Chapitre 27

« On va un peu s'ennuyer pendant deux semaines, non ? dit-Ayame. On a pas grand chose à faire pendant les vacances, et Sebastian s'occupe de toutes les recherches extérieures. Tu veux qu'on fasse un truc ?

— Comme quoi ?

— On pourrait partir deux-trois jours. »

Ciel regarda Ayame, allongée à côté de lui dans le lit de leur chambre. C'était étrange qu'elle soit là, même s'ils avaient déjà passé une nuit ensemble. Il y avait une forme d'intimité qu'il n'avait pas ressenti depuis Yuuka. Après tout, il n'avait dormi avec personne depuis. Et même avant elle, il avait seulement dormi avec ses parents, jamais personne d'autre. Il faut une certaine confiance pour partager son lit avec quelqu'un.

« Ça pourrait être sympa, dit-il. Où est-ce qu'on irait ?

— Chez toi ?

— Je n'ai pas envie d'être là-bas. Mais on pourrait y passer quand même, au moins pour voir Yuuka.

— Oui, avant d'aller ailleurs. Il n'y a nulle part où tu veuilles aller ?

— Si... Mais nous n'avons pas le temps.

— Où donc ? demanda-Ayame

— Au Japon. J'aimerais voir les cerisiers en fleurs.

— Ce n'est pas la saison de toute manière. Mais on ira.

— On s'était promis, avec Yuuka, qu'on irait ensemble.

— Je sais. Elle voulait nous présenter et nous emmener ensemble.

— Alors... Elle voulait toujours de moi dans sa vie ?

— Pourquoi elle te cherchait à ton avis, dummy. Tu veux la réponse à ta question ? Yuuka n'a jamais arrêté de t'aimer. Peu importe qui tu étais, ce que tu lui avais caché. Peu importe même que tu sois responsable de la mort de sa sœur, de la mort de ses parents aussi même si elle ne l'a pas su, elle t'aurait aimé malgré tout. Tu faisais partie d'elle comme l'est un bras ou une jambe. Elle t'a attendu une éternité chez toi après ta disparition, elle voulait entendre tes explications, elle t'en voulait, mais elle t'aimait toujours. Même si tu as disparu des années, elle n'a jamais arrêté de t'aimer. Ses yeux ne se sont jamais posés sur qui que ce soit d'autre. Elle est morte en t'aimant. Idiot, elle en a écrit un journal. Un journal dans lequel elle aurait pu raconter n'importe quoi, mais c'est votre histoire qu'elle y a inscrite. »

Les yeux de Ciel s'embuèrent, il avait tellement eu besoin d'entendre ces mots. Toutes les peurs qu'il avait eu tout ce temps, ces mots soignaient ses maux.

« Merci » dit-il.

Ayame s'allongea sur le dos, Ciel ne voyait plus son visage, juste le profil de sa tête. Elle soupira sans bruit. Tout revenait toujours à Yuuka, dès qu'ils parlaient. Que ce soit lui ou elle qui mette le sujet sur la table, irrémédiablement ils y revenaient. Elle serait entre eux, au moins jusqu'à ce que cette vengeance soit accomplie. Et ça la blessait, étrangement. Il n'avait pas forcément besoin de passer à autre chose. Elle espérait juste qu'il puisse la regarder et ne pas penser à Yuuka. Qu'il la voit elle, qu'il la voit vraiment, celle qu'elle était maintenant.

Elle se tourna pour être dos à lui.

« Ayame ? » l'appela-t-il.

Elle ne répondit pas, elle était fatiguée, psychologiquement.

« Ayame... Peu importe si tu dors, c'est même plus simple. Je sacrifierais tout si je le pouvais, pour remonter le temps et sauver Yuuka. Pour la retrouver et te rencontrer dans d'autres circonstances. Mais c'est étrange parce que j'ai l'impression que ce n'est pas la bonne version de cette histoire. Comme si Yuuka et toi ne pouviez pas cohabiter dans ma vie. Je crois que je comprends ce qui se passe, mais... ah, je ne peux définitivement pas dire ça à voix haute, c'est ridicule. En tout cas, je suis reconnaissant que Yuuka ait eu quelqu'un pour la soutenir ainsi, et qui comme moi soit capable de tout pour la venger. Mais... j'ai l'impression qu'elle crée un mur infranchissable entre nous. Comme si elle était la seule raison pour laquelle nous nous parlons. Et plus le temps passe, plus ça me dérange. Je sais ce que tu te dis, qu'une fois vengée nous passerons à autre chose. Sans doute penses-tu qu'on ne se côtoiera plus tant que ça, qu'on vivra nos vies chacun de notre côté. Parce que la seule chose qui nous relie, c'est elle, n'est-ce pas ? J'aimerais... »

Il s'arrêta trop longtemps, perdu dans le fil de ses pensées. Et Ayame se demanda s'il n'allait jamais continuer. Elle hésita à attirer son attention, mais elle voulait lui laisser croire qu'elle ne l'entendait pas, qu'elle dormait. Elle voulait entendre ce qu'il avait à dire sans filtre.

« Tu sais quoi ? » dit-il enfin, mais il ne continua jamais ce monologue.

Au bout de quelques minutes, Ayame se retourna. Ciel était profondément endormi. Elle observa son visage apaisé.

« Tu te trompes, Ciel. Tu te trompes sur toute la ligne. Je crois que je ne me suis pas montrée assez sérieuse pour que tu crois en mes sentiments sincères. »

Et elle s'endormit aussi.

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