Chapitre 32

« La vie n'a épargné aucun de nous deux, dit-Ciel. Je suis désolé que tes parents soient morts, à cause de moi. Décidément je ne peux pas avoir une seule rencontre sans avoir indirectement tué la famille de la personne que j'aime. »

Le temps s'arrêta. Ciel ne se rendit pas tout de suite compte de ce qu'il venait de dire. Il se demanda pourtant pourquoi Ayame ne répondait rien. Il se tourna vers elle et la trouva en train de le regarder, les joues rouges et le regard perdu.

Le cœur d'Ayame battait à toute vitesse. Elle n'arrivait pas à croire à ce que ses oreilles avaient entendu. Est-ce qu'il avait vraiment dit ça ? La personne qu'il aime.

Oui, oui, Ayame, c'est bien ce qu'il a dit.

Ciel ne comprenait pas ce qui lui arrivait soudainement. Il se répéta ce qu'il venait de dire, pour trouver le problème. Et il le trouva. Un sentiment de honte l'envahit. Est-ce qu'il avait vraiment dit ça ? Et évidemment elle n'en avait pas raté une miette, il ne pouvait pas vraiment faire comme si de rien n'était.

C'était sorti naturellement, comme si c'était une évidence. Et rien n'avait été là pour t'en empêcher, contrairement à avant, n'est-ce pas, Ciel ?

Il cherchait un moyen de détourner son attention, mais dans le fond il n'en avait pas vraiment envie. Il voulait savoir ce qu'elle ressentait pour lui. Il avait peur de la réponse, mais il la voulait.

« Tu es sérieux ? demanda Ayame, anxieuse.

— Je crois. Oui, définitivement oui. Ça sort un peu de nulle part, désolé. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que cet endroit est idéal pour cette déclaration. C'est bizarre, non ?

— Oui, c'est bizarre. Enfin non, pas totalement. Je veux dire que... ce n'est pas bizarre de vouloir le faire ici. On est loin de tous les problèmes qu'on a dehors, de toute la pression. Ce qui est bizarre c'est que ce soit toi qui le dise en premier, Ciel. Ça ne te ressemble absolument pas. Où est passé le Ciel froid et calculateur ? Le sale gosse pourri gâté ?

— C'est un peu insultant, alors que je viens de faire ma déclaration.

— Je sais. Tu as beaucoup changé. Et c'est une bonne chose, mais c'est tellement étrange.

— L'am-... Toi, tu m'as changé, en partie. J'ai beaucoup évolué. La vie est ainsi, non ?

— Oui, c'est vrai. »

Il y eut un long silence, et Ciel crut qu'elle ne dirait plus rien, qu'elle ne ressentait pas la même chose pour lui et qu'elle ne savait pas comment le rejeter.

« C'est plus dur que je ne le pensais, dit-elle. Je ne sais pas comment tu as fait pour le dire aussi facilement. »

Ayame hésitait, parce qu'il y avait encore des choses qu'elle n'avait pas pû lui dire sur elle. Et elle avait peur de comment il réagirait quand elle lui dirait. Pourquoi les rôles étaient-ils inversés ? Ciel avait menti à Yuuka, et avait eu peur de lui avouer la vérité, maintenant il était celui à qui on cachait des choses.

« Je t'aime, dit-elle. Plus que tu ne l'imagines. » Et j'espère que tu sauras me pardonner, le moment venu. Juste un peu plus longtemps, je veux juste garder les choses ainsi un peu plus longtemps. Je te dirais tout, mais pas maintenant... Juste encore un peu de répit.

Il est un peu étrange qu'ils ne scellent pas cet échange par un baiser, mais ils étaient tous les deux si mal à l'aise qu'ils n'osèrent pas bouger.

Pendant deux heures ils restèrent silencieux. À la fois paisibles et anxieux de ce qu'ils devaient faire par la suite, de ce que l'avenir réservait à leur couple. Leur première relation n'avait, après tout, pas bien fini.

Ayame mit fin à cet éternel silence.

« Il est presque temps de manger, dit-elle. Tu es prêt à partir à la recherche de nos ingrédients ?

— Je n'ai pas réussi à attraper de poisson.

— Je sais, mais moi si. Ce sera suffisant pour nous deux. Tu ne peux pas être doué en tout.

— Je n'ai aucune compétence utile dans la vie de tous les jours.

— C'est vrai, mais tu peux apprendre. »

Ils allèrent donc faire un tour dans les bois pour trouver quelques champignons, puis retournèrent au chalet où il y avait un potager.

Une fois les ingrédients réunis, Ayame passa en cuisine. Ciel observait ce qu'elle faisait par-dessus son épaule. Elle lui proposa de lui apprendre. En commençant par le plus simple, il éplucha difficilement les légumes et les coupa très irrégulièrement. Cela fit sourire Ayame qui ne s'en plaint pas, il faisait de son mieux après tout. Elle prit tout son temps pour les préparations pour ne pas lui donner l'impression qu'il allait trop lentement.

