Chapitre 56 - Nouvelles bouleversantes

Cela fait une heure que je triture cette lettre dans mes mains sans pouvoir l'ouvrir. Lou me regarde, silencieuse, sans savoir si elle doit m'encourager à déchirer le bord de l'enveloppe ou au contraire m'inciter à repousser ce moment. En réalité, c'est plutôt ma réaction à sa lecture qui me fait douter que ce soit le bon moment de lire tout ça. Au vu de l'attitude de Matthew et le fait que je n'ai eu aucune nouvelle de lui, cela n'augure effectivement rien de bon. En effet, je ne parviens pas à trouver une justification positive à son absence, s'il avait voulu me parler il serait venu, il ne m'aurait pas fait parvenir une lettre. Ainsi, sans savoir ce qu'elle contient, je sais que ses mots vont me briser, plus que je ne l'ai jamais été.

Quand je l'ai vu pour la première fois, jamais je n'aurais pensé tomber amoureuse de l'homme qu'il était : arrogant, imbus de lui-même, toujours dans cette situation de supériorité par rapport aux autres. Pourtant, il est tellement différent de cette image qu'il essaie de donner. En effet, je sais qu'il se bat chaque jour pour être un meilleur homme, et, même si je lui en veux toujours de m'avoir caché tant de secrets, je ne serais pas honnête envers moi-même si je ne disais pas que je ne pouvais plus faire ma vie sans lui. En quelques mois, il est devenu ma pièce manquante du puzzle, celle qui permettait de rendre ma vie meilleure. Néanmoins, voulant arracher le pansement le plus rapidement possible, considérant qu'attendre ne serait que reculer pour mieux sauter, j'arrache d'un coup sec le haut de l'enveloppe. Face à ce geste brutal, alors qu'aucun bruit ne régnait dans la pièce depuis que Lou m'avait confié ce cadeau empoisonné, cette dernière sursaute avant de se lever et de s'asseoir près de moi, prête à affronter ce moment qui s'annonce douloureux avec moi.

Cependant, tandis que j'étais sur le point de déplier ces quelques feuilles pour pouvoir en distinguer les mots écrits à la main, Alexia qui était partie boire un café dans le hall d'entrée de l'hôpital entre dans la pièce :

— Ah, te voilà, tu tombes bien ! dit Lou en lui montrant des yeux la lettre qu'elle m'a donné une heure auparavant.

Cependant, et après avoir assignée mon amie d'un regard assassin, Alexia rajoute :

— J'ai croisé quelqu'un sur le chemin qui aimerait te parler. Bien sûr, tu n'es pas obligée d'accepter Elyssa...

Aussitôt je me redresse, persuadée que c'est Matthew. Peut-être est-il revenu maintenant que je me suis réveillée, peut-être que quelqu'un l'a prévenu que j'allais mieux ? Néanmoins, ma surprise fut d'autant plus grande quand une chevelure blonde apparait dans l'embrasure de la porte. Je me renferme immédiatement.

— Adam ? Qu'est-ce que tu fais là ? m'exclamé-je malgré tout surprise de le voir ici.

— Salut Elyssa... me lance-il d'un air peiné.

Il a la mine de l'homme qui n'a pas dormi depuis des jours. Son visage est terne et ses yeux boursouflés comme s'il passait son temps à pleurer. Il a vraiment l'air au fond du trou.

— Je suis désolée pour ta sœur, ne puis-je m'empêcher de prononcer malgré tout le mal qu'elle m'a fait.

Elle a peut-être fait de ma vie un enfer, mais personne ne mérite de perdre un être cher, et je sais qu'Adam aimait énormément sa sœur, malgré ses défauts et ses mauvais choix de vie.

Me remerciant d'un sourire timide, il poursuit :

— Je comprendrais que tu ne veuilles pas me voir après tout ce qu'il s'est passé, mais j'ai vraiment besoin de te parler, me supplie-t-il.

Cependant, je le coupe :

— Entre Adam, je t'écoute !

Rassurée que j'accepte, il ajoute, les yeux fixés sur le sol :

— Je voulais d'abord m'excuser pour tout ce qu'a fait ma sœur.

— Tu n'y es pour rien, tu ne pouvais pas savoir, le rassuré-je d'un sourire amical

Malgré le fait que lui aussi a eu un comportement inacceptable chez Fred, je ne me vois pas refuser de l'écouter ou le laisser se sentir coupable pour les actes de sa sœur. Je sais que c'est cette foutue addiction à l'alcool et même si rien ne peut excuser son comportement, je suis persuadée qu'il ne fera plus jamais de mal à une femme. Je vois dans ses yeux qu'il a honte de ce qu'il m'a fait, je l'avais déjà remarqué la dernière fois au café, mais c'est encore plus flagrant aujourd'hui.

