Chapitre 38 - Tout lui avouer

Dans la matinée, j'avais quitté le bureau de Matthew sans lui donner d'explication sur les différentes menaces que je recevais. C'est pourquoi, je ne fus pas étonnée de le voir débarquer à dix-neuf heures chez moi pour me demander des justifications. Pourtant, à peine a-t-il passé la porte de mon appartement, que ce n'est pas de ça qu'il me parle :

— Elyssa, il faut que tu me croies, je n'ai jamais eu de relation avec Alexia !

— Je te crois.

Et ma réponse est sincère. Mais malgré mon message d'excuse et de pardon, il devait s'attendre à devoir plus batailler pour me faire accepter la réalité car il semble décontenancé. Néanmoins, il reprend rapidement ses esprits et me demande, blessé :

— Pourquoi ne m'as-tu pas fait confiance ?

— Je suis désolée. La photo paraissait si réelle, je n'ai pas réfléchi. Et tout le monde pensait que vous étiez ensemble au boulot...

— Je ne parle pas de ça, me coupe-t-il. Je parle des menaces. Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?

Je baisse les yeux. Moi-même je ne sais pas vraiment pourquoi je ne voulais pas lui en parler. Par fierté sûrement. Cela fait un moment maintenant que je gère tout toute seule. Avant c'était mon frère qui m'aidait à gérer mes problèmes, mais depuis qu'il n'est plus là, je n'arrive pas à recevoir l'aide des autres, je n'ai pas envie de les contrarier avec mes problèmes. Alexia ce n'était pas pareil, elle me laissait faire et n'intervenait pas. Lui je sais qu'il se serait interposé. À dire vrai, à l'inverse, je serais sûrement également intervenue.

— Quand vas-tu enfin comprendre que je peux t'aider ? m'interroge-t-il sans me laisser le temps de répondre.

— Mais je n'ai pas besoin d'aide ! Je gère la situation ! m'exclamé-je, vexée qu'il ne me croit pas capable de gérer ça seule.

— Tu gères tellement bien la situation que tu as accusé deux innocents, ironise-t-il, un brin amusé.

Comment ça deux innocents ? Comment est-ce possible qu'il sache ?

— Tu es au courant pour Adam ? m'étonné-je qu'Alexia lui en ait parlé.

— Oui, le soir où je suis arrivé chez toi et que tu nous as accusé avec Alexia d'avoir une relation, elle m'avait expliqué pour Adam.

Il doit voir mon visage se crisper face au fait que je lui avais fait jurer de ne jamais rien dire à Matthew car il rajoute :

— Ne lui en veux pas. Elle était vraiment inquiète pour toi. Tu lui as dit que tu allais voir Adam, alias le mec qui t'avait agressé, puis tu ne lui as plus donné aucun signe de vie. Elle m'a dit avoir hésité plusieurs fois avant de venir m'en parler, mais qu'elle ne savait pas comment gérer cette situation seule.

C'est vrai que ce soir-là, j'étais tellement choquée de la révélation d'Adam que je me suis terrée dans ma haine et n'ai plus rallumé mon téléphone avant tard le soir. Je comprends qu'elle lui ait dit, mais je veux savoir ce qu'il sait :

— Que t'a-t-elle dit, précisément ? le questionné-je alors.

— Tout.

Comment ça tout ?

— Tout depuis le début ? répété-je pour être sûre d'avoir bien compris.

— De la première menace que tu as reçu après la soirée chez Fred jusqu'à la dernière, m'avoue-t-il.

Mais je trouve ça étrange qu'ils aient eu le temps de parler de tout ça avant de venir chez moi, eux qui étaient si inquiets. C'est pourquoi je m'étonne :

— Et elle t'a dit tout ça l'autre soir ?

— Pas exactement, dit-il en se passant la main dans les cheveux.

Je connais suffisamment ce geste pour savoir qu'il cache quelque chose, j'insiste donc :

— C'est à dire ?

— Ce soir-là, elle m'a juste dit que tu étais avec Adam et que tu étais peut-être en danger car il te menaçait. Dans la précipitation, elle ne m'en a pas dit plus, dès qu'elle m'a appelé j'ai pris la route vers chez toi et elle a fait de même.

— Donc comment as-tu su ? insisté-je encore, de plus en plus impatiente, ne comprenant pas comment il a pu savoir si ce n'est pas Alexia qui lui en a parlé.

— Parce qu'il y a quelques jours, tu as reçu ça au boulot, m'avoue-t-il honteux en sortant de sa poche une lettre qui a été ouverte.

Vu sa tête, je comprends rapidement ce qu'il y a à l'intérieur. Cependant, je ne peux m'empêcher de m'énerver qu'il ait lu mon courrier.

— Tu n'aurais jamais dû lire ça ! Tu fouilles dans mes affaires maintenant ?

— Quoi ?! Bien sûr que non ! Je cherchais la dernière facture et je pensais que c'était ça que tu venais de recevoir. Je ne pouvais pas imaginer que tu te faisais harceler au travail !

— Tu aurais quand même dû me demander avant d'ouvrir mes courriers, insisté-je les bras croisés.

Je sais que je suis injuste, et que je devrais accepter son aide au lieu de le repousser. En plus, il n'avait pas de mauvaises intentions, il ne pensait juste pas que j'avais des choses à cacher. Pourtant ça me rend hors de moi qu'il ait trouvé cette lettre et ne m'en ait pas parlé !

