Chapitre 35
Un coup de feu retentit et Phipps s'écroula sur le sol, inconscient. Ciel vit ce qu'il n'aurait jamais imaginé voir. C'était lui, mais sans être lui. Shûsei était là. Ses cheveux blancs étaient passés au noir, ses yeux étaient d'un rouge plus foncé qu'avant, mais c'était bien lui, aucun doute.
Il le vit courir jusqu'à Ayame.
« Tu vas bien ? »
Il vit ses doigts et son regard se durcit.
« Je vais le tuer.
— Non, l'arrêta-t-elle, il pourrait nous être utile. Détache moi. »
Il attrapa les sangles qui retenaient ses bras, mais rien n'y faisait, elles ne bougeaient pas.
« Je ne peux rien faire, dit-il, elles me contrent. »
Ayame soupira. Elle se tourna vers Ciel.
« Tu vas bien ? » demanda-t-elle.
Mais Ciel était en état de choc. Tout ce qui venait de se passer était surréel. Le kidnapping, les cris d'Ayame, ce couteau capable de la blesser, et Shûsei, pas mort.
« Je... » Sa voix refusait de sortir.
Sebastian apparut à ce moment-là, du sang le recouvrant de la tête aux pieds.
« J'ai fini, dit-il.
— Est-ce que tu peux essayer de les détacher ? » demanda Shûsei.
Il leva un sourcil, perturbé par cette étrange demande. Il se mit à la tâche mais les sangles ne bougèrent pas.
« Les démons ne peuvent rien y faire, je pense que... » Son regard tomba sur les doigts mutilés d'Ayame et son regard s'assombrit. « My Lady, je suis désolé de ne pas être arrivé avant. »
Il effleura sa blessure, ce qui fit crier Ayame. Il recula rapidement sa main.
« Comment est-ce possible ? Je ne comprends pas. »
Shûsei qui était sorti sans que personne ne le remarque, revint avec un homme blessé.
« Détache-les » ordonna-t-il froidement.
L'homme hésita mais Sebastian et Shûsei étaient si énervés qu'il savait qu'il allait mourir sur le champ s'il ne faisait rien. Il détacha Ayame puis Ciel. À peine fait, un trou de la taille d'un poing se forma dans sa poitrine et il s'effondra. Ciel accourut vers Ayame qui s'était assise à terre. Elle tremblait et son doigt ne cessait de se vider.
« Ayame, murmura-t-il.
— Il faut qu'on parte, au cas où des renforts seraient en train d'arriver, dit Sebastian.
— Je m'occupe de Charles, tu les amène au manoir ?
— Tu lis dans mes pensées. »
Shûsei disparut avec Phipps sur son épaule. Sebastian porta Ayame dans ses bras et Ciel les suivit à pied. Ils traversèrent jonchés de cadavres et couverts de sang jusqu'au plafond.
« Je suis désolé de devoir te tenir ainsi avec l'état lamentable de mes vêtements.
— J'y survivrais, dit-elle avec une grimace.
— Ce ne serait jamais arrivé si je n'avais pas autant tardé, dit-il en regardant ses mains.
— Tu n'avais aucune idée de ce qu'il se passait.
— Je ne devrais pas vous laisser seuls, vous êtes en danger partout.
— Comme si ça aurait pu changer quoi que ce soit, tu vois bien les moyens qu'ils ont maintenant.
— Je ne sais pas comment c'est possible. »
Ciel observait cette interaction surréelle. Plus rien ne faisait sens, il avait l'impression d'être au milieu d'un cauchemar, si seulement il pouvait se réveiller.
Depuis quand Sebastian l'appelait "My Lady" et depuis quand se tutoyaient-ils ? C'était la chose la moins choquante de la journée, et il voulait se concentrer dessus pour oublier le reste, mais les mains d'Ayame lui rappelait sans cesse la situation. Ils auraient pu mourir. Ils n'étaient plus intouchables.
Ils arrivèrent devant l'étendue de gazon où ils avaient été kidnappés.
« Nous voilà revenus au point de départ de cette journée, dit-Ayame et Ciel acquiesça en silence. Ciel, je t'invite à entrer chez moi. »
Ciel crut halluciner lorsqu'un manoir sortit du sol, modifiant entièrement le paysage. Une roseraie l'entourait, et du lierre grimpait aux murs.
« Je n'aurais pas besoin de te le dire à chaque fois, à partir de maintenant tu peux entrer et sortir librement. »
Ciel ne fût même pas étonné que Sebastian avance vers le manoir sans qu'Ayame ne l'y ait invité. Évidemment... il était déjà venu ici.
« Il n'y pas de salon, il faudra m'excuser mais je ne reçois jamais de visite. »
Sebastian se dirigea naturellement vers la pièce principale, un grand bureau. Il y avait tout de même un petit espace qui aurait très bien pu être un salon.
« Shûsei a installé ça lorsque Sebastian nous a rejoint. Il trouvait ça plus sympa pour les réunions que de rester debout.
— Il va falloir que tu m'expliques ce qu...
