Chapitre 12


« Échec, Boy !

— Échec et mat ! Encore raté, Papa !

— Tu m'énerves à être si doué ! »

Jim s'apprêtait à répondre lorsqu'on toqua à la porte. Leonard, immédiatement en alerte, vérifia l'identité du visiteur depuis la grande baie vitrée, puis, satisfait de celle-ci, il se dirigea vers la porte. Jim, curieux, et visiblement angoissé, fit pivoter son fauteuil pour voir l'entrée.

« Papa, qui c'est ?

— Le commissaire qui s'occupe de l'affaire, Boy, ne t'en fais pas. »

Leonard vit son fils mordre sa lèvre, et, en passant près de lui, passa son pouce sur sa bouche, le faisant lâcher sa prise.

« Je suis là, Boy, murmura-t-il. Peu importe ce qu'il vient faire ici, je ne te lâche pas. Détends-toi, » termina-t-il en plantant un baiser sur son front.

Sur ce, il se redressa et ouvrit enfin à l'homme filiforme qui se tenait derrière la porte, le poing levé, et Leonard devina qu'il s'apprêtait à toquer à nouveau. Cependant, Jim ne sembla pas le prendre de cette façon, et, avant que son père n'ait pu saluer l'inconnu qui se tenait face à lui, il précipita le fauteuil dans leur direction et enroula ses bras autour de la taille de Leonard, le faisant reculer. Celui-ci se tourna vers lui, les sourcils froncés, et s'abaissa à sa hauteur.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive, Boy ? demanda-t-il d'une voix douce en caressant sa joue.

— Il allait te frapper, Papa...

— Boy... sourit Leonard en secouant légèrement la tête. Je te l'ai dit, c'est un officier de police, il n'allait pas me frapper.

— Mais, son poing...

— J'ai mis longtemps à venir ouvrir, il allait toquer à nouveau, c'est tout. Tout va bien, Boy. »

Jim fixa son regard sur son père, se mordilla la lèvre, puis, les yeux exprimant une légère culpabilité, murmura un petit « Vraiment ? », auquel son père répondit par un unique hochement de tête. Le garçon se tourna alors vers l'homme aux traits indiens se tenant devant la porte.

« Pardon, monsieur, murmura-t-il. Je suis Jim McCoy, mais vous devez le savoir.

— Il n'y a pas de mal, Jim. Et oui, je le savais déjà, mais c'est un honneur de te rencontrer. Je suis Naveen Joshi.

— Merci. Est-ce que vous avez trouvé mon frère ? »

Le commissaire leva les yeux vers Leonard, qui lui fit signe d'entrer. Jim se tourna vers son père, comme s'il s'était attendu à une autre réaction de sa part, puis vers Joshi, et son regard exprimait une certaine peur quand il le posa à nouveau sur Leonard.

« Tu sais quelque chose, Papa ? Il est encore dans la nature, c'est ça ? On doit le trouver !

— Boy, on va en parler dans le salon, veux-tu ? Ça sera plus confortable pour tout le monde.

— D'accord, Papa. Je pourrai rester, ou c'est une discussion d'adultes ?

— On verra ça avec Monsieur Joshi, Boy. Ça te va ?

— Oui, d'accord, Papa, pardon.

— Ce n'est rien, Jim, » conclut-il en passant une main dans ses cheveux.

Sur ce, il attrapa les poignées du fauteuil et ramena Jim dans le salon, suivi par l'officier, qui s'assit sur le sofa quand il lui indiqua. Leonard, lui, s'installa dans un fauteuil, Jim près de lui pour prévenir toute panique. Après un court silence quelque peu gênant, Joshi prit la parole sous le regard attentif des deux autres hommes.

« Bien, premièrement, j'ai une bonne nouvelle. George Samuel Kirk a été appréhendé, ainsi que l'ensemble de ses complices.

— Quelle est la mauvaise nouvelle ? » demanda Jim sans attendre.

Son père posa une main sur sa cuisse pour le détendre, passant et repassant sa main sur le muscle pour l'aider à se relaxer.

