Neuf : Répulsion
Matthias.
Se réveiller, avec le chant des mouettes et les murmures des vagues, c'est comme vivre un rêve éveillé. Cet air de vacances me donne envie de jouer les touristes plus que les gardes du corps. Au final, pour l'instant, je ne sers à rien. Personne ne s'en est pris à Julia et à Paris, elle sort très peu de chez elle. Alors le temps passe au ralentie pour moi.
Mais pas cette fois. Pas ici.
Je n'ai jamais eu l'occasion de dormir dans un hôtel cinq étoiles ni même de venir ici, dans les Caraïbes. Je compte bien en profiter et surtout, renvoyer la monnaie de sa pièce à cette bourgeoise capricieuse.
Ce matin, je me lève tôt. Je prends le temps sous la douche, je me rase, me coiffe et enfile une chemise en lin légère, des jeans puis je me poste devant la porte de sa Majesté. Je regarde ma montre, bientôt huit heures trente...
Puis la porte s'ouvre sur les deux demoiselles. Cassy me salue poliment, toujours le sourire mais beaucoup trop charmeuse et Julia s'étonne de me voir devant sa porte.
— Tiens donc, commence-t-elle. Je pensais que tu dormirais encore, étant donné que tu n'as rien de matinal.
— Quand on me réveille à quatre heures du matin, c'est compliqué mais quand je dois me réveiller pour mon travail, c'est une autre histoire.
— Oh... je vois.
— Allez, j'ai faim ! On va manger ? s'enthousiasme Cassy.
Elle porte un short en jean et un haut de bikini kaki, des lunettes de soleil sur sa tête, ses cheveux blonds noués dans un chignon frivole. Quant à Julia, elle est vêtue d'une robe légère et fluide, laissant entrevoir très légèrement le haut de son maillot de bain, ses lunettes de soleil relèvent les mèches de cheveux lisses qui retombent généralement sur son front.
Les Latina sont de sublimes femmes. Julia n'est pas une exception à cela mais je la préfère de loin les cheveux bouclés, naturelle. Elle s'entête à les lisser, ils paraissent plus longs, soignés mais dénaturent sa personne. Je pense qu'elle se fie beaucoup aux normes sociales d'aujourd'hui, à ce que la société veut que nous soyons. Et c'est dommage.
Elles s'installent à une table sur la terrasse donnant vue sur la mer un peu plus loin. Cassy tire une chaise et lève ses beaux yeux bleus vers moi.
— Assieds-toi, Matt. Je peux t'appeler Matt ?
— Oui.
— Il est en service, proteste Julia.
Je lui darde un regard défiant et m'assois sur la chaise que Cassy m'a tiré. J'adresse à Julia, un sourire fourbe puis remercie Cassy tout en me servant du café dans la tasse vide.
— Tous ces fruits ont l'air délicieux, constaté-je.
Je la vois qui lève les yeux au ciel puis qui s'empiffre de pastèque.
— Tu savais que Julia a marmonné ton nom dans la nuit ? confesse Cassy.
Je manque de m'étouffer avec le raisin que je viens de croquer puis porte mon attention sur Julia qui fait les gros yeux à son amie.
— Elle avait fumé un joint, elle a halluciné, peste Julia.
— Mouais, ça avait l'air chaud dans ton rêve.
— Intéressant, m'amusé-je.
— Arrêtes, gronde Julia. Ce n'était pas intéressant et si tu veux mon avis, je pense que je devais rêver d'une agression et je t'appelais à l'aide, c'est tout. C'est pour ça que tu es là, non ?
Je ne lui réponds pas et mange un autre raisin. Je suis là pour toute autre chose mais je préfère garder mes affaires personnelles pour moi. J'espère pouvoir revoir ma mère, pouvoir rassembler assez d'argent pour ne plus me réveiller chaque matin en me disant qu'à tout moment, ces types me retombent dessus. Qu'est-ce qui les empêchent de me tuer ? Qu'est-ce qui les empêchent de changer le délai ? Je suis en danger et je me suis mis dans une merde noire à signer un contrat avec un Baron comme Hernandez. Je ne sais pas ce qu'il trame, mais cet homme est dangereux, j'en suis certain. Cependant, peu de solutions s'offraient à moi. Une année, ça passe très vite, le temps ne joue pas en ma faveur.
