Vingt cinq : Décision

JULIA.

Quelle possibilité s'offre à moi ?
Quelle est la raison que je devrais suivre ?
Est-ce que je suis prête à m'assumer, à grandir, à prendre soin de moi ?

J'ai rejoint la maison de mon père, la même dans laquelle Aloïs a été attaqué. Je ne salue personne sur place, je rejoins son bureau dans lequel je rentre sans même frapper. Ça tombe bien, mon frère est là aussi. Il était temps d'avoir une véritable réunion de famille.

Mon père était en train de parler de quelque chose d'important visiblement mais je n'en ai que faire. Je jette le téléphone portable de Matthias sur le bureau, sous leur nez à tous les deux.

— Veuillez nous laisser, grommelle mon père à l'attention des deux hommes présents.

Son bureau est sacré. En temps normal, nous devons y rentrer uniquement si il nous en donne l'autorisation. Mais à quoi bon ? C'est grand, harmonieux, soft, décoré comme dans un vieux manoir alors que le reste de la maison est bien trop moderne. Ici, tout est plus sombre et sobre, comme si nous entrions dans une autre dimension, parallèle au luxe sofisrtiqué de cette fougue villa.

— J'attends des explications, assuré-je en croisant les bras.

J'ai lu et relu ce message. J'ai tourné et retourne dans le lit. J'ai pleuré, j'ai appelé plusieurs prisons pour savoir où était détenu Matthias, en vain. Mais voilà, j'ai besoin de comprendre pour espérer avancer. Pour suivre ma raison, celle que me dictera mon coeur.

— Bonjour Julia, je suis ravie de te voir, commencé mon père avec ironie. J'ai essayé de t'appeler à plusieurs reprises mais tu ne décrochais pas.

— J'espère que tu vas bien, depuis l'attaque à Paris... intervient mon frère.

— Oui, super. Je dors sur mes deux oreilles la nuit, je vis ma meilleure vie ! J'avais déjà oublié ce qu'il s'était passé, suis-je bête...

Mon père me regarde, agacé par mon sarcasme.

— Alors ? Insisté-je. Tu peux m'expliquer ?

Il prend le téléphone nonchalamment, lit brièvement le message affiché dessus puis le repose sur son bureau.

— Ju', c'est pas le moment, tu...

— Non, ça suffit maintenant ! Grondé-je en me tournant vers mon frère. Toi, j'avais confiance en toi ! Mais t'es aussi pourri que lui !

— Julia, calme-toi tu veux ? Tente mon père.

— Matthias a été arrêté ! Et ton message, qu'est-ce que ça veut dire ?

Mon père s'assoit sur son siège, de pince l'arête du nez tout en soupirant.

— Comme j'avais expliqué à Matthias et comme je l'apprends à ton frère, dans ce monde, il n'y a qu'un roi. Si je veux étendre mon commerce, si je veux me faire respecter, je dois me battre. Mes ennemis, les gens qui me doivent de l'argent et toute autre vermine qui viendrait entacher mon commerce, sont éliminées.

Il marque une pause, Aloïs reste silencieux. Je lis principalement de la culpabilité dans son regard tandis que mon père, lui, reste de marbre.

— Le père de Matthias ne s'est pas suicidé. Il n'était pas accro aux jeux. Il était accro à la cocaïne et mes gars lui faisaient crédit, trop souvent. Il nous devait de l'argent, environ quatre-vingt milles euros. Je lui avais laissé un délai pour me ramener mon argent, il a été incapable de me rembourser, alors je l'ai éliminé.

Je crois bien que mon coeur rate un battement. Je reste silencieuse, je le laisse parler mais plus il m'explique les choses, plus je sens une rancoeur prendre place en moi.

— Évidemment, je fais toujours des recherches sur mes clients et son père parlait beaucoup. J'ai su qu'il avait un fils, ancien soldat des forces spéciales, bon combattant sur le ring et surtout, un véritable tueur... quand Aloïs s'est fait attaqué, j'ai décidé de te prendre un garde du corps dans l'unique but de liquider ceux qui me faisait du tort : les siciliens. Leur Jeffe était un putain de français implanté chez eux et Alessandro était son bras droit. J'ai tout commandité de l'embauche de Matthias, à ce qu'il s'est passé chez toi.

Je fronce les sourcils, le pouls rapide. Je me rends compte que Matthias a autant été manipulé que moi. Mon père est un psychopathe accro à son argent, accro à son business. Ses enfants passent au second plan.

— J'ai réussi mon coup, Matthias a tué mes rivaux siciliens, et il a été arrêté pour tout ça. Et moi, je vais pouvoir mettre en place mon export en Sicile.

— Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait... marmonné-je la gorge nouée. Tu as brisé sa vie. Pitié, dis-moi que tu n'as pas tué sa mère...