« La mauvaise nouvelle, c'est que tu vas devoir les identifier, puisque tu es le seul à pouvoir le faire. »

Les mots tombèrent sur Leonard et Jim comme une chape de plomb. Le garçon se mit à trembler, il ferma les yeux, et son père le vit serrer son poing dans une tentative de contrôle. Craignant qu'il ne se blesse, il l'entraîna dans une étreinte forte et prit sa main dans la sienne, desserrant ses doigts calmement.

« Je suis désolé de te demander ça, Jim. J'aimerais qu'on puisse l'éviter.

— Il y avait un Korrigan. Il peut prendre n'importe quelle forme pour que je ne le reconnaisse pas.

— On a des produits inhibant ces capacités, il ne peut plus changer de forme.

— Alors je le ferai, déclara-t-il d'une voix assurée.

— Boy...

— Je dois le faire, Papa. Sinon, on ne sera jamais en sécurité. »

Leonard était forcé d'avouer qu'il avait raison, même s'il n'était pas vraiment rassuré par l'idée que Jim voie encore ces types.

« Il y a autre chose dont j'aurais besoin...

— Ce n'est pas suffisant comme ça ? demanda Leonard, presque agressif.

— J'aimerais pouvoir éviter ça aussi, mais je n'ai pas le choix.

— Dites toujours, souffla Jim d'une voix lasse.

— J'ai besoin que tu me racontes tout. C'est le seul moyen pour qu'on puisse les garder. »

---

« Tu n'es pas obligé de le faire, Boy, assura Leonard une fois le commissaire parti.

— Si, Papa, je suis obligé, sinon, Sam s'en sortira sans rien, et ses gars aussi, alors qu'ils nous ont détruits. Il ne mérite pas ça, il mérite de pourrir en Enfer, mais je vais me contenter d'une colonie pénitentiaire puisque je n'ai pas d'autre choix. »

Leonard fut surpris par l'agressivité et le ressentiment suintant de la voix de Jim. Jamais il ne l'avait entendu parler ainsi, et il devait avouer que ce changement n'était pas des plus plaisants.

« Je n'ai pas le choix, Papa, reprit-il d'une voix plus douce. Je n'ai pas le choix, parce que sinon, on ne sera jamais en sécurité, on regardera toujours au-dessus de notre épaule pour voir s'ils ne nous suivent pas, et je ne veux pas vivre dans la peur, tout comme je ne veux pas qu'il vous arrive quoi que ce soit. Alors même si je ne veux pas raconter tout ça, même si ça me détruit d'avance, je vais le faire. Mais je veux que tu sois avec moi. J'en ai besoin. »

Leonard ne réfléchit pas un seul instant et hocha la tête. Bien sûr, qu'il serait là pour Jim, il serait toujours là. Rendez-vous était pris le lendemain, et d'ici là, il faudrait essayer de penser à autre chose, aussi difficile que ça serait.

« Boy, qu'est-ce que tu veux faire ? demanda-t-il en s'accroupissant devant son fils.

— Est-ce que je peux dessiner un peu ?

— Oui bien sûr, ici ou dans ta chambre ?

Je ne veux pas être tout seul...

— Je vais aller chercher tes affaires, alors, sourit Leonard en caressant ses cheveux. Tu veux essayer d'installer ta plateforme seul ?

— J'aimerais bien, Papa. Merci. »

Le père sourit et embrassa le front de Jim en se redressant. Il sortit l'équipement nécessaire à l'installation de Jim d'un placard et le posa près de lui.

« Voilà, Boy, je reviens tout de suite. »

Le garçon hocha la tête et regarda son père partir. Celui-ci se dépêcha de monter, entra dans la chambre de Jim, sortit son matériel de dessin de la commode, récupéra son padd dans sa propre chambre puis descendit à nouveau. Là, il vit Jim, installé à la table sur sa plateforme, ce qui le fit sourire. Ça lui donnait une impression de normalité qu'il aimait particulièrement.