— Je suis là pour ça, oui, soupiré-je en terminant mon café.
— Alors fais ton travail.
Je mime de regarder autour de moi.
— Je veux bien mais... personne ne vous menace.
— C'est fini les scènes de ménage ? gronde Cassy alors que Julia me défie du regard.
Je n'ai pas peur de la regarder droit dans les yeux et de me prêter à son petit manège. Elle est adulte mais agit comme une enfant capricieuse. Je veux bien comprendre son point de vue mais je ne suis pas un punchingball. Elle mérite d'être remise à sa place, je suis persuadé que ça ne lui fera pas de mal.
— OK... Y'a une tension sexuelle là, non ?
Je détourne mes yeux pour les poser sur son amie qui vient de faire cette remarque.
— Non, aucune, souffle Julia. Allons à la plage.
Elle se lève, prend son sac et quitte l'hôtel. Je humecte mes lèvres puis affronte l'analyse de sa meilleure amie qui croise les bras en s'adossant à la chaise.
— Pourquoi tu es là, Matthias ? demande-t-elle.
— Son père m'a embauché.
— Pourquoi tu rentres dans son jeu ?
— Parce que je devrais me laisser marcher sur les pieds ? Je peux comprendre qu'elle en veuille à son père mais moi, je n'y suis pour rien.
— Si son père l'apprend, il te virera.
— Vous savez des choses sur son père que je devrais savoir ?
Cassy esquisse un sourire puis termine son verre de jus d'orange. Elle se lève, attrape son sac puis se tourne vers moi.
— Je sais juste qu'il peut être dangereux et que Julia n'a rien à voir là-dedans. Mais elle est fragile, elle a vécu des choses terribles. Je la connais et je sais que tu lui plais et qu'elle adore le fait que tu joues avec elle. Alors si tes intentions sont juste de profiter du fric de sa famille, un conseil Matthias, reste à ta place de garde du corps.
Elle quitte la salle, je baisse les yeux un instant sur la table, me sentant fautif. J'ai besoin de cet argent, et je refuse d'être traité comme un moins que rien. J'aime jouer, et plus on me cherche, plus j'irai loin. Cependant, je ne suis pas une mauvaise personne et je n'aime pas faire du mal aux gens volontairement. Je ne pensais pas lui plaire, alors si Cassy a raison, je ferai plus attention.
Je rejoins les filles à l'extérieur, la chaleur est écrasante mais à la fois tellement satisfaisante. Nous n'avons qu'à marcher quelques mètres pour rejoindre la plage. Il y a beaucoup de monde ici, principalement des personnes aux revenus copieux et pas mal de messieurs qui laissent leurs yeux se balader sur Cassy et Julia. Des vieux bourges à la recherche de nouvelles maîtresses, pour sûr.
Julia s'installe sur un transat privatif, son amie à côté et j'ai tout de même droit à une chaise en osier, plutôt confortable. Je tire sur le col de ma chemise et lorsque mon regard se porte sur la jeune Hernandez, je la vois qui se libère de sa robe pour dévoiler son corps simplement vêtu de son bikini noir. Je détourne le regard, me mordille l'intérieur de la joue et observe les gens sur la plage. Très peu d'enfants, des couples ou des célibataires qui se font bronzer ou jouent au volley.
— Matthias, appelle Julia.
Je sors de mes pensées et remarque qu'elle me tend son tube de crème solaire.
— Mets moi de la crème dans le dos.
A vos ordres !
— Cassy...
— Cassy est en train de vlogger pour ses abonnés sur les réseaux, et moi, je n'ai pas envie d'avoir la peau qui pèle, m'interrompt-elle.
