Chapitre 19

« Veuillez excuser notre dérapage, Capitaine.

— Il n'y a pas de mal, Leonard, sourit Pike depuis son bureau. Je suis au contraire rassuré de voir que vous êtes soutenu. Je dois bien avouer que votre état, la dernière fois que l'on s'est rencontrés, m'a beaucoup inquiété. »

Le visage du capitaine était renfrogné, et Leonard pouvait sentir sa sincérité rien qu'à voir les lignes qui marquaient ses traits.

« Je vous remercie pour votre inquiétude, Capitaine. En effet, Neavi est d'un grand support, ici.

— J'en suis ravi. De quoi vouliez-vous me parler ? »

Leonard tourna la tête vers Neavi, qui lui sourit en acquiesçant. Il prit une grande inspiration et se lança, plongeant virtuellement son regard dans celui de Pike.

« Bien. Je me suis souvenu de ce que vous m'avez dit avant de partir. Vous m'avez dit de ne pas abandonner. Est-ce que vous vouliez dire que j'ai une chance de récupérer la garde de Jim ? »

Un court silence sans réaction suivit sa question. L'angoisse commença à monter en lui. S'était-il trompé ? Est-ce que Pike avait simplement exprimé son soutien comme Neavi le pensait ? Son estomac se retourna rien qu'à cette pensée.

Puis un grand sourire s'épanouit sur le visage de Christopher. Ses yeux brillaient de cet éclair de malice qu'il arborait souvent. Un vague rire lui échappa, et lorsqu'il prit la parole, son sourire était toujours là.

« Je savais que vous comprendriez le message, je me suis demandé quand est-ce que ça viendrait !

— Alors c'est ça ? souffla Leonard, plein d'espoir.

— C'est ça. »

Un feu d'artifice explosa dans la tête de Leonard. Il allait retrouver son fils, il allait retrouver Jim ! Un énorme sourire qui lui fit mal aux mâchoires se glissa sur ses lèvres et lorsqu'il regarda Neavi, leurs yeux brillaient.

« Attendez, Leonard ! »

La voix de Pike les attira à nouveau vers le padd, et cette fois, son expression était plus sombre. Leur bonne humeur retomba immédiatement et Leonard sentit son mal-être revenir.

« Ça ne va pas être si simple. J'ai découvert qu'il y avait un vice de procédure, tout n'a pas été étudié, toutes les personnes concernées n'ont pas été interrogées. Mais je dois faire remonter cette découverte aux amiraux, et il y aura une enquête approfondie. Vous ne pourrez pas monter demain à San Francisco et récupérer Jim. Ça va prendre plusieurs semaines. »

Son visage était dur, il ne trahissait plus aucune émotion, il voulait simplement les faire prendre conscience de la situation. Leonard déglutit difficilement, regarda Neavi qui acquiesça, le regard déterminé, et il tourna à nouveau la tête vers le padd.

« Je le ferai. Je ferai tout pour retrouver mon fils. »

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« Tu es prêt pour tout ça ? » demanda Neavi une fois qu'ils eurent rejoint leur lit.

La conversation avec Pike avait encore duré un moment, il leur avait parlé de tout ce qu'ils allaient devoir traverser, et quand ils avaient enfin pu se coucher, ils étaient au-delà de l'épuisement. Ils s'étaient effondrés dans les bras l'un de l'autre, mais le sommeil ne leur venait pas.

« Non. Mais je le ferai. J'ai besoin de Jim.

— Ils vont éplucher toute ta vie, Imzadi, tu n'auras plus du tout de vie privée.

— Ils l'ont déjà fait la première fois, ça ne me dérange plus. »

De sa position sur le dos, il se tourna pour faire face à Neavi. Il passa sa main sur sa joue et la caressa tendrement.

« Et toi ? Ça ne te dérange pas ?

— Je n'ai rien à cacher. Je n'ai pas eu une vie complètement lisse mais je n'ai rien à me reprocher. Et pour retrouver Jim, j'accepte que chacune de mes actions soit étudiée. »

Leonard sourit et attira Neavi contre lui, sa main posée au creux de ses reins qu'il caressait délicatement.

« Merci pour tout ce que tu fais pour nous.

— J'ai envie de retrouver Jim, moi aussi. C'est qu'il est attachant, ton fils. »

Il sourit et glissa une main sur sa taille alors qu'elle venait s'allonger sur lui, son menton posé sur son torse.

« Tu sais que tu es charmant ?

— Avec la vue sur mon double menton ? rit Leonard. Tu te moques de moi ?

