Chapitre 53 : Dernier pardon

Ce matin, je me réveille une nouvelle fois sur le canapé d'Alexia. En réalité, cela fait plus d'une semaine que je ne suis pas rentrée chez moi. Dès que j'y suis, et malgré le fait que ma serrure a été changée, je ne peux m'empêcher de craindre que quelqu'un s'introduise chez moi pendant mon sommeil ou pendant que je suis sous la douche. D'ailleurs, Adam n'a jamais répondu ni aux messages ni à l'appel de Matthew. Et ce dernier a son ami qui a réussi à tracer l'adresse IP qui a servi à m'envoyer ces mails, c'est celle d'un petit café du centre-ville, mais comme c'est un lieu public, nous n'avons pas réussi à en savoir plus. La seule chose sur laquelle nous sommes avancés, c'est que nous savons que c'est quelqu'un qui vit en ville.

Comme chaque matin depuis que je suis ici, Alexia m'a préparé des œufs brouillés ainsi que des tartines de pain grillés. Néanmoins, aujourd'hui je n'ai pas faim. Depuis que je me suis réveillée, mon ventre semble s'être complètement retournée pendant mon sommeil, comme si toutes mes entrailles gigotaient dans mon ventre. Je suis incapable d'avaler quoi que ce soit.

— Ça ne va pas ? me demande immédiatement Alexia voyant que je ne touche pas à mon assiette, ce qui n'est pas dans mes habitudes.

— Pas vraiment, j'ai la nausée depuis que je me suis réveillée...

— Ah mince, tu veux rester ici aujourd'hui et que je prévienne Clayton ?

— Non, la rassuré-je. Je vais prendre un médicament et ça va passer. J'ai dû avaler quelque chose qui n'est pas passé !

C'est ainsi que, le ventre vide et la nausée qui ne m'a toujours pas quitté, je me dirige avec Alexia vers l'entreprise. À peine sommes-nous installées à notre bureau, je reçois un nouveau message inconnu sur mon téléphone :

Inconnu — Elyssa, peux-tu me rejoindre au parking ?

À sa lecture, l'angoisse qui ne me quitte plus depuis des jours reprend de plus belle. Mais aussitôt, et avant que je ne réponde, je reçois un nouveau message :

Inconnu — Désolé j'ai oublié de préciser, c'est Matthew. J'ai cassé mon téléphone.

Je souffle un grand coup. Ouf, ce n'est que Matthew. J'ai encore cru que c'était Daphné — ou je ne sais qui d'ailleurs — qui me voulait encore du mal. Mais tout de suite, Alexia se tourne vers moi :

— Ne me dis pas que c'est encore cette connasse ? s'emporte mon amie, craignant également que ce soit encore une fois Daphné qui m'envoie ce message.

— Je t'avoue que j'ai eu très peur, mais non. C'est Matthew qui me demande de le rejoindre au parking, sûrement un nouveau rendez-vous qui a été décalé.

— Mais pourquoi ne t'envoie-t-il pas ça avec son téléphone ? s'inquiète-t-elle tandis qu'elle a vu apparaitre le numéro inconnu sur mon téléphone.

— Il l'a cassé, c'est sûrement un nouveau numéro.

Perplexe, Alexia me laissa rassembler mes affaires, empoigner mon sac à main avant d'enfiler mon manteau et de me diriger vers l'ascenseur. Arrivée au rez-de-chaussée, j'emprunte la petite porte qui mène au parking et descends les escaliers qui y mènent. Lorsque j'arrive en bas, il fait sombre. Un des néons a rendu l'âme et l'autre clignote. Néanmoins, plus loin, ces derniers fonctionnent et je me dirige vers la place de parking réservée à Matthew. Cependant, quelle est ma surprise quand j'y arrive et que je découvre que sa voiture n'y est pas. Qu'est-ce que c'est encore que cette histoire ? Je me retourne alors pour essayer de voir si Peter ne s'est pas garé un peu plus loin, mais non. Cependant, de dos, je n'entends pas quelqu'un arriver derrière moi.