— Plus tard, My Lord, nous devons d'abord la soigner. »
Ciel soupira. Sebastian déposa Ayame sur la méridienne et se dirigea vers un placard. Il était comme chez lui ici. Une pointe de jalousie effleura l'esprit de Ciel. Il alla s'asseoir à côté d'elle et mit la tête d'Ayame sur ses genoux.
« Tu vas bien ? demanda-t-il.
— Parfait, je pourrais courir un marathon.
— Question idiote...
— Et toi ? demanda-t-elle sincèrement.
— Je crois que... »
Il sentit les larmes lui monter aux yeux, mais son élan d'émotion fut coupé court par Sebastian qui revenait avec une trousse de secours.
« Je vais m'en occuper, dit-Ciel en tendant la main.
— Avec tout le respect que je vous dois, vous ne savez même pas utiliser des ciseaux. »
Ciel se renfrogna et laissa Sebastian faire. Le sang avait arrêté de couler des doigts d'Ayame ne laissant qu'un trou noir.
« Je peux ? demanda-t-il à Ayame.
— Oui, vas-y. »
Il attrapa délicatement le moignon de son auriculaire gauche. Elle lâcha un nouveau cri qui brisa le cœur de Ciel, et la blessure se remit à saigner. Par curiosité, Sebastian toucha le liquide qui sortait de la blessure. Il n'avait rien en commun avec le sang normal, mais surtout il s'évaporait lorsqu'il touchait autre chose qu'Ayame. Ou non, plutôt, il semblait être absorbé par ce qu'il touchait. Sebastian avait l'impression qu'il était entré en lui. Pourtant, le sang coulait et tâchait le canapé, sans être absorbé.
« Nous n'avons aucun mortel sous la main ? demanda-t-il tout en sortant de quoi faire un garrot.
— Si, sans doute, mais ça dépend, est-ce qu'il risque quelque chose ?
— Non, rien, je ne crois pas en tout cas. Mais, dans le doute...
— Ciel ? l'appela Ayame en le voyant perdu dans ses pensées. Il y a un homme dans le placard là-bas, est-ce que tu peux aller le chercher ? »
Ciel soupira, il avait l'impression que plus rien ne pourrait l'étonner aujourd'hui. Il plaça un coussin sous la tête d'Ayame pour remplacer ses cuisses puis alla jusqu'au placard. Et, sans surprise, il y avait effectivement un homme, attaché et les yeux bandés, assis.
Ciel soupira une nouvelle fois et le força à sortir. L'homme lui paraissait familier mais il ne se souvenait pas qui il était.
« Qu'est ce qu'il fait là ? demanda-Ciel.
— Pas de place dans la cave. »
Ciel leva les yeux au plafond en amenant l'homme jusqu'à Ayame. Sebastian attrapa la main du prisonnier et l'arrosa du sang de la main d'Ayame. Le sang s'écoula comme si la main de l'homme était imperméable.
« Étrange, dit-il en lâchant l'homme et continuant de bander le moignon d'Ayame. Vraiment étrange.
— Qu'est ce qu'il y a de si étrange ? demanda-Ciel.
— Tout, je n'ai jamais vu de sang de démon après tout. »
L'homme était assis par terre et ne bougeait pas d'un pouce. Ciel reprit sa place sur le canapé.
« John, êtes-vous toujours parmi nous ? l'appela Sebastian.
— Oh, donc il s'appelle John, dit-Ayame. »
Ciel ne savait plus où donner de la tête, il avait trop de questions.
« Ayame ? Je crois qu'il va falloir qu'on parle. »
La porte de la pièce s'ouvrit et Shûsei entra, il s'approcha d'elle et lui demanda comment elle allait. Elle haussa les épaules en pointant ses mains d'un mouvement de menton.
Pour la première fois, le regarde de Shûsei croisa celui de Ciel.
« Ciel, dit-il.
— Shûsei.
— Ravi que tu te souviennes de moi. »
Il lui tendit la main et Ciel ne sût pas s'il devait la prendre ou pas. Ses yeux rencontrèrent ceux de sa fiancée, mais il ne sût décrypter ce que son regard essayait de lui dire. Il inspira et serra la main qui lui avait été présentée.
« Qu'est-ce que notre cher John fait hors de son placard ? » demanda-t-il avant de l'y remettre.
Shûsei, Ayame, Ciel, Sebastian. C'était un étrange quatuor qui se retrouvait dans ce bureau.
« On peut m'expliquer ce qu'il se passe ? demanda-Ciel.
— Bien sûr, dit-Ayame. J'avais déjà l'intention de te faire rencontrer Shûsei lorsqu'on est venus ici, c'est juste arrivé un peu différemment de la manière dont je l'imaginais.
— Comment c'est possible ? Il était mort.
— À considérer qu'un ange meurt de la même manière que le fait un être humain. Sebastian, tu es toujours d'accord ?
— Je ne vais pas changer d'avis maintenant, dit-il.
— Merci. Shûsei, tu veux lui expliquer toi-même ?
— Je préfère oui, je suis le principal concerné. »
Ciel s'impatientait. Shûsei s'installa sur le canapé en face de lui et commença son histoire.
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