Rendu d'écriture semaine 7 : Forget me not

TW/Attention ! : tentative de su*cide (interrompue avant de vraiment commencer, mais je préfère avertir), séquestration, violence, traumatisme, lavage de cerveau, abus sexuels évoqués mais pas décrits, mort... Peut-être pourrais-je encore en rajouter mais rien d'autre ne me vient comme ça à l'évocation de cet écrit... Bref, âmes sensibles, s'abstenir. C'est mieux, le texte en lui-même a été dur émotionnellement à écrire pour moi, alors... ;^;

Je pense que je vais classer le livre en mature pour ce chapitre, je ne voudrais pas que des lecteurs non-avertis tombent dessus par erreur...

Matcatb : Si tu ne te sens pas à l'aise de tout lire, je comprendrais parfaitement mais c'est l'idée que j'ai eu qui selon moi se rapproche le plus du thème que tu m'as donné, sinon les autres étaient hors-sujet...

Ceci est une pure fiction, toute ressemblance avec des personnages ou personnes existants dans la vie réelle serait le fruit d'une pure coïncidence.

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- Harper ? Oui, c'est moi... Je peux te dire quelque chose ?


   Dès le début, j'ai compris qu'il n'était pas comme d'habitude. Il ne m'appelait jamais, il préférait passer me voir à la maison pour saluer mes parents. Quelque chose clochait. J'aurais dû l'arrêter, l'empêcher de continuer, mais il a insisté.


- C'est important... Je dois être franc avec toi, tu sais que tu comptes beaucoup pour moi.

- Arrête Tom. S'il-te-plaît, arrête... ai-je murmuré, presque suppliante.

- Harper, c'est fini. On ne peut plus continuer comme ça, je sais que tu n'es pas heureuse.


   Il l'a dit comme si c'était de ma faute. À ces mots, j'ai explosé, à bout :


- Et qu'est-ce-que tu en sais d'abord ?!? Tu n'es jamais là ! Tu n'es pas en position de juger mon bonheur ou non ! Tu ne sais rien, rien, rien...

- Justement. Ce n'est plus possible, tu vois dans quel état ça te met... Je ne veux pas que tu te ronges les sangs pour moi, tu vaux mieux que ça. Je te quitte.

- Mais... J'ai fait quelque chose ? Si c'est à cause de la distance, on trouvera une solution, ai-je dit après m'être calmée.

- Non Harper, ce n'est pas toi le problème. Tu es géniale, a soufflé Tom.


   Je tremblais dans ma chambre, seulement illuminée par deux ou trois rayons de lune. Ma main était en proie à des soubresauts incontrôlables, mon téléphone a glissé et rebondit au sol. Je n'ai jamais su avec certitude ce qu'il a dit ensuite mais j'aurais juré l'entendre souffler et murmurer ces quelques mots :


- Je t'aime. Adieu.


   Et il a raccroché.

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

   Je ne sais pas où je vais. Je crois devenir folle. Mon souffle entrecoupé de sanglots difficilement réprimés se mélange à ma respiration plus que chaotique depuis je ne sais combien de temps. Je ne peux pas montrer aux passants que je ne vais pas bien, être victime de l'attention des badauds.

   Non, non, non, non, non, non...

   Je tourne à gauche, la rue est vide. Personne. Juste le silence, c'est parfait. Parfait pour ce que je vais faire.

   Les pavés sont gris, les murs des maisons aussi. Je me laisse glisser au sol de béton trempé et le sors de ma poche. La lame est courte mais aiguisée. Elle luit sous les néons jaunes des lampadaires.

   Machinalement, je relève ma manche, dévoilant mon bras nu à l'air libre. Puis je passe le couteau dessus, l'entaillant légèrement. Une goutte écarlate perle de ma blessure et je regarde cette touche de sang sur mon épiderme immaculé, à peine consciente de la morsure de la lame sur ma peau.

   Des pas s'approchent de moi, légers, encore distants. Je range précipitamment mon arme et cache mon bras malgré la sensation de brûlure qui me traverse au contact du tissu rafraichi par l'hiver.

   Une voix d'homme s'adresse à moi, douce et chaleureuse :


- Que fais-tu ici par ce temps-là ? Tu devrais rentrer chez toi, tu vas attraper froid...