— J'étais sûre que tu viendrais, me dit une voix que je reconnais tout de suite et qui n'est manifestement pas celle de Matthew.

Je me retourne donc, et je la découvre face à moi. Daphné. Elle est vêtue d'un legging noir et d'une veste de running assortie, ses cheveux noirs sont attachés en une queue de cheval sous une casquette de la même couleur. Mais ce qui attire le plus mon intention est le révolver qu'elle tient dans sa main droite, brillant sous la lumière des néons, pointé sur moi.

— Daphné ? Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandé-je effrayée, comprenant rapidement que Matthew n'a jamais cassé son téléphone et que ce message ne venait évidemment pas de lui.

Que tu es naïve Elyssa, songé-je.

— Pensais-tu vraiment que tu allais t'en sortir comme ça ? me crie-t-elle en agitant son arme dans ma direction.

— Daphné, je t'en prie calme toi !

— Comment veux-tu que je me calme ? Tu m'as pris tout ce que j'avais ! m'accuse-t-elle.

— Je sais que Matthew s'est très mal comporté avec toi et j'en suis désolée. Mais ne fais pas ça, je t'en supplie, prié-je tandis qu'elle charge son arme.

— Ce n'est pas lui le problème, c'est toi ! Toi et ta foutue manie de tout détruire sur ton passage. Sans toi je serais encore avec Matthew, nous aurions eu ce bébé et mon frère ne serait pas obligé de voir un psy !

— Daphné, sois raisonnable. Tu sais très bien qu'Adam avait besoin de se soigner !

Cependant, elle ne m'écoute pas et poursuis dans ses délires :

— La seule chose que je voulais c'est construire une famille, et tu m'as pris mon frère, l'homme que j'aime, et surtout mon bébé.

— Quoi ?! Mais tu as fait une fausse couche Daphné, je suis désolée mais je n'y suis pour rien... tenté-je de l'approcher pour la calmer.

Mais c'est peine perdue. Elle dirige de nouveau son arme vers moi. Vers mon ventre plus précisément.

— Tu as raison, fais l'innocente en plus, raille-t-elle, ses yeux bruns plantés dans les miens.

Son regard est glacial. Il me donnerait presque des frissons.

— Je te jure que je te dis la vérité Daphné. Je t'en supplie, tu peux encore faire marche arrière, je ne dirais rien à personne. Je n'irais pas voir la police, je te le promets !

— Si je ne peux pas l'avoir, alors toi non plus, conclue-t-elle, un air de dégout envers moi, sans m'écouter.

C'est ainsi que je tente de l'implorer une nouvelle fois mais avant même que je n'ouvre la bouche, un coup de feu retentit. Je regarde autour de moi, pensant que quelqu'un a appelé la police et que le tir a permis de désamorcer Daphné, mais une violente douleur qui me plie en deux, s'empare de mon ventre. Mes doigts, que j'ai porté contre mon abdomen, deviennent couverts de sang et avant que je ne puisse appeler à l'aide, mes jambes perdent de leur force et je tombe à genoux, de la même façon que lorsque les prisonniers étaient abattus précédemment. Mon sang continue de couler de mon ventre et Daphné est toujours là, immobile, à me regarder me vider de mon sang, son arme toujours pointée vers moi. Je m'attends au prochain coup de feu, celui qui permettrait de m'abattre définitivement, cependant il ne vient pas. Je vois Daphné prendre conscience de son acte, ses yeux passant de son arme à mon ventre, et alors que je m'attends à ce qu'elle s'enfuie, elle retourne l'arme contre sa tempe et sans une seule seconde d'hésitation, tire. Du sang gicle sur moi et elle s'effondre. Je tente de hurler mais aucun mot n'est capable de sortir de ma bouche tandis que mon corps se fait de plus en plus faible et que je me retrouve allongée sur le dos, un trou béant dans l'abdomen, à côté du corps sans vie de Daphné.