— Mais il est mignon ton double menton, s'amusa-t-elle à son tour. Et puis, on en a tous un, et toi, tu es beau avec ou sans. Je dirais même que tu es carrément sexy. »

Leonard rit légèrement en renversant la tête en arrière puis la remonta et son regard plongea dans les orbes à la couleur de l'obsidienne. Il se sentit s'y noyer, il retint sa respiration, il ferma les yeux, puis un air bienvenu fut soufflé contre ses lèvres, il ouvrit les yeux, et Neavi l'embrassait. Elle l'embrassait, avec tant de délicatesse, tant de tendresse, tant de sensualité, tant d'amour...

Il s'enfonça dans le matelas, ses bras s'enroulèrent d'eux-mêmes autour de la taille de Neavi, l'attirèrent plus encore contre lui, sa langue se faufila entre ses lèvres si chaudes et douces, et le baiser prit une teinte bien plus sensuelle.

Un besoin dont il n'avait pas conscience vint l'étreindre, un brasier s'alluma en lui, une envie désespérée de plus de contact, un besoin d'une peau chaude contre la sienne, l'entourant, l'étreignant.

Les mains de Neavi se glissèrent sous son haut, traînèrent sur son sous-vêtement, et il sut qu'il ne dormirait pas avant un long moment.

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Alors qu'il ouvrait les volets, Leonard fut gratifié par un puissant rayon de soleil venant heurter son visage. Il sourit alors que sa chaleur se propageait sur sa peau. Une belle journée se profilait à Atlanta, et son humeur y convenait parfaitement.

Nu comme un ver après la nuit qu'il venait de passer, il retourna jusqu'au lit et s'agenouilla dessus, près de Neavi. Le soleil s'échouait sur sa poitrine nue, reflétait sur sa chevelure emmêlée... Il la trouvait si belle, ainsi !

Il se pencha et déposa un baiser à la base de son cou, dans ce minuscule creux qui l'attirait tant. Un vague grognement s'échappa de la jeune femme et fit vibrer ses lèvres contre sa peau. Il sourit et remonta lentement ses baisers, d'abord son cou, puis son menton, puis ses lèvres.

Neavi remua quelques instants puis ses bras se levèrent dans les airs et elle l'attira contre elle, et leurs lèvres se rencontrèrent d'elles-mêmes.

« Bonjour, Mademoiselle, » souffla-t-il contre ses lèvres.

Un rire venu du cœur retentit dans la pièce et Neavi le repoussa d'une main contre ses lèvres, pleinement réveillée cette fois.

« Dis-moi, Imzadi, que penses-tu de se brosser les dents avant de se parler d'aussi proche ? »

Leonard ne put s'empêcher de la rejoindre dans son rire et se rassit sur ses genoux. Il passa une main devant sa bouche, souffla un grand coup et grimaça.

« Mon dieu ! Rassure-moi, je ne sens pas comme ça tous les matins ?

— Non, Leo', t'en fais pas, répondit Neavi, toujours plongée dans son rire. Mais ce matin, je dois bien avouer que ce n'est pas très agréable !

— Toutes mes excuses, sourit-il. Tu sais quoi ? Je vais me rafraîchir l'haleine un bon coup puis je te rejoins en bas après avoir réveillé Jojo'. Je préparerai le déjeuner pour me faire pardonner ! »

Le rire de Neavi s'était atténué mais elle souriait toujours, ce magnifique sourire qui illuminait la pièce, et elle hocha la tête.

Il embrassa rapidement sa joue, la faisant rire à nouveau, et sortit du lit puis de la pièce.

« Leo' ? » entendit-il depuis le couloir.

Il fit marche arrière et se pencha dans la porte, et tomba sur le visage sérieux de Neavi.

« Oui ?

— Tu réveilles Joanna nu, maintenant ? »

Leonard baissa son regard sur sa nudité, puis le releva vers Neavi, qui contenait difficilement son rire.

« Oups ? »

Cette fois, son rire communicatif résonna dans la pièce et elle lui jeta son caleçon à la tête. Il l'enfila rapidement puis fila dans le couloir jusqu'à la salle de bain. Au loin, il entendait toujours le rire de la jeune femme, et il sourit à son tour.

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Après avoir déposé Joanna au collège, Leonard reprit la route de chez lui. Il était perdu dans ses pensées, et c'était la première fois qu'il se le permettait vraiment depuis l'appel de Pike.

