Chapitre 48 - La mort de Jason
Sur ces mots, je surpris Matthew à baisser la tête, confus, tandis que son frère fondait en larmes :
— Je suis tellement désolé, Elyssa. Je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas qu'il ait cet accident. Je te le jure, pleure-t-il à chaude larme, à tel point qu'il n'arrive pas à s'arrêter.
La culpabilité semble le ronger, et je ne sais pas pourquoi. Mettant ma rancœur de côté, et oubliant complètement Matthew, je m'assois à côté de lui et le prend dans mes bras :
— Tu n'as pas à être désolé, c'était un accident de voiture. La chaussée était mouillée, il a glissé et a foncé dans un arbre. Tu n'aurais pas pu empêcher ça !
— Tu ne comprends pas, c'est ma faute s'il est mort ! me crie-il en manquant de vomir tellement son corps est secoué de spasme.
Choquée, je le lâche aussitôt et le regarde, attentive, attendant de savoir pourquoi il me dit ça. Il semble avoir du mal à trouver par où commencer, puis il m'avoue enfin, les larmes roulant toujours sur ses joues :
— Ce soir-là, il n'aurait jamais dû être sur la route. C'est ma faute s'il est parti. C'est moi qui l'ai tué...
Je me souviens alors que Jason ne devait rentrer que quelques jours plus tard ce week-end-là, il m'avait dit qu'il partait pour plusieurs jours. C'est d'ailleurs pour ça que j'avais été incapable de reconnaitre sa mort face à la gendarmerie car cela me semblait impossible qu'il soit sur la route ce jour-là, et qui plus est en pleine nuit. Lui qui détestait tant conduire le soir.
— Pourquoi est-il parti de chez vous ce soir-là ? Il ne devait rentrer que quelques jours plus tard ? demandé-je doucement à Jordan, voyant bien que le sujet est très sensible pour lui.
— Je l'aimais tu sais, comme je n'ai jamais aimé quelqu'un. Mais j'étais jeune et j'avais tellement l'impression de ne pas profiter pleinement de la vie en étant en couple, alors je l'ai quitté.
— Tu l'as quitté ? répété-je pour intérioriser l'information.
— J'ai immédiatement regretté, je te jure. Je lui ai envoyé mille messages pour m'excuser, lui dire de revenir, que je ne pouvais pas vivre sans lui. Mais il ne m'a jamais répondu, et quand j'ai compris pourquoi... Je ne m'en suis jamais autant voulu de toute ma vie.
Après son monologue, il me regarde attentif, attendant certainement une réaction de ma part tandis que je suis toujours en train d'essayer de trier les informations qu'il vient de m'apporter. Perdue, blessée, mais aussi furieuse de ne pas avoir été mise au courant avant des vrais circonstances de la mort de celui qui m'était si cher, ce mélange d'émotion fait que je prononce la seule chose dont je suis certaine à ce moment-là :
— Ce n'est pas ta faute. Je ne t'en veux pas, prononcé-je d'une voix robotique, comme si j'avais été commandé pour tenir ces propos.
Il relève alors la tête, surpris, tandis que j'aperçois Matthew esquisser un sourire que je ne relève pas.
— Comment peux-tu penser ça ? J'ai causé la mort de ton frère et tu ne m'en veux pas ? s'étonne-t-il les yeux ronds comme deux billes.
— C'est l'accident qui a causé sa mort, pas toi, pas cette discussion. C'est juste un concours de circonstances.
— Mais si je ne l'avais pas quitté, il n'aurait pas pris la route... se culpabilise-t-il.
— Mais tu ne pouvais pas savoir qu'il allait mourir sur le chemin du retour. Tu ne pouvais pas savoir qu'il allait tant pleuvoir que la chaussée aurait été mouillée. Arrête de t'en vouloir, le prends-je dans mes bras tandis qu'il pleure toujours.
Je ne peux pas le laisser se rendre coupable de sa mort. Il l'aimait, je le vois. Et il ne voulait pas que les choses se passent de cette façon. Personne ne voulait cette fin tragique. Alors il n'a pas à se le reprocher. Je suis blessée que personne n'ait jugé bon de m'informer avant de ce qu'il s'était passé, j'ai envie de tuer Matthew de m'avoir caché ça, mais je ne peux pas en vouloir à cet homme qui a rendu mon frère si heureux, comme je ne l'avais jamais vu après la mort de nos parents. C'est pourquoi je prends sur moi et mets mes sentiments de côté pour consoler Jordan qui semble en avoir tant besoin, considérant que je ne peux pas le laisser dans sa culpabilité, sans rien faire. Ainsi, je rajoute :
— Tu aurais dû venir me voir, tu n'aurais pas dû traverser ça tout seul, lui affirmé-je, convaincue que nous aurions pu nous aider dans ce deuil.