— En fait si, je savais, avoue-t-il gêné.

Mes yeux s'arrondissent.

— Pardon ?! nous exclamons-nous toutes les trois en cœur.

— C'est pour ça que je voulais venir te voir, je ne voulais pas que ce soit la police qui te l'apprenne...

— —Continue, lui ordonné-je, désarçonnée par ses propos.

Comment pouvait-il savoir et ne m'avoir rien dit ? Comment a-t-il pu ne rien faire pour empêcher ce qu'elle a fait ?

— Quand tu es venue me voir au café il y a quelques semaines, je t'ai dit la vérité. Je n'étais absolument pas au courant de ces menaces. D'ailleurs, je suis désolée Alexia d'avoir raconté toutes ces choses sur toi, j'ai colporté ces fausses rumeurs, je n'aurais pas dû...

Beaucoup plus rancunière que moi, Alexia lui assène un regard meurtrier. Mais cela n'empêche pas Adam de poursuivre :

— Mais quand je suis rentré chez moi, je me suis souvenue ce que tu m'avais dit, que les menaces avaient commencé après cette fameuse soirée. Or, ce soir-là, Daphné est partie avant moi de la fête mais n'est rentrée que bien plus tard, et quand elle est arrivée dans le salon, tandis que je l'attendais, elle n'a fait que de me parler de toi. C'était une véritable obsession.

— À cause du fait que je sois venue avec Matthew ?

— Oui, enfin c'est ce que je me suis dit sur le coup. Je ne trouvais pas ce comportement anormal venant d'une femme qui voyait l'homme qu'elle aime et qui l'a repoussé avec une autre femme.

— Alors comment as-tu su ? m'impatienté-je.

— Comme je te l'ai dit, après notre rendez-vous ce soir-là, tes mots ont tourné en boucle dans ma tête. Puis tous ces petits éléments qui me paraissaient insignifiants me sont revenus comme une claque, formant à eux tous le résultat d'un puzzle. C'est là que j'ai commencé à avoir de sérieux doutes. Le problème, c'est que je ne pouvais pas la confronter, je n'avais aucune preuve. Donc un jour, alors qu'elle était partie travailler, j'ai fouillé dans son ordinateur. C'est là que j'ai trouvé le brouillon d'une des menaces que tu avais reçues. Le soir même, je l'ai confronté...

— Je suppose qu'elle a nié, s'exaspère Alexia de cette discussion.

Elle ne devait pas se douter de ses révélations quand elle l'a laissé entrer dans ma chambre...

— Non, justement, elle m'a tout avoué en réitérant sa haine envers toi, s'attriste-t-il au souvenir de ses échanges avec sa sœur.

— Et toi tu n'as rien fait ? l'accuse Alexia dont les joues commencent à rougir de colère.

— Bien sûr que si, se défend-il. Je lui ai fait promettre d'arrêter de te menacer, qu'elle devait passer à autre chose avec Clayton et revenir à la réalité. Elle m'a dit que j'avais raison. Et je l'ai cru. Je ne savais pas qu'elle te suivait, appelait des journalistes pour vous surprendre avec Clayton ni qu'elle avait tenté de te droguer à mort à cette soirée. Je l'ai appris par la police, quand ils ont fouillé ses affaires et ont retrouvé un document retraçant tout ce qu'elle voulait te faire subir et tout ce qu'elle avait fait. D'après eux elle est venue spécialement à cette soirée pour payer un serveur dans le but qu'il mette quelque chose dans ton verre, te voler tes clés pour ensuite s'introduire chez toi et récupérer toutes les preuves que tu aurais pu utiliser contre elle. Il parait qu'ils ont retrouvé tous les mots et même tes clés dans ses affaires. Je te jure Elyssa, j'étais incapable de m'imaginer ce qu'elle avait en tête. Je pensais que ça s'était arrêté à des petits messages insultants, c'est tout !

Les journalistes quand nous sommes allés voir sa mère, l'article dégradant sur comment Matthew gérait sa maladie, les photos prises au restaurant, les clés, la drogue. Tout ça c'était donc elle ! Comment peut-on à ce point déraper ?

— J'espère que tu sais à quel point tu es stupide Adam ! s'emporte mon amie.

Adam baisse alors les yeux et même si je comprends la haine d'Alexia, néanmoins je n'arrive pas à partager ce sentiment. Adam me fait plus de la peine qu'autre chose. Il a perdu sa sœur qui a tenté de m'assassiner. Il lui faisait confiance et a vu un autre visage chez elle qu'il ne pouvait pas imaginer. Malgré le fait qu'il ait pu savoir que c'était elle, et même si j'aurais préféré qu'il m'en parle, il a pensé la protéger en pensant que tout était fini. Quel aurait été l'intérêt de m'en parler si les menaces avaient cessé ? Moi-même je ne m'en serais plus préoccupée.

