Chapitre 20

« Vous avez l'air apaisé, my Lord.

— Oui, Ayame me fait cet effet-là. Tu crois que je devrais me méfier ? C'est comme si tout allait toujours dans son sens, là où elle veut m'emmener.

— Non. Ça me rassure de vous voir comme ça. Elle a un impact positif sur vous. Et... honnêtement, je lui fais confiance.

— Pardon ?

— C'est par rapport à ce que j'ai appris, ce qu'elle m'a demandé de ne pas vous dire. Ça m'a convaincu de son honnêteté.

— Toi, convaincu de l'honnêteté de quelqu'un ? Ça m'étonne.

— Moi aussi. »

Ciel laissa échapper un rire.

« Ça aussi ça m'étonne » murmura Sebastian.

Ciel n'avait pas rit depuis si longtemps, c'en était étrange.

« J'ai parlé avec chacun des élèves en couple. Et j'ai parlé aux professeurs pour leur dire de faire attention à eux. J'ai aussi demandé à ces élèves s'ils n'avaient rien remarqué d'inhabituel, comme quelqu'un qui les observe souvent. Mais ça n'a rien donné.

— Bien, continue de me tenir au courant. Pose aussi des questions aux élèves qui viennent te voir de leur plein gré pour te parler. Ils pourraient avoir des informations.

— Évidemment. J'y retourne. »

Sebastian sortit du bureau du directeur.

« Confiance, pensa Ciel, Sebastian a confiance. C'est la chose la plus incongrue que j'ai entendue depuis que j'ai avoué mon amour à Yuuka. »

✩ ✩ ✩

Ce n'était pas vraiment comme si je pouvais dire au jeune maître ce qu'Ayame m'avait dit, et qui elle m'avait présenté pour gagner ma confiance. Il ne le croirait sans doute pas, j'avais promis de garder le secret... et surtout, s'il apprenait ça, une autre vérité serait révélée. La vérité sur ma nature, et il me poserait trop de questions. Il n'en avait rien à faire jusque là, mais il devenait de plus en plus curieux, et ce n'était pas une bonne nouvelle pour moi. Alors le plus tard serait le mieux.

Je fus arrêté dans le couloir par l'agent d'entretien.

« Il paraît que vous essayez de savoir s'il s'est passé quelque chose de particulier dans le bâtiment, dit-il.

— Oui, c'est le cas. Vous avez quelque chose à me dire ?

— Je ne sais pas vraiment si c'est le genre d'information que vous cherchez mais, une de mes tenues de travail a disparu il y a sans doute quelques semaines. Je me doutais que quelque chose ne tournait pas rond mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je fais des lessives plus souvent que d'habitude, alors j'ai compté mes uniformes et il m'en manque un.

— D'accord, merci pour cette information. Nous allons essayer de voir si nous la retrouvons. En attendant nous pouvons vous en commander une autre.

— Ce serait bien, je n'aime pas avoir un nombre impair de tenues.

— Mais, vous auriez pu en parler au directeur, pourquoi à moi ?

— J'ai l'impression... Ça va vous paraître étrange, mais je me demande si ça n'a pas un lien avec cette malédiction et les suicides des élèves. D'ailleurs je crois que des élèves se sont plaints de vols ces derniers temps. Et comme vous êtes là pour les écouter et les conseiller, je me suis dit que vous seriez plus à même d'en parler avec eux. »

Je le remerçiais et m'éloignais pour aller jusqu'à mon bureau. Des vols avaient eu lieu, mais aucun élève ne m'en avait parlé malgré mes questions. Ils considéraient sans doute que ça n'avait rien à voir avec la mort de leurs camarades et professeurs.

Si on avait volé l'un des uniformes de l'agent d'entretien, c'était sans doute pour passer inaperçu au moment des meurtres. S'il avait bien été volé par le tueur. Chaque double meurtre avait eu lieu pendant la nuit, donc même si un élève était sortis de sa chambre, il n'aurait pas fait attention à un simple employé. Et à supposer qu'il soit découvert avec une des victimes dans les bras, il aurait eu le temps de s'enfuir pendant que l'élève allait prévenir quelqu'un, et on aurait accusé l'agent d'entretien.

