Chapitre 16 - Visite nocturne
Enfin parvenue à mon bureau, Alexia se tourne vers moi pour que je lui raconte ma discussion avec Matthew, et à la fin de mon récit elle pouffe de rire :
— Au moins, cette fois, on peut dire que tu l'as bien remis à sa place !
— Arrête Alexia, ça ne me fait pas rire, que suis-je censée faire maintenant ?
C'est vrai quoi, j'ai couché avec notre boss puis je l'ai rejeté. Comment suis-je censée travailler pour lui désormais ?
— La question est plutôt : qu'est-ce que tu aimerais faire ?
Sauf que je n'ai aucune réponse à cette question. Mon cerveau ne veut plus le voir et mon cœur a envie de comprendre ce qu'il lui est passé par la tête ce soir-là.
— Je ne sais pas, je ne comprends pas comment nous avons pu passer un moment aussi incroyable ensemble et ensuite en arriver là.
— Je t'avais prévenu Elyssa, cet homme ne cherche que du sexe...
Cependant, ce n'est pas l'impression que j'ai eue ni le premier jour ni maintenant. J'ai plutôt la sensation qu'il se cache derrière cette figure d'homme qui copule à droite et à gauche. Mais quel que soient les intentions de cet homme, Alexia avait raison, je n'aurais jamais dû me laisser aller avec lui, il ne m'apporte rien de bon jusqu'ici. Il faut vraiment que je le sorte de ma vie. Ou du moins de ma vie personnelle.
— Tu as peut-être raison De toute façon je ne veux plus lui parler en dehors du boulot, affirmé-je, sûre de moi.
— Eh bien j'espère que tu vas réussir à t'y tenir cette fois !
— Compte sur moi ! approuvé-je, d'une voix si enjouée que je ne me reconnais pas.
Ce sont sur ces mots que nous nous remettons au travail, même si j'ai l'étrange sensation qu'Alexia ne croit pas en ma réponse...
***
En fin d'après-midi, tandis que je suis presque arrivée chez moi, Lou, ma meilleure amie, m'envoie un message pour m'informer qu'elle m'a fait livrer un cadeau que je devrais recevoir ce soir. Cependant et malgré le fait qu'elle ne souhaite pas me dire ce que contiendra ce paquet, j'ai ma petite idée. La semaine dernière, je lui ai expliqué la situation avec Matthew et depuis la mort de Jason, dès que j'avais besoin de réconfort elle me faisait livrer une boite de chocolat. Au vu des derniers évènements, je suppose que c'est donc ça le fameux cadeaux qui me sera livré. Cette fille est vraiment la seule attache qu'il me restait dans mon village de naissance car je n'ai eu qu'une amie et c'était elle. J'ai évidemment parfois parlé avec d'autres personnes, mais je les ai toujours perdus de vu. Puis quand mes parents sont morts, je me suis encore plus renfermée sur moi-même alors je n'ai certainement pas fait de nouvelles rencontres. Quand j'ai finalement décidé de venir vivre ici, je lui ai égoïstement proposé de venir avec moi, mais sa vie à elle ne s'était pas écroulée, elle n'avait pas de raison de me suivre. À vrai dire, je ne lui en ai même pas voulu un instant de refuser, même si aujourd'hui sa présence me manque énormément. C'est pourquoi, savoir que même à plusieurs centaines de kilomètres, elle perpétue cette tradition de chocolat me réchauffe le cœur. Je sais qu'elle sera toujours là pour moi.
Enfin arrivée à mon appartement, je dépose mon sac à main et mon trench beige dans l'entrée avant de filer à la douche et d'enfiler mon pyjama préféré composé d'un débardeur noir et d'un short violet. J'ai déjà programmé toute ma soirée dans ma tête : plateau repas devant Netflix avec en dessert, mes fameux chocolats. Personne ne pourrait gâcher mon enthousiasme à ce moment-là. Néanmoins, c'est alors même que j'ai encore ma serviette attachée sur ma tête pour sécher mes cheveux, que la sonnette de l'entrée retentit. C'est le livreur ! Tel un coureur de sprint, je me précite pour lui ouvrir, toute souriante. Cependant, quand j'ouvre la porte, la surprise est tout autre :
— Bonsoir Elyssa...
Oh non ! Moi qui disais que rien ne pouvait me faire déchanter après la soirée que je me suis préparée, j'aurais peut-être mieux fait de me taire.
— Matthew ?! Qu'est-ce que tu fais là ? m'exclamé-je complètement étonnée de le voir là, devant ma porte, étant donné qu'il devrait encore être au boulot à cette heure-ci.
— Tu n'as pas voulu me parler aujourd'hui et c'est la seule solution que j'ai trouvée pour te dire ce que j'avais sur le cœur.
Son sourire supérieur qu'il arbore d'habitude est effacé, je croirais même percevoir de la timidité dans son attitude. En revanche, je ne compte pas le laisser entrer.
— Je n'ai plus rien à te dire Matthew Clayton, dis-je en refermant la porte.
Persuadée de m'être débarrassée de lui, je sursaute quand je constate qu'il a eu le réflexe de caler son pied entre le pas de la porte. Malgré mon refus, il la rouvre donc et poursuit :
— S'il-te-plaît Elyssa, implore-t-il avec une tête de chien battu. Juste cinq minutes.