Les mots qu'il avait dit résonnaient dans son esprit, elle avait encore du mal à y croire. Avait-il jamais été aussi honnête avec quelqu'un ? Elle ne le croyait pas comme ça, et pendant une seconde elle s'inquiéta qu'il ne soit en train de la manipuler comme il l'avait déjà fait par le passé. Mais elle n'y croyait pas, il était réellement différent du Ciel d'avant.

Lorsqu'ils eurent fini, ils mangèrent enfin.

« Comment as-tu appris à cuisiner ? demanda-Ciel.

— Nous avions une cuisinière chez moi, elle m'a tout appris.

— Vous vous voyez toujours ?

— Elle est morte. »

La froideur avec laquelle Ayame avait répondu à cette question surprit énormément Ciel.

« Je suis désolé, dit-il.

— Pas moi. Elle faisait partie de ceux qui se sont retournés contre moi. »

Ciel comprenait mieux sa réaction.

« Décidément, dit-il, les femmes de ménages retournent facilement leur veste. »

Il pensait à celle de Yuuka. Elle n'avait toujours pas été retrouvée.

« Parlons de quelque chose de plus joyeux, dit-Ayame, je ne sais pas pourquoi il a fallu que la discussion tourne ainsi. Je t'offre un thé ?

— Volontiers. »

À lui qui n'avait jamais préparé son thé lui-même, Ayame montra l'art que c'était.

« Chaque thé nécessite une température et un temps d'infusion différent. Je ne vais pas tout te dire aujourd'hui, tu ne vas rien retenir. Mais je vais te faire un thé vert, pour changer de ton earl grey. »

La séance fut sympa pour l'un comme pour l'autre. Finalement, c'était réellement des vacances, rien pour venir les déranger, une météo agréable et tout le temps nécessaire pour n'être pressés par rien.

Le thé laissa place au jeu d'échecs. Ayame jouait correctement. Ciel ne se laissait, une fois de plus, pas battre. Personne ne saura jamais si Ayame jouait ainsi parce qu'elle n'était pas si douée où si elle laissait tout simplement Ciel gagner pour le simple plaisir de le voir sourire de satisfaction.

La journée passa à une vitesse folle. Pêche, cuisine, repas, thé, échecs, promenade, discussions, échecs encore, repas encore. L'heure d'aller se coucher arriva rapidement.

Cette fois, ils étaient réellement tous les deux mal à l'aise. Ils avaient déjà dormi ensemble, mais ce serait la première fois depuis qu'ils s'étaient avoués leurs sentiments, la situation était différente d'avant. Il y eut un moment de flottement avant qu'Ayame ne se décide à s'installer dans le lit. Ciel suivit malgré son appréhension.

Il y avait quelque chose de presque indécent à être couchés dans le même lit au vu de la situation. Ils trouvaient tous les deux cela étrange d'avoir trouvé ça presque naturel lorsqu'ils l'avaient fait par le passé. C'était ridicule car cela aurait dû être l'inverse. Ils auraient dû se sentir mal à l'aise de dormir dans le lit de quelqu'un avec lequel il n'y avait "rien", et trouver ça naturel de dormir avec la personne qu'ils aiment.

Ayame se tourna totalement vers Ciel, alors qu'il était sur le dos pour éviter son regard.

« Ciel ? l'appela-t-elle.

— Mmh ? répondit-il en se tournant vers elle.

— J'étais vraiment sérieuse, je t'aime. Et j'ai pas envie que ce soit bizarre entre nous alors qu'on ressent la même chose. Rien ne nous retient, alors pourquoi est-ce qu'on se comporte comme ça ?

— Tu considères vraiment que rien ne nous retient ? J'ai au contraire l'impression que l'on ne rencontrera que des obstacles à l'avenir.

— À quoi tu penses, Ciel ? À Yuuka sans doute, à la reine, à notre vengeance. À ton travail qui te fait plein d'ennemis. À ton pacte avec Sebastian qui te donne l'impression que tu ne seras jamais libre.

— À peu près, oui.

— Il n'y a pas de problèmes là-dedans, pas d'obstacle. Tout va finir par s'arranger, avec le temps. Nous devons juste être patients. Je te promets qu'un jour, plus rien de tout cela ne se mettra en travers de notre chemin. Mais, une chose, je crois que Yuuka n'est déjà plus en travers de notre chemin. Je me trompe ? »

Ciel la regarda un long moment. Cette confiance qu'elle avait lui donnait le courage nécessaire. Elle créait un pilier sous la maison vacillante qu'il habitait.

Il se rapprocha un peu d'elle, passa sa main dans les cheveux d'Ayame et vint déposer un léger baiser sur ses lèvres.

« Non, effectivement » répondit-il.

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Le prochain chapitre démarrera sur le lendemain matin, votre imagination pourra remplir la nuit à son gré ;)

Je veux connaître vos théories, à votre avis que cache Ayame à Ciel ?

C'est dingue à quel point je suis incapable d'écrire de manière régulière. J'écris quelques chapitres, je disparais pendant deux mois, puis je sors 5 (relativement longs) chapitres en moins d'une semaine :O

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