Il avait encore toutes ses chances de retrouver Jim. Il leur suffisait à tous de montrer leur bon côté, de se vendre, et son fils serait de retour dans leur maison, aimé, choyé, loin de tous ces officiels pompeux et de ces gamins qui continuaient de le torturer.

La veille, alors qu'ils parlaient encore de l'aspect technique et de tout ce qu'ils devraient faire pour obtenir le droit de garde de Jim, Pike avait été distrait par une sonnerie près de lui. Lorsqu'il avait relevé la tête, il avait cet air mêlé d'anxiété et de fermeté qu'il avait bien souvent lorsqu'il parlait de Jim.

Et pour cause, après la communication avec son père, le garçon avait complètement vrillé. Un gardien avait dû intervenir après que Jim avait jeté toutes ses affaires contre les murs et déchiré ses draps, réveillant les enfants des chambres voisines.

Lorsqu'il était arrivé dans la pièce, le garçon était effondré au sol, bien trop loin de son fauteuil pour qu'il ait pu simplement en tomber, en larmes et en proie à une colère folle.

Ils avaient dû s'y mettre à trois pour réussir à le calmer et le ramener dans son lit. En quelques minutes, il était endormi, épuisé par ses tourments.

Lorsque Pike avait raconté cela à Leonard, il n'avait pu s'empêcher de culpabiliser. Il n'avait pas aidé Jim, il l'avait enfoncé. Mais le capitaine lui promit d'aller voir le garçon au petit matin et de l'aider, et il lui avait fait confiance.

S'il y avait bien une personne que Jim écouterait, c'était lui.

Leonard fut sorti de ses pensées par la sonnerie de l'ordinateur de bord lui indiquant une communication. Il décrocha machinalement sans regarder l'identité de la personne, et reconnut bien vite la voix de Madison.

« Bonjour, Maman.

— Salut, Lenny. Dis-moi, j'ai eu un message de Starfleet, ce matin, tu sais ce qu'ils me veulent ? »

Il ne put s'empêcher de sourire, le regard fixé sur la route. Le processus était en marche, ils allaient y arriver.

« J'ai lancé une procédure d'adoption pour Jim.

— Tu as fait quoi ? s'écria-t-elle, presque avec colère. Lenny, tout ce que tu vas faire, c'est te détruire plus encore ! »

Leonard soupira. Depuis le début de cette histoire, Madison cherchait à le protéger, mais il en avait assez. Il savait ce qu'il faisait, et ce doute permanent qu'elle posait sur lui commençait à l'agacer.

« J'ai lancé une procédure d'adoption suite à l'approbation de Christopher Pike. Il y a eu un vice de procédure, avec un peu de travail, Jim peut être de retour chez nous. »

Il y eut un petit silence gêné de l'autre côté de la ligne et il pensa un temps que Madison allait raccrocher, mais un soupir se fit entendre.

« Excuse-moi, Lenny. Je ne savais pas, je me suis emballée.

— C'est rien, Maman. Mais s'il te plaît, ne ruine pas toutes nos chances.

— Alors explique-moi ce que je dois faire, chéri. »

La suite du trajet de Leonard fut noyée sous un tas de recommandations données à sa mère. Madison était si attentive qu'il se demanda un instant si elle ne notait pas tout, avant de réaliser que c'était probablement ce qu'elle faisait.

« Je te promets de tout faire pour être irréprochable et honnête, dit-elle alors que Leonard garait l'hovercar, et excuse-moi encore pour tout à l'heure.

— Pas de mal, Maman. Bon courage pour ton rendez-vous. »

Après de courtes salutations, tous deux raccrochèrent et Leonard sortit enfin de son véhicule et rejoignit l'intérieur de la maison, désespérément vide. Joanna au collège, Neavi à l'hôpital, lui, seul.

Il s'installa à son bureau, alluma son terminal, sortit ses dossiers. Puisqu'il n'avait rien à faire, autant continuer d'accumuler les charges sur Cehg.

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« Tu vois, tu enroules bien autour de la zone tout en serrant, mais pas trop pour ne pas couper la circulation du sang.

— Je peux essayer sur toi ?

— Oui bien sûr. Tiens, prends la bande. »

Leonard sourit à Joanna et lui tendit le morceau de tissu. Elle se mit au travail et entoura son poignet de la restreinte avec tant de minutie et d'attention qu'il se sentit presque comme un vrai blessé.

Depuis près d'une heure, il apprenait à sa fille les tâches les plus basiques de son métier, et Joanna l'impressionnait par sa dextérité et sa précision. Lorsqu'elle lui avait demandé de lui apprendre, il s'était attendu à ce qu'elle fasse beaucoup d'erreurs, comme bon nombre de débutants, mais elle reproduisait tout comme si elle l'avait toujours fait.