Cependant, malgré ma compassion envers lui, une question me reste en tête :

— Pourquoi me détestait-elle tant ? C'était uniquement par rapport à ma relation avec Matthew ?

À l'entente de son prénom, son visage se ferme immédiatement. J'avais oublié qu'ils ne s'aimaient pas beaucoup. Maintenant, au moins, je comprends pourquoi : Matthew avait brisé le cœur de sa sœur.

— Au début oui, elle considérait que tu le lui avais volé. Et je te jure Elyssa que je pensais qu'elle avait arrêté. C'est après ton passage au laboratoire qu'elle a vrillé, d'après ce que les policiers ont retrouvé sur son ordinateur, elle estimait que tu lui avais volé tout ce qu'elle a perdu.

— Mais je n'ai fait que sortir avec Matthew, je ne comprends pas ce qu'elle pense que je lui ai pris !

En effet, c'est cette même phrase qu'elle a prononcé avant de me tirer dessus. Cette même phrase qui a raisonné dans mes oreilles tandis que je gisais dans la marre de mon propre sang. Jamais, je ne pourrais l'oublier. Ce que je ne comprends toujours pas, c'est ce qu'elle entendait par là. Je sais que pour certain ça pourrait paraître stupide de demander au frère de la personne qui a tenté de vous tuer, pourquoi elle a fait ça. Mais moi j'ai besoin de comprendre pourquoi. Peut-être qu'en comprenant ses agissements je pourrais la voir autrement que comme un monstre, mais plutôt comme une femme qui souffrait.

— Tu n'étais pas au courant qu'elle avait fait une fausse couche quand elle était enceinte de Matthew ? me questionne Adam, persuadé que j'étais au courant.

— Si, Matthew m'en avait parlé, mais je ne vois pas le rapport.

Adam fronce alors les sourcils et s'apprête à ouvrir la bouche tandis qu'Alexia bondit de sa chaise pour le faire taire.

— Arrête Adam, elle n'est pas au courant ! lui crie-t-elle.

Cette fois-ci c'est moi qui fronce les sourcils :

— Qu'est-ce que je ne sais pas ? demandé-je en me tournant vers mes deux amies.

Cependant, ma voix à peine audible par la fatigue de cette journée, ne supplante pas celle d'Adam qui grogne :

— Ne me dites pas que vous ne lui avez pas dit !

Honteuse, elles se tournent toutes les deux vers lui, me tournant le dos :

— Nous voulions attendre quelques jours, qu'elle aille mieux.

Néanmoins, furieuse que tout le monde me mente constamment, j'utilise mes dernières ressources pour hurler :

— JE PEUX SAVOIR CE QU'IL SE PASSE ?

Immédiatement, tout le monde se tourne vers moi, comme se souvenant de ma présence. Lou et Alexia viennent me prendre la main et c'est cette dernière qui prend la parole :

— Avant toute chose, nous voulons te dire que si nous ne te l'avons pas dit avant c'est parce que le médecin nous avait conseillé d'éviter, pour que tu n'aies pas de choc émotionnel, pour que tu te reposes. C'est lui-même qui nous a conseillé d'attendre pour te le dire.

Excédée, je la coupe :

— Abrège, Alexia !

Cette fois-ci c'est Lou qui reprend la parole, pendant qu'Adam assiste à la scène, passif :

— Je me doute un peu de la réponse car tu n'en as parlé à aucune de nous. Mais as-tu été rechercher tes résultats d'analyse que ta gynécologue t'avait demandé de faire après ta consultation ?

Oh merde ! Les résultats ! Avec tous les évènements j'ai complètement oublié d'aller les rechercher.

— C'est grave ? demandé-je d'une voix à peine audible, comprenant bien que si mes deux amies prennent des pincettes avec moi, ce n'est pas pour m'annoncer qu'ils sont normaux.

— Pas vraiment, me répond Lou, vaguement.

Constatant que mon amie d'enfance ne parvient pas à trouver ses mots, c'est Alexia qui reprend :

— Ce qu'Adam essayait de te dire tout à l'heure ... Ce qui a déclenché la folie meurtrière de Daphné... Je ne sais pas comment te le dire Elyssa ... Mais ce sont tes résultats de prise de sang qu'elle a réussi à consulter...

— Je ne comprends pas, pourquoi mes résultats de prise de sang auraient pu la pousser à me tuer ?

— Parce qu'elle a fait une fausse couche de Matthew, et elle a découvert que tu étais enceinte, Elyssa...

Quoi ?



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