- Je ne veux pas rentrer.


   Mon interlocuteur sourit avec bienveillance quand je me retourne. Je ne vois que la moitié basse de son visage, l'autre est cachée par le rebord d'un chapeau gris. Ses cheveux noirs lui descendent jusqu'en dessous des oreilles et il est vêtu d'un long manteau parfaitement accordé avec son couvre-chef.

   Je réprime un bâillement et cligne plusieurs fois des paupières, épuisée.


- Pourquoi donc ?

- C'est trop dur.


"Trop de souvenirs de lui..."


- Je comprends bien, mais tu ne peux pas dormir dehors par ce temps-là, ce n'est pas prudent.

- Je suis bien obligée Monsieur, mais ça ira, ne vous inquiétez pas pour moi...

- Il va geler cette nuit, ce n'est vraiment pas raisonnable.


   L'homme semble réfléchir un instant, pensif, et déclara finalement :


- Tu n'as qu'à venir dormir chez moi pour ce soir, au moins le temps de trouver une solution et de rentrer chez toi, j'ai une chambre d'amis disponible. Ma femme ne dira rien, je lui expliquerai ton problème, elle comprendra.

- Vous êtes trop gentil, mais je ne peux pas, je vais vous déranger.

- Je préfère que tu me déranges une nuit que de te savoir seule dehors sur la conscience. 

   Frigorifiée et fatiguée, je me relève et souffle doucement de résignation. Le vent se lève. L'homme avance à petits pas feutrés et je le suis docilement. 

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

- Myosotis ? Réveille-toi, c'est l'heure. 

   Une douce voix féminine s'éleva près de moi. Elle appellait quelqu'un, mais qui ?

- Myosotis... Tu dois nous aider à mettre la table pour le déjeuner, Il risque d'être de mauvaise humeur en revenant...

   J'ouvris les yeux dans la sombre clarté environnante de la pièce suintante d'humidité. Une jeune fille me regardait de ses grands iris verts, à peine plus âgée que moi.

- Laisse tomber Violette, je m'en occupe. Tu peux aller préparer le déjeuner, Marguerite pourra t'aider, rétorque une grande brune.

   La dénommée Marguerite hocha précipitamment la tête à ces mots et s'élança à la suite de la jeune fille m'ayant réveillée, Violette.

   Une fois seule avec moi, la femme aux longs cheveux bruns se pencha vers moi et me demanda presque brutalement :

- Comment tu t'appelles ?

- Je... Harper Johnson.

- Bien. Ne l'oublie surtout pas, c'est important si on arrive à sortir de là. Moi c'est Anna Velazquez, mais tu vas devoir m'appeler Iris en sa présence sinon Il te punira...

- Je ne comprends rien...


Iris lâcha un soupir et me sourit d'un air désolé.


- Pardon, j'aurais dû commencer par le début. Si tu es ici, c'est qu'Il a réussi à t'enlever. Il est très malin, trop malin. Il séquestre les jeunes femmes seules, sans famille, comme ça personne ne vient les chercher... J'étais SDF avant qu'on m'emmène ici. Quelle idiote je fais, si j'avais su...


   Et elle fondit en larmes silencieuses tandis qu'une immense boule au ventre me gagnait. Je ne pouvais pas être séquestrée, c'était impossible.


- Mais, Iris... J'ai une famille. J'ai des amis. Je ne vis pas seule...


   Elle releva brusquement la tête, les yeux illuminés d'une nouvelle lueur d'espoir au milieu des torrents qui ruisselaient auparavant de ses paupières et me sourit de ses dents blanches.


- Quoi ? fit-elle avec un hoquet de surprise, n'en revenant pas. Il aurait fait une erreur ? Le c*n ! Il s'est trompé ! Elle est bonne celle-là...


   Iris passa une main sur son visage, ébouriffant ses longues mèches lisses, trop choquée pour penser correctement. Elle commença à rire nerveusement.


- Tu sais ce que ça veut dire Myosotis ? Si ta famille te cherche, nous sommes peut-être sauvées. Ne l'évoque surtout pas devant Lui, d'accord ? Il essaiera de te forcer, te menacera, mais ne cède pas. Pense à ceux qui t'attendent dehors.