Il déposa les affaires de son fils sur la table, posa son padd face à lui et passa une main dans ses cheveux. Jim ouvrit sans attendre son carnet de dessin, si précieux à ses yeux, et attrapa un crayon dans le carton près de lui. Il se pencha alors sur sa feuille, déjà plongé dans ses pensées.

« Tu fais attention à tes mains, Jim. C'est un très bon exercice pour ta rééducation, mais tu dois quand même faire attention.

— D'accord, Papa, dit-il en levant les yeux quelques secondes.

— Je vais t'apporter à boire, tu en as besoin. Qu'est-ce que tu veux ?

— Je veux bien un verre d'eau, demanda-t-il sans lever la tête, s'il te plaît...

— Tu es sûr ? Tu ne veux pas du lait ? Tu adores ça.

— Non, vraiment, Papa, juste de l'eau, merci. »

Leonard poussa un court soupir qu'il espéra inaudible aux oreilles de Jim et prit la direction de la cuisine, d'où il ressortit quelques minutes plus tard, deux verres et une carafe d'eau à la main. Il disposa le tout sur la table et remplit les deux verres, puis il en tendit un à Jim.

« Tiens, Boy. »

Le garçon ne répondit ni ne réagit, gardant son regard fixé sur la feuille qu'il noircissait rapidement de coups de crayon. Leonard soupira et posa le verre suffisamment loin pour que Jim ne le renverse pas d'un mouvement malencontreux. Lui, vida le sien d'une traite, puis il s'assit face à son fils, son padd diffusant le roman qu'il lisait depuis quelques semaines entre les mains.

Cependant, son attention n'était pas vraiment sur le texte passionnant du polar du vingt-deuxième siècle mais plutôt sur le dessin sombre de son fils. De temps à autres, Jim gommait, prenait un autre crayon, noircissait différemment, gommait à nouveau avant de reprendre ses traits où il les avait laissés.

Ses sourcils étaient froncés, sa lèvre emprisonnée entre ses dents, au point où, soudainement, une goutte de sang s'échappa et vint s'écraser sur la feuille, puis une deuxième et une troisième. Leonard fit un mouvement dans sa direction, mais, comme s'il l'avait prévu, Jim prit le carnet entre ses mains, le fit bouger, et le sang dessina des traces macabres sur le papier.

Ce ne fut que lorsqu'il reposa le carnet que Jim sembla reprendre conscience de ses alentours. Il leva la tête vers son père, qui avait un air légèrement choqué au visage, puis il remarqua le verre posé près de lui, et lorsqu'il l'attrapa, il fronça à nouveau les sourcils au manque de fraîcheur qui s'en diffusait. Il porta alors son regard à son dessin, puis au chronomètre mural, et ses yeux s'ouvrirent en grand de surprise.

« Si longtemps ?

— Une heure, Boy.

— Pardon, Papa. Je ne voulais pas.

— C'est rien, Boy. Bois un peu, ça te fera du bien. »

Jim hocha la tête et lâcha son crayon, son visage déformé en une grimace de douleur. Le crayon roula jusqu'au bord de la table, et Leonard le rattrapa de justesse, le reposant sur le carnet. Il tendit ensuite le verre à son fils, qui l'attrapa de sa main gauche, contrairement à son habitude.

« Tu as mal aux doigts ?

— Un peu. Je suis désolé.

— Désolé de quoi, Jim ?

— D'avoir peut-être gâché tout ton travail... »

Leonard émit un petit grognement et se leva pour venir se tenir à côté du fauteuil. Il s'agenouilla et posa sa main sur le bras de Jim pour attirer son attention. Quand celle-ci fut sur lui, il fit glisser son pouce de haut en bas sur la peau nue du garçon.

« Jim, je ne t'en veux de rien du tout, et tu ne dois pas t'en vouloir. On ne sait pas si quoi que ce soit a bougé, et si j'avais vu que tu risquais quelque chose, je t'aurais arrêté. Le dessin t'a toujours aidé, tu en as besoin, alors je ne vais pas t'empêcher de le faire tant que tu es en sécurité. »

Jim hocha la tête puis se baissa pour embrasser la joue de son père. Celui-ci sourit et l'attira dans une étreinte réconfortante, caressant ses cheveux au passage.