C'est là que je le vois échanger un regard vers Matthew, qui semble encore plus paniqué que tout à l'heure.
— Qu'est-ce qu'il y a encore ? m'emporté-je, en lâchant Jordan, voyant bien qu'il y a de nouveau quelque chose à découvrir dans cette histoire. Que me cachez-vous, ENCORE ?
— Rien, Elyssa, m'assure une nouvelle fois Matthew.
Le revoilà qu'il me ment. Quand cela va-t-il s'arrêter, sérieusement ?
— Matthew, si tu ne me dis pas immédiatement la vérité ce vase ici présent, je te le balance dans la tête, c'est clair ? m'emporté-je de nouveau en prenant le vase rempli de lys dans les mains, ma haine refoulée jusque-là s'emparant à nouveau de moi.
Vaincu, il m'avoue enfin, l'air penaud, coupable de m'avoir menti pendant tout ce temps :
— Ton embauche, ce n'était pas un hasard, je savais qui tu étais.
***
Pendant que Jordan est parti se chercher un verre d'eau dans la cuisine, Matthew m'explique ce qu'il s'est vraiment passé et encore une fois je l'écoute, le cœur battant, me demandant quelle nouvelle va une nouvelle fois bouleverser mon quotidien.
— À la mort de ton frère, Jordan a sombré dans l'alcool. C'est pour ça que tu ne l'as rencontré que maintenant, il était en cure de désintoxication.
— Ceci n'explique pas comment je me suis retrouvée à travailler pour toi, le coupé-je même si je suis sincèrement désolée pour son frère.
— Pour qu'il se pardonne, son psychologue l'a encouragé à venir te parler. Comme Jason lui avait donné votre adresse, ce n'était pas très compliqué de te retrouver. Mais quand il est venu sonner chez toi, après avoir hésité de nombreuses fois, tu avais déjà déménagé. Il a alors sonné chez tes voisins, des personnes âgées m'a-t-il dit, qui l'ont informé que tu venais vivre ici. Et ils ont affirmé qu'ils ne savaient même pas comment tu avais fait pour déménager car tu n'avais ni argent ni travail.
Il doit parler des Dupont. Ces deux petits vieux ont toujours été très gentils avec moi. La petite dame m'apportait même parfois des confitures qu'elle faisait elle-même, j'ai toujours eu beaucoup d'affection pour eux. Néanmoins, il est vrai que je suis vraiment partie subitement, j'ai même dû prendre un petit hôtel miteux pendant une bonne semaine avant de pouvoir trouver mon appartement actuel.
— C'est comme ça que tu as pensé à m'engager...
— Non, je ne devais pas m'en mêler.
À ce moment-là, je ne comprends encore une fois plus rien. Cependant, il est vrai qu'au vu du nombre d'informations que je dois intégrer depuis une heure, ce n'est pas étonnant. Je me surprends même à ne pas encore avoir craqué, ne sachant même pas comment je tiens encore debout après tout ce qui m'a été dit. Et apparemment, ce n'est pas encore fini...
— Alors comment me suis-je retrouvée à travailler pour toi ? insisté-je, excédée qu'il passe par quatre chemin pour répondre à ma question.
— Le fait de te savoir ici, Jordan a craqué et est reparti en désintoxication. Je savais qu'il s'en voulait énormément pour ton frère, mais aussi pour toi. Jason parlait toujours d'Ely et combien il ne voulait pas la laisser seule s'ils emménageaient ensemble. Alors Jordan culpabilisait aussi de te laisser seule. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de l'aider, de trouver ton e-mail et de t'embaucher. Je me disais que ça te ferait un petit coup de pouce de trouver du travail, que mon frère culpabilisait moins. Mais je pense qu'en réalité, je connais tellement bien la douleur que représente le fait de se retrouver seul, que j'avais moi-même envie de t'aider.