« Elle m'a sûrement souvent vu faire », pensait Leonard en la voyant faire, mais ça ne l'empêchait pas d'être sidéré par ses capacités. Aucun doute, si Joanna décidait d'en faire son métier, elle ferait partie de l'excellence.

La porte de la maison s'ouvrit au moment où elle sécurisait le bandage, et Neavi apparut dans l'entrée du salon. Lorsqu'elle vit le poignet de son compagnon, elle accourut à ses côtés, le prit entre ses mains, les sourcils froncés, et le manipula doucement.

« Qu'est-ce que tu as fait ? Tu étais pourtant ici, tu n'as pas pu te blesser comme ça ! »

Leonard sourit, récupéra son bras et remonta son visage vers lui pour l'embrasser. Il vit, du coin de l'œil, Joanna les observer avec tendresse, et il sourit un peu plus contre les lèvres douces et chaudes.

« Je n'ai rien, Nea', dit-il enfin quand ils se séparèrent.

— Pourquoi Joanna te fait un bandage alors ? Tu as au moins une foulure !

— Papa m'apprend les tâches qui sont souvent données aux infirmières. J'expérimente sur lui.

— Et tu es très douée ! » sourit Leonard en ébouriffant ses cheveux.

Joanna râla et aplatit ses mèches rebelles, une moue boudeuse au visage. Neavi soupira, s'assit sur ses talons, et avertit son regard sur Leonard, qui s'en sentit transpercé.

« Tu ne peux pas prévenir quand tu fais ce genre de chose ? demanda-t-elle, un peu amusée.

— Je t'ai prévenue... Après.

— Idiot ! »

Il sourit et l'attira près de lui pour lui déposer un baiser sur la tempe, et elle lui rendit sur la joue.

« Je te demande pardon de t'avoir inquiétée inutilement.

— Je ne t'en veux pas, sourit-elle. Je vais me laver, je dois te parler après.

— Okay, on range tout ça puis je te rejoins là-haut. Rien de grave ?

— Plutôt une bonne nouvelle. Je t'expliquerai tout. »

Ils se sourirent, s'embrassèrent, puis elle se leva et partit à l'étage en emportant son sac.

Leonard, lui, reporta son regard sur Joanna, qui retenait visiblement un rire, les lèvres pincées. Ses yeux étaient illuminés de cette lueur de malice qu'il aimait tant la voir arborer, et, tout en ôtant et enroulant la bande, il la fixa du coin de l'œil, attendant le moment où elle craquerait.

Puis un rire enfantin résonna dans la pièce et il releva la tête vers elle, alors qu'elle se pliait en deux en se tenant le ventre, son corps secoué par son rire.

« Qu'est-ce qui t'amuse autant, chérie ? demanda-t-il en cachant son amusement.

— Toi !

— Pardon ? »

Faussement offensé, il fronça les sourcils dans sa meilleure allure de père autoritaire et croisa les bras sur sa poitrine. Face à lui, Joanna continuait de rire, jusqu'à ce qu'elle voie son expression.

Son rire mourut lentement dans sa gorge et elle s'approcha en glissant sur ses genoux jusqu'à être juste face à lui.

« Tu m'en veux, Papa ? s'enquit-elle d'une petite voix coupable.

— À ton avis ?

— Pardon, Papa, je ne voulais pas me moquer de toi. »

Elle baissa la tête sur ses mains qu'elle torturait et il dut résister de toutes ses forces pour ne pas la serrer contre lui. Voilà pourquoi il n'avait jamais réussi à rester fâché contre elle, Joanna était bien trop adorable pour son propre bien.

Puis un bruit de détresse étouffé retentit et il vit une goutte d'eau tomber sur le genou de sa fille. Il fronça les sourcils, inquiet, et releva son visage d'un doigt glissé sous son menton. Les joues de Joanna étaient trempées de larmes, ses yeux fermés.

Il passa son pouce sur sa joue et elle ouvrit lentement ses paupières, laissant plus d'eau encore s'en écouler.

« Chérie... Viens là, ma puce, » murmura-t-il en lui tendant les bras.

Joanna ne se fit pas prier et grimpa sur ses genoux jusqu'à être blottie contre lui. Il referma son étreinte, une main dans ses cheveux, l'autre dans son dos, et embrassa à de nombreuses reprises ses tempes.

« Pardon, Papa. Je ne voulais pas être méchante.