« Merci, Papa.

— Il n'y a rien pour quoi tu dois me remercier. Je ne veux que ton bien, murmura-t-il en se reculant. Bois ton verre d'eau, Jim, je vais ranger tes affaires puis je préparerai à manger. »

La seule réponse qui lui parvint fut un hochement de tête et Jim se tourna vers la table pour boire son verre d'eau, puis il fit reculer son fauteuil jusqu'à ce qu'il soit en bas de la plateforme.

« Qu'est-ce que je peux faire, Papa ?

— Tu fais ce que tu veux, Jim. Tu peux te poser devant un holo, si tu veux.

— J'aimerais bien lire dans le sofa, si tu veux bien.

— Je vais t'aider à t'installer alors, puis j'irai chercher tes lunettes et ton padd quand je monterai tes affaires, ça te va ?

— C'est très bien, Papa, merci. Est-ce que je pourrai prendre une douche aussi ? Je me sens un peu sale.

— Je vais voir ce que je peux faire, on devrait pouvoir s'arranger. »

Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Jim et il roula jusqu'au sofa, où son père le rejoignit rapidement. Précautionneusement, le garçon se fit glisser de son fauteuil à ceux, bien plus confortables, du canapé familial, aidé par son père qui le maintint tout du long. Une fois assis, il se fit glisser du bord jusqu'à l'angle, où de multiples coussins étaient installés, et Leonard l'aida à positionner ses jambes confortablement.

« Ça te va, comme ça ? Tu veux plus de coussin ?

— Je crois que je serais mieux allongé, grimaça Jim. Ça fait longtemps que je suis assis, j'ai un peu mal au dos.

— Tu veux te mettre sur le côté, alors ?

— Oui, je serais mieux, si je ne risque rien.

— Ça ne sera pas pour longtemps, donc ça ne devrait pas bouger. Je vais juste un peu resserrer ton corset et tu vas bien t'installer contre les coussins, pour être sûrs. »

Jim hocha la tête et se laissa manipuler, accordant sa pleine confiance à son père. Une fois qu'il fut confortable dans sa position, il sentit la pression autour de son bassin augmenter, et bien vite, plusieurs coussins furent positionnés autour de celui-ci, diminuant considérablement son inconfort. Ce ne fut qu'à cet instant qu'il poussa un court soupir d'aise, et Leonard n'attendit pas plus longtemps avant de monter ses affaires de dessin.

Il redescendit bien vite, armé du padd et des lunettes de Jim, qu'il avait posés bien en évidence sur la table de chevet de sa chambre de façon à les retrouver facilement. De retour au salon, Jim n'avait pas bougé, si ce n'était que ses yeux étaient à peine ouverts. Il s'accroupit devant son visage, et le garçon ouvrit ses paupières. Son regard était brouillé par le sommeil, et Leonard en fut attendri. Il leva une main et vint brosser sa joue douce du dos de l'index.

« Pardon, Papa, je ne voulais pas m'endormir.

— Ne t'excuse pas, Boy. Mais si tu dors maintenant, tu auras plus de mal tout à l'heure.

— Oui, je vais essayer de rester réveillé. Je peux avoir mes lunettes et mon padd, s'il te plaît ? »

Sans répondre, Leonard glissa les branches sur ses oreilles en prenant garde de ne pas lui faire mal et lui tendit sa tablette. Jim remonta les lunettes sur son nez d'un doigt tremblant puis attrapa le padd, qu'il programma pour diffuser une biographie d'Abraham Lincoln. Son père sourit, et, dans un geste plein de tendresse, embrassa son front et ébouriffa ses cheveux.

« Je suis juste à côté si tu as besoin de moi », murmura-t-il à son oreille.

Jim leva un regard reconnaissant vers lui et hocha la tête, un fin sourire aux lèvres. Il se plongea ensuite dans son texte, et Leonard se redressa. Il plaça le fauteuil de façon à ce qu'il soit facilement accessible pour Jim, puis il rejoignit la cuisine. Il régla l'opacité de la vitre séparant les deux pièces pour garder un œil sur son fils, puis il se mit au travail.