Il fallait faire environ la taille et le poids de cet homme pour que l'astuce marche, même si avec la pénombre une certaine marge d'erreur était possible.

Mais, cette hypothèse ne pouvait expliquer que le vol de l'uniforme, pas ceux des affaires des élèves. Il faut que j'en apprenne plus.

Arrivé devant mon bureau, une élève m'attendait. Blonde aux yeux bleus, un air innocent mais un peu téméraire. Je ne sais pas pourquoi à ce moment-là elle me fit penser à Yuuka. Encore cet échec en tête, décidément je ne faisais qu'y penser ces jours-ci. Sans doute parce que l'enquête avait un lien étroit avec elle, à cause du décors, et un peu à cause d'Ayame.

« Entrez » dis-je à l'élève en lui ouvrant la porte.

Je la priais de s'asseoir et elle s'installa en face de moi, recroquevillée sur elle-même.

« Comment allez-vous ? demandais-je.

— Je ne sais pas. Toute cette histoire, ça me mine le moral.

— Commençons par le début, comment vous appelez-vous ?

— Emma, j'étais la colocataire de Lise. »

La deuxième victime féminine.

« Vous êtes seule depuis ?

— Non, ils m'ont mise avec les deux autres filles qui ont perdu leurs colocataires. L'ambiance n'est pas terrible, tout le monde est déprimé.

— Vous pensez que l'on devrait vous séparer, vous mettre avec des personnes qui auront une humeur plus positive ?

— Je crois que ça aiderait, oui. Ils pensaient sans doute que l'on s'épaulerait puisqu'on a vécu la même chose. Mais c'est tout le contraire, on se tire vers le bas.

— Je verrais ça avec le directeur, pour que ce soit fait le plus rapidement possible.

— Merci...

— Si vous avez besoin d'autre chose, n'hésitez pas à me le dire. Je suis là pour vous faciliter la vie, vous aider à aller mieux.

— Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé. Pourquoi est-ce qu'elle a fait ça ?

— Je ne peux pas répondre à cette question, je ne la connaissais pas. Parfois les raisons les plus folles donnent l'impression que nous pouvons ou devrions faire des choses folles, des choses extrêmes.

— Elle était si loin de ça. Elle était toujours heureuse, et tellement amoureuse de Martin. Ils se collaient tout le temps. Il n'y avait pas de couple plus uni. C'était son premier copain, ils voulaient se marier à la sortie du lycée. Leurs parents étaient d'accord. Lise avait dit que je serais sa demoiselle d'honneur. Et croyez-moi, elle était tout à fait sérieuse avec cette histoire. Leurs parents se sont rencontrés, ils s'adorent. Alors je ne comprends vraiment pas.

— Vous deviez être très proches.

— On est nées dans le même hôpital, à quelques heures de différences, nos mères sont devenues amies en partageant la même chambre. On a grandi ensemble. On a insisté pour partager une chambre ici. Elle est... était comme une soeur pour moi.

— Elle sera toujours votre sœur, l'amour transcende la mort. Toutes mes condoléances pour votre perte. Je ne sais pas si avoir une réponse à votre question vous aiderait à faire le deuil. Je sais que l'incompréhension, ne pas savoir pourquoi, peut être très difficile. Mais parfois, savoir est bien pire. Vous vous demanderez longtemps si vous auriez pu faire quelque chose pour empêcher ça, croyez-moi vous ne pouviez pas.

— Je ne sais pas. »

Ces mots, je crois que je les prononçais pour Ciel, pour moi aussi, dans le fond.

« Je peux me permettre de poser une question sans rapport ? demandais-je.

— Oui, allez-y.

— Il paraît qu'il y a eu des vols. Est-ce que quelque chose à disparu dans vos affaires ? »

Après un temps de réflexion, Emma ouvrit grand les yeux.

« Pas dans les miennes, non. Mais Lise avait perdu quelque chose, alors qu'elle y faisait très attention.

— Quoi donc ?

— Un collier que sa mère lui avait offert, avec son prénom dessus. »

Un trophée du tueur ?


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