— Tu ne l'as pas été, chérie, je voulais juste te faire une blague. Je ne pensais pas que tu réagirais comme ça. »

Elle leva la tête vers lui, la pencha sur le côté et essuya ses joues.

« J'ai été maladroit, ma puce. Mais tu ne réagis pas comme ça, d'habitude. Tu as un problème ? Ça ne va pas ? »

Elle haussa les épaules puis s'assit au fond du canapé et prit la main de son père entre les siennes, jouant avec la bague sur son pouce que Jim et elle lui avaient offert quelques années auparavant.

« Je crois que j'ai un peu peur de te perdre toi aussi.

— Mais je serai toujours là pour toi, chérie.

— Mais ils t'ont enlevé Jim parce qu'ils pensaient que tu le mettais en danger. Imagine, s'ils pensent que tu fais la même chose avec moi. »

Elle le regarda dans les yeux, se mordilla la lèvre quelques instants, puis reporta son attention sur la bague.

« Tu pourrais aller en prison, ou en centre psychiatrique, et ils t'enlèveraient ma garde, et on ne se reverrait plus jamais. Je ne veux pas te perdre toi aussi. »

Pour la seconde fois de la soirée, Joanna laissa des larmes s'échapper, qui cette fois tombèrent sur la main de Leonard, et il réalisa qu'il ne s'était pas assez occupé d'elle ces derniers temps.

Tellement focalisé sur la disparition, puis la guérison, puis le départ de Jim, il en avait oublié sa fille, oublié qu'elle aussi souffrait de cette situation, et que contrairement à lui qui était un homme expérimenté, elle n'était encore qu'une enfant. Une enfant qui n'avait pas assez de recul, qui ne comprenait pas encore tout.

Elle avait eu peur, elle avait toujours peur, et lui ne pensait qu'à Jim et à sa petite personne. Il se sentit soudain profondément égoïste, et le dégoût qu'il ressentait à chaque instant à son égard depuis un mois devint plus important encore.

Il enroula son bras libre autour de sa fille et l'attira une fois de plus contre lui, brossant tendrement ses cheveux. Il posa son menton sur le dessus de son crâne et la serra fort contre lui.

« Tu ne me perdras pas, Joanna, je te le promets. Je m'excuse de t'avoir négligée. »

Elle haussa les épaules sans répondre, faisant soupirer son père qui se sentait de plus en plus coupable. Il resserra encore sa prise autour de sa fille, la berça tendrement, la rassura encore dans un murmure, jusqu'à ce que son haut cesse de s'humidifier.

À ce moment-là uniquement, il se détacha de Joanna, qui lui sourit timidement en essuyant ses larmes.

« Ça va mieux ?

— Oui, souffla-t-elle en hochant la tête, merci, Papa.

— Quand tu veux, Chérie, n'hésite jamais à venir me voir. »

Elle hocha encore la tête au moment où des bruits de pas se firent entendre dans les escaliers et Neavi apparut, enroulée dans un kimono aux tons pastel, une serviette éponge autour de ses cheveux qu'elle secouait vigoureusement, la tête penchée.

« Vous n'avez toujours pas terminé de ranger ? » s'exclama-t-elle tout en avançant vers eux.

Visiblement satisfaite du séchage de sa chevelure, elle ôta la serviette et releva la tête. Son visage portait son habituel sourire, qu'elle perdit bien vite en voyant l'état des deux autres. Elle avança vers eux sur des pieds hésitants, gênée, et se mordit la lèvre.

« Ça ne va pas ?

— Si, tout va bien, sourit faiblement Joanna en reniflant. Je vais vous laisser parler.

— Non, Chérie, reste, la rattrapa Leonard. Je ne veux rien te cacher, et je pense savoir de quoi veut parler Nea'. Je dois juste t'expliquer quelque chose avant. »

Joanna, qui avait commencé à se lever, se rassit en fronçant les sourcils en une parfaite imitation de son père. Il ôta les fournitures médicales encore posées sur le sofa, les mit sur la table, puis fit signe à Neavi de s'approcher. Elle s'assit à même le sol devant eux dans un mouvement délicat et prit la main de Joanna dans la sienne, en lui souriant pour la rassurer.

« Je ne voulais pas te le dire à l'origine pour te faire la surprise, commença Leonard, mais je ne veux pas te cacher ça, c'est trop important.

— C'est Jim ? demanda-t-elle d'une petite voix inquiète.

— Oui, c'est Jim, mais c'est plutôt une bonne nouvelle. »

La mine confuse de Joanna se fit plus prononcée, et Leonard passa sa main entre ses sourcils comme il avait l'habitude de le faire avec Jim.