Contrairement à la dernière fois qu'il avait préparé un repas, il se sentait bien plus concentré. La voix basse de Jim lisant dans le salon l'ancrait dans la réalité, une réalité dans laquelle il avait retrouvé son fils et où ses agresseurs étaient derrière les barreaux. Ainsi, le dîner fut rapidement prêt, et il rejoignit le salon.

Jim, bien trop plongé dans sa lecture, ne fit pas attention à lui, jusqu'à ce qu'il s'asseye juste à côté de lui, une main plongée dans ses cheveux si doux. Le garçon tourna alors la tête vers lui et lui sourit légèrement avant que son regard ne revienne vers son padd.

« C'est intéressant ? demanda Leonard en avalant un morceau de tofu piqué dans le plat avant de sortir de la cuisine.

— Très. J'aime beaucoup ce président. Tu crois que c'était comment de vivre à cette époque ?

— Je n'y connais pas grand-chose, mais je pense que c'est équivalent à vivre sur Orion en ce moment, tu sais.

— C'est vrai que ça doit être difficile. C'est soit tu es esclavagiste, soit tu es contre l'esclavage, soit tu es esclave. À part quand tu es esclavagiste et que tu le veux, rien ne doit être facile... J'aimerais tellement pouvoir aider...

— Malheureusement, Boy, on ne peut pas sauver l'univers entier. Mais on peut agir à notre échelle pour que ça évolue. »

Jim éteignit son padd et se redressa juste assez pour poser sa tête sur les genoux de son père, qui continua de lisser ses cheveux en arrière. Il se mit à le fixer de son regard si bleu et si perçant, et Leonard se sentit mis à nu par son intensité.

« Tu penses à quelque chose ?

— J'ai entendu parler de programmes d'aide pour des anciens esclaves Orions sauvés par la Résistance Intérieure. Ils sont d'abord emmenés au siège de la Fédération, puis ils sont mis dans des centres de réinsertion, surtout pour les enfants.

— Tu veux adopter un autre enfant ?

— Non, bien sûr que non, Boy. J'y ai pensé, mais je ne pense pas que ce soit une bonne solution. Je vous ai déjà tous les deux, Joanna et toi, et je ne me vois pas repartir dans la petite enfance à mon âge. »

Les sourcils de Jim se rejoignirent en une expression confuse, ce qui tira un rire léger à Leonard. Il passa son pouce sur la ride formée et la peau reprit sa place normale.

« Je ne comprends pas, Papa.

— On pourrait devenir parrains d'un enfant, en quelques sortes. Aller le voir régulièrement, veiller à son adaptation à la société Terrienne, tout ça.

— Ce serait une bonne idée, conclut Jim après quelques secondes de silence. Est-ce que ça pourrait être une petite fille ? J'ai toujours rêvé d'avoir une petite sœur.

— Ça ne serait pas vraiment ta sœur, Boy, précisa Leonard, les sourcils froncés. Ça ne serait pas comme avec Jo'.

— Je sais, Papa, mais je pourrais quand même un peu m'occuper d'elle. Tu serais d'accord ?

— On va d'abord te laisser te rétablir et on en parlera avec Jo', aussi. »

Jim hocha la tête avec ferveur puis pivota sur lui-même pour venir enfoncer son visage dans la taille de son père. Leonard eut un sourire tendre aux lèvres et ses mains retrouvèrent d'elles-mêmes le chemin des mèches blondes du garçon. Il sentit le souffle chaud du garçon venir s'échouer contre son ventre à travers son haut alors qu'un soupir d'aise lui échappait, ce qui agrandit son sourire.

Ce moment fut coupé par les protestations du ventre vide de Jim, qui plaqua sa main dessus dans un réflexe. Il sortit alors son visage du tissu recouvrant le torse de son père, une mine gênée au visage.

« Je crois qu'on va se mettre à table, sourit Leonard.

