Chapitre 40
« Ciel ! Ciel ! » l'appelait Ayame.
Il se sentait reprendre conscience mais était trop faible pour même ouvrir les yeux. La main d'Ayame dans la sienne le maintenait éveillé alors qu'il aurait aimé retourner à son pseudo-sommeil. Il se sentait allongé dans un lit moelleux, cette sensation était agréable. Mais elle ne pouvait pas durer.
Ayame continuait de l'appeler. Si elle s'appelait bien Ayame.
Baronne Ayame Lazuli 1877-1899.
Il se releva en sursaut.
Ayame, ou celle qui se faisait appeler ainsi, le regardait avec inquiétude. Il sortit du lit et de la chambre en trombe et se dirigea à la hâte dans le jardin, à la recherche des tombes.
« Ciel ! » l'appela Ayame en le suivant.
Il continua sa recherche, se demandant s'il n'avait pas tout simplement rêvé, priant pour que ce soit le cas, pour qu'Ayame ne soit pas une imposture. Mais il les trouva.
Baronne Ayame Lazuli 1877-1899.
Elle était bien là, la tombe d'Ayame, morte il y a deux ans de cela.
« Ciel » l'appela à nouveau Ayame qui venait d'arriver derrière lui, suivie de Sebastian.
Peut-être se trompait-il. Après tout, cela pouvait avoir beaucoup de significations. Ayame avait peut-être été transformée en démon il y a deux ans, et ce serait une manière d'enterrer sa vie de simple mortelle. Ou peut-être avait-elle décidé de prendre un nouveau départ après la mort de Yuuka. Peut-être, peut-être que... Non, il y avait forcément une autre explication. Ce qu'il avait vécu avec elle, c'était vrai. Elle n'avait pas menti là-dessus, si ? Qui était la personne face à lui ?
« Ayame ? » demanda-t-il.
Elle baissa le regard, l'air honteuse. Et le cœur de Ciel se brisa.
« Il faut que je t'explique, dit-elle.
— Non ! Sebastian ! Tu étais au courant ? Réponds-moi ! »
Sebastian avait l'air perturbé. Il se rapprocha de la tombe et y lu le nom.
« Non, dit-il, je ne savais pas, My Lord. »
Évidemment, pensa-Ciel, il n'aurait pas caché une information aussi importante. Même s'il n'avait rien dit à propos de Shûsei.
« Ciel ? Laisse-moi t'expliquer, écoutes-moi.
— Sebastian, on rentre. »
Et sur ce, il partit sans se retourner. Sebastian le suivant, mais lançant un dernier regard interrogateur vers Ayame et Shûsei.
★★★
Elle avait menti sur son identité. Combien de choses encore cachait-elle ?
Je pensais l'avoir comprise depuis longtemps, depuis le moment où elle m'avait fait rencontrer Shûsei et m'avait expliqué "toute l'histoire". Mais ce n'était visiblement pas toute l'histoire. Je n'avais rien dit à Ciel parce qu'elle me l'avait demandé mais surtout parce que je considérais pouvoir lui faire confiance.
Étrangement, je considérais toujours pouvoir lui faire confiance. N'est-ce pas illogique au vu de la situation ? Mais elle m'avait prouvé à plusieurs reprises que son histoire était vraie. Je savais qu'elle avait vécu tout ce qu'elle avait raconté sur ces deux dernières années puisque la tombe prouvait qu'elle possédait cette identité depuis tout ce temps. Mais ce qu'elle avait raconté sur sa vie avant ces deux années, elle ne l'avait pas vécu mais tout était vrai, et elle l'avait raconté comme si elle l'avait elle-même vécu. Si elle n'était pas Ayame, elle l'avait tout au moins très bien connue avant sa mort.
Une sœur ? Mais je ne lui avais trouvé aucune autre famille que ses parents. Ou alors une simple amie ?
Comment expliquer qu'elle cherche ainsi à venger Yuuka ? À moins que...
À moins qu'elle n'ait jamais cherché à venger Yuuka, mais Ayame. Je devais trouver comment Ayame était morte. Mais la réponse me paraissait évidente : Ayame et Yuuka étaient mortes dans la maison. Et ce serait pour ça qu'elle cherchait à venger Ayame comme si elle voulait venger Yuuka, parce que leur mort avait la même cause. Après tout, d'après les dates, Ayame et Yuuka étaient mortes la même année.
Ça ne répondait pas à l'énigme sur sa véritable identité, mais j'étais sûr de deux choses : Ayame - ou celle qui avait pris sa place - était quelqu'un de confiance, car sinon, jamais Shûsei ne l'aurait aidé, et elle était sincèrement amoureuse de Ciel. J'avais toujours été capable de reconnaître l'amour sincère lorsque je le voyais, j'avais après tout été le premier à voir que Ciel était tombé amoureux de Yuuka, avant même qu'il ne le comprenne, et j'avais aussi vu ses sentiments pour Ayame se développer. J'avais vu Yuuka tomber amoureuse. Laura et ses sentiments pour son professeur, et les mensonges qu'il lui servait en retour. Non, j'étais sûr de moi, Ayame était amoureuse. On pouvait mentir sur tout, mais on ne pouvait pas imiter l'amour sincère, pas assez bien pour me berner.