Mon père affiche une expression outrée.

— J'ai un coeur Julia. J'ai menacé sa mère pour lui mettre la pression, rien de plus. Jamais je ne l'aurais tuée.

Je n'arrive pas à savoir s'il est honnête ou si moi aussi, il me manipule.

— Matthias ne méritait pas de payer pour les erreurs de son père.

Mon père se lève et hausse les sourcils tout en récupérant un cigare dans le tiroir de son bureau.

— Je sais que tu l'apprécies. Comme tu apprécies beaucoup d'hommes que tu rencontres.

— Ça n'a rien à voir !

— Ju', intervient mon frère, tu sais très bien que c'est vrai.

Je dois être en train de rêver. Mon frère et mon père osent-ils vraiment me juger ?

— J'espère que tu te fous de ma gueule Aloïs !

— Tu as toujours été incontrôlable, toujours à vouloir n'en faire qu'à y'a tête et tu as toujours voulu te rebeller contre papa mais il nous assure un avenir fait de grands voyages, d'argent et de maisons de luxe. Qu'est-ce que tu veux de plus ?

— Une vraie famille !

Je sens mes larmes brûler mes yeux. Mes émotions me rattrapent et le monde que mon père avait construit s'écroule autour de moi. J'ouvre les yeux. Je me réveille. Je vois. Et je déteste.

Je prends mon sac à mains et fouille à l'intérieur à la hâte. Mes mains tremblent mais je tente de le cacher. En réalité, je suis brisée, je me sens abandonnée, salie, et je n'ose imaginer comment se sent Matthias à cet instant.

— Qu'est-ce que tu fais Julia ? Demande mon père.

— Je vais te rendre tout ce qui t'appartient. Parce que je refuse d'être mêlée à tout ça.

— Arrête donc ce caprice...

— Non ! Grondé-je en le fusillant du regard. Moi j'ai souffert de la perte de maman et toi, on dirait que ça t'as été bénéfique ! Je me dis qu'elle est bien mieux où elle est, au moins, elle n'a pas à assister à tes sales petites affaires ! Tu t'es servi de moi, tu m'as menti, tu m'as achetée ! Si je suis comme ça aujourd'hui, c'est à cause de toi ! Tu n'as su donner de l'amour qu'à ton business, et peut-être un peu à Aloïs mais moi... soit je te d'appeler trop ta défunte épouse, soit tu ne m'as tout simplement jamais aimé.

— Je t'ai protégée ! Proteste mon père.

— Non, tu m'as détruite ! Et bon sang, je préfère de loin la misère que le luxe malsain que tu m'offres.

Je lui jette au visage les clés de l'hôtel et de la mercedes, avec les deux cartes de crédit que j'utilisais jusqu'alors.

— Alors tu vas faire quoi, sans rien ? Tu as besoin de moi Julia !

Je souris légèrement, c'est ironique, nerveux. C'est ma colère qui me guide. Je le déteste. Je déteste le fait que je l'aime, parce que c'est mon père. Mais ma haine est suffisamment puissante pour que je parvienne à m'en détacher.

— Je vais grandir, papa. Je vais devenir quelqu'un. Sans toi. Sans vous deux.

— Ju'... souffle mon frère.

— Laisse-la, elle reviendra, assure mon père.

— J'ai hâte que tu te rendes compte que je n'ai pas besoin de ton argent pour vivre. Adieu, papa.

Je leur tourne le dos et je quitte la maison, sous le regard de tous ses hommes. Je pars à pieds, parce que je n'ai plus de voiture, plus de logement, plus rien. Le vent souffle sur mon visage, refroidi mes larmes qui coulent sur mes joues.

Il fallait que je me détache de ce qui me brisait. J'ai simplement mis trop de temps à me rendre compte que c'était mon père et sa toxicité qui me détruisait.

Je prends mon téléphone et appelle Cassy tout en avançant sur le bord de la route, me faisant klaxonner par des camions conduits par des pervers.

— Allo ? Ju' ? Bon sang, j'ai vu aux infos ce qu'il s'est passé ! J'étais tellement inquiète ! Ton garde du corps était en fait un grand malade...

— Non, Cass... ce n'est pas lui le malade... j'ai besoin de ton aide.

— Dis-moi ?

— Ton ex bosse toujours dans la police ?

— Il me semble oui.

— J'ai un service à lui demander, c'est pour Matthias... je t'expliquerai.

Un court silence plane.

— Ok... viens à la maison, t'es à pieds là ?

— Oui, longue histoire.

— Envoie ta localisation, je t'envoie un taxi.

— Merci...

Je raccroche, m'arrête sur le bord de la route puis inspire profondément.

Il est temps de te construire, de t'assumer, de vivre.

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