— Ça serait mieux, je crois, murmura Jim, sa lèvre emprisonnée entre ses dents.

— Allez viens, Boy, s'amusa-t-il. Un bon repas végétarien comme tu aimes t'attend. »

Un grand sourire fit son chemin sur les lèvres de Jim et Leonard l'aida à se redresser d'un bras passé autour de son torse, puis, après une pause permettant à Jim de reprendre son souffle, il le guida jusqu'à son fauteuil. Une fois le garçon installé, Leonard fit route jusqu'à la table, uniquement pour se tourner quelques secondes après en n'entendant pas le bruit des pneus sur le carrelage.

Jim mordait sa lèvre, les yeux embués, une expression à la fois honteuse et coupable au visage. Leonard fronça les sourcils et s'approcha. Jim fit reculer son fauteuil, et une larme solitaire glissa sur sa joue.

« Boy, qu'est-ce qu'il t'arrive ? demanda-t-il en fronçant les sourcils. Tu as peur de moi ? Je ne te ferai pas de mal, tu le sais. »

Le garçon secoua la tête de droite à gauche et son regard glissa plus bas. Leonard fronça encore plus les sourcils si possible et ses yeux tombèrent sur le pantalon de Jim, visiblement tâché et humide.

« Pardon, Papa, je ne voulais pas... Je n'ai pas fait exprès, je n'ai pas senti...

— Oh, Jim... Ce n'est rien, mon fils, ce n'est rien... »

Il voulut s'approcher mais Jim recula encore jusqu'à ce que le fauteuil vienne buter contre le retour du canapé. Leonard s'avança jusqu'à lui et s'accroupit devant lui. Jim voulut le repousser mais il ne bougea pas et alla jusqu'à poser ses mains sur ses genoux. Le garçon eut un regard dégoûté et tourna la tête, les yeux fermés. Son père attrapa son menton et fit pivoter son visage vers lui. Jim ouvrit les yeux mais ne les posa pas sur lui.

« Jim, tu n'as pas à être gêné, honteux ou coupable de quoi que ce soit.

— Je me suis fait dessus...

— Et alors ? Ça arrive à tout le monde, Jim. Pendant des jours, tu n'as eu aucun contrôle là-dessus, c'est normal que ça prenne du temps à revenir.

— Mais c'est nul...

— Ne dis pas ça. On va juste aller te laver, on mangera puis on ira se coucher. Tu es épuisé, Boy. »

Jim hocha la tête et laissa une nouvelle larme s'échapper de ses yeux, vite rattrapée par le pouce de Leonard posé sur sa joue. Il le laissa là et caressa tendrement sa peau.

« Ce n'est rien, Boy, » murmura-t-il encore en embrassant son front.

Il se dressa ensuite sur ses pieds et fit le tour du fauteuil pour le pousser, devinant que Jim était trop fatigué pour le faire lui-même. La journée avait été longue, entre la sortie de l'hôpital, le retour chez eux, la visite de Joshi et la séance de dessin frénétique du garçon, et malgré la sieste qu'ils avaient faite, les forces de Jim n'étaient pas encore revenues, sans compter la douleur qui continuait de le frapper à chaque instant.

Leonard positionna le fauteuil de Jim sur son ascenseur et grimpa rapidement les escaliers, prêt à le réceptionner une fois arrivé en haut. Le garçon lui arriva tremblant et pleurant silencieusement, et il se douta alors qu'il y avait plus derrière cet état que simplement une honte de s'être uriné dessus. Il y avait quelque chose de plus profond, et il était évident selon lui que ça avait un lien avec le pseudo frère de Jim. Cependant, il n'en dit rien et le mena à la salle de bain.

Là, il descendit le tabouret métallique accroché au mur de la douche avant de revenir vers Jim, qui n'avait pas bougé le moindre cheveu, les yeux plongés dans le vide. Leonard s'accroupit devant lui et remonta son visage de ses deux mains posées sur ses joues, absorbant ses larmes.