   Je hochai la tête machinalement, comme si j'étais devenue robotique, faite de clous, de vis et de métal. Je déglutis, incapable de parler. Mon interlocuteur de la veille était sûrement notre kidnappeur... Qui sait ce qu'il avait fait endurer à ces filles ?


- Autre chose avant de te retrouver en sa présence. Ne confie rien à Violette, elle est passée de son côté. Il lui a lavé le cerveau, pauvre gamine... Elle te dénoncera à Lui à la moindre parole allant à son encontre. Tu dois toujours répondre au nom de Myosotis avec Lui et les autres filles. Marguerite ne caftera pas, tu peux lui faire confiance.


  Iris baissa la voix pour me confier une information, pesante dans le lourd silence de la cave :


- Elle est devenue muette à cause de la torture qu'Il lui a fait subir. Elle a refusé qu'Il l'appelle par son nom de fleur. Ne fais pas la même erreur Harper, je t'en conjure. C'est compris ?


   Mes yeux s'écarquillèrent et ma bouche resta grande ouverte, béante. J'étais immobile et horrifiée. Surtout horrifiée.


- Mais... Je... C'est un monstre ! parvins-je seulement à articuler, le regard fou.


   Mon "amie" lâcha un hoquet de désillusion, les pupilles perdues dans le vague et me répondit en appuyant chaque syllabe de mon pseudonyme.


- Tu en doutais encore, Myo-so-tis ?


   Je ne lui répondis pas, mon cerveau tournait à plein régime. Une question m'effleura la langue sans que je puisse la retenir :


- Dis-moi Iris... Il ne t'a pas... tu vois...

- Si. Il m'a touchée. Et je n'ai rien pu dire, continua-t-elle, le visage indifférent. Il fonctionne par périodes. Au début, c'était Marguerite. Après, Violette. Puis moi. Tu as  à peu près deux mois avant qu'il s'intéresse à toi, mais on va tout faire pour t'épargner ça. On sortira Violette aussi, ça la ronge déjà bien trop de rester là. Tout ce qui compte, c'est de sortir de cet enfer, je ne veux pas clamser ici en silence. C'est hors de question, je ne le supporterais pas. Allez petite, il faut qu'on aille manger.


   Et elle m'aida à me lever tandis que mes jambes se tenaient à peine debout, vidées de toute énergie. Son visage plus que préoccupé resta gravé dans ma mémoire.

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

   Le début du repas se passa bien. La salle à manger n'était pas très différente de celle d'une maison habituelle, l'atmosphère y était assez chaleureuse. Puis ils arrivèrent. L'homme de la ruelle et sa voix insupportable à mes oreilles, cette voix doucereuse se répandant partout tel un poison mortel, nocif pour nous autres, captives.

   Il s'assit comme si de rien n'était et commença à nous demander ce que nous avions fait. À chaque fois, c'était Violette qui répondait, piaillant par-ci par-là d'un ton très détendu tandis que j'étais tétanisée, ma fourchette glissant de ma main tremblante.

   Je le fixai et chacun de ses mouvements me créait par flash des images de lui torturant Marguerite au point de la rendre inapte à la parole. J'étais comme une proie dans le collimateur du chasseur. Sans échappatoire possible.

   Mon regard terrifié ne le quitta pas du dîner et je me crispai de peur à chaque geste un peu trop brusque, me retenant de pleurer ou crier. Fichues crises d'angoisse. Allait-il me frapper ? Frapper une autre ? Essayer de me toucher plus tôt que les prédictions d'Iris ? Cette pensée me révulsait au point de devoir retenir des haut-le-cœur. J'en étais malade.

   Au milieu d'une conversation, il s'interrompit et me fixa de ses iris bleus :


- Au fait Myosotis, appelle-moi Père, d'accord ?


   Je l'ai dévisagé, figée, métamorphosée en statue d'ivoire. Et j'ai hoché la tête, les muscles de mon cou endoloris par la pression.


   Le repas fini, je partis me coucher sur un matelas qu'on m'avait attribué. Il emmena finalement Iris avec lui, tandis que je ne pouvais qu'assister à ses veines suppliques, impuissante. Je ne la revis pas de la soirée mais je distinguai des bruits étouffés provenant d'une pièce voisine et plus tard, des cris. Je ne dormis pas ce soir-là, et les suivants non plus.