« J'ai relancé une procédure d'adoption. Il y a eu des vices de procédure qui font qu'avec un peu d'analyse, il pourra peut-être revenir à la maison. »

Un grand sourire s'épanouit sur le visage de Joanna à mesure qu'elle comprenait la situation, ses yeux se mirent à briller, et Leonard se sentit fondre face à ce visage.

« Mais il y a des conséquences à cette procédure, et c'est qu'on va tous être interrogés par les institutions de Starfleet. »

Elle inclina la tête en une question muette que son père comprit immédiatement.

« Toi aussi, Chérie, surtout toi. Il y a aussi Gran' Madi', ta mère, Neavi et moi.

— Et nos amis ?

— S'ils en ont l'occasion, c'est possible. Sûrement vos profs, aussi, peut-être Damian et le commissaire qui s'est occupé de l'enquête. »

Elle sembla réfléchir quelques instants, puis elle se mordit la lèvre, regarda Neavi, les sourcils froncés, puis à nouveau son père.

« Ils font une enquête sur toi, Papa. Ils te traitent comme un criminel. Tu n'es pas un criminel.

— Selon eux, jusqu'à preuve du contraire, j'en suis un. Ils ne sont pas certains que je n'ai pas mis Jim en danger de moi-même.

— Alors quand je dis que tu pourrais aller en prison et qu'on pourrait être séparés, j'ai raison. »

Leonard prit une grande inspiration qu'il relâcha lentement face au regard de détresse que Joanna lui lançait. Il regarda Neavi, qui hocha la tête et serra la main de la jeune fille pour attirer son attention.

« Tu n'as pas à t'inquiéter de ça, Joanna. Tout ce que tu as à faire, c'est d'être parfaitement honnête quand ils t'interrogeront. Tu seras sûrement seule pour qu'on ne puisse pas influer sur ton discours, mais tu auras juste à attendre de sortir et on sera là, c'est promis. Nous, on s'occupe du reste. »

Joanna hocha la tête puis regarda son père qui confirma les dires de Neavi d'un signe de tête.

« Ce sera quand ?

— Je suis interrogée demain matin, affirma Neavi avec un sourire. Jocelyn et Madison aussi. Puisque c'est le week-end, je pense que ce sera demain ou dimanche pour toi aussi.

— D'accord. Vous serez là, hein ?

— On sera là, chérie, murmura Leonard en caressant ses cheveux. Toujours là, je te l'ai promis. »

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« Jojo', dépêche-toi, ma puce ! » cria Leonard depuis le rez-de-chaussée.

La jeune fille descendit les escaliers en courant, faisant râler son père, et se jeta presque à ses pieds pour enfiler ses chaussures.

« Pas besoin de tomber pour autant, tu sais, » lança-t-il, amusé.

Elle releva à peine la tête de ses lacets pour le regarder puis elle se remit debout et attrapa son sweat qu'elle avait envoyé voler sur le canapé.

« Je ne veux pas que tu changes d'avis !

— Je ne changerai pas d'avis, je t'ai dit qu'on y allait, on y va.

— Cool ! Alors bouge pas, je vais juste faire un bisou à Neavi !

— Si tu permets, j'aimerais lui en faire un, moi aussi. »

Joanna rit avec malice puis trottina jusqu'à la table, où la jeune Bétazoïde était occupée sur son padd. Elle se posta près d'elle, posa une main sur son bras pour attirer son attention, et lorsque Neavi tourna la tête vers elle, se pendit à son cou et embrassa sa joue. La jeune femme sourit et la serra contre elle en l'embrassant à son tour.

« Amuse-toi bien avec ton père, et surveille-le pour moi.

— Promis ! Personne ne l'approchera de trop près !

— Merci, Poulette, je sais que je peux te faire confiance ! »

Les deux femmes se détachèrent en souriant, Joanna souffla quelques mots à l'oreille de Neavi que Leonard n'entendit pas, puis la plus jeune partit à la porte en enfilant son sweat, laissant son père s'approcher de sa compagne.

Neavi se leva pour enlacer la taille de Leonard, glissa une main sous son sweat, caressa son dos, et leva la tête pour le regarder dans les yeux.

« Bon courage, Imzadi, souffla-t-il contre ses lèvres. N'oublie pas, sois honnête, sinon ils découvriront la vérité et ça sera pire. Même si ça me désavantage, fais-le.