« Boy, est-ce que tu veux le faire tout seul ? »

Jim ne répondit pas mais se jeta en avant pour s'accrocher à son cou, son visage enfoui dans le tissu de sa chemise. Leonard fut surpris par sa réaction mais referma ses bras autour de lui, caressant tendrement ses cheveux.

« D'accord, Boy, je ne te lâche pas. Mais je vais avoir besoin de toi. Je ne veux pas te brusquer, je ne veux pas faire quelque chose que tu ne veux pas. »

Le garçon hocha la tête sans la sortir de son épaule. Son père soupira et le redressa légèrement, suffisamment pour voir son visage. Jim avait les yeux rouges et bouffis, et Leonard se mordit la lèvre face à son expression. Tant de détresse se lisait en lui... Ses pulsions meurtrières envers George Samuel augmentaient de puissance à chaque fois qu'il posait son regard sur son fils.

« Est-ce que tu veux te déshabiller seul ?

— Trop mal, murmura Jim d'une voix si basse qu'il eut du mal à l'entendre.

— Donc tu veux que je le fasse ? Tu me dis si tu veux que j'arrête, surtout. »

Jim hocha encore une fois la tête et Leonard se mit au travail. D'un geste prudent et lent, il commença par déboutonner la chemise que le garçon avait choisie de porter puis la fit lentement glisser le long de ses bras. Un frisson bien visible traversa Jim et Leonard attrapa une serviette sur le meuble près de lui. Il entoura le torse nu dedans et la frotta quelques secondes sur ses bras, puis il lui en donna une deuxième.

« Ça va toujours ? Si tu veux arrêter, si tu veux le faire seul, je te laisse faire.

— Non, toi, s'il te plaît.

— D'accord. Tu sais ce qu'on va faire ? Je vais enlever ton pantalon, je vais tout faire moi-même, pour que tu ne te fasses pas de mal, et tu vas poser une serviette sur tes jambes pour ne pas avoir froid.

— Mais elle va être sale...

— C'est pas grave, ça, Jim. Je la laverai. Tout ce qui compte, c'est que tu sois bien. »

Le garçon ferma les yeux quelques secondes avant de les ouvrir, et son père put y voir une certaine détermination, ce qu'il prit comme un signal. Il posa une main sur le bouton du pantalon et leva les yeux vers Jim, qui hocha la tête en déglutissant difficilement. Leonard continua donc, fit glisser le tissu sur chacune des jambes, et il vit la serviette se poser sur la peau nue au fur et à mesure qu'il avançait.

Quand Jim fut débarrassé du vêtement qui lui collait à la peau, son père le jeta dans l'évier à côté de lui et posa une main sur la cuisse amaigrie par-dessus le tissu. Jim baissa un regard inquiet vers lui et Leonard fronça les sourcils.

« Qu'est-ce qui te préoccupe, Jim ?

— Tu-tu n'as pas honte de moi ?

— Jamais je ne pourrai avoir honte de toi, Jim. Je te l'ai déjà dit, tu n'as pas à avoir honte de t'être fait dessus. Tu as été gravement blessé, tu as été malade, tu as été sondé, tout ça, ça fait que tu as perdu une partie de ton contrôle sur ta vessie. C'est normal.

— Mais je ne peux pas retourner au collège comme ça... »

Leonard fronça encore une fois les sourcils et frotta gentiment la cuisse de Jim. Le garçon avait une mine presque angoissée, et son père ne comprenait pas pourquoi.

« Boy, personne n'a parlé de retourner au collège pour l'instant. Tu n'es pas assez rétabli pour ça, et très égoïstement, je préfère t'avoir près de moi. Donc tu ne dois pas te préoccuper de ça.

— Mais quand j'y retournerai, je ne peux pas me faire dessus sans m'en rendre compte...

— Jim, le contrôle d'une vessie se travaille, sourit Leonard en comprenant enfin. Rappelle-toi quand tu étais petit, tu n'en avais pas, et tu as fini par y arriver. C'est exactement la même chose. Tu as perdu des sensations, mais elles reviendront avec le temps. Et si jamais ça ne revient pas assez vite, on trouvera des solutions. »

Jim voulut protester à nouveau, bien vite stoppé par l'index de son père posé sur sa bouche.

