— Attend, quoi ? Vous allez dormir dans la même chambre Elyssa ? Après ce qu'il s'est passé ? me hurle Alexia de l'autre bout du téléphone.

À peine a-t-elle vu l'annonce de la tempête qu'elle m'a appelé pour savoir comment j'allais et comment nous allions faire pour rentrer. Heureusement, Matthew est parti dans une petite boutique à l'intérieur de l'hôtel nous chercher des vêtements propres et des affaires pour nous laver.

— Ne crois pas que cette situation m'enchante plus qu'à toi.

— Vu ce qu'il s'est passé la dernière fois dans la salle de bain de chez Fred, j'ai des doutes que ça te déplaise...

— Non, je suis très en colère contre lui, Alexia, me défends-je contre ses propos laissant entendre que ça m'arrange de dormir dans la même pièce que lui.

— Mais tu le désires, affirme-t-elle.

— Alexia ... soufflé-je. Je ne le fais pas exprès...

Et c'est vrai, si ça ne tenait qu'à moi je demanderais à quiconque le pourrait de me faire oublier l'attirance que j'ai pour cet homme.

S'apercevant qu'elle a touché une corde sensible, elle ne peut s'empêcher d'ajouter :

— Je ne te juge pas, juste fais attention à toi d'accord ? Et surtout, n'oublie pas de tout me raconter ! glousse-t-elle.

Je souris alors de l'autre côté du fil. Mais bizarrement, j'ai l'étrange sensation qu'elle ne va pas être déçue.

***

Quand Matthew revient des courses, il a les bras chargés de vêtements et de produits de toilette. Il nous a trouvé un jogging et un sweat, exactement les mêmes car la boutique n'avait que ça. Ils n'avaient même pas de petites tailles ce qui fait que je me retrouve à devoir porter un jogging qui, si je ne le tiens pas quand je marche, finirait en bas de mes chevilles en un instant. De plus, commençant sûrement à connaitre mon appétit d'ogre pour ma petite taille, il a également pris de quoi grignoter ainsi que des brosses à dent et du dentifrice, le reste étant fourni par l'hôtel.

En réalité, le seul problème de cet hôtel est le fait qu'il n'y ait qu'une chambre car pour le reste, il est très bien équipé. Mais, comme s'il lisait dans mes pensées, Matthew me lance :

— Ne t'inquiète pas, je ne dormirais pas cette nuit. Je te laisse le lit.

Et il compte passer la nuit où ? Assis sur le carrelage froid de la chambre ? En effet, il n'y a même pas de canapé dans cette pièce, le lit est littéralement le seul endroit où il est possible de s'asseoir. Et, jamais je ne laisserais quelqu'un passer la soirée dans de telles conditions, et encore moins pour me laisser mon confort, c'est pourquoi je refuse :

— Quoi ?! Hors de question !

— Elyssa, c'est la seule solution. Nous n'allons pas dormir ensemble, je sais que tu ne le veux pas.

Certes je ne le veux pas, ou plutôt j'estime qu'il ne vaut mieux pas. Mais j'ai une solution :

— Et alors ? Nous pouvons dormir chacun de notre côté, comme deux adultes responsables, lui proposé-je.

— Es-tu sûre que ce soit une bonne idée ?

Bien sûr que non, je meurs d'envie de te sauter dessus malgré le mal que tu m'as fait, ai-je envie de lui hurler. Cependant, je me ravise et tente de le convaincre :

— Tu vois une autre solution ? Autre que de te laisser lutter contre la fatigue toute la nuit ? Je ne pense pas, alors pour une fois écoute-moi !

Et contre toute attente, il finit par céder. Je ne sais pas s'il le fait par confiance ou pour me donner raison, mais le fait est qu'une heure plus tard, nous nous couchons, aussi mal à l'aise l'un que l'autre et ne sachant absolument pas comment nous comporter. En effet, si gênée de devoir dormir avec lui dans ces conditions, je n'ai même pas enlevé mon jogging ce qui fait que je meurs de chaud, ayant l'habitude de ne porter qu'un short et un t-shirt. De plus, j'ose à peine bouger de peur de le toucher, c'est à peine si je respire. Néanmoins, après une bonne demi-heure à chercher mon sommeil tandis que nous sommes toujours dos à dos, Matthew me chuchote :

— Elyssa, tu dors ?