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

   Je me faisais la plus petite possible, attendant toute la journée que la police débarque, me sauve de cet enfer sans lumière.

Je cessai de vivre des semaines durant, pleurant, devenant folle à force d'attendre, recroquevillée dans mon coin, prostrée contre le mur gris, balayant la salle d'un regard craintif tel un animal apeuré.

   Je voulais revoir ma mère. Mon père. Mon frère Nash aussi. Et surtout, je tenais à revoir Tom. Tom et son sourire à toute épreuve... Mais nous n'étions plus ensemble. Était-il seulement au courant de ma disparition ? Et je tremblais de savoir que, peut-être, il l'ignorait.

    Me pensait-il heureuse avec ma famille, ravie de l'oublier, loin de ce lieu de tous les cauchemars ? Une part de moi, indécise, l'espérait secrètement, voulant le préserver. Préserver ses études, son avenir. Sa vie.

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

   J'avais tenté, un jour, de discuter avec Violette. Si j'avais su à quel point elle était atteinte... La conversation est partie beaucoup trop loin.

- Myosotis, Père veut notre bien, m'avait-elle presque admonesté après lui avoir confié mes angoisses. Il nous a recueillies quand nous étions à la rue, nous offre un logis, à manger, des vêtements, de quoi vivre. C'est un homme bon, très bon. Et aimant aussi. Il faut le remercier. Nous sommes tous unis. Nous sommes une grande famille, tu le sais ? Marguerite n'a eu que ce qu'elle méritait, c'était une pleurnicharde. Ses cris ont attiré Sa colère. Au moins, elle ne criera plus, maintenant.

   Et je suis partie pour ne plus la voir, furibonde.

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

   Nous ne le voyions qu'à l'heure du dîner, quand Il revenait du travail. Il n'avait alors jamais posé la main sur moi.

   Et puis un soir, tout a dérapé. Il est rentré en coup de vent, ivre, et m'a appelée alors que je discutais avec Iris. Je me rappellerais toujours de ses yeux figés sur mon visage horrifié. Consciente de ma terreur, elle m'a suivie de loin et s'est cachée derrière un pan de mur pour nous écouter.

   Il n'arrivait pas à parler clairement et s'arrêtait toute les phrases pour me lorgner de son regard lubrique tandis que je n'osais pas bouger d'un centimètre, pétrifiée par l'anxiété grandissante en moi. Enfin, il a lâché pâteusement ce que je n'aurais jamais voulu entendre de sa bouche :


- Je ne t'ai pas accueillie pour que tu sois une bonne à rien. C'est l'heure pour toi de me servir un peu.


   Il m'a attrapé le poignet et m'a brusquement tirée vers une pièce au fond du couloir central : sa chambre. Ma peau s'est recouverte de chair de poule. J'étais écœurée. La nausée montait en moi, inarrêtable.

   Sa main s'est posée sur ma hanche tandis qu'il chuchotait :


- Je vous aime toutes, mes petites fleurs chéries. Vous êtes jeunes, vous êtes belles, vous êtes pures. Vous ne connaissez pas la laideur du monde autour. Et bientôt, tu connaîtras le bonheur de fonder une famille.


   Je n'osai pas respirer, les larmes montaient. J'allais être salie. J'étais terrifiée, comme un chat noir qu'on allait jeter dans les flammes du bûcher. Sacrifiée aux mains d'un pervers. Et je commençai à crier et me débattre.

   Il colla sa main dont émanait une puissante odeur d'alcool pur pour me faire taire.


- La ferme espèce de sale gamine ! Tu vas nous faire repérer !!! M*rde...


   Notre ravisseur me poussa au sol et je me cognai la tête contre le carrelage. Mes pleurs redoublèrent et je me mordis la lèvre d'effroi, les yeux fous, tandis qu'il pénétrait dans sa chambre pour en ressortir aussitôt, un couteau à la main.


- Tais-toi où je te b*te, tu entends ?!


   Il ne fallait pas qu'Iris tente d'intervenir, il était instable, violent. Mais trop tard, je l'aperçus soudain devant le couloir, bouillonnante de rage. Impossible à calmer. Elle semblait dans un état second, folle.

