Les derniers jours - 4 décembre
4 décembre, mercredi.
Bernadette me téléphone. Wolfgang ne s'est pas réveillé. Elle me dit : « Je reste jusqu'à 14 h. Si tu veux venir à 14 h ? De toute façon, c'est égal, il ne nous reconnaît plus. » Je pose le téléphone, fais trois fois le tour de l'appartement. Impossible de rester ici sans rien faire. Je pars à l'hôpital et j'y arrive à 11 h 30. Bernadette est surprise de mon arrivée. « Si tu es là, je vais au bureau. Et si le cadran indique moins de 70, tu nous téléphones. En dessous de 70, c'est critique. »
Bernadette s'en va. Je regarde Wolfgang. Parfois il tousse, mais il ne peut plus cracher et toute cette saleté reste à l'intérieur. Sur son visage passe parfois une telle expression de souffrance. Mes yeux vont de Wolfgang au cadran et du cadran à Wolfgang : 74, 73... Une quinte de toux : 62. Panique ! Ça remonte : 73, 74... A 12 h 40, je téléphone au bureau. Je tombe sur le répondeur. Je laisse le message : « Le cadran indique 69, 68. » Vers 14 h arrivent Bernadette et Holger. « On ne pouvait plus rester au bureau. »
Plus tard, on téléphone à Uta qui nous rejoint. Et on est là, à veiller, lui tenant la main, bien qu'il n'y ait aucune réaction. Dans la chambre, rien d'autre que le bruit de l'oxygène et la respiration de Wolfgang. Parfois on a l'impression qu'il étouffe et que tout va s'arrêter. Ses poumons sont pleins de cette saleté qu'il m'arrive plus à cracher. Le soir, on essaie de lui mettre la TV (!) mais on n'arrive pas à capter son émission préférée : Bernd, l'ami qu'il voulait inviter à Noël, nous rejoint, une joue tout enflée par une rage de dents.
A 20 h, on appelle Daniel. Il vient aussitôt. On continue de veiller à 6. Holger a éteint le cadran : c'était épuisant pour les nerfs de guetter toujours ces chiffres lumineux : 68, 67... Uta et Holger discutent avec l'infirmière de nuit : ils ne sont pas d'accord avec le traitement prescrit par le médecin. Wolfgang a 40 ° de température. Le soir, on lui a mis une sonde pour l'urine. Maintenant, Uta réclame une sorte d'aspirateur. Par deux fois elle essaie - par le nez et par la bouche - d'aspirer ce qui obstrue les poumons de Wolfgang, sans beaucoup de résultats. Daniel s'en va. Il reviendra un peu plus tard.
A minuit, Holger fait signe à Uta : qu'elle ferme le robinet de l'oxygène. Uta refuse et Bernadette proteste : « Tu ne peux pas faire ça ! Il vit. Il respire encore. » Je me tais. Je suis paralysée. De plus en plus souvent, on entend ce gargouillis de cette chose qui obstrue les poumons... et puis la respiration reprend. Je pense que Wolfgang va mourir étouffé. De nouveau, Holger demande qu'on arrête l'oxygène. Personne ne dit rien. Uta ferme le robinet et les larmes coulent sur son visage. Wolfgang respire encore un moment paisiblement. Depuis que le bruit de l'oxygène s'est tu, il règne un silence impressionnant. J'ai glissé ma main gauche sous la main gauche de Wolfgang, et, de ma main droite, je soutiens son épaule. Je pense à Marie au pied de la croix... Deux respirations profondes, un dernier hoquet, et c'est fini. Daniel est entré dans la chambre juste avant. Bernadette, Uta et moi, nous pleurons. On appelle l'infirmière qui va chercher le médecin pour le constat. Il nous demande de quitter la chambre. On revient un moment plus tard et on reste encore un peu près de lui.
Tout est silencieux maintenant, et son visage est paisible. Je quitte la chambre la dernière, trace un signe de croix sur son front.
A-Dieu, mon frère Wolfgang !
Ceci est un hommage à Wolfgang : il serait heureux de savoir que, tant d'années après sa mort, il reste davantage que son prénom dans ma mémoire...
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