Chapitre 57 - Invité surprise

Je comprends désormais mieux la réaction de Daphné, pourquoi elle m'en voulait tant, pourquoi elle m'accusait de mentir quand je ne comprenais pas les raisons pour lesquelles elle m'accusait de lui avoir pris son bébé. J'étais enceinte tandis qu'elle avait perdu l'être qu'elle aurait aimé chérir. Peut-être suis-je trop sensible mais à ce moment-là je ressens plus de la tristesse envers cette femme qui a eu la sensation de tout perdre, plutôt que de la haine pour ce qu'elle m'a fait.

Néanmoins, ayant immédiatement une pensée pour Matthew, je demande :

—    Qui est au courant ?

—    Personne à part Alexia, Adam et moi.

—    Matthew n'est pas au courant, si tel est ta question, rajoute Alexia.

Comment vais-je faire pour lui dire ? Ceci n'a jamais été dans nos plans, nous n'en avons jamais parlé ! Surtout, y-a-t-il encore un nous ?

—    Et depuis combien de temps ? demandé-je pour savoir depuis combien de temps n'ai-je pas remarqué que mon corps était en train de changer.

—    Presque trois mois, reprend Lou. Cela ne date pas de la fois où tu as pris la pilule du lendemain. C'était avant.

Ne comprenant toujours pas comment j'ai pu tomber enceinte de Matthew alors que nous avons toujours fait attention à part juste avant l'agression, je me remémore toutes les fois où cette conception a pu être faite.

—    Apparemment cela date à peu près de ton voyage avec Matthew où la tempête vous a empêché de rentrer le soir même, m'informe Alexia.

—    Mais nous nous sommes protégés ! me justifié-je en souvenir à cette soirée passée dans les bras l'un de l'autre tandis que la tempête faisait rage dehors.

—    Tu sais, me souffle Lou, il suffit que la date de péremption soit dépassée et le préservatif n'a pas eu son efficacité.

Sur ces mots, je ne réponds plus rien. J'accuse de coup. Comment ma vie a-t-elle pu autant être bouleversée en moins d'un an ? La mort de mon frère, ma rencontre avec Matthew, les menaces, le coup de feu qui a failli me tuer et maintenant un bébé ! Cependant, au souvenir de cette après-midi dans le parking, où la mort a failli m'emporter, une question me glace le sang :

—    Vous m'avez dit que mes blessures étaient très graves, il va bien ? m'inquiété-je, sûrement livide en m'imaginant que ce coup de feu ait pu également blesser ce petit être qui grandissait en moi

Mes mains portées instinctivement contre mon ventre, mes amies comprennent où je veux en venir. Néanmoins, elles n'ont pas le temps de me répondre que le docteur Jones entre la pièce. Adam, lui, profite de ce moment pour s'éclipser en me souhaitant un bon rétablissement. Je le remercie alors de m'avoir dit toute la vérité et c'est ainsi que le médecin répond à ma question :

—    Il va très bien, lui aussi c'est un miraculé, comme sa mère, me sourit-il chaleureusement en prononçant ses paroles.

Je ressens un profond soulagement. Je m'en serais tellement voulu s'il n'avait pas survécu à mon agression, lui qui n'y est pour rien dans cette histoire. Mais je n'ai pas le temps de me réjouir que le docteur rajoute :

—    Je peux te faire une échographie dès demain si tu souhaites le voir, Elyssa. Malgré tout, il est de mon devoir de te dire que tu as encore le choix. Le délai légal pour avorter n'est pas passé, et j'ai cru comprendre auprès de tes amies qu'avoir un enfant n'était pas dans tes projets. Alors sache que c'est toujours un choix qui t'est ouvert ! m'informe-t-il d'une voix compatissante.

Néanmoins, à l'instant même où il m'a dit qu'il allait bien, mon choix était fait. Ce petit être allait faire partie de ma vie. Ce n'était pas prévu, je m'attendais à tout sauf à ça, mais maintenant qu'il est là, je ne peux pas faire comme s'il n'existait pas.

—    Non, je le garde ! affirmé-je au docteur.

Un peu étonnée de ma réponse, Lou qui sait très bien que j'ai toujours envisagé d'avoir des enfants mais dans un futur assez lointain, ne peut s'empêcher d'insister, pour être sûre que je fasse le bon choix :

—    Tu es sûre ?

—    Certaine, affirmé-je de nouveau. S'il a survécu, c'est que la vie me l'a mis sur mon chemin !