Je lui prends le tube, elle se tourne dos à moi et passe ses cheveux sur le côté. Je mets de la crème sur mes mains, hésite un instant puis l'étale sur sa peau qui, ma foi, est très douce. Je laisse mes mains glisser sur ses épaules, sa clavicule puis je descends au creux de son dos, sans trop oser laisser mes doigts aller près de sa taille. Julia s'entretient, je vois qu'elle est sportive mais également qu'elle porte des cicatrices de brûlures. Les assumer est une bonne chose, notre histoire embellie notre corps d'authenticité. Mes pouces passent sur les creux de venus qui sculpte le bas de ses reins puis enfin, je me redresse et détourne mon regard.
Peut-être qu'il y a une faible tension entre nous, en effet. Il faut que je me concentre sur autre chose, comme son mauvais caractère et la façon dont elle me parle. Le physique, c'est subjectif et éphémère, je ne peux pas me laisser tenter par la vanité.
Les filles passent la majeure partie de leur temps à bronzer, puis nous mangeons dans un restaurant sur la plage, ensuite, elles se baladent dans les rues, se racontent toutes sortes d'histoires et moi, je les accompagne. J'essaie de profiter de ce temps et de ce voyage, je n'aurai sûrement pas l'occasion d'en refaire un dans ce genre.
Après une bonne douche en fin de journée, la nuit tombe et Julia et Cassy veulent absolument aller à la fête organisée au bar de plage. Elles ont été invités par deux italiens et comptent bien s'amuser. Je reste donc un long moment accoudé au bar à les regarder danser avec d'autres inconnus. Les gens boivent, dansent, mangent, la musique est agréable, l'air marin encore plus.
— Matthias ?
Je tourne la tête pour faire face à Erika qui me sourit. Elle a une fleur dans ses cheveux roux, le teint rougi par le soleil et un petit peu de mascara réhausse ses cils.
— Où est ta femme ?
— Mon ex femme, rectifié-je.
Elle rigole et pose sa main sur mon bras.
— Oui, excuse-moi ! Je suis contente de te revoir. Comment se passent tes vacances ? Tu ne bois pas ?
Elle se poste à côté de moi et commande deux Margarita. Est-ce raisonnable que de boire en plein service ? Je le faisais, autrefois, avec mon escouade militaire.
— Elles se passent plutôt bien, encore mieux ce soir.
Elle me lance un regard, le sourire aux lèvres.
— Comment se fait-il qu'un homme comme toi ne soit plus marié ?
Parce que je ne l'ai jamais été.
— Disons que je suis trop solitaire pour vivre avec une femme.
— Je compatis. J'ai eu un enfant avec mon ex mari et ça a fait voler en éclat notre mariage. Aujourd'hui, je me vois mal me remettre en couple avec un homme et espérer me marier à nouveau.
— Pareil pour moi.
Je n'ai jamais eu de longues relations. Enfin une seule quand j'étais au lycée, on s'est quitté quand on avait tous les deux vingt trois ans. Le cœur brisé, je n'ai jamais su redonner ma confiance à une femme. J'étais trop fleur bleue à l'époque, et comme j'étais militaire, elle en a profité pour se taper mon meilleur ami. Alors que moi, je pensais à elle quand je partais en mission des mois durant.
Puis ma mère est tombée malade, mon père s'est renfermé sur lui-même et moi, je suis resté traumatisé de ma dernière mission. La seule personne qui a su m'épauler un tant soit peu, c'était mon psy.
— Alors on devrait bien s'entendre, en conclut Erika.
Je l'espère oui. Elle m'attire, elle doit être plus âgée que moi de deux ou trois ans. Elle est grande, élancée, avenante et enjouée. Je sais que je lui plais aussi. Je vois que Julia se frotte à son italien, elle ne fait même pas attention à moi. Peut-être que je peux oublier mon poste le temps d'une soirée ?
Et surtout, répulser bien loin la dangereuse tentation qui me guette quand je regarde la femme que je suis censé protéger.
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