« Shh... Ne pense pas au futur, concentre-toi sur le présent. »

Tous deux hochèrent la tête simultanément, puis Leonard revint à sa tâche actuelle. Il ôta les chaussettes des pieds de Jim et les jeta avec le pantalon et la chemise. Il releva ensuite son visage vers le garçon, dont le tumulte émotionnel se lisait sur le visage. Sa respiration était hachée et il mordit sa lèvre.

« Boy, si tu veux te laver en caleçon parce que tu ne veux pas que je l'enlève, ça ne me dérange pas.

— Enlève-le, murmura-t-il, les yeux fermés.

— Jim, je sais ce qu'ils t'ont fait. Je vois que tu n'es pas bien.

— Enlève-le, Papa.

— Jim, je ne veux pas-

— Enlève-le ! » hurla-t-il soudainement.

Face aux larmes emplissant le regard si bleu de son fils, Leonard se plia à sa demande en silence. Il ôta rapidement le caleçon mouillé, les yeux fixés sur le visage de Jim, couvert de larmes salées. Quand le sous-vêtement rejoignit le reste des vêtements dans le lavabo, il remonta la serviette sur le sexe de Jim et prit le garçon dans ses bras, prenant bien garde à ses dernières blessures et au corset de plastique, dernier rempart de sa nudité complète. Tout ce temps, jamais Jim n'ouvrit la bouche. Les yeux fermés, la tête basse, il le laissait faire ce qu'il voulait de lui.

Il le posa sur le tabouret de la douche et se mit lui-même en sous-vêtements. Il enleva ensuite les deux serviettes couvrant Jim qu'il jeta de façon hasardeuse dans la salle de bain et entra à nouveau dans le bac. Il lança le jet d'eau qui se mit à cascader sur eux, et enfin, s'accroupit devant Jim.

« Je suis désolé, mon chat, vraiment désolé.

— Je ne veux pas en parler... croassa Jim. Par pitié, Papa... Pas avant demain.

— Promis. On n'en parle plus. Tu veux bien que je te lave ? »

Jim hocha la tête silencieusement avant de la détourner, son regard fixé sur la paroi de douche. Leonard attrapa le gant et le flacon de savon de Jim, en versa une quantité généreuse dessus, et, méthodiquement, se mit à laver la peau bien trop blanche de son fils. Il se força à oublier l'identité du garçon, comme il l'avait fait avec tant de patients au début de ses études. Il n'était plus son fils, simplement un enfant nécessitant un soin attentif.

Lorsque chaque parcelle de peau fut couverte de mousse, il recommença l'opération avec ses cheveux. La douce odeur de pin se dégageant du shampooing calma légèrement ses nerfs, mais il se sentait toujours agir frénétiquement, pour laisser Jim le moins longtemps possible dans cette position inconfortable pour lui.

Une fois les cheveux propres, Leonard rinça ses mains sous le jet d'eau et se remit face à Jim, ses mains posées sur ses joues.

« Je vais te rincer, mon chat, je vais avoir besoin de te toucher avec mes mains directement. Si tu es gêné par quelque chose, tu me le dis. On va commencer par la tête puis on descendra, ça te va ? »

Jim hocha la tête sans ouvrir les yeux. Son corps était tendu, ses poings serrés, et Leonard prit ses mains entre les siennes, desserrant ses doigts d'un geste délicat.

« Fais attention à tes doigts, chaton. Je te promets qu'il ne t'arrivera rien, tu peux te détendre. »

Le garçon déglutit difficilement et ouvrit enfin les yeux, les plongeant dans ceux de son père. Son regard abritait tant de douleur, il était brisé. Mais Leonard ne voulait pas abandonner, alors il reprit sa tâche, et, avec toute sa délicatesse et son attention, il rinça Jim et le sortit de la douche.

Après cet évènement, il n'avait plus aucun doute que l'audition avec Joshi n'aurait rien d'une promenade de santé.

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