   Tout se passa très vite, sans que je puisse intervenir. Elle courut vers nous et frappa plusieurs fois mon agresseur, me hurlant de fuir. Les images se mélangeaient dans mon esprit, dansaient devant mes yeux tétanisés par l'horreur.

   Puis, tout ne fût plus que sang, sang et sang. Iris s'écroula au sol, une main appuyant sur sa poitrine où s'étalait une immense tâche écarlate. Du sang, encore du sang. Il l'avait poignardée.

   Je me ruai sur elle, essayant de l'aider malgré mes gestes désordonnés, appuyant mes paumes sur sa plaie pour endiguer l'hémorragie.

   Marguerite et Violette déboulèrent en trombe, sans doute alertées par le raffut causé par mon agression.

  Marguerite aperçut Iris et se précipita à son chevet, prenant la relève pour compresser sa plaie.

   Violette, quant à elle, resta pétrifiée face à cette scène d'horreur, fixant notre ravisseur d'un regard absent, brouillé par les larmes montantes et murmura :


- Qu'est-ce-que tu as fait ?

- Je ne voulais, je... Je suis tellement désolé. J'ai eu peur... essaya-t-il de se défendre en laissant tomber son arme pour venir l'enlacer.

- Ne me touche pas, je refuse. Tu es un monstre.

- Violette, comment peux-tu dire ça de moi ? Je m'en veux déjà énormément. Je t'aime, tu es la seule que j'aime Vi... Nous devons partir loin, où personne ne nous trouvera.


   La jeune fille s'interrompit, désormais glaciale, et le jaugea d'un air méprisant.


- Dégage. Tout de suite. Il n'y aura jamais de "nous".


   L'homme fondit en larmes et ramassa son manteau, las. Il sortit par la porte, ne cherchant même pas à camoufler son erreur.

   Je sentis Marguerite me tirer par l'épaule vers Iris et je me retournai face à la muette qui m'observait, l'expression défaite.


- Je suis désolée pour ta voix. J'aurais tant aimé connaître ton nom...


   Elle me sourit et pointa du doigt ma première amie qui souffrait le martyre, agonisante sur le carrelage damé de noir et de blanc, étendue dans un lac de sang.

   La blessée en état grave s'adressa à moi tandis qu'un rictus étirait faiblement la commissure de ses lèvres, un éclat de joie dans les yeux :


- C'est bientôt fini Harper, vous allez pouvoir sortir de là...


Je lui pris la main, tremblante, retenant mes sanglots.


- Toi aussi Iris, toi aussi.


   Une mèche imbibée de fluide écarlate de ses longs cheveux bruns lui tombait sur le visage, masquant sa vue. Je l'écartai du bout des doigts, de peur de la briser d'avantage. Je remarquai seulement maintenant à quel point elle souffrait, tout ce qu'elle avait enduré dans ce lieu cauchemardesque. Son visage était pâle comme la mort, émacié, ses yeux devenaient de plus en plus vitreux au fur et à mesure que les secondes filaient, irrécupérables. Sa respiration et son pouls étaient presque inexistants. La prononciation de chaque mot, chaque syllabe, devait relever de l'effort insurmontable. Cette fille si courageuse s'adressa à moi d'un ton joueur :


- Au fait Harper... Tu sais comment on dit "myosotis" en anglais ?


Je hochai la tête en signe de dénégation, inquiète et désespérée.


- C'est forget me not.


   Alors, comprenant en cette phrase une dernière demande dissimulée, je ravalai ma terreur et lui chuchotai à l'oreille :


- Promis, je ne t'oublierai pas. Résiste encore un peu, et bientôt tout ça ne sera plus qu'un vague souvenir. Reste avec nous, Anna.


   Et c'est là que j'entendis les sirènes d'ambulance et des voix à l'étage.


"Les secours sont arrivés."

♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪♪

   Le reste ? Il compte bien peu après l'horreur subie durant ses semaines où nous étions enfermées.

   La suite relève d'une autre histoire, un autre récit. Pas le mien.

   Peut-être vous raconterais-je un jour ma vie d'après. Ou pas.

   Libre à vous de l'imaginer.

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