucement. Maewon tenta de communiquer.
— Comment vous sentez-vous ? Parlez-vous ma langue ?
L'intrus tourna son regard vers celui de Maewon ; le ciel rencontra l'océan.
— Huem est du ?
Des mots inconnus. Leur structure ressemblait à celle du netun, un dialecte des farfadets. Ces derniers étaient de stature beaucoup plus petite, et de silhouette bien plus fluette que les humains. La forme de leur visage différait, celle de leurs yeux également. Celui qui ressemblait si peu à un farfadet avait peut-être utilisé un autre dialecte de ce peuple… Situation bien étonnante !
Maewon connaissait sept langues ; une compétence bien suffisante pour son métier et, bien qu'elle pût paraître grandiose, dont le diplomate ne se vantait jamais. Sept, c’était en effet bien inférieur au nombre d’idiomes étrangers que certains de ses anciens camarades de l’Université pratiquaient.
Cependant, le semi-elfe était l'un des rares citoyens de la Confédération centralienne à avoir étudié un dialecte farfadet. Après plusieurs essais, les deux jeunes gens finirent par se comprendre, grâce à un mélange bancal de gestes et de netun. Maewon demanda le nom de l’étrange visiteur, ainsi que la raison pour laquelle, sous forme d’oiseau, il avait foncé sur la vitre. La réponse fut laconique :
— Je ne m'en souviens pas.
— Êtes-vous un farfadet ? demanda le semi-elfe, par simple acquis de conscience.
— Non.
— Vous parlez le netun. L'avez-vous appris à… l’école ? bafouilla Maewon dans le dialecte qu'il ne maîtrisait pas. Peu d’établissements dans la Confédération l’enseignent …
L’inconnu fut incapable de s'expliquer davantage. Devant l’insistance de Maewon, le garçon répliqua, des larmes au coin de ses grands yeux :
— Je le sais, tout simplement ! Il y a des données que je connais. Et d’autres choses… refusent que je me souvienne d'elles ! Pourquoi ? Oui, pourquoi ?
Face à la détresse visible dans ce regard innocent, Maewon eut pitié. Puis il prit conscience que ce sentiment n’était d'aucune aide dans leur situation. Il soupira. En réutilisant des formulations aussi archaïques que grammaticalement exactes, apprises par cœur pendant ses études, il articula avec un accent à couper au couteau :
— Si vous pouvez… communiquer dans une autre langue, peut-être le sindarin… je vous en saurais gré.
— Je connais aussi le centralien.
La révélation obligea le jeune diplomate – qui galérait depuis dix minutes avec des mots étrangers – à recourir à son sourire le plus hypocrite. Il retint dans sa gorge la remarque sarcastique que le centralien n’était que l'idiome humain le plus répandu sur la planète. Celui qu'il avait utilisé dès le départ avec cet intrus… qui avait apparemment trouvé préférable de lui répondre dans un dialecte rare – plutôt que dans la même langue !
— Je suis navré que votre accident ait causé une perte de mémoire, prononça Maewon en centralien, sur un ton qui semblait très amical pour des oreilles non-averties. Ce n’est peut-être qu'une conséquence temporaire du choc. Je propose de vous déposer à l’hôpital demain matin, si ça ne va pas mieux. Les médecins pourront vous aider.
— Merci. Je suis désolé pour le dérangement… et pour la vitre.
Le visage contrit et les jolis yeux tristes du garçon eurent raison de l’agacement de son interlocuteur.
— Ne vous inquiétez surtout pas de cela ! assura Maewon.
Ensuite, il proposa même d’héberger l’inconnu pour le reste de la nuit. Il était peut-être imprudent d’accueillir chez lui un parfait étranger ; d’autant plus, en raison des particularités détectées lors du scan magique. Loin d’être inconscient des risques, Maewon ne pouvait pas s’empêcher de proposer de l'aide à son prochain. Il n'avait jamais su faire autrement. Il possédait une tendance maladive à dispenser des gestes chevaleresques à l’encontre des inconnus en difficulté qui croisaient sa route. Certainement un reliquat de ses lectures romantiques adolescentes !
À plusieurs reprises, il avait été confronté aux conséquences de ses actes de bravoure. Le jeune homme s’était juré « Plus jamais ! » ensuite… il avait recommencé à l’occasion suivante. La gentillesse involontaire était l'une de ses mauvaises habitudes. Avec le temps, Maewon avait appris à la canaliser derrière un mur de politesse glacée. Cette nuit-là, il espéra que son visiteur, qui semblait plus réservé que la moyenne, ne se ferait pas des idées.
— Reposez-vous bien, recommanda l’hôte d'une voix douce.
Habillé de vêtements d'emprunt, l'invité improvisé remercia à nouveau. Son sourire illumina la nuit. Le soleil disparut quand il referma doucement la porte de la chambre d'ami dans laquelle on l’avait installé.
Quand le diplomate se réveilla une poignée d'heures plus tard, le garçon avait disparu de la maison. Pris d’horribles soupçons, Maewon ouvrit son coffre-fort pour en vérifier le contenu. Il fit le tour de ses possessions les plus onéreuses. Il recompta même les éléments de sa vaisselle en argent. Rien ne manquait, mis à part le pyjama prêté. Le soulagement de n'avoir pas été spolié et la honte d’avoir douté de son invité se disputaient la première place dans l’esprit de l’hôte désemparé.
— Ben, merde ! Il est parti où, ce con ? En pyjama, en plus !
Décidément, depuis l’arrivée du merle dans sa vie, l’élégant semi-elfe voyait son registre de langage chuter de façon dramatique.
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