— Elyssa, tu sais comme moi que si tu t'étais confiée à moi cette discussion n'aurait pas lieu. C'est moi qui devrais être énervé, pas toi.

Je baisse les yeux. Il a raison. Mais c'était plus fort que moi, je ne pouvais pas lui en parler. Lui en parler c'était rendre ces menaces encore plus réelles. Je sais que je me serais sentie comme une petite fille fragile à côté de lui. Ce n'était pas envisageable. Néanmoins, je sais que je ne peux pas lui en vouloir alors je rajoute timidement :

— Qu'est-il dit cette fois ?

— Il y a une photo de l'article de presse sur la mort de ton frère.

Mon cœur rate de nouveau un battement. Comment est-ce possible d'être si méchant envers les autres ? Comment peut-on avoir un esprit si pervers pour m'envoyer ça ?

— C'est tout ?

Néanmoins à peine ai-je posé la question que je connais déjà la réponse, toutes les lettres sont accompagnées d'un mot.

— Non, il est écrit "attention à toi, tu vas finir comme lui".

Cette phrase fait envoler ma timidité et ma honte pour laisser place à une rage soudaine que je ne pensais même pas avoir au fond de moi :

— Putain si je le retrouve ce connard, c'est lui qui va mourir, hurlé-je à m'en arracher les poumons.

Je commence à faire les cents pas dans mon appartement réfléchissant à qui peut m'envoyer ça mais je ne vois plus du tout qui cela peut être. Si ce n'est pas Adam, et si Alexia n'a jamais eu de relation avec Matthew, ce ne peut pas être elle. Je lance en rage l'éponge qui trainait sur le buffet et jette un vase remplie des roses achetées quelques jours plus tôt, qui vient s'écraser sur le sol. Matthew me prend alors le bras de force pour m'empêcher de détruire un autre objet de mon appartement et me fait face. Ses yeux verts rencontrent les miens et il s'excuse d'une voix attendrissante que je n'ai que trop peu de fois entendu :

— Je suis désolé Elyssa. J'aurais dû t'en parler. Mais je voulais te protéger. Je sais combien la mort de ton frère t'attriste encore.

Comment ça "il aurait dû m'en parler" ? Depuis quand est-il en possession de cette lettre ? Ma rage se déplace alors contre lui et je lui crie :

— Depuis quand as-tu ça ? crié-je en pointant du doigt ce mot qui me dégoute profondément.

— Juste quelques jours, je te promets. Je comptais t'en parler. Je pensais juste que c'était un détraquer, je ne savais pas que c'était habituel !

À ses mots, ma rage envers lui se dissipe un peu, il a juste voulu me protéger. En revanche, celle qui m'anime envers celui qui m'a envoyé cette lettre n'a jamais été si forte. Je repousse donc Matthew qui me tenait toujours par le bras, me reprends à faire les cents pas et répète :

— Cette pourriture va payer ! Cette pourriture va payer !

— Elyssa calmes-toi je t'en prie, me dit-il tendrement en essayant de me prendre dans ses bras, mais je le repousse encore une fois.

— Dis-moi comment veux-tu que je me calme ?! Cette pourriture parle de la mort de mon frère, me menace, et je ne sais ni qui c'est, ni pourquoi elle a tant besoin de me faire peur. Je veux juste bousiller sa vie autant qu'elle essaie de détruire la mienne !

— Alors ne deviens pas comme elle, soit plus maligne. Détester la terre entière ne t'aidera pas, crois-moi j'en sais quelque chose. Essaie de penser à autre chose, il n'y a que comme ça qu'ensuite tu auras les idées plus claires. Je ferais tout ce que tu veux pour t'aider Elyssa, mais arrête de balancer tous ces trucs, me supplie-t-il alors que je fais voler un pauvre coussin du canapé à travers la pièce.

— Tout ? Tu es sûr ? lui demandé-je pour en être convaincue, ne voyant qu'une seule chose pouvant me changer les idées.

— Oui, bien sûr ! Tu sais que je serais toujours là pour toi !

— Alors embrasse-moi, lui ordonné-je en plaquant brutalement mes lèvres aux siennes

Cependant, il me repousse délicatement et déclare :

— Ce n'est pas une bonne idée, Elyssa. Arrête !

— Quoi ? Je ne te plais plus c'est ça ? Tu n'as plus envie d'une pauvre fille qui se fait menacer depuis des semaines ? m'éloigné-je, vexée qu'il ne me rende pas mon baiser.

— Arrête ! s'emporte-t-il en me plaquant contre le mur blanc de la cuisine pour me faire face. As-tu vu dans quel état tu es ? Je ne profiterais pas de toi dans cet état !

Toute femme rêverait d'un homme qui lui répond ça, qui est là pour elle et ne lui fait pas faire des actes qu'elle regretterait ensuite. Mais sur le moment, je déteste la terre entière et je le déteste particulièrement de me résister. Au fond de moi, je sais que je suis injuste, mais j'ai besoin de passer ma colère grandissante sur quelqu'un, c'est pourquoi je lui crache avant de tourner les talons et de m'enfermer dans ma chambre en sanglot :

— Alors va-t'en, et ne reviens jamais !

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