Je pourrais presque être touchée qu'il ait tellement souffert d'avoir vécu seul et sans argent presque toute sa vie qu'il ne voulait pas me faire vivre la même chose, alors même qu'il ne connaissait pas. J'aurais pu être compatissante si je n'avais pas réalisé ce que signifiait cette révélation :
— Tout est un mensonge en fait ! réalisé-je. De notre rencontre à notre relation, tout était programmé !
Matthew baisse les yeux, honteux. Mais je ne le laisse pas me répondre et l'assène de reproches.
— C'était quoi le but ? Me faire tomber amoureuse pour que je me sente mieux ? Puis se détacher de moi sans trop me faire de mal quand j'irais mieux ? m'emporté-je furieuse qu'il se soit moqué de moi depuis le départ.
— L'ascenseur aussi c'était prévu ? Te taper la sœur du mec défunt de ton frère ? C'était quoi ? Un fantasme ? l'accusé-je finalement alors qu'il ne tente même plus de prendre la parole tellement je l'assaille d'accusations.
— Je ne savais pas que c'était toi dans l'ascenseur. Je l'ai découvert quand tu es arrivée dans mon bureau, se défend-il.
Mais oui bien sûr, c'est pratique cette excuse !
— Comment est-ce possible ? Tu m'as dit que tu savais qui j'étais !
— Je savais que Elyssa Tunson était la sœur de Jason. Mais je n'avais jamais vu à quoi tu ressemblais. Et qu'est-ce que j'aurais préféré que tu sois une femme laide et ennuyante.
Il va vraiment profiter de cette révélation pour me complimenter sur ma beauté. Quand est-ce que je vais réaliser que cet homme n'a jamais manqué de culot ?
— C'est le moment où tu me sors les violons et tu me dis que tu as été happé par ma beauté et qu'ensuite tu n'as plus réussi à me dire la vérité ?
Ironique, persuadée de le blesser par mes paroles, je ne m'attends pas à ce qu'il se confie réellement sur ce qu'il a ressenti ce jour-là, lui qui a toujours été pudique sur ses sentiments :
— Peut-être oui, tu te serais vu dans l'ascenseur ce jour-là, ton air de défi dans le regard, ton assurance, tout chez toi me donnait envie de te provoquer. Mais, en réalité c'est toi qui m'as poussé dans mes retranchements.
Cependant, même si j'aime cet homme du plus profond de mon être, il a brisé tout ce que nous étions en train de construire, et cela dès le départ. Je ne peux plus l'écouter, ses paroles emplis de mensonges m'ont déjà fait trop de mal.
— Arrête, c'est trop tard, je ne veux plus entendre ça. Toi et moi, c'est terminé Matthew !
Néanmoins, persuadé que je dis ça sur le fondement de la colère et que je suis incapable de lui résister, que mon amour pour lui est trop fort, il tente de me raisonner :
— Tu sais très bien que toi et moi, ce ne sera jamais terminé. Cette décharge quand on se touche, nos vies tourmentées, et même la mort de ton frère, le destin a fait en sorte que je te rencontre. Moi-même j'ai essayé de te résister, rien que dans cette salle de bain chez Fred, mais c'est impossible.
Il y a un mois, j'aurais rêvé d'entendre ces paroles, j'aurais rêvé qu'il me dise clairement ce qu'il ressent pour moi. Mais c'est trop tard, rien ne sera plus jamais comme avant. Je ne peux que le contredire :
— Non, encore une fois tu te trompes. Je te résisterai car je ne pourrai plus jamais te faire confiance. Tu m'as menti dès le départ. Je me suis confiée à toi sur mon frère, tu m'as vu faire des cauchemars la nuit, revivre sa mort ; et tu ne m'as rien dit.
— Je ne pouvais pas le faire, pas sans mon frère. Il fallait que ce soit lui qui te dise la vérité. Il en avait besoin. C'est même pour ça que je l'ai fait venir à l'entreprise, pour qu'il te rencontre et essaie de te parler.
J'entends ses raisons, mais pour moi, cela n'excuse rien. Le mal qu'il m'a infligé est trop important. C'est pourquoi je prends une décision radicale, celle qui me semble être la meilleure sur le moment, le cœur anéanti par toutes ces révélations :
— Ce ne sont que des excuses, tu m'as menti et non pas juste une fois, mais depuis la première fois où nous nous sommes vus. Notre relation n'était qu'un tissu de mensonge, toi et moi c'est terminé.
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