***

Cette après-midi-là, les médecins m'ont obligé à me reposer, prétextant que j'avais déjà subi trop d'émotions en une seule journée. J'ai donc pris le temps de dormir quelques heures avant qu'une infirmière ne vienne changer mon pansement. C'est à cet instant que je découvris la cicatrice qui bordait maintenant mon abdomen. Elle est moins grande que ce que je ne m'imaginais ce serait presque comme si je m'étais faite opérer de l'appendicite, une petite plaie, comme une vulgaire opération de routine. Sauf que j'ai failli perdre la vie, songé-je. C'est là que je me rends compte que quoi qu'il arrive cette cicatrice me rappellera toujours ce qu'il a failli m'arriver.

C'est ainsi qu'après le départ de l'infirmière, je me tournai vers Lou qui avait décidé de passer l'après-midi avec moi :

—    C'est dingue de se dire que cet enfant a survécu à ma blessure, j'avais peu de chance de survivre et lui encore plus. Et regarde mon ventre, on ne dirait même pas que je suis enceinte, tout cela me semble irréel, m'exclamé-je en lui montrant mon ventre toujours aussi plat qu'avant mon agression.

—    C'est normal, tu as fait un déni de grossesse. D'après les médecins ton ventre devrait prendre de l'ampleur dans les jours qui suivent, me rassure-t-elle.

Sur cette information, nous nous taisons. Ce n'est que quelques minutes plus tard que Lou, dans ses pensées, m'avoue :

—    Tu sais, je ne pensais vraiment pas que tu aurais voulu le garder... Ou du moins, pas tout de suite...

—    Pourquoi ? Parce que je suis jeune ? m'étonné-je de sa réaction.

Ce n'est pas son genre d'être négative comme ça.

—    Non, enfin ça joue aussi, mais je sais que tu feras une très bonne maman !

—    Alors quoi ? insisté-je, ne comprenant pas où elle veut en venir.

—    Je pensais qu'avec l'incertitude de ta relation avec Matthew, tu ne te sentirais pas de le garder...

Je baisse les yeux. Il est vrai que je n'ai toujours pas ouvert la lettre de Matthew, repoussant ce moment au maximum, espérant toujours qu'il va finir par revenir ou que c'est une déclaration d'amour. Je reprends alors dans mes mains la lettre posée sur ma table de chevet. Il va vraiment falloir que je l'ouvre, songé-je. C'est ce moment-là que choisit Alexia pour arriver dans la chambre, un sourire radieux sur le visage, une boîte de chocolat à la main.

—    Comment va la plus belle des futures mamans ? chantonne-t-elle, joyeuse.

Néanmoins, constatant ma mine contrariée, son sourire s'efface immédiatement.

—    Oh non ! J'ai encore dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? s'exclame-t-elle, confuse.

—    Elle hésite à ouvrir la lettre de Matthew, répond Lou à ma place.

Face à mon sourire triste et perdu, Alexia me demande :

—    De quoi as-tu peur ?

De beaucoup trop de choses, Alexia. Cette lettre, les mots qui s'y trouvent, peuvent bouleverser tout ce que j'ai construit depuis mon arrivée ici. Et maintenant, avec ce petit être qui grandit en moi, comment suis-je censée faire si c'est un message d'adieu ? Comment suis-je censée faire pour ne pas être terrorisée par son contenu ?

—    Que mon bébé n'ait pas de père...

—    ... Et que je perde l'homme qui m'a redonné goût à la vie, avoué-je l'instant d'après.

Mes deux amies s'assoient alors auprès de moi, mais avant qu'elles ne prennent la parole pour tenter de me raisonner, je rajoute :

—    Je sais que je dois ouvrir cette lettre, je sais que je dois savoir pourquoi il ne prend plus de nouvelles de moi. Et je sais qu'il faut que je sache si notre relation a encore un avenir mais [...]

—    Alors ouvre-là et nous serons avec toi ! me coupe Alexia.

—    Elle a raison, il faut que tu saches ! renchérit Lou.

C'est ainsi que, poussée par le courage de mes amies, sans réfléchir et le cœur battant, je reprends en main ce bout de papier qui contient à coup sûr des mots qui vont encore une fois bouleverser de cours de mon existence. De notre existence. Collées à moi pour me soutenir et lire en même temps que moi ses mots qui sont enfermés depuis plus de trois semaines dans cette enveloppe, Lou et Alexia retiennent leur respiration quand je sors les quelques feuilles de leur enveloppe et les déplie. Cependant, aux premiers mots, mes larmes roulent immédiatement sur mes joues. Aux premiers mots, je le comprends, c'est la fin.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top