Je savais à quoi ressemble l'amour.
Je voulais partager mes théories avec le jeune maître, mais il s'était emmuré dans le silence, n'écoutait rien, ne mangeait que le minimum vital et restait enfermé dans sa chambre à longueur de journée.
J'espérais que ce qu'il venait de recevoir raviverait un peu son énergie. Il le fallait, avant la rentrée des cours, l'enquête ne nous attendrait pas éternellement.
L'enquête !
★★★
Novembre 1901.
Cher Ciel, ou peu importe ton vrai prénom,
Je ne suis pas sûre de devoir m'excuser. Je ne peux pas le faire pour t'avoir menti, mais peut-être pour ne pas t'avoir dit la vérité plus tôt.
Ciel, j'ai menti sur mon nom. Comme tu mens chaque fois que tu te présentes. Et tes raisons te paraîtront peut-être plus légitimes que les miennes.
Je n'ai pas volé la vie d'Ayame. Je ne l'ai pas tuée si cela t'inquiète. Elle est morte et j'ai juste pris le relais. Mais tout ce que je t'ai raconté à propos de ce qu'il s'est passé avec Yuuka, c'était mon histoire. Pas la sienne. Je ne l'ai pas inventé, je ne l'ai pas volé. C'est mon histoire.
Je ne sais pas si tu es encore capable de me croire, Ciel. Peu importe combien de fois je te le dis, tu ne me croiras peut-être plus jamais. Mais je ne t'ai pas manipulé. Je t'aime Ciel, je le ressens réellement. Notre histoire est réelle, mes sentiments sont sincères. J'aimerais te dire « n'en doutes pas une seconde » mais c'est sans doute trop t'en demander.
Alors peut-être que, si je te raconte mon histoire, tu me comprendras mieux. La voilà.
Lorsque j'ai rencontré Ayame, je n'étais qu'une orpheline sans personne vers qui aller, elle m'a accueilli, et ses parents ont fait de même. Elle était comme une grande soeur pour moi, et ses parents étaient comme les miens. Je me sentais chez moi. J'aurais aimé que cette paix dure éternellement mais Yuuka est entrée dans nos vies. Écrit comme ça, j'ai l'impression de le lui reprocher, mais ce n'est pas le cas, crois-moi. Ayame a décidé de l'aider à te retrouver. Elle et ses parents ont été tués pour ça. Je suppose que j'ai été épargnée parce que je n'avais aucune identité de toute manière. Je me suis cachée un moment avec Yuuka, puis j'ai pris la place d'Ayame. À partir de ce jour, Ayame n'était pas morte, une inconnue avait été tuée à sa place.
Le reste tu le sais déjà, c'est tout ce que je t'ai raconté à partir du moment où les parents d'Ayame sont morts. Il faut juste que tu saches que, celle qui est tombée amoureuse de Yuuka, ce n'était pas moi mais la véritable Ayame. Je te l'ai dit à l'époque parce que je crois qu'Ayame mérite que son histoire soit partagée. Elle a tout fait pour moi, elle a tout fait pour Yuuka. Par amour. C'était quelqu'un d'extraordinaire et tu l'aurais sans doute appréciée.
J'ai réussi à te convaincre que j'étais Ayame parce que tout ce que je t'ai raconté est vrai, il n'y a que l'actrice qui change au milieu de la pièce de théâtre qu'a été notre vie.
Je ne vais pas te faire une liste des Xs et Ys raisons pour lesquelles tu devrais quand même me faire confiance malgré mes mensonges, sache juste qu'il n'y a que mon nom et mon histoire qui soient faux, le reste est vrai. Je n'ai pas réussi à te dire la vérité avant parce que j'avais peur, peur qu'on en arrive là où on en est aujourd'hui. Je ne voulais pas te perdre, je voulais rester à tes côtés ne serait-ce qu'un instant de plus, et c'est ce que je me disais chaque jour. N'était-ce pas comme ça pour toi aussi lorsque tu gardais le secret de ton identité face à Yuuka ?
Je ne suis rien de plus que ce que tu as été pour Yuuka à l'époque. Même cette lettre n'est que le reflet de ce que tu as fait pour convaincre Yuuka de ta sincérité. Regarde en ton cœur, que te dit-il ? Que risques-tu en me donnant la même chance que celle qu'elle t'a offerte ?
Je n'abandonnerais de toute manière pas, Ciel. Parce que je t'aime.
Signé —.
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