— Tout va bien se passer, Leo'. Il n'y a rien qui puisse te mettre dans l'embarras de ce que je sais de ta relation avec Jim. Tout ce que j'ai toujours vu, c'est de l'attention et de l'amour. Ça va aller. »

Il soupira de lassitude et posa son front contre le sien, les yeux fermés.

« Ne les laisse pas te faire de mal. Ils peuvent aller tellement loin...

— Je sais, Imzadi, ne t'en fais pas. Je suis assez forte pour endurer ce qu'ils me diront.

— Je l'espère.

— Fais-moi confiance. Passe ta matinée avec Joanna, profitez-en, rentrez quand vous voulez. Ne pense pas à moi. »

Il hocha la tête et posa enfin ses lèvres sur celles, si tentatrices, de Neavi. Leur baiser était si doux, si délicat... Il se sentit fondre contre la jeune femme, puis elle se recula en posant une dernière fois ses lèvres sur les siennes.

« Va rejoindre Joanna, elle t'attend.

— Bon courage, Nea'.

— Merci, Imzadi, ne t'en fais pas pour moi. »

Ils se sourirent une dernière fois puis Leonard se tourna, récupéra un plat sur la table et rejoignit Joanna à la porte. Tous deux sortirent puis la jeune fille se dirigea vers leur hovercar en sautillant.

« Chérie, on prend celle de Nea'.

— Pourquoi ? demanda Joanna en fronçant les sourcils. Elle est bien la nôtre.

— Mais la place avant est toujours aménagée pour le fauteuil, et si je veux qu'on passe du temps ensemble, c'est aussi pour que tu sois assise à côté de moi. »

Joanna sourit et sautilla jusqu'à son père jusqu'à enserrer sa taille dans une étreinte légère qui le surprit plus qu'autre chose.

« Merci, Papa ! Ça ne dérange pas Neavi ?

— À ton avis ? Est-ce que tu as déjà vu Neavi être dérangée par quelque chose ? »

La jeune fille fit mine de réfléchir quelques secondes, un doigt posé sur son menton, puis lança un « Non ! » et courut jusqu'à la portière passager du véhicule. Leonard rit de la voir ainsi puis rejoignit sa place après avoir ouvert les portes.

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Vingt minutes plus tard, Leonard gara l'hovercar devant une boutique d'antiquité qu'ils avaient l'habitude de visiter.

Sa devanture, si ancienne au milieu des immeubles à la pointe de la technologie, attirait l'œil à coup sûr, et c'était Jim qui l'avait remarquée en premier, le jour même de son arrivée à Atlanta.

Depuis, ils allaient régulièrement la visiter, et Leonard, la veille, avait pensé que c'était l'une des meilleures façons de renouer avec sa fille. Joanna avait toujours adoré l'ambiance qui régnait à l'intérieur, elle s'y sentait apaisée, et commencer par cela aujourd'hui était la meilleure idée que Leonard ait eue depuis bien longtemps.

Tous deux entrèrent main dans la main dans la boutique, et le tenancier, bien habitué à les voir, sourit immédiatement en les voyant entrer. Il leur avait un jour dit qu'ils étaient ses meilleurs clients, alors même qu'ils n'achetaient que très rarement.

Lorsque Leonard lui avait fait part de son incompréhension, le vieil homme lui avait répondu qu'il se fichait de vendre, du moment qu'il voyait une telle curiosité et un tel émerveillement dans les yeux de ses enfants.

C'était ce jour-là qu'ils avaient décidé de venir plus souvent, et depuis, ils ramenaient toujours des gourmandises au vieil homme, qui leur offrait le thé en retour, ou toute autre boisson qu'il concoctait dans le fond de sa réserve.

Aujourd'hui ne faisait pas exception. Leonard avait, avec l'aide de Neavi et Joanna, préparé des flans en parts individuelles, le dessert préféré du vieil homme dont ils n'avaient jamais appris le nom mais que les enfants avaient appris à appeler « Papi ».

« Oh mes enfants ! leur lança-t-il tout en se levant sur sa canne. Cela faisait si longtemps que je ne vous avais pas vus ! Où est notre petit Jimmy ? »

Joanna s'approcha de lui pour lui raccourcir la route et se leva sur la pointe des pieds pour lui faire la bise. Papi la serra brièvement contre lui puis en fit de même avec Leonard, qui devait bien avouer beaucoup apprécier le tenancier.

« C'est une longue histoire, Papi, soupira Joanna.