Avant la mort de Jason, je n'avais jamais pensé aux façons tragiques de mourir. Je pensais que les plus chanceux mourraient de vieillesse et les autres de la maladie. Pour moi, les accidents n'arrivaient qu'aux autres et, au pire, à ceux qui l'avaient cherché en prenant le volant ivre par exemple. Puis j'ai compris que la mort arrivait un jour, sans crier gare, et que rien ni personne ne pouvait y faire grand-chose. Pourtant quand j'imaginais le jour de ma mort, je ne me voyais pas laisser ma vie sur le sol froid d'un parking miteux, seule. Mais au final, peut-être que la boucle est bouclée de cette façon, vivre seule et mourir seule, peut-être était-ce ça mon destin ? De toute façon, qui pourrait me trouver ici, Alexia pense que je suis avec Matthew, elle n'a aucune raison de s'inquiéter. Il faut croire que c'est vraiment la fin.

Tout à coup, comme si quelqu'un avait entendu mes pensées, j'entends la porte des escaliers que j'ai emprunté précédemment claquer. Reprise d'un espoir, je tente de crier à l'aide, mais ce n'est qu'un vulgaire murmure qui s'échappe de ma gorge. J'entends quelqu'un courir, puis une autre, mais ils ne me verront jamais, couchée au fond de ce parking immense, des voitures de partout. Il faut que je me fasse à l'évidence, c'est la fin.

Néanmoins et contre toute attente, j'entends des pas se rapprocher avec un petit cliquetis, comme si cette dernière portait des talons. C'est de cette façon que je vois surgir Alexia de derrière une voiture, le souffle court et l'air paniqué. Immédiatement, elle hurle et sa voix résonne en écho jusqu'au fond de ce garage :

— Je l'ai trouvé, par ici ! Vite !

Établissant d'abord un mouvement de recul envers le corps de Daphné gisant à côté du mien, constatant qu'il n'y a plus rien à faire, elle s'assoit aussitôt près de moi et appelle les secours. C'est à ce moment-là que Matthew arrive.

— Oh putain Elyssa ! Oh non, pas toi ! panique-t-il en se jetant à côté de moi et en appuyant de toutes ses forces sur ma plaie.

Alexia l'informe que les secours seront là d'ici cinq minutes mais je sais très bien que ce sera trop tard :

— Je ne tiendrai pas, arrivé-je à leur murmurer.

— Bien sûr que si tu vas y arriver ! m'hurle Matthew dont les larmes ont dû commencer à couler il y a un moment car son visage en est déjà inondé. Tu ne t'es pas autant battu toute ta vie pour abandonner maintenant !

Alexia, elle, ne prononce pas un mot, comme tétanisée, se contentant de me tenir la main et de pleurer.

— Je...suis...désolée, lui murmuré-je difficilement pour qu'elle me pardonne de ne plus pouvoir me battre.

Elle pleure alors de plus belle, et tandis que je me tourne vers Matthew, je trouve la force de lui prononcer la seule phrase qui lui permettra d'avancer après ma mort :

— Je te pardonne Matthew. Et je veillerais sur toi de là-haut.

C'est ainsi que dans un dernier souffle, j'arrive à lui murmurer :

— Je...t'aime...

Sur ces mots, faible, mes yeux se ferment. Je commence à ne plus ressentir toutes les parties de mon corps comme si une à une, elles ne me répondaient plus. J'entends Matthew et Alexia hurler, pleurer mais je ne peux plus lutter. Je perçois également les sirènes des pompiers et je sens qu'ils reprennent espoir de me voir sauvée. Mais ils ne devraient pas. J'ai de plus en plus de mal à respirer, mon corps est de plus en plus lourd et une vraie marre de sang s'est formée autour de moi. Les sirènes sont désormais tout près, j'entends de nouveaux pas dans les escaliers, ils sont plusieurs, sûrement pour tenter de m'aider. Mais je ne peux plus me battre, je n'y arrive plus. Et avant même qu'ils n'arrivent auprès de moi, je sens que la mort arrive pour m'emporter. Ça y est, c'est la fin. Ma fin.

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