— Non, réponds-je d'une voix malgré tout endormie.

M'attendant à ce qu'il me parle, je reste attentive. Cependant, ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'il ose enfin me demander timidement :

— Je peux te poser une question ?

— Dis-moi, mais dépêche-toi il est tard, lui dis-je plus pour lui montrer que je suis toujours énervée que parce que je souhaite dormir.

— Toi et moi en couple, qu'est-ce que ça donnerait ?

Alors celle-là, je ne m'y attendais pas. Est-ce que j'ai bien entendu, ou est-ce la fatigue qui me joue des tours ?

— Qu'est-ce que tu dis ? m'exclamé-je d'une voix à peine audible en me retournant vers lui.

Il se retourne également et me fait face.

— Est-ce que tu pourrais être en couple avec moi ? insiste-il.

J'avais donc bien entendu. Pourquoi me demander ça ? Et surtout pourquoi maintenant ? De toute façon, qu'est-ce que changerait ma réponse, Matthew Clayton n'est pas un homme fait pour être en couple avec quiconque. J'ai pu m'en rendre compte à bien des égards.

— Tu racontes n'importe quoi. Faut-il que je te rappelle ce qu'il s'est passé la dernière fois que nous nous sommes rapprochés ?

— Si tu parles de l'histoire avec Adam, je suis vraiment désolé.

Je ne le vois pas, mais j'entends à sa voix qu'il a honte et le connaissant, je suis sûre qu'il baisse les yeux à ce moment-même. Mais je ne décolère pas et hausse le ton :

— Bien sûr que je parle de cette histoire. Ce mec me touche sans mon consentement et au lieu de me défendre tu oses crier devant tous les invités que je l'ai bien cherché ?

— Elyssa, murmure-t-il en me prenant la main dans le noir. Je sais que j'ai réagi comme un pauvre connard, mais c'est toi aussi, je n'ai jamais ressenti ça !

Parce que ça va être ma faute maintenant ?

— De quoi parles-tu ? le questionné-je, lui laissant le bénéfice du doute.

Il me lâche alors la main, rallume la lumière avant de me reprendre la main et de planter ses iris verdâtres dans les miens :

— Je parle du fait que tu me rends complètement fou, Elyssa. Je sais que j'ai complètement vrillé ce soir-là. Je t'ai vu l'enlacer ce midi-là quand je suis sorti déjeuner et quand je l'ai vu te toucher, j'ai complètement perdu la raison.

Mon cœur rate un battement quand je l'entends prononcer ces mots. Matthew est « fou de moi », comment est-ce possible ? Cependant, bien que mon cœur s'emballe à ces paroles, je ne peux pas me laisser attendrir, pas après ce qu'il s'est passé :

— Ce n'était pas une raison pour m'accuser d'avoir provoqué cette situation, ne cédé-je pas.

— Je le sais, et dieu seul sait combien je suis désolé et combien j'ai honte de t'avoir dit ça...

Je ne lui réponds pas tout de suite, étonnée qu'il se confie à moi si facilement, lui qui est si pudique d'habitude. D'ailleurs, lorsque je le regarde, j'ai l'impression de voir une larme au coin de son œil. Il est donc vraiment sincère ?

— Même si tu es désolé, le mal est fait Matthew.

— Je le sais, mais je peux tout réparer. Je t'en prie Elyssa, pardonne-moi, me supplie-t-il en repoussant une mèche de mes cheveux qui venait de tomber devant mon visage, dans un geste tendre et délicat.

Ce geste électrise de nouveau mon corps et mon cœur se met à battre plus fort. C'est ainsi que je me mets à me remémorer tous les moments où je n'espérais qu'une chose au fond de moi, que ces sentiments soient réciproques. Et aujourd'hui qu'ils ne sont, moralement je suis obligée de lui en vouloir, c'est pour cette raison que je le menace :

— Si tu me dis tout ça juste pour me mettre dans ton lit [...]

— Je te promets que ce n'est pas le cas, me coupe-t-il avant que je ne puisse terminer ma phrase.

— Et comment puis-je en être sûre ? lui demandé-je, sonnée par cette discussion à laquelle je ne m'attendais pas.

— Parce que je veux devenir un meilleur homme pour toi, Elyssa.