— Oh, ma petite Joanna, tu en as gros sur le cœur. Toi aussi, Leonard, tu as l'air bien fatigué ! Venez donc vous asseoir ! »

Joanna regarda son père alors que Papi partait vers la réserve, et Leonard hocha la tête et la poussa jusqu'à la petite table près du comptoir. Tous deux prirent place, Leonard posa son plat de flans sur le plateau, puis ils attendirent le retour du vieil homme.

Comme à chaque fois, Leonard était tenté par l'idée d'aller l'aider, mais l'unique fois où il avait essayé, il s'était fait virer de la réserve à grands coups de canne dans le derrière. Papi avait cet art pour se faire respecter, surtout lorsqu'il s'agissait de sa pièce secrète, dans laquelle jamais personne ne devait entrer.

Il revint quelques minutes plus tard avec un plateau posé en équilibre sur sa main, à la manière d'un serveur de grand restaurant, avec trois tasses et deux théières posées dessus. Il déposa son fardeau près du plat de flans puis se laissa tomber sur sa chaise, une main posée dans son dos.

« Vous devriez faire attention à vous, Papi, soupira Leonard. Je vous ai dit cent fois que je peux vous aider !

— Je t'ai demandé un commentaire, jeunot ? Je suis vieux, pas impotent ! »

Leonard vit du coin de l'œil Joanna étouffer un rire dans sa manche, et lui-même dut s'en retenir.

« Je n'ai pas dit cela, Papi, je vous sais capable de vous débrouiller.

— Alors pourquoi est-ce que tu continues de proposer ? Je t'ai déjà dit non ! Allez, buvons ! »

Il servit une tasse de ce qui ressemblait à du chocolat chaud à Joanna puis un thé aux senteurs délicates dans les deux autres tasses.

« J'ai fait deux nouveaux essais, Joanna, tu m'en diras des nouvelles !

— Tout ce que vous faites est toujours très bon, Papi, répondit Joanna en soufflant sur sa tasse.

— Merci, ma petite. Et si vous me racontiez, maintenant. Je vois bien que vous n'allez pas bien, et vous savez que je n'aime pas ça ! »

Leonard soupira, attrapa sa tasse de thé de ses deux mains, et commença à raconter toutes leurs récentes mésaventures avec l'aide de Joanna. Papi ne parla pas une seule fois, écoutant simplement tout ce qu'ils avaient à dire, les laissant se vider de tout ce qui leur pesait dessus.

De temps à autres, son visage se renfrognait, un petit grognement se faisait entendre du fond de sa gorge, un soupir, mais jamais il ne les coupa.

« J'ai bien vu ces images ! s'exclama-t-il quand ses deux visiteurs terminèrent leur récit. Ça m'a rendu malade pour le gamin et sa famille ! Mais je n'ai même pas reconnu le petit Jimmy tant il était défiguré ! Je vous aurais contactés, sinon, vous aviez bien besoin d'un petit tour ici ! »

Leonard sourit au vieil homme sans vraiment y mettre de chaleur et caressa le dos de Joanna, qui avait la tête penchée au-dessus de sa tasse, le visage marqué d'avoir revécu ces évènements.

« Il n'y a pas de mal, Papi. Sincèrement, on n'avait pas vraiment la tête à voir du monde.

— Et tu ne l'as toujours pas, gamin. Tu es venu ici pour Joanna, mais si tu avais pu l'éviter, tu l'aurais fait. »

Papi savait toujours tout sans qu'on ne le lui dise. Leonard sentit une boule se former et grossir dans sa gorge, et il déglutit difficilement.

« Pas de mal, fils, je ne peux pas dire que je sais ce que c'est mais je comprends. J'espère en tous cas que ça fonctionnera et que je pourrai revoir le petit !

— On l'espère aussi, souffla Leonard.

— S'il y a besoin d'un témoignage de plus, appelle-moi. Tu n'es pas responsable, je le sais, tu es formidable pour lui. Je n'ai jamais vu un seul père emmener ses enfants ici pour leur faire plaisir. »

Leonard sourit alors que le vieil homme prenait sa main dans la sienne et la pressait avec toute sa force de personne âgée. Il sentit même des larmes lui monter aux yeux, de cette attention que cet homme qu'il ne connaissait pas vraiment lui portait.

« C'est aussi pour me faire plaisir que l'on vient, Papi. Vous êtes génial autant pour les enfants que pour moi.

— Merci, gamin. Bois, maintenant, tu as besoin de chaleur dans ton intérieur tout gelé. »

Un hochement de tête et il porta la tasse à ses lèvres, savourant l'arrière-goût de jasmin qui se dégageait de l'infusion.

Cette boutique l'apaisait autant que ses enfants.

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