Je sais que je ne devrais pas, je sais que je devrais lui dire de partir, lui hurler que je le déteste et que je ne veux plus jamais lui adresser la parole. Mais s'il a fait tout ce chemin pour venir me parler, s'il est si insistant, c'est qu'il a une bonne raison, non ? C'est ainsi qu'après une minute de réflexion, je cède finalement et le laisse entrer. Néanmoins, souhaitant lui montrer que je n'ai pas décoléré depuis ce weekend, je rajoute :
— Ok, mais juste cinq minutes, pas une de plus !
— Promis, souffle-t-il, comme soulagé que j'accepte de le laisser entrer et de l'écouter.
À peine est-il arrivé dans le salon que je remarque que ses yeux vont partout, comme le ferait un enfant en rentrant chez un inconnu. Il parcourt ainsi ma pièce du regard avant que ses iris ne reviennent sur moi. Merde, je suis en pyjama me rappelé-je. Avec une foutue serviette sur la tête. Évidemment, il fallait qu'il passe quand j'étais dans cet accoutrement... Super la crédibilité avec ça, Elyssa ! Remarquant ma gêne immédiate, il sourit. Mais cette fois-ci il est hors de question qu'il s'en sorte comme ça ! Il est hors de question qu'il se moque de moi, pas maintenant, pas après ce qu'il m'a dit ! Je coupe donc court à ce moment et lui demande :
— Je suppose que tu n'es pas là pour ma livraison, ironisé-je.
— Une livraison d'excuse ça compte ? tente-t-il de blaguer.
Mais je n'ai pas envie de rire, loin de là.
— Pourquoi des excuses ? demandé-je, sèchement.
— Elyssa, tu le sais bien ...
— Non je ne sais pas Matthew, dis-moi ! crié-je tandis que toute la haine que j'ai contre lui depuis cette soirée est en train de ressortir.
— Je suis désolé de t'avoir dit que tu méritais ce qu'il s'était passé ce soir-là. J'ai été très con, je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça.
Il ne sait pas pourquoi il a dit ça ? Il rigole, j'espère ? C'est donc ça qu'il appelle des excuses ? Je crois rêver !
— Tu n'as pas été très con Matthew, tu es très con ! As-tu pensé un seul instant à ce que j'ai pu ressentir ce soir-là quand Adam m'a embrassé de force ? Crois-tu savoir ce que j'ai vécu quand je t'ai vu arriver, que je pensais que le cauchemar était terminé, et que tu as craché que je l'avais méritais. Tu ne vaux pas mieux que lui à penser ça !
Ça y est, mon venin est lâché. Pourtant, j'ai l'impression que cette discussion ne va pas se terminer de sitôt.
— Elyssa, je ne suis pas ce genre d'homme. Je ne suis peut-être pas parfait certes, mais je ne tolère pas les agressions sur les femmes, m'implore-t-il de nouveau en essayant de me prendre la main.
Mais immédiatement, je le repousse :
— Tu as été ce genre d'homme ce soir-là pourtant. On m'avait prévenu de qui tu étais, j'aurais dû les écouter. Maintenant sors de chez moi s'il-te-plaît. Je ne veux plus parler de cette soirée.
Furieuse, je dois ravaler mes larmes qui menacent de couler. Il n'est pas question de paraitre faible. Pas maintenant.
— Mais Elyssa, si je tolérais ce type de comportement je n'aurais pas frappé Adam !
— Si tu ne le tolérais pas tu m'aurais soutenu au lieu de m'enfoncer devant tous les invités. Maintenant sors de chez moi, je ne te le redirais pas !
Ma voix est sèche, l'ordre est net. Il doit penser qu'il peut encore réussir à m'avoir avec ses belles paroles car il me supplie une dernière fois :
— Elyssa ...
Cependant cette fois-ci je ne cède pas et me dirige vers l'entrée pour lui ouvrir la porte et l'inciter à partir. Vaincu, il me suit ne cessant de s'excuser et de me demander de le pardonner. Néanmoins, je ne lâche pas et referme la porte derrière lui, légèrement à contrecœur. En effet, je me dois de reconnaitre que même si je suis incapable de passer au-dessus de ses paroles du week-end, ses excuses étaient sincères. C'est pourquoi je suis complètement perdue : pourquoi avoir dit ça pour le regretter ensuite ? Pourquoi avoir dit ça s'il ne le pensait pas ?
Cet homme est réellement un mystère pour moi, mais pire que ça, il est surtout la cause de maux. Je ne sais jamais comment va se terminer un moment passé avec lui. Parfois, comme cette soirée-là, je me sens comme une femme exceptionnelle à ses côtés, je pourrais presque voler. Puis, à d'autres moments comme aujourd'hui, il me fait me sentir comme toutes ces femmes qui croient en une relation avec un homme qui leur est inaccessible. Et je refuse d'être dans la seconde catégorie.
Mais il est tard, et j'en ai marre de ruminer. C'est ainsi qu'après avoir récupérer mes chocolats livrés à la demande de Lou, quelques minutes après le départ de Matthew, je m'autorise à en déguster une bonne partie devant ma série avant d'aller me coucher. Néanmoins cette nuit-là je dors très mal, comment vais-je faire pour continuer à bosser pour cet homme qui me blesse